M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Avec cet article, la commission des lois impose au Gouvernement de présenter devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale une feuille de route triennale comportant les engagements, les objectifs en matière de gestion des ressources humaines et leurs conséquences pour les collectivités.

Je comprends cette démarche qui me semble s’inspirer des méthodes du Conseil national d’évaluation des normes dans la mesure où il s’agit, j’imagine, de permettre aux collectivités, en tant qu’employeurs, de prévoir et d’anticiper les conséquences de telle ou telle mesure s’appliquant à la fonction publique territoriale.

Or les orientations en matière de gestion des ressources humaines des agents publics font déjà l’objet d’une concertation dans le cadre de l’élaboration de l’agenda social inter-fonctions publiques et d’un débat dans le cadre de la présentation du rapport annuel sur l’état de la fonction publique au sein du Conseil commun de la fonction publique.

Par ailleurs, nous pouvons prévoir, dans le cadre de l’agenda social inter-fonctions publiques à l’échelle des trois versants, les chantiers qui seront ouverts au cours de l’année avec leur impact sur les années n+1, n+2, voire n+3.

Voilà plusieurs mois, par exemple, nous avons annoncé l’ouverture, dans les prochaines semaines, d’un chantier sur la question de la protection sociale complémentaire. De même, nous avions annoncé, voilà plus de dix-huit mois, l’ouverture d’un chantier indemnitaire sur les questions de logement et de transport. Un dernier chantier indemnitaire concernant les frais de repas reste à ouvrir. Ce retard est dû à des raisons bien compréhensibles d’intérêts contradictoires et de difficultés budgétaires de tel ou tel employeur.

Je crains, d’une part, que l’on ne mette en place un doublon et, d’autre part, d’un point de vue plus opérationnel, que l’engagement triennal pris devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ne soit pas tenu, non par volonté de mal faire ou de mentir au Conseil, mais parce que la plupart des dispositions ayant une incidence en matière de gestion des ressources humaines sont prises en loi de finances, c’est-à-dire annuellement. Rien ne pourrait alors empêcher le Parlement, sur l’initiative du Gouvernement ou non, d’adopter une disposition contradictoire avec la feuille de route triennale.

Pour ces raisons, le Gouvernement demande la suppression de l’article 2 bis. Nous devons mener un travail en termes de visibilité et je ne pense pas que la méthode retenue le permette.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission tenant beaucoup à cet article, monsieur le secrétaire d’État , elle se voit contrainte d’émettre un avis très défavorable sur votre amendement.

Le dépôt de cet amendement de suppression nous a d’ailleurs surpris, le gouvernement auquel vous appartenez clamant haut et fort sa volonté de dialoguer avec les élus locaux, ainsi que son désir de leur offrir des capacités de visibilité à moyen et long termes.

À cet égard, il nous semblait que vous disposiez là d’un outil intéressant, ce que vous avez en partie souligné dans votre argumentaire. Il s’agit d’un outil à la fois très simple et peu contraignant : tous les trois ans, le Gouvernement devra présenter ses orientations en matière de gestion des agents, sur une base indicative, qu’il pourra mettre à jour chaque fois qu’il le souhaitera devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, lieu de discussion avec les élus et les représentants des syndicats.

Il s’agit d’accroître la visibilité pour les élus locaux et de renforcer le dialogue. La fonction publique territoriale est trop souvent à la remorque des décisions de l’État, que ce soit sur la valeur du point d’indice ou sur les accords statutaires.

L’accord Parcours professionnels, carrières et rémunérations coûte, par exemple, 770 millions d’euros aux collectivités territoriales, sans aucune compensation de l’État.

J’imagine que Philippe Mouiller proposera, dans quelques instants, d’enrichir la feuille de route en matière de handicap au travers d’un amendement auquel nous serons très favorables.

Enfin, cette feuille de route n’est pas incompatible avec l’agenda social ou les travaux du Conseil commun de la fonction publique, bien au contraire.

Encore une fois, monsieur le secrétaire d’État, la commission est très défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Il s’agit du premier amendement qui marque une divergence entre la commission et le Gouvernement. S’il ne porte pas sur un sujet stratégique, il me semble hautement symbolique.

Nous viendrait-il à l’idée, en tant que sénateurs représentant les collectivités, d’inscrire dans la loi qu’il appartient à l’État de remettre au Conseil supérieur de la fonction publique ce qu’il préconise de manière pluriannuelle en matière de gestion des ressources humaines de nos collectivités, en matière de revalorisation du point d’indice et en matière de régime indemnitaire ?

Nous viendrait-il à l’idée, nous qui défendons l’autonomie, la responsabilité et la liberté des collectivités, nous qui souhaitons et préparons, parfois en lien avec le Gouvernement, un acte III de la décentralisation, d’inscrire tout cela dans la loi ? Non, bien évidemment ! Or c’est pourtant ce qui figure dans le texte issu des travaux de la commission.

Le Gouvernement nous propose donc de supprimer des dispositions contre lesquelles nous nous serions naturellement érigés. Il y a là une portée symbolique.

Sans doute les conditions de travail en commission, la rapidité avec laquelle nous avons examiné les amendements n’ont-elles pas permis d’être cohérents avec l’esprit du Sénat sur cette disposition précise.

Je crois que la commission se grandirait à être très favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Encore une fois – ce n’est pas habituel –, nous allons suivre l’avis de la commission.

Même si nous n’avons pas eu, comme notre collègue vient de le souligner, le temps d’examiner au fond l’ensemble des amendements – c’est le moins que l’on puisse dire –, nous avons eu le temps de les lire…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est très méritoire !

M. Didier Marie. … et de mesurer l’intérêt de cette feuille de route triennale, laquelle permettrait d’éclairer les collectivités territoriales sur les orientations en matière de gestion des ressources humaines.

Il va de soi que les décisions de l’État ont des conséquences sur la gestion des ressources humaines de nos collectivités. Il est donc naturel de connaître à l’avance les grandes orientations qu’il souhaite prendre.

Par ailleurs, le dispositif que le Gouvernement entend supprimer ne se confond pas avec ce qui existe déjà, notamment le rapport annuel sur l’état de la fonction publique au sein du Conseil commun.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 328.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 14 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller et D. Laurent, Mmes Lavarde et Guidez, M. Vial, Mmes Bruguière, L. Darcos et Deromedi, M. Chaize, Mmes Chauvin et Garriaud-Maylam, MM. Piednoir, Perrin, Raison et Bonhomme, Mme Malet, MM. Morisset, Sol et Panunzi, Mme Lassarade, MM. Cuypers et B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Kennel, Rapin, Mandelli, Forissier, Decool et Lefèvre, Mme Billon, MM. Brisson, Bascher, Détraigne et Husson, Mme Imbert, M. Daubresse, Mme de la Provôté, M. Lafon, Mme de Cidrac, MM. Milon, Kern et Segouin, Mme Ramond, M. Vaspart, Mme Raimond-Pavero, M. Bazin, Mmes Gruny et Berthet, MM. Bizet, Houpert et Guerriau, Mme Morhet-Richaud, M. Henno, Mme Bonfanti-Dossat et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° L’équilibre financier du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et les aides apportées aux agents en situation de handicap dans la fonction publique territoriale.

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Je vais être rapide, puisque j’ai déjà le sentiment que la commission sera favorable à cet amendement. (Sourires.)

Il s’agit de renforcer l’intérêt de la feuille de route triennale en y insérant des informations sur l’équilibre financier du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP.

Le rapport de Catherine Di Folco et de Didier Marie a clairement mis en évidence les inquiétudes sur les réelles capacités de ce fonds à financer les politiques engagées.

Il nous semble important de disposer d’une vision, dans le cadre de cette feuille de route triennale, à la fois sur les obligations de l’État et sur l’incidence de ses décisions sur les collectivités pour savoir si nous sommes réellement capables de financer les politiques dédiées au handicap à hauteur des ambitions annoncées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans l’esprit de la feuille de route triennale. Les objectifs recherchés sont identiques à ceux de la commission : renforcer la visibilité des élus locaux en matière de gestion de ressources humaines et s’assurer de la pérennité du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Il s’agit d’ailleurs d’une préconisation du rapport de Mme Di Folco et de M. Marie. La commission, qui a eu à cœur d’enrichir le texte des travaux les plus contemporains du Sénat, est favorable à ce très bon amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Dans la mesure où il n’est pas favorable à la création de la feuille de route triennale, et sans aucunement remettre en cause l’importance du FIPHFP, le Gouvernement ne peut, par cohérence, qu’être défavorable à cet amendement, qui la renforce.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.

(Larticle 2 bis est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 17 amendements au cours de la soirée ; il en reste 468.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 2 bis (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi de transformation de la fonction publique
Discussion générale

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 19 juin 2019 :

À quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique (texte de la commission n° 571, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 19 juin 2019, à zéro heure vingt.)

Direction des comptes rendus

ÉTIENNE BOULENGER