M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est, sans en avoir l’air, un texte crucial pour la souveraineté de notre pays. En effet, le fonctionnement et l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles sont sur le point de connaître une véritable révolution, avec le déploiement de la cinquième génération de ces technologies, la 5G.

Loin d’être une simple 4G améliorée, la 5G constitue bien une rupture, dont les effets devraient profondément marquer nos structures économiques, mais aussi notre modèle de sécurité.

Bien entendu, la France et l’Europe ne sauraient rester en marge de ce développement. En effet, la 5G est d’ores et déjà en cours de déploiement dans le monde ; certains pays, comme la Chine, sont même parvenus à un stade très avancé. De notre capacité à suivre, voire – soyons ambitieux – à prendre de l’avance dépendront donc notre compétitivité et, in fine, notre place dans le monde.

D’un point de vue économique et industriel, la diffusion de cette technologie ouvre de fait la voie à des applications et des usages variés et nouveaux ; l’internet des objets, la domotique, la mobilité ou encore les « villes intelligentes » en sont quelques-uns. Tous ces secteurs d’avenir sont conditionnés à l’accès à la 5G, donc au bon développement des infrastructures adaptées.

Néanmoins, au-delà des effets bénéfiques attendus pour la croissance de nouveaux secteurs de notre économie, je souhaiterais m’attarder sur les problématiques que pose l’émergence de cette nouvelle technologie.

La commission des affaires étrangères et de la défense à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir ne s’y est pas trompée en se saisissant de la question : la 5G soulève un enjeu important en termes de souveraineté et de sécurité pour notre nation. Je tiens ainsi à remercier son rapporteur, Pascal Allizard, de la qualité de ses travaux, qui s’inscrivent en parfaite complémentarité avec ceux de notre collègue Catherine Procaccia, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques. (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)

La 5G vient en effet renforcer les doutes sur notre capacité à conserver le contrôle des données produites sur notre territoire, et ce d’autant plus que la croissance exponentielle du nombre d’appareils et de systèmes connectés ne fera qu’accroître les risques d’attaques.

De plus, et peut-être de manière encore plus inquiétante, ces nouveaux réseaux devraient se révéler particulièrement vulnérables du fait de leur immatérialité et de leur éparpillement.

Or ils seront, dans le même temps, encore plus vitaux que les réseaux actuels, et ce à la fois pour nos activités civiles, celles de nos armées et de nos forces de sécurité intérieure. En effet, c’est l’un des défis majeurs soulevés par la 5G : notre défense dépendra de plus en plus des réseaux civils de télécommunication.

Par conséquent, nous accueillons ce texte avec un grand intérêt : il met en place un régime d’autorisation applicable à tous les opérateurs, afin de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale.

Cette proposition de loi institue un nouveau régime d’autorisation administrative, permettant à l’État de maîtriser le déploiement des réseaux 5G et de s’assurer de leur résilience, sans pour autant entraver leur développement. Celui-ci devra néanmoins faire l’objet d’une évaluation, notamment au regard de l’évolution des usages, inconnus aujourd’hui, et du développement des technologies. C’est une garantie de la pérennité de cette protection.

Vous l’avez compris, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi, ainsi que les amendements des rapporteurs. Il demeurera très attentif aux conséquences du déploiement de cette nouvelle technologie, aussi riche de promesses que de risques. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà réunis en ce 26 juin pour examiner la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles, qui a été déposée par le groupe La République En Marche de l’Assemblée nationale.

Ce texte est important, si l’on en juge par l’actualité de ces derniers jours et par les soupçons d’espionnage et de piratage entre pays à travers le monde. C’est pourquoi il convient de souligner que la France sera précurseur dans ce domaine, qui requiert vigilance et ambition, dans l’attente de décisions des États membres à l’échelon européen.

Ce texte, qui reprend un amendement que le Gouvernement avait présenté dans le cadre de la loi Pacte, a fait l’objet d’un important travail des rapporteurs, dont celui de notre collègue Catherine Procaccia, au nom de la commission des affaires économiques.

Je voudrais souligner les améliorations apportées à ce texte, qui porte sur un domaine particulièrement sensible en raison des caractéristiques de la technologie concernée, qui ouvre de très nombreuses applications et accentue par conséquent les défauts de sécurisation.

La Commission supérieure du numérique et des postes, dont je suis membre, s’était d’ailleurs autosaisie du sujet dans le cadre de l’examen du projet de loi Pacte, car le Gouvernement n’avait pas jugé opportun de solliciter son avis.

En début d’année, nous avons auditionné la direction générale des entreprises – la DGE –, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information – l’Anssi – et la Fédération française des télécoms, notamment, tant il nous paraissait essentiel de doter la France d’un dispositif de sécurisation des réseaux, sans pour autant que cette évolution se fasse aux dépens des professionnels et de la compétitivité de nos entreprises.

En effet, si la cinquième génération de standards de télécommunications mobiles ouvre le champ des possibles pour de nombreuses utilisations, permettez-moi une nouvelle fois de déplorer que bon nombre de territoires, particulièrement en zone rurale, ne soient même pas dotés de la 3G ! Dans mon département des Hautes-Alpes, les maires et les entreprises me font régulièrement part de leur désarroi face à une situation qui empire dans certaines communes.

Il est donc impossible d’aborder l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles sans parler des enjeux de cohésion territoriale et des dangers liés au déploiement du très haut débit fixe dans certains territoires, alors que d’autres ne sont pas dotés du moindre équipement. Je parle de territoires où il est techniquement compliqué d’apporter des solutions satisfaisantes, et financièrement difficile d’agir pour les collectivités au regard des sommes en jeu.

Nous devons veiller à ne pas être pris en otage par les États-Unis et la Chine, qui, eux, sont déjà passés à la vitesse supérieure.

Les réseaux 5G mettent en œuvre une autre technologie, une technologie de rupture, avec des débits plus importants et un temps de latence bien plus faible qu’aujourd’hui. L’employabilité de la 5G sera donc très étendue et offrira des perspectives très intéressantes, par exemple pour le secteur industriel. Elle présente un autre point fort, à savoir sa densité, puisque le nombre de connexions simultanées pourra être multiplié par dix par rapport à la 4G.

L’ensemble de ces éléments doit nous amener à faire preuve d’une très grande vigilance en matière de cybersécurité, non seulement en ce qui concerne les réseaux de la sécurité nationale, mais aussi pour l’ensemble des équipements, puisque la 5G entraîne un changement d’échelle et multiplie, par conséquent, les risques d’une exploitation malveillante, voire criminelle.

Face aux risques encourus, nous devons rester vigilants, sans pour autant pénaliser les opérateurs français, qui ont peu de marges de manœuvre et qui n’auront pas le monopole de son utilisation.

Ce texte doit tendre vers un juste équilibre, qui permette de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, sans retarder le déploiement de la 5G et restreindre ses multiples usages. Tel qu’il nous est proposé, il va dans ce sens, puisqu’il simplifie les démarches sans sous-estimer les risques et qu’il identifie la chaîne des responsabilités dans le cadre des demandes d’autorisation, qui doit reposer sur les opérateurs situés en France.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Pierre Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Rachel Mazuir. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les médias se font régulièrement l’écho de cyberattaques d’envergure en direction des États, au moment des élections présidentielles américaines par exemple, ou en direction de grands groupes industriels. Les plus connues d’entre elles se nomment WannaCry ou NotPetya. Cependant, même si l’on n’en parle pas ou peu, de simples citoyens sont aussi victimes de hackers. Tout cela sous le règne de la 4G !

Aussi, faut-il avoir peur de la 5G ou, à tout le moins, doit-on s’en inquiéter ? Cette question est peut-être exagérée, mais on peut se la poser à la lecture de cette proposition de loi et, surtout, à la lecture des arguments et attendus qui l’expliquent et la justifient. D’ailleurs, la plupart des précédentes interventions soulignent peu ou prou cette inquiétude.

Pour confirmer ce sentiment, il suffit de lire la déclaration de la Commission européenne, qui a cru nécessaire d’alerter les États membres le 26 mars 2019 en expliquant que : « Les réseaux de cinquième génération seront à l’avenir l’épine dorsale de nos sociétés et de nos économies, reliant des milliards d’objets et de systèmes, y compris dans des secteurs critiques comme l’énergie, les transports, les banques et la santé, ainsi que des systèmes de contrôle industriel qui véhiculent des informations sensibles – nous en connaissons tous – et étayent des dispositifs de sécurité ».

Je n’oublie pas l’émergence de technologies qui seront sans doute dopées par la 5G : je veux parler de l’industrie 4.0, une nouvelle génération d’usines connectées, robotisées et intelligentes.

Néanmoins, la Commission européenne insiste encore et invite les États à prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires pour garantir cette sécurité. Elle suggère – pour ma part, je trouve qu’elle le fait de manière péremptoire, mais pourquoi pas ! – « l’obligation renforcée, pour les fournisseurs et les opérateurs, de garantir la sécurité des réseaux. » On ne peut qu’être d’accord avec cette préconisation. La 5G repose et reposera de plus en plus sur des équipements virtuels, des réseaux déconnectés qui accroîtront sa vulnérabilité.

Sans entrer dans des détails trop techniques, que d’autres ici maîtrisent d’ailleurs sûrement mieux que moi, il faut constater que, jusqu’à présent, les fonctionnalités reposaient sur des éléments physiques, les logiciels étant eux-mêmes disséminés dans ces équipements.

Avec la 5G, les logiciels seront réunis dans le cloud, c’est-à-dire un stockage et un accès par l’intermédiaire d’internet, plutôt que par le disque dur d’un ordinateur, les serveurs pouvant être localisés ailleurs, à des distances importantes ou, du moins, plus importantes. La circulation des données sera de fait beaucoup moins centralisée.

Les antennes deviennent elles-mêmes actives et intelligentes. Les informations de plus en plus déconcentrées sont en conséquence davantage vulnérables et peuvent davantage être interceptées. C’est entre autres pour l’une de ces raisons, j’imagine, que la commission des affaires étrangères et de la défense s’est saisie de ce sujet pour avis.

La sécurité des réseaux est d’une importance vitale pour notre société et, au premier chef, pour nos forces de sécurité : gendarmerie, police, services de secours et d’incendie et, plus encore, armées. Ces forces interviennent et s’appuient sur les réseaux civils de télécommunication pour leurs activités opérationnelles sur le territoire national. Elles sont donc directement concernées par le développement de la 5G et tout particulièrement sensibilisées à sa potentielle vulnérabilité.

Des expérimentations de la technologie 5G ont été lancées en France en 2018. Comme vous le savez, l’attribution des bandes de fréquences est prévue pour la fin de l’année. Le déploiement des équipements devrait commencer en 2020, avec un achèvement éventuel en 2022 ou 2023 ; d’où l’examen en procédure accélérée de cette proposition de loi après le rejet d’un d’amendement déposé à l’occasion de la discussion de la loi Pacte. Le sujet, madame la secrétaire d’État, méritait manifestement mieux qu’un amendement.

Avons-nous pour autant satisfait ou épuisé le sujet, tout en ayant répondu à toutes les interrogations ? Certainement pas ! Le directeur de l’Anssi disait lui-même que toutes les ressources de la 5G n’avaient pas été explorées et qu’il s’en fallait de beaucoup.

Pour autant, ce texte que l’on nous demande d’adopter dans l’urgence est indispensable. On peut regretter cette urgence, qui nous a privés d’un travail parlementaire beaucoup plus approfondi – certains orateurs l’ont déjà dit –, mais ce texte est une réponse appropriée pour le moment.

Je rejoins ma collègue Viviane Artigalas pour souhaiter un suivi permanent de cette technologie, par essence particulièrement évolutive et nécessitant en conséquence des adaptations régulières.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Rachel Mazuir. J’en termine, monsieur le président.

La 5G sera une véritable rupture technologique, ouvrant des champs d’application considérables. Elle est une chance que nous devrons saisir et nous approprier, tout en prenant toutes les mesures possibles en termes de sécurité.

Quelqu’un a dit qu’il s’agissait d’une chance historique.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Rachel Mazuir. Je le confirme : le groupe socialiste de la commission des affaires étrangères et de la défense votera ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je répondrai très brièvement aux orateurs qui se sont exprimés.

En ce qui concerne l’absence d’étude d’impact, les travaux qui ont été menés, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat – notamment les auditions, qui furent riches, professionnelles et complètes –, ont à mon sens fait toute la lumière sur ce texte.

Comme vous venez de le souligner, monsieur le sénateur Mazuir, nous n’avons probablement pas pris la mesure de l’ensemble des ressources de la 5G. En revanche, nous avons bien pris la mesure de ce texte, sur lequel nous avons bien travaillé.

S’agissant de notre politique industrielle, monsieur Gay, je veux tout d’abord rappeler que deux des trois équipementiers qui opèrent en France sont européens. Ainsi, les centres de 5G et les laboratoires de recherche de Nokia sont implantés en France, entre Lannion et Saclay. Nous devrions plutôt nous féliciter de cette situation.

Le troisième équipementier est effectivement chinois, mais on parle d’un quatrième équipementier, Samsung, qui pourrait être intéressé. Cette entreprise se montre intéressée, parce qu’elle partage la même vision en matière de protection, de respect et de traitement des données personnelles que celle de l’Union européenne. Le bilan est donc plutôt positif sur ce plan.

En ce qui concerne les bandes de fréquences, monsieur le sénateur, nous les attribuons également à des groupes français.

Par ailleurs, je voudrais préciser que la feuille de route de la 5G, qui date du mois de juillet 2018 et sur laquelle nous avons beaucoup travaillé, en associant un certain nombre d’associations, d’entreprises et de représentants de la société civile, traite évidemment des questions de santé.

Ce sujet est pris en compte au travers d’un dispositif qui est d’ores et déjà en place, puisque toutes les émissions de la 5G sont mesurées par l’Agence nationale des fréquences, qui les transmet à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses, pour une analyse précise.

En outre, un comité créé par la loi dite « Abeille » suit ces questions et échange avec des associations de consommateurs. Ce sujet est évidemment couvert, ce qui était d’ailleurs le cas avant même que nous lancions les enchères pour les bandes de fréquences 5G.

Je voudrais également rappeler que nous sommes en pointe sur l’illectronisme. C’est nous qui avons mis en place le fonds destiné à réduire la fracture numérique et traiter le problème de ces 13 millions de Français qui n’ont pas accès au numérique, parce qu’ils ne savent pas le faire fonctionner.

Il faut aussi souligner le travail que nous avons réalisé pour mieux couvrir les territoires à la fois en 4G et en très haut débit – je crois que la Haute Assemblée est sensible à cette question. En deux ans, nous avons fait autant dans le domaine du très haut débit qu’au cours des cinq années précédentes.

Pour vous donner une idée, ces efforts représentent un déploiement de câbles à fibre optique qui équivaut à cinq fois le tour de la Terre, soit plus de 20 millions de kilomètres. S’agissant de la 4G, nous avons progressé de 50 % dans le cadre d’une opération sans égale, le New Deal mobile : nous avons renoncé à une source d’argent facile, pour accélérer le déploiement de la 4G et faire en sorte que 99,5 % de la population soient couverts.

Ces efforts doivent être relevés, d’autant plus que nous partions de loin à l’échelle européenne : nous étions à la vingt-septième ou la vingt-huitième place en termes de couverture, tant mobile que fixe, selon les indices partagés au niveau de l’Union européenne – vous savez sans doute qu’il existe un classement régulier des États dans ce secteur. Il faudrait donc plutôt rendre hommage au Gouvernement de s’être pleinement emparé du sujet et d’avoir fortement accéléré les choses.

Monsieur Chaize, s’agissant de l’Union européenne et des démarches qui sont engagées, sachez que l’Australie a interdit un équipementier et que le G7 s’est emparé du sujet, en créant le même type de dispositif que la France.

Dans la mesure où j’ai participé au G7 numérique, je puis vous assurer que les différents pays de l’Union développent des réflexions tout à fait convergentes sur le sujet. Ainsi, la Suède est actuellement en train de réfléchir à cette problématique et les Pays-Bas, un pays dont le protectionnisme n’est pas la première des valeurs, vont bientôt sortir un rapport sur le régime d’autorisation préalable à l’exploitation de la 5G.

Il existe donc une très grande convergence de vues au niveau européen sur ces questions. Les États l’abordent de la même manière, et non en ordre dispersé.

Bien entendu, la Commission européenne, M. Mazuir l’a rappelé à l’instant en citant les conclusions du 26 mars dernier, coordonne l’action de l’ensemble des pays, non seulement parce que le sujet est primordial pour des raisons de roaming qui ne vous ont pas échappé, mais également parce que nous souhaitons collectivement et au niveau du Conseil européen avancer sur le sujet, même s’il s’agit d’une prérogative propre à chaque État. Nous souhaitons partager le maximum d’informations, afin de défendre notre souveraineté technologique et notre souveraineté tout court.

Enfin, la rétroactivité vise les matériels déployés dans le cadre de l’expérimentation. Ce point a très tôt fait l’objet d’échanges avec les équipementiers et les opérateurs, lesquels, je le rappelle, font déjà l’objet d’autorisations au titre de l’article R. 226-3 du code pénal.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la france dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles
Article 2

Article 1er

Le chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complété par une section 7 ainsi rédigée :

« Section 7

« Régime dautorisation préalable de lexploitation des équipements de réseaux radioélectriques

« Art. L. 34-11. – I. – Est soumise à une autorisation du Premier ministre, dans le but de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, l’exploitation sur le territoire national des appareils, à savoir tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau radioélectrique mobile de cinquième génération et des générations ultérieures qui, par leurs fonctions, présentent un risque pour l’intégrité, la sécurité, la confidentialité et la continuité de l’exploitation du réseau, à l’exclusion des appareils installés chez les utilisateurs finaux ou dédiés exclusivement à un réseau indépendant, des appareils électroniques passifs ou non configurables et des dispositifs matériels informatiques non spécialisés incorporés aux appareils.

« L’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I n’est requise que pour l’exploitation, directe ou par l’intermédiaire de tiers fournisseurs, d’appareils par les opérateurs mentionnés à l’article L. 1332-1 du code de la défense, ainsi désignés en vertu de leur activité d’exploitant d’un réseau de communications électroniques ouvert au public.

« La liste des appareils dont l’exploitation est soumise à l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I est fixée par arrêté du Premier ministre, pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

« II. – L’autorisation d’exploitation d’un appareil peut être octroyée après examen d’un dossier de demande d’autorisation remis par l’opérateur. Le dossier précise les modèles et les versions des appareils pour lesquels l’autorisation est sollicitée.

« L’autorisation est octroyée, le cas échéant sous conditions, pour une durée maximale de huit ans. Le renouvellement de l’autorisation fait l’objet d’un dossier de demande de renouvellement, qui est remis au moins deux mois avant l’expiration de l’autorisation en vigueur.

« Les modalités d’octroi de l’autorisation, les conditions dont elle peut être assortie, ainsi que la composition du dossier de demande d’autorisation et du dossier de demande de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission supérieure du numérique et des postes, qui se prononcent dans un délai d’un mois à compter de leur saisine.

« Art. L. 34-12. – Le Premier ministre refuse l’octroi de l’autorisation prévue à l’article L. 34-11 s’il estime qu’il existe un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale résultant du manque de garantie du respect des règles mentionnées aux abef et f bis du I de l’article L. 33-1 relatives à l’intégrité, à la sécurité, à la confidentialité et à la continuité de l’exploitation des réseaux et de la fourniture de services. Sa décision est motivée sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des a à f du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration.

« Le Premier ministre prend en considération, pour l’appréciation de ce risque, le niveau de sécurité des appareils, leurs modalités de déploiement et d’exploitation envisagées par l’opérateur et le fait que l’opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, est sous le contrôle ou soumis à des actes d’ingérence d’un État étranger.

« Un tel refus ne peut être décidé que si les risques de ralentissement du rythme de déploiement des appareils sur le territoire national, de renchérissement des coûts de ce déploiement et de remise en cause de l’accès des utilisateurs finaux aux services qui en résultent sont proportionnés au risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale.

« Art. L. 34-13. – I. – Si l’exploitation des appareils mentionnés au I de l’article L. 34-11 est réalisée sur le territoire national sans autorisation préalable ou sans respecter les conditions fixées par l’autorisation, le Premier ministre peut enjoindre à l’opérateur de déposer une demande d’autorisation ou de renouvellement ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure, dans un délai qu’il fixe.

« Ces injonctions ne peuvent intervenir qu’après que l’opérateur a été mis en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours, sauf en cas d’urgence, de circonstances exceptionnelles ou d’atteinte imminente à la sécurité nationale.

« II. – Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle prévoyant l’exploitation des appareils mentionnés au I de l’article L. 34-11 lorsque cette activité n’a pas fait l’objet de l’autorisation préalable exigée sur le fondement du même article L. 34-11 ou d’une régularisation dans les délais impartis.

« Art. L. 34-14 (nouveau). – La présente section est applicable dans les îles Wallis et Futuna. »

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Le déploiement de la 5G entraînera une virtualisation et une décentralisation des réseaux, qui rendront ceux plus vulnérables. Cette vulnérabilité concerne la sécurité des biens et des personnes, mais aussi la continuité de l’action de l’État. Ici, il est essentiellement question des réseaux régaliens de la sécurité intérieure et civile.

Or, dans la course au déploiement de la 5G, plusieurs études soulignent que les opérateurs dits « verticaux » sont aussi dans les starting-blocks, et qu’il y aura un développement et une multiplication de réseaux privés. En effet, la 5G, ce sera du très haut débit en mobilité nationale, mais aussi au niveau local, en bande étroite, dans les aéroports, les gares et les sites industriels, avec la possibilité de remplacer très avantageusement le WiFi pour les objets connectés, les véhicules autonomes et divers services que l’on n’imagine même pas aujourd’hui.

Comme les débats à l’Assemblée nationale l’ont montré, si l’on peut estimer que les risques pesant sur les réseaux privés ne présentent pas le même caractère systémique que ceux qui pèsent sur les opérateurs de télécommunication, la 5G modifiera très certainement les équilibres actuels. Ce dernier point mérite une attention particulière dans un contexte de privatisation de nombreuses entreprises en réseau.

Nous pensons en particulier à EDF, dont le futur est très incertain aujourd’hui, puisque l’on parle d’une scission possible de l’entreprise, avec une privatisation partielle ; nous pensons à la SNCF dont la privatisation larvée est en cours ; nous pensons aussi à ADP – quoique vous soyez bien mal partis à cause du référendum, madame la secrétaire d’État ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) –, qui, sans être une entreprise en réseau, peut potentiellement développer un réseau vertical. C’est aussi le cas des sociétés d’autoroutes, qui lorgnent aujourd’hui le réseau des routes nationales, et des industriels de l’automobile.

À cet égard, la SNCF a préconisé un modèle d’opérateur virtuel constitué au sein de la société d’économie mixte Synerail, qui réunit SFR, TDF et Vinci pour gérer son réseau mobile.

Vous comprendrez que les annonces des privatisations de ces entreprises nous laissent encore plus dubitatifs, tant les enjeux stratégiques liés à ces entreprises semblent toujours plus importants.

En effet, ces sociétés sont très sensibles aux aspects de sécurité, qu’il s’agisse d’aéroports ou d’alimentation électrique. De plus, ces opérateurs, nous avons eu l’occasion de le rappeler lors du débat sut la privatisation d’ADP, sont souvent en situation de monopole ou de quasi-monopole.