M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le savez : nous désapprouvons la suppression des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT.

À cet égard, le présent texte reproduit le modèle appliqué dans le privé. Or – mon collègue Fabien Gay l’a rappelé hier soir – ce système n’a fait l’objet d’aucune évaluation véritable. Nous avons même des retours négatifs, y compris de la part des employeurs.

À notre sens, les comités techniques et les CHSCT conservent toute leur légitimité, pour au moins trois raisons.

Tout d’abord, contrairement à l’image des fonctionnaires que l’on véhicule parfois, de nombreux métiers sont pénibles dans la fonction publique. Je pense aux agents qui collectent les ordures ménagères ; aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, les Atsem, qui, aujourd’hui, se retrouvent bien souvent avec des classes d’une trentaine de bambins ; ou encore aux personnels hospitaliers et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad – chacun connaît ici la difficulté de leurs conditions de travail.

Ensuite, l’on assiste à une aggravation des risques professionnels. Or c’est une des causes d’absentéisme dans la fonction publique. Non seulement la santé des agents de la fonction publique est menacée dans son intégrité, mais cette situation a un coût pour la collectivité. Voilà pourquoi il est indispensable d’améliorer les conditions de travail des fonctionnaires, pour garantir une action publique plus efficace, au bénéfice de nos concitoyens.

Enfin – nous le savons tous, et certains de nos collègues le rappellent régulièrement –, certains locaux, notamment dans les établissements scolaires ou universitaires, comportent encore de l’amiante : à cet égard, le maintien des CHSCT se justifie pleinement.

Monsieur le secrétaire d’État, en contrepartie de ces suppressions, vous proposez l’institution de formations spécialisées compétentes en matière de santé, de sécurité, et pour les conditions de travail ; ces dispositions sont bien floues…

Certes, les compétences des CHSCT sont parfois de nature consultative ; mais ces comités ont également des pouvoirs d’intervention directe. Ainsi, ils sont proactifs pour améliorer effectivement les conditions de travail. Or, dans le projet de loi tel qu’il est aujourd’hui rédigé, rien ne permet de les préserver.

J’ajoute que les formations spécialisées mentionnées ne verraient le jour que lorsque le seuil d’effectifs atteindrait 200 salariés pour la fonction publique territoriale et que, pour les autres fonctions publiques, aucune précision n’est apportée. D’ailleurs, plusieurs amendements provenant de toutes les travées tendent à abaisser ce seuil ; il faudrait, au minimum, le porter à 50 salariés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.

M. Jean-Claude Tissot. Nous avons déjà débattu de la suppression des CHSCT en examinant le projet de loi d’habilitation des ordonnances Travail.

Il pourrait sembler logique, au nom de l’harmonisation, que le Gouvernement détruise aujourd’hui dans le secteur public ce qu’il a détruit hier dans le secteur privé… Mais, entretemps, il y a eu le mouvement des gilets jaunes. Et que nous ont dit nos concitoyens à cette occasion ? Qu’ils voulaient plus de démocratie.

Avec ce texte, monsieur le secrétaire d’État, votre réponse est : moins de démocratie sociale, moins d’instances représentatives avec moins de prérogatives et moins de représentants du personnel.

Élu du département de la Loire, je pense forcément aujourd’hui à Jean Auroux : il avait créé les CHSCT, en 1982, pour favoriser le dialogue entre employeurs et employés sur la question fondamentale de la santé et des conditions de travail. Cette instance représentait aussi un progrès parce qu’elle mettait la prévention au cœur de ses travaux.

Après quelque trente années de fonctionnement, cette institution est désormais l’une des plus dynamiques de notre pays. Les élus qui y siègent sont devenus très compétents sur des sujets extrêmement variés et complexes.

Monsieur le secrétaire d’État, vous voulez vous passer de ces compétences au moment même où vous allez généraliser la précarité dans la fonction publique. Or – plusieurs études l’attestent –, dans le domaine de l’emploi, la précarité est associée à une dégradation des conditions de travail et de la situation des salariés précaires en matière d’hygiène et de sécurité : pour les travailleurs précaires, le nombre d’accidents du travail est deux fois plus élevé qu’en moyenne, et les accidents sont deux fois plus graves.

De même, l’insécurité et l’instabilité du travail augmentent la fréquence des risques psychosociaux chez les travailleurs précaires.

Pour faire face à ces risques accrus, vous supprimez l’instance la plus adaptée, et vous la remplacez par une « formation spécialisée », ce CHSCT croupion que les syndicats ont unanimement rejeté. Nous défendrons donc un amendement de suppression de l’article 3, ainsi que plusieurs amendements de repli, pour limiter les dégâts que vous vous apprêtez à faire.

En créant les CHSCT, Jean Auroux disait : « L’entreprise ne peut plus être le lieu du bruit des machines et du silence des hommes. » Avec cet article, vous avez fait le choix, vous, du silence des hommes et des femmes qui se dévouent chaque jour au service de notre pays !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Mme Éliane Assassi. À l’heure où nous débattons des CHSCT, les anciens dirigeants de France Télécom sont entendus par la justice à la suite de suicides ou de tentatives de suicide, de dépressions et de burn-out du personnel causés par une restructuration mortifère.

Quel est donc le signal envoyé par le Gouvernement aux directions de la fonction publique ? À l’instar de l’ordonnance relative au dialogue social du 22 septembre 2017, ce projet de loi porte atteinte à la représentation du personnel par la fusion des instances de représentation au sein des comités sociaux.

Créé – je le rappelle à mon tour – par l’une des lois Auroux de 1982, le CHSCT constitue un véritable progrès social pour les travailleuses et les travailleurs ; et il n’a cessé de monter en puissance ces dernières décennies.

On pense notamment au rôle essentiel que ces structures ont joué dans la lutte contre des projets de réorganisation néfastes pour la santé physique et mentale des personnels, et leurs conditions de travail, mais aussi à leur rôle de lanceur d’alerte pour protéger nos concitoyens contre les politiques de dégradation du service public. Je pense en particulier aux alertes émises par le CHSCT de la SNCF sur l’état des voies ferrées de Brétigny, dont on connaît les conséquences tragiques.

Si les atteintes au droit fondamental à la santé ont pu être dénoncées, c’est en grande partie grâce aux CHSCT, qui ont un rôle spécifique en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, et qui disposent de prérogatives importantes, comme les droits d’alerte et d’expertise.

La volonté du Gouvernement – neutraliser l’action de ces comités – n’est finalement qu’une réponse apportée au patronat et aux directions administratives de la fonction publique. Ces derniers désirent mettre un frein à l’expression collective des salariés sur leurs conditions de travail, en réduisant le nombre des représentants de ceux-ci, leurs moyens, et en les éloignant des collectifs de travail. C’est ce que l’on observe déjà dans le secteur privé avec la mise en place des comités sociaux et économiques, les CSE, depuis 2017.

À cet égard, une note d’étape d’évaluation de l’ordonnance relative au dialogue social, élaborée par France Stratégie, relève que la mise en place des CSE est dominée par un souci de rationalisation économique, et qu’elle n’a pas renouvelé la dynamique du dialogue social. Tel est, précisément, l’unique objectif de la fusion des instances : faire des économies sur la représentation des agents et, ce faisant, les museler !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, sur l’article.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le secrétaire d’État, au travers de l’article 3, vous nous proposez de transformer les instances représentatives du personnel, en suivant la logique mise en œuvre par votre gouvernement pour les salariés du secteur privé. Or le bilan de cette réforme, un peu plus d’un an après son entrée en vigueur, n’est pas du tout positif.

Cette fusion des instances n’a évidemment pas renouvelé le dialogue social : au contraire, elle y a plutôt mis un frein. De plus, les CSE sont instaurés a minima du droit, quand ils sont seulement institués, et ils n’agissent pas du tout dans une logique de développement du dialogue social.

Finalement, vous défendez une vision extrêmement idéologique : vous partez du principe que le dialogue social n’est qu’une perte de temps.

À l’échelle des individus, l’on ne peut que regretter la disparition des CHSCT dans la fonction publique. Les agents de la fonction publique sont confrontés de manières assez diverses à de nombreuses situations où les risques sont présents, qu’ils travaillent à l’hôpital et doivent, notamment, porter des malades, qu’ils soient égoutiers, ou qu’ils travaillent dans le secteur de la petite enfance. Les situations sont très nombreuses et les risques sont très divers.

Cette réforme est également regrettable à titre collectif : j’y insiste à mon tour, l’absentéisme, le fait que beaucoup d’agents, déclarés inaptes, doivent être reclassés, sont un enjeu majeur pour la fonction publique, qu’elle soit d’État, hospitalière ou territoriale.

Chaque être humain, chaque agent n’a qu’un corps, et il serait bon que, collectivement, nous cherchions à le protéger ; et, en parallèle, les enjeux de gestion sont très importants.

À ce titre, la direction générale des collectivités locales, la DGCL, a calculé la somme des bilans sociaux. Entre 2013 et 2015, les décisions d’inaptitude définitive ont bondi de 17 % ; et, dans le même temps, les demandes de reclassement ont augmenté de 12 %, alors même que la vie professionnelle tendait à s’allonger.

La disparition des CHSCT, qui traitaient ces questions majeures de manière prioritaire, ne fera qu’aggraver la situation. Or, malgré les bonnes volontés, 90 % des collectivités territoriales n’ont toujours pas de plan de prévention des risques psychosociaux ; et 88 % des collectivités territoriales n’ont entrepris aucune démarche pour prévenir les troubles musculo-squelettiques.

Une mobilisation générale est donc indispensable, au service de la santé des agents, alors même que ce projet de loi traduit un repli idéologique !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, sur l’article.

M. Jérôme Durain. Depuis leur création, les CHSCT ont permis beaucoup de progrès, notamment des améliorations significatives des conditions de travail. Par leur faculté d’enquête et de visite de sites, ils ont contribué à améliorer les dispositifs de prévention et à faire reculer, dans de nombreuses administrations, les risques de souffrance au travail. Ils sont le lieu idéal pour mettre en œuvre les dispositifs de lutte contre les violences sexistes ; pour prévenir, identifier et résorber les situations de harcèlement ; pour prendre en compte, de manière générale, la santé des agents au travail.

Les CHSCT permettent à la fois d’améliorer les conditions de travail des agents et d’informer, et donc de protéger l’employeur, dont la responsabilité peut être engagée en cas d’absence de réponse et d’anticipation des risques de harcèlement notamment.

Qu’en sera-t-il à l’heure des réorganisations de services, avec les situations de gestion du stress qui en découleront ? On connaît les risques particuliers auxquels la fonction publique hospitalière doit faire face. Je pense en particulier aux risques psychosociaux et physiques, auxquels s’ajoutent, dans les trois versants de la fonction publique, différents cas d’accidentologie.

La suppression des CHSCT pose aussi la question des compétences acquises par les représentants du personnel, sur des sujets souvent complexes, qui exigent une ingénierie et une expertise spécifiques.

Au sein des nouvelles formations spécialisées, les élus, par ailleurs membres des comités techniques, devront assumer une charge de travail très lourde. On peut même se demander si le sens de leur mission ne sera pas remis en cause. C’est la raison pour laquelle nous proposerons, par voie d’amendement, que les syndicats puissent mandater des collègues plus spécialisés. Ce faisant, l’on éviterait également de faire dériver le syndicalisme vers une forme de professionnalisation, ou d’institutionnalisation, résultant de la baisse des moyens.

Enfin, la suppression des CHSCT priverait les syndicats de la capacité d’alerter l’inspection du travail ou d’ester en justice. Pourtant, le Gouvernement devrait être conscient des risques qu’entraînerait, en matière de prévention, une baisse de la vigilance : le récent procès des dirigeants de France Télécom illustre les dérives d’une nouvelle façon de manager, plus libérale et, en somme, plus expéditive.

Puisque le Gouvernement souhaite réorganiser la fonction publique, la restructurer par une nouvelle politique de ressources humaines, il devrait se prémunir de tout dérapage et maintenir ces instances, qui protègent aussi les employeurs.

Je relève à mon tour que le système actuel n’a fait l’objet d’aucun bilan : pourquoi défaire une instance qui fonctionne et qui donne entière satisfaction ?

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, vous proposez de supprimer les CHSCT au profit de formations spécialisées, compétentes en matière de santé, de sécurité, d’hygiène et de conditions de travail.

Toutefois, du moins au sein de notre groupe, nous nous interrogeons : pourquoi ces formations spécialisées sont-elles dénuées de la personnalité morale ? Sur ce point, le texte n’apporte aucune précision.

Faute de personnalité morale, ces instances ne pourraient ni délibérer, ni émettre d’avis, ni, éventuellement, recourir au droit d’alerte ou mobiliser des experts pour les assister dans leurs missions.

Or cette réflexion n’est pas seulement de nature technique, et je sais que vous le savez… En effet, les CHSCT avaient vocation à « contribuer à la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des agents dans leur travail ». Vous proposez de remplacer « contribuer » par « connaître » : ce nouveau verbe a autant de sens que le précédent, mais il n’a pas la même signification ! La terminologie traduit bel et bien une volonté de porter atteinte aux missions préventives des CHSCT, puis, éventuellement, à leur rôle revendicatif.

Dès lors, la question est la suivante : qu’apportera la formation spécialisée en matière de santé ? Qu’apportera-t-elle, pour les agents des trois fonctions publiques, en termes d’hygiène ? Qu’apportera-t-elle, concrètement, dans les domaines de la sécurité et des conditions de travail ? C’est ce débat qui nous intéresse, en tant que parlementaires ; c’est le débat qui intéresse l’ensemble des agents des trois fonctions publiques ; et c’est ce débat qui intéresse nos concitoyens, qui se préoccupent de l’avenir du service public !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ma réponse aux différents orateurs vaudra avis sur les amendements de suppression, qui seront examinés dans quelques instants ; et – ce n’est pas une surprise –, cet avis sera défavorable.

Tout d’abord, pour répondre à une crainte parfois exprimée, je souligne qu’aucune compétence ne disparaîtra avec cette réforme : le comité social, instance unique que nous créons, reprendra l’intégralité des attributions exercées jusqu’à présent par le CHSCT et par le comité technique. En outre – j’ai eu l’occasion de le dire hier –, nous lui confions une compétence particulière, quant à la définition des lignes directrices de gestion des ressources humaines et à la définition des règles générales d’accès à la mobilité et à la promotion.

Pour la création des formations spécialisées, le texte initial du Gouvernement fixait un seuil de 300 équivalents temps plein ; mais, à la demande de vos collègues députés, et en écho à une saisine de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’AMF, nous l’avons porté à 200 équivalents temps plein. Cette disposition s’appliquera à la fonction publique territoriale. Pour ce qui concerne la fonction publique d’État et la fonction publique hospitalière, ce seuil relèvera d’un décret. Je vous indique d’ores et déjà qu’il sera de 300 équivalents temps plein.

Je tiens également à apporter quelques précisions, qui ont leur importance.

Tout d’abord, si, avec l’accord des organisations syndicales, un employeur souhaite créer une formation spécialisée alors que ses effectifs sont inférieurs au seuil applicable, il en aura la possibilité. À défaut, l’instance unique exercera l’ensemble des compétences.

Ensuite, à l’heure actuelle, seuls les membres des CHSCT reçoivent une formation obligatoire pour ce qui concerne les questions d’hygiène et de sécurité. Demain, tous les membres du comité social seront astreints à cette obligation de formation ; ainsi, le champ de compétences sera élargi, en la matière, à toutes les parties prenantes du dialogue social.

Enfin – je pourrai revenir sur ce point, si vous le souhaitez, pour vous donner davantage de détails –, la formation spécialisée doit travailler selon le principe de subsidiarité, pour éviter qu’un dossier examiné par ses soins ne revienne devant l’instance. Voilà pourquoi nous refusons le recours au mandatement pour la désignation des membres titulaires de la formation spécialisée : ces derniers devront être, soit titulaires, soit suppléants du comité social. En revanche, nous avons accepté le principe du mandatement par les organisations syndicales pour les suppléants de la formation spécialisée. Ainsi, les compétences particulières seront valorisées.

Monsieur Savoldelli, dans les faits, la question de la personnalité morale ne concerne que la fonction publique hospitalière. Dans ce versant, les CHSCT sont effectivement des personnes morales ; de ce fait, et dans des conditions dérogatoires par rapport aux deux autres versants de la fonction publique, ils peuvent effectivement solliciter des expertises.

Toutefois, nous souhaitons harmoniser les dispositions applicables dans la fonction publique : la formation spécialisée aura le même fonctionnement et les mêmes prérogatives dans les trois versants de la fonction publique. Effectivement, elle n’aura pas la personnalité morale. Mais nous avons trois ans, jusqu’en 2022, pour mener la concertation, nécessaire, quant à l’expertise par les formations spécialisées, tout particulièrement dans le secteur hospitalier. C’est ce à quoi nous allons nous employer.

Non seulement cette réforme n’entraînera aucune perte de compétences, mais elle aura un gain : la simplification.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Dans bien des secteurs, dans bien des établissements publics, quel que soit le versant considéré, celles et ceux qui ont eu l’occasion de présider des CHSCT ou des comités techniques le savent bien : la composition de ces instances, comme les sujets qu’elles traitent, se ressemble parfois furieusement !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 17 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 99 rectifié ter est présenté par MM. Marie, Durain et Kanner, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal, Raynal et Tissot, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 17.

M. Fabien Gay. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez certes de nous répondre ; mais, puisque nous ne sommes pas satisfaits de votre réponse, nous allons continuer le débat ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Fabien Gay. L’article 3 fusionne les comités techniques et les CHSCT en une instance unique : le comité social.

Nous l’avons dit : il s’agit là d’un simple copier-coller de la réforme appliquée au secteur privé en septembre 2017, avec les ordonnances dites Macron. D’ailleurs, nous vous avons demandé si vous disposiez d’une étude d’impact sur ce sujet et nous n’avons toujours pas de réponse…

Au sein de notre groupe, nous étions totalement opposés à cette réforme ; de même, nous avions combattu le projet de loi El Khomri, sous le quinquennat précédent. Nous avons donc une certaine cohérence !

À nos yeux, le comité social, créé en lieu et place des comités techniques et des CHSCT, et aspirant même certaines prérogatives des commissions administratives paritaires, les CAP, porte en germe une dégradation du dialogue social sur les conditions de travail de tous les agents publics : dès lors, les risques sociaux et les risques en matière de santé seront moins bien pris en considération.

Dans le secteur public comme dans le secteur privé, beaucoup d’agents subissent aujourd’hui la dégradation de leurs conditions de travail, sous l’effet de l’augmentation des charges de travail et des réorganisations permanentes – c’est sûrement ce que vous appelez la « simplification » ! Ils souffrent d’un manque de reconnaissance et d’une perte de sens de leurs missions. Ces dispositions constituent donc, selon nous, un très mauvais signal.

La suppression des CHSCT est un recul inacceptable. Tous les syndicats représentatifs des fonctionnaires considèrent que « le retour […] à une instance unique aurait comme conséquence d’affaiblir et de diluer le travail à mener sur des thématiques très différentes et dont l’importance justifie une approche et des moyens qui ne sauraient être édulcorés. » Ils estiment ainsi que l’on aurait pu clarifier les attributions de ces comités sans pour autant aboutir à une fusion qui, dans l’esprit des promoteurs de ce projet, permettra d’utiles économies au titre des moyens.

Cette vision purement comptable est totalement déconnectée des enjeux sociaux et sanitaires, alors même que, dans les trois versants de la fonction publique, les agents dans leur ensemble subissent une grande souffrance au travail !

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 99 rectifié ter.

M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez donné par avance votre avis sur ces deux amendements de suppression. À vous entendre, la réforme ne va rien changer… Sauf dans les administrations qui dénombrent entre 50 et 200 agents : dans ces structures, les CHSCT seront purement et simplement supprimés, et la formation spécialisée ne sera pas obligatoire.

Cette réforme ne va rien changer, sauf pour la disponibilité et la compétence des délégués du personnel, qui, depuis 2014, se sont spécialisés pour répondre aux problématiques d’hygiène, de sécurité et de santé.

Cette réforme ne va rien changer – et c’est bien dommage – pour ce qui concerne la lutte contre le harcèlement moral et contre le harcèlement sexuel, face auquel – le mouvement #MeToo nous l’a rappelé – il y a encore beaucoup à faire.

Cette réforme ne va rien changer – et c’est bien dommage – quant à la lutte contre la souffrance au travail, qui est un véritable fléau, à la prévention des burn-out, encore non reconnus, et au signalement des problèmes de santé de très nombreux agents – je pense en particulier à la fonction publique hospitalière, où, passé cinquante ans, le taux d’invalidité des agents est considérable.

Enfin, cette réforme ne va rien changer – et c’est bien dommage – pour la mise en œuvre de plans de prévention : les précédents orateurs l’ont rappelé, ces documents manquent encore dans bon nombre d’administrations.

La sécurité, l’hygiène et les conditions de travail sont non pas des questions annexes ou secondaires, mais des problématiques majeures. Or, avec les dispositions que vous défendez, 2 054 CHSCT seront supprimés dans la fonction publique d’État ; 4 800 dans la fonction publique territoriale ; et 2 200 autres dans la fonction publique hospitalière. Une instance unique est appelée à les remplacer, et l’on imagine aisément ce qu’elle laisse augurer : la dégradation de la prise en compte de ces problématiques, qu’il s’agisse de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail.

Voilà pourquoi nous appelons à la suppression de l’article 3.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Ces deux amendements visent à revenir sur la fusion des comités techniques et des CHSCT dans les trois versants de la fonction publique. Pour notre part, nous n’avons pas une vision aussi pessimiste que leurs auteurs. La création des comités sociaux nous apparaît même, au contraire, comme une œuvre de simplification : dans la pratique, les compétences des CHSCT et des comités techniques ont souvent tendance à se chevaucher. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Mes chers collègues, cette réforme ne supprime aucune des prérogatives aujourd’hui exercées par les comités techniques et par les CHSCT. De plus, il n’est pas démontré que, en multipliant les structures sur le terrain, l’on gagne en efficacité… Nous sommes donc favorables à cette simplification qu’est la création d’une instance unique, à savoir le comité social. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Monsieur Gay, je vous ai écouté avec une attention toute particulière ; et, à l’issue de votre démonstration, je tire une conclusion à l’opposé de la vôtre !

Aujourd’hui, malgré l’existence des CHSCT, les difficultés au travail sont très présentes, et elles augmentent : vous insistez sur ce point, à juste titre. Mais j’en conclus que ces instances n’ont pas fait la preuve de leur efficacité : à l’évidence, les problèmes sont là. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

En outre, l’habit ne fait pas le moine, et la structure ne fait pas la mission. Vous avez tout à fait raison, il faut redoubler d’efforts dans toutes les branches de la fonction publique pour améliorer les conditions de travail. Mais l’on ne pourra jamais résoudre les problèmes en les traitant dans des structures séparées.

Plutôt que de raisonner en silo, mieux vaut traiter ces questions d’ordre social dans une structure commune : cette méthode sera beaucoup plus efficace. Persister dans la logique actuelle, ce n’est pas servir la cause des fonctionnaires ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)