COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Vincent Delahaye

vice-président

Secrétaires :

M. Daniel Dubois,

Mme Annie Guillemot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

 
Dossier législatif : projet de loi pour une école de la confiance
Discussion générale (suite)

Pour une école de la confiance

Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pour une école de la confiance
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour une école de la confiance (texte de la commission n° 576, rapport n° 575).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Max Brisson, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque le texte adopté par l’Assemblée nationale nous a été transmis en février dernier, un accord en commission mixte paritaire était loin d’être une évidence, tant les sujets de désaccord entre nos deux assemblées étaient nombreux.

Mais chacune a fait des concessions, pour aboutir à un texte de compromis.

Certes, les concessions sont toujours trop nombreuses, trop importantes pour celui qui y consent. J’estime néanmoins que cet accord est un bon accord, en premier lieu parce qu’il est favorable à l’école de la République, à ceux qu’elle sert et à ceux qui la servent.

Sans esprit de parti, ou – devrais-je dire – d’assemblée, l’aspect positif de ce compromis tient en ce qu’il reprend une grande partie des apports du Sénat.

La Haute Assemblée a ainsi apposé son empreinte sur ce projet de loi, autour de trois axes : le retour aux fondamentaux de l’école, la prise en compte des réalités locales et des collectivités territoriales et, enfin, l’ambition d’une transformation profonde de notre système éducatif.

La première orientation qu’a souhaité donner le Sénat est donc la réaffirmation des fondamentaux de l’école de la République, et ce autour de plusieurs points.

Une nouvelle rédaction a été adoptée pour l’article 1er, qui, tout en rappelant l’exigence d’exemplarité des professeurs, met celle-ci au service de leur autorité et inscrit clairement le respect dû par les élèves et leur famille aux professeurs dans les fondements du code de l’éducation.

La place centrale des valeurs républicaines – le drapeau, la devise, l’hymne national – a été affirmée au sein même de l’école.

Les comportements portant atteinte à la liberté de conscience des élèves ont été interdits dans l’enceinte des établissements scolaires, mais également aux abords immédiats de ces derniers.

Enfin, certaines valeurs ont été réaffirmées, avec le renforcement du contrôle de l’instruction en famille et de l’enseignement privé hors contrat, tout en donnant les garanties nécessaires à l’exercice de la liberté de l’enseignement.

Cette ambition s’est également traduite par le renforcement du volet consacré à l’école inclusive, qui désormais est aussi un principe fondamental de l’école, un principe à l’élaboration duquel le Sénat a pris toute sa part.

La deuxième orientation que nous avons retenue, rôle constitutionnel du Sénat oblige, fut de prendre en compte les réalités locales. Nous avons donc consulté et entendu les élus locaux. Aussi, nous avons supprimé définitivement l’article 6 quater et avons inscrit les clarifications nécessaires pour garantir l’accueil des enfants de 3 à 6 ans dans les écoles à classe unique.

De même, nous avons enregistré la possibilité de déroger, dans un cadre contractuel, à l’obligation d’assiduité en petite section. Introduite par le Sénat, cette disposition a été maintenue dans le texte de la commission mixte paritaire, et je m’en réjouis.

À ce stade, monsieur le ministre, je souhaite rendre un hommage particulier aux maires de notre pays.

Si nous avons pu abaisser à 3 ans l’âge de l’instruction obligatoire, c’est qu’il s’agissait déjà d’une réalité pour 97,5 % des enfants français. Tout simplement parce que depuis soixante-dix ans, les maires ont porté l’ambition d’une école maternelle ouverte à tous et qu’ils ont ainsi couvert la France d’un blanc manteau d’écoles maternelles !

Il fallait saluer cette volonté qu’aucune loi n’obligeait et qui inscrit notre pays parmi ceux où l’obligation d’instruction est la plus précoce.

Mes chers collègues, soyons fiers du travail des maires ! Soyons également fiers d’avoir œuvré collectivement pour abaisser à 3 ans l’âge de la scolarisation obligatoire et d’avoir adopté cette disposition à l’unanimité dans cet hémicycle !

J’en viens à la troisième orientation. Le Sénat a porté l’ambition d’une évolution profonde du système éducatif, dont les principaux leviers sont l’expérimentation, l’évaluation et la formation des enseignants.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire entérine ainsi plusieurs mesures.

Premièrement, ont été retenues l’extension du champ des expérimentations pédagogiques à l’enseignement dans une langue vivante, étrangère ou régionale, et la possibilité de déroger, dans le cadre de ces expérimentations, aux obligations réglementaires de service des enseignants.

Deuxièmement, a été fixée une nouvelle composition du Conseil d’évaluation de l’école, garante d’une indépendance accrue.

Troisièmement, a été entériné l’enrichissement du contenu de la formation initiale des enseignants, notamment au regard des enjeux du développement durable, du numérique, chère présidente Catherine Morin-Desailly, et des spécificités ultramarines.

Quatrièmement, ont été retenues l’introduction d’une formation complémentaire des enseignants pendant les trois ans suivant leur formation initiale et l’inscription du caractère obligatoire de la formation continue pour tous les enseignants.

Ce sont là des apports majeurs du Sénat.

Mais il est vrai que tous ces apports, que j’estime, je le répète, importants, ont été sauvegardés au prix de concessions sur des points du texte qui nous tenaient pourtant à cœur.

Je citerai : la possibilité de sanctionner les manquements à l’obligation d’assiduité par la suppression des allocations familiales ; l’application du principe de neutralité aux accompagnants de sorties scolaires ; l’autorité hiérarchique du directeur d’école ; l’affectation sur contrat de mission ; l’avis du chef d’établissement pour les affectations. Autant de sujets dont nous aurons à reparler.

Deux points, surtout, constituent à mes yeux des concessions majeures.

D’une part, les jardins d’enfants devaient disparaître, mais nous avons obtenu l’allongement de deux à cinq ans de la dérogation accordée à ces structures, afin qu’elles accueillent des enfants de 3 à 6 ans. Ce délai devrait faciliter leur reconversion en école hors contrat, d’autant que, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à ce que les services de l’État les accompagnent dans cette démarche et à ce que leurs spécificités pédagogiques soient conservées dans le cadre de cette transformation. Soyez certain que nous y serons attentifs !

M. Max Brisson, rapporteur. D’autre part, et surtout, nous avons dû céder sur la compensation des communes qui jusqu’alors participaient au financement des classes maternelles privées sous contrat, sans toutefois verser la totalité de la somme correspondant au coût d’un élève dans le public. Le Sénat avait clairement pris position sur le sujet, en l’inscrivant à l’article 4, considérant que l’absence d’une telle compensation, si elle pouvait se justifier sur le plan juridique, n’en constituait pas moins une injustice. Le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale sont restés sourds à nos arguments, je le regrette. Il leur reviendra de prendre leurs responsabilités. Pour notre part, nous demeurerons vigilants quant aux modalités de compensation et aux conséquences de l’instruction obligatoire dès 3 ans sur les finances des collectivités territoriales.

Ces concessions, pour lourdes soient-elles, ne doivent pas nous faire oublier tout ce que le Sénat a obtenu et que j’ai rappelé au début de mon propos. C’est pourquoi en conscience, mes chers collègues, je vous invite à adopter le texte qui nous est soumis aujourd’hui.

Je ne sais comment l’histoire jugera la loi qui résultera de nos travaux. Je me réjouis toutefois que le travail mené autour de ce texte, derrière nos désaccords, ait permis de rappeler le consensus fondateur autour de l’école de la République, qui est plus que jamais au cœur du contrat social et de la promesse républicaine.

Ce consensus fondateur donne un rôle majeur à l’école, celui de compenser les inégalités. Espérons que l’effort porté sur l’école maternelle comme lieu des premiers apprentissages – effort qui sous-tend ce texte – confortera cette mission première de notre école.

Ce consensus fondateur fait aussi de l’école le creuset de l’équité territoriale. Nos débats ont montré l’attachement des élus et des familles à cette « école de la proximité », qui, partout dans le pays, donne une chance à tous.

Ce consensus fondateur, enfin, fait des femmes et des hommes servant notre école les porteurs de la confiance de la société qui leur confie ses enfants, des porteurs ayant eux-mêmes confiance dans la société qui les missionne.

Certes du chemin reste encore à parcourir sur le sujet, mais la volonté est partagée. Oui, mes chers collègues, l’école peut nous rassembler, pour que nous fassions autour d’elle République !

C’est bien le but que nous nous sommes efforcés d’atteindre en travaillant, ensemble, ce projet de loi pour une école de la confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire qui, comme M. le rapporteur l’a rappelé, a trouvé un accord le 13 juin dernier sur le projet de loi pour une école de la confiance.

Je tiens tout d’abord à vous remercier et à vous féliciter pour cet accord, qui nous honore tous. Il est la preuve que la société peut s’unir autour de son école, sur le fondement d’une confiance renouvelée en la promesse scolaire, en la promesse républicaine de progrès et de justice sociale.

Le projet de loi soumis par le Gouvernement s’articulait autour de deux axes.

Premier enjeu, celui de la justice sociale – ce texte législatif est effectivement profondément social. Évoquons, dans ce cadre, l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, le prérecrutement des professeurs, la simplification de la procédure d’obtention des bourses au lycée, mais aussi le socle que constitue, pour l’école inclusive, le nouveau service public de l’école inclusive qui sera effectif dès la rentrée prochaine.

Second enjeu, celui de l’équité territoriale. Cela passe par la transformation du rectorat de Mayotte en rectorat de plein exercice ; par la réforme des instances locales de dialogue que sont les conseils départementaux de l’éducation nationale, ou CDEN, et les conseils académiques de l’éducation nationale, les CAEN ; par la création de nouveaux outils à la main des acteurs locaux, comme les établissements publics locaux d’enseignement international, les EPLEI, ou des expérimentations pédagogiques renforcées.

Je ne souhaite pas revenir aujourd’hui sur l’ensemble des dispositions de ce projet de loi – je viens d’en mentionner quelques exemples significatifs. Vous avez une bonne connaissance du texte, mesdames, messieurs les sénateurs, et des nombreuses avancées que le débat parlementaire a permises.

Rappelons qu’au cours de la discussion parlementaire 368 amendements ont été adoptés, dont une bonne partie d’origine sénatoriale.

Cela illustre le fait que, pour l’examen de ce projet de loi, je me suis présenté, aussi bien devant l’Assemblée nationale que devant le Sénat, avec la volonté de jouer pleinement le jeu de la démocratie parlementaire et de l’enrichissement du texte par la discussion. J’ai trouvé paradoxal que cela me soit reproché, tout comme j’ai trouvé paradoxal de me voir parfois accuser d’autoritarisme. La démocratie exige, bien évidemment, de prendre en compte la représentation parlementaire, et c’est ce que nous avons fait de manière particulièrement prononcée dans le cadre de l’examen de ce projet de loi.

Au-delà du nombre d’amendements adoptés, le travail parlementaire a permis à la fois d’améliorer le projet de loi initial soumis par le Gouvernement et de l’étoffer avec des dispositions essentielles.

Je pense tout d’abord à l’école inclusive – j’y ai déjà fait référence – qui fait l’objet d’un nouveau chapitre entier de ce texte. Ces dispositions entreront en vigueur dès la rentrée de 2019 et permettront une transformation copernicienne de nos organisations, pour faire émerger un grand service public du handicap inédit à l’école.

C’est le sens, notamment, de la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL, de l’amélioration des conditions de recrutement des accompagnants d’élèves en situation de handicap, les AESH, en deux CDD de trois ans, avec leur meilleure intégration à l’équipe éducative, du renforcement du partenariat avec les établissements médico-sociaux, ou encore d’un meilleur accompagnement des familles. Auparavant, nous demandions à l’élève d’attendre l’AESH pour pouvoir aller à l’école ; nous pouvons désormais lui dire : « Va à l’école, un AESH t’y attend ! »

C’est un changement d’organisation, un changement de mentalité, un changement technique que la loi permettra ainsi.

Je pense ensuite à toutes les avancées législatives contenues dans le projet de loi, et qui s’appuient sur le travail mené dans le cadre de missions parlementaires.

L’excellent rapport des sénateurs Max Brisson et Françoise Laborde sur le métier d’enseignant a inspiré plusieurs dispositions du texte : la formation continuée, le renforcement de la formation continue, ou encore l’enrichissement du contenu de la formation initiale des professeurs. Ces nouvelles dispositions complètent les dispositions initiales de ce projet de loi relatives à la création de ce que nous appelons désormais les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, les Inspé.

Le rapport de la présidente de la commission de la culture, Mme Catherine Morin-Desailly, a permis d’enrichir la formation initiale des professeurs dans le domaine du numérique, et je l’en remercie.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Merci, monsieur le ministre !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je souhaite aussi rendre hommage aux propositions de loi, déposées notamment par les groupes communistes et socialistes, qui visaient à abaisser l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans. J’ai plusieurs fois indiqué que cet enjeu, que ces groupes défendaient historiquement, devait nous rassembler et je me réjouis du vote unanime sur l’article 2, ce qui montre, là aussi, le caractère constructif de nos débats, par-delà certaines divergences.

Je pense enfin à tous les sujets ayant émergé grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours du débat parlementaire. Ils se nourrissent de vos sensibilités politiques et de vos expériences d’élus de terrain.

Je citerai l’assouplissement des conditions d’assiduité en petite section de maternelle ; le renforcement de l’indépendance du futur conseil d’évaluation de l’école ; l’amélioration des garanties de mixité sociale au sein des EPLEI ; la création de dispositions législatives spécifiques pour lutter contre le harcèlement à l’école ; les jardins d’enfants qui bénéficieront d’une période dérogatoire et dont nous devons garder toutes les caractéristiques positives ; les langues régionales qui ont bénéficié d’un certain nombre d’ouvertures – sur ce sujet également, j’ai parfois été marri de certains commentaires ultérieurs, minimisant ces avancées, voire inversant totalement leur portée ; le renforcement des dispositions relatives au contrôle des établissements privés hors contrat ; les dérogations prévues en Guyane et à Mayotte pour faciliter la construction du bâti scolaire, débat sur lequel l’apport du sénateur Antoine Karam a été très important ; l’éducation au développement durable, qui, elle aussi, connaît des progrès importants grâce à nos débats et au travail accompli, dans le même temps, avec les lycéens.

Si la phase d’examen parlementaire se termine pour ce projet de loi, le travail se poursuivra évidemment sous d’autres formes.

Je pense, bien sûr, à la mise en œuvre concrète des dispositions de ce texte, qui commencera dès la rentrée de 2019. Je sais que le Sénat, au travers de sa mission de contrôle de l’application des lois, y sera très vigilant. Je m’en réjouis.

Je pense également au travail partenarial qui sera engagé avec les collectivités territoriales, notamment sur les décrets d’application et le projet d’ordonnance.

Je pense aussi à tous les chantiers que nos discussions n’ont fait qu’ouvrir et qui nécessitent de poursuivre un travail conjoint : le statut des directeurs d’école ou les structures du premier degré, sujet très cher au sénateur Jacques Grosperrin, que je remercie aussi de ses apports considérables.

Je pense enfin à la formation des professeurs, principal facteur de progrès du système éducatif. Les changements que nous avons apportés doivent nous permettre de garantir la qualité dans ce domaine, et ce partout en France.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous remercier de la qualité des débats sur ce projet de loi. Je souhaite tout particulièrement remercier le rapporteur, M. Max Brisson, du travail considérable qui a été accompli.

Le vote de ce projet de loi intervient dans une actualité éducative très riche. Je veux mentionner deux événements qui concernent ce jeudi 4 juillet, avec le souci de les évoquer de façon positive – cela nécessite un effort de ma part pour le premier, mais pas pour le second.

Je fais référence, tout d’abord, au fait que certains professeurs ont estimé ne pas devoir communiquer les notes qu’ils avaient attribuées aux copies du baccalauréat qu’ils devaient corriger. Une ligne a été franchie, mais elle l’a été par moins de 2 000 personnes sur 175 000 correcteurs ! Je veux donc rendre hommage aux 173 000 personnes qui ne se sont pas associées à ce mouvement et à leur sens aigu du service public. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Ce sont de grands professeurs de la République, qui ont le sens du service public chevillé au corps. Ils peuvent parfaitement avoir des désaccords avec leur ministre de tutelle – c’est loisible à chacun dans une démocratie –, mais ils ont conscience que les élèves ne doivent pas subir les conséquences des débats entre adultes. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’ai aussi le plaisir de vous informer qu’au moment où je vous parle, et à la suite de mes déclarations d’hier, des milliers de copies sont en train d’être récupérées. Je peux donc garantir, plus que jamais, que demain, vendredi, tous les élèves de France concernés disposeront de leurs notes de baccalauréat. (Mme Françoise Gatel applaudit.)

Indépendamment des vicissitudes, nous devons rappeler, comme vous l’avez fait à l’instant, monsieur le rapporteur, que l’école est d’abord un facteur de rassemblement pour la République, par-delà toutes nos opinions. C’est un sujet local – vous l’avez aussi évoqué, et la Haute Assemblée est évidemment particulièrement sensible à cette dimension –, mais c’est aussi un enjeu national et, disons-le, un enjeu mondial, international.

Cette intervention m’offre donc l’occasion de signaler le démarrage aujourd’hui, à Paris et à Sèvres, du G7 éducation, c’est-à-dire de la réunion des ministres de l’éducation des pays membres du G7, auxquels se joignent les ministres de l’Estonie, de l’Argentine et de Singapour. Demain, Jean-Yves Le Drian et moi-même accueillerons en plus les ministres de l’éducation des pays africains membres du G5 Sahel.

Ensemble, nous discuterons des enjeux d’éducation et de développement. Nous aborderons en particulier des grands thèmes comme ceux que nous avons traités au cours de nos discussions : l’instruction obligatoire à 3 ans ou la lutte contre le harcèlement, qui revêt une dimension mondiale. Nous montrerons ainsi que ce qui se joue pour notre pays se joue pour tous les pays du monde : ces sujets touchent en fait la personne humaine !

Ce que nous faisons dans le cadre de ce projet de loi pour une école de la confiance, nous le faisons pour nos élèves, pour l’école de la République, mais aussi pour défendre une certaine idée de l’homme. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d’un insoutenable suspens, la droite… et la droite se sont donc mises d’accord sur un projet commun pour notre école en rendant la commission mixte paritaire conclusive, en cette veille de fin d’année scolaire, juste à temps pour la prochaine rentrée !

M. Stéphane Piednoir. C’est petit, ça ! Ce n’est pas au niveau !

Mme Céline Brulin. Mais précisément, comment s’annonce cette rentrée ?

Ce sont 362 écoles qui vont être fermées. Aucune sans l’accord du maire, a indiqué le Président de la République à l’issue du grand débat… Mais à force de diminutions de dotations, de pressions, pas toujours amicales, en faveur de regroupements d’écoles, de nombreux maires se résignent à la fermeture. D’autres doivent recourir à la justice pour se faire entendre.

Vous sembliez pourtant convenir lorsque nous avions abordé le sujet, monsieur le ministre, de la nécessité de renforcer le dialogue, afin de ne pas en arriver à cette judiciarisation, qui n’est bonne pour personne. Sous cet angle, il reste des marges de progrès.

Certes, ce mouvement n’est malheureusement pas nouveau – l’Association des maires ruraux de France montre que, depuis le début des années 1980, le nombre d’écoles a diminué quatre fois plus vite que le nombre d’enfants. Mais ce fait devient de plus en plus insupportable à mesure que nos concitoyens voient leur territoire abandonné par la plupart des services publics et des institutions républicaines.

Dans ce contexte, nous nous réjouissons, et c’est bien là la seule vraie victoire pour nos territoires et nos enfants, que la forte mobilisation ait eu raison des établissements publics des savoirs fondamentaux, comme notre assemblée l’a souhaité. Ces derniers auraient effectivement accéléré cet affaiblissement du service public de l’éducation dans nos territoires.

Aux côtés de toute la communauté éducative, des élus et des parents d’élèves, nous resterons extrêmement vigilants sur ce point.

Contrairement aux annonces du Président de la République, là encore à l’issue du grand débat, la généralisation de classes à moins de 24 élèves en grande section de maternelle, cours préparatoire – ou CP – et cours élémentaire de première année – ou CE1 – ne sera pas non plus pour cette rentrée.

Dans l’académie de Rouen, par exemple, vos services sont en train de réexaminer – je souhaite vivement que des postes soient attribués – la situation de classes de maternelle à plus de 30 élèves !

De tels effectifs en maternelle affaiblissent la mesure que vous vouliez « phare » de ce projet de loi. Pour que l’instruction obligatoire à partir de 3 ans soit le progrès social que vous revendiquez, et que nous défendons pour notre part depuis toujours, alors il faut garantir un bon accueil des plus jeunes enfants !

De même, les conséquences budgétaires de la scolarisation à 3 ans pour les communes demeurent un problème majeur, avec, en plus, le risque de créer de véritables inégalités entre communes. Nous avons exposé en détail cette problématique au cours des débats.

Toujours dans l’académie de Rouen, le nombre de postes ouverts au dernier concours de professeurs des écoles a diminué de 45 unités par rapport à l’an passé. Ce n’est évidemment pas un cas isolé !

Cette réduction du nombre de postes ouverts au concours se conjugue à une nette dégradation de l’attractivité du métier d’enseignant.

Au plan national, ce sont plus de 800 postes qui risquent de ne pas être pourvus à la rentrée. C’est davantage qu’en 2018, où leur nombre était déjà supérieur à celui de 2017.

Voilà pourquoi aucune de nos craintes n’est véritablement levée sur le sort des assistants d’éducation, qui ne sont plus garantis, à l’issue de la commission mixte paritaire, de disposer d’un enseignant-tuteur. Dans un contexte de pénurie organisée, le risque est grand qu’ils ne se retrouvent devant des classes.

Si la formation continue des enseignants hors temps de travail a été supprimée du texte issu des travaux du Sénat, vous avez publié un décret, monsieur le ministre, permettant de réquisitionner les enseignants sur leur temps de vacances.

S’agissant de l’école inclusive, j’ai déjà eu l’occasion de dire nos craintes que ne se substituent aux besoins d’accompagnement des enfants en situation de handicap les besoins de l’institution scolaire et, surtout, les moyens qu’elle y consentira, notamment en raison de la généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés.

Les petites avancées en faveur d’un meilleur statut pour les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et les AESH se heurtent à la réalité suivante : une circulaire, prévoyant le passage à des contrats de trois ans, avec des temps de travail calculés sur la base minimale de 41 semaines, est visiblement interprétée de façon très diverse d’une académie à l’autre, certaines allant jusqu’à continuer à faire signer des contrats d’un an. De quoi craindre une rentrée de nouveau chaotique sur ce plan, ce qui n’est, vous en conviendrez, mes chers collègues, absolument pas tolérable pour les familles !

Enfin, le caractère élitiste et discriminant des établissements d’enseignement international est encore aggravé par l’accord intervenu en commission mixte paritaire, confirmant l’accélération de la mise en place d’une école à deux vitesses. « Nous assistons à une stratégie d’une partie de nos élites pour finalement mieux contrôler leur reproduction sociale et lever les derniers obstacles que l’“ancien monde” leur opposait ». Cette analyse n’est évidemment pas la mienne ; parue dans Le Figaro, elle émane de l’historien Arnaud Teyssier.

En peu de temps, et sans avoir besoin de recourir à la procédure législative, le Gouvernement conduit en effet des réformes lourdes, structurelles, qui modifient l’organisation, les finalités et le fonctionnement de l’éducation nationale : enseignement professionnel, baccalauréat, lycée, programmes, tout y passe, sans oublier la sélection imposée à l’accès à l’enseignement supérieur !

Mais qu’on ne s’y trompe pas : si les dispositions du présent projet de loi ont été adoptées dans les deux hémicycles, le pays ne les a pas acceptées. La mobilisation dans nos territoires a été inédite et l’opposition conjointe des acteurs de l’éducation comme des parents d’élèves et des élus locaux témoigne d’un mécontentement qui ne s’évanouira pas une fois la loi promulguée.

Pour ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)