Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Si cette exclusion a bien été introduite par amendement à l’Assemblée nationale, elle avait fait l’objet d’une assez longue concertation lors de la présentation de la Stratégie nationale bas-carbone. Il a été démontré à ce moment-là que la France est en capacité d’atteindre la neutralité carbone sans avoir recours à la compensation internationale, sachant que la finalité est bien d’atteindre un objectif national en 2050. La suppression de cette mention conduirait plutôt à affaiblir l’ambition que nous affirmons actuellement.

Cet objectif n’exclut évidemment pas ceux de solidarité climatique et d’aide au développement fixés dans le cadre de l’accord de Paris. La France s’implique très fortement, notamment via l’Agence française de développement.

Enfin, cet objectif n’est pas applicable aux entreprises. Nous parlons ici du budget carbone français : les entreprises, y compris celles qui opèrent sur le sol français, ont tout à fait la possibilité de compenser leurs émissions carbone, en général internationales, par de la compensation internationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il faut absolument nous en tenir à définir la neutralité carbone à l’échelon national, en prenant en compte nos propres émissions. Néanmoins, la question posée est importante. Madame la secrétaire d’État, il nous faudra être plus précis, à l’avenir, quant aux signaux de mobilisation que nous envoyons à l’international.

Un certain nombre de dispositifs doivent être développés en matière de coopération décentralisée, mais la neutralité carbone doit être définie à l’échelon national, sans inclure la possibilité d’une compensation par des crédits internationaux.

En tout état de cause, cet amendement d’appel est important, même s’il ne faut pas revenir sur l’exclusion prévue par le texte. Nous devrons envoyer demain d’autres signaux à l’international et envisager des mécanismes de soutien.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Decool. Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 442 rectifié ter est retiré.

Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 190, présenté par M. Courteau, Mmes Préville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Après le mot :

intermédiaires

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

de 9 % en 2023, de 17 % en 2028 et » et le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 22 % » ;

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Il s’agit de préciser les objectifs de réduction de consommation de l’énergie finale dans le temps, de 2023 à 2030, en relevant à 22 % l’objectif de réduction fixé pour 2030, comme le propose le réseau Action Climat.

Le rythme actuel de réduction de la consommation énergétique finale est insuffisant. En effet, une analyse des trajectoires pour atteindre une réduction de 50 % de la consommation d’énergie en 2050 indique que la baisse devrait être au moins de 22 % en 2030.

Il est donc nécessaire de réviser la trajectoire et d’engager un effort sans précédent en faveur des économies d’énergie, qui doivent être la priorité absolue de la politique énergétique. La recommandation émise le 18 juin par la Commission européenne précise d’ailleurs que la France doit détailler les politiques et mesures mises en place afin d’atteindre les objectifs de réduction de sa consommation énergétique finale.

Mme la présidente. L’amendement n° 259, présenté par M. Gay, Mmes Cukierman, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

et le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 25 % »

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Nous partageons l’argumentation développée par M. Courteau, mais nous proposons, pour notre part, de remplacer le taux de 20 % prévu dans le projet de loi par celui de 25 %. Cette proposition nous paraît raisonnable, sachant que la stratégie nationale bas-carbone prévoyait de réduire de 28 % la consommation énergétique à l’horizon de 2030 et de 50 % d’ici à 2050.

Par ailleurs, l’ADEME plaide pour une réduction de 30 % de la consommation, en jouant sur l’amélioration des techniques, de l’efficacité énergétique, etc.

Il ne nous semble donc pas déraisonnable de fixer un objectif de réduction de la consommation énergétique de 25 %.

Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 17 rectifié bis est présenté par MM. Dantec, Cabanel, Corbisez, Gold, Jeansannetas, Kerrouche, Labbé, Léonhardt, Roux et Vall, Mme Benbassa et M. Gontard.

L’amendement n° 145 est présenté par Mme Préville, MM. Courteau, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Tocqueville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 215 rectifié bis est présenté par MM. Longeot, Mizzon et Canevet, Mme Vermeillet, MM. Kern, Le Nay, Capo-Canellas et Delcros, Mmes Vullien et Billon, MM. Cigolotti et Médevielle et Mme Férat.

L’amendement n° 388 rectifié bis est présenté par MM. Bignon, Decool, Lagourgue et Guerriau, Mme Mélot et MM. Menonville, Fouché, Wattebled et Malhuret.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

et le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 22 % »

La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié bis.

M. Ronan Dantec. Il ne suffit pas de se donner des objectifs ambitieux de long terme, car tout se jouera dans les dix prochaines années. Pourquoi proposons-nous de retenir le taux de 22 % ? Ce chiffre, loin d’avoir été fixé au doigt mouillé, est étayé : il correspond au scénario AMS2 de la direction générale de l’énergie et du climat, la DGEC, qui avait été élaboré en 2015. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi l’État n’a pas retenu ce taux dans la PPE : en optant pour 20 %, il se montre moins ambitieux que ses propres services !

Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 145.

Mme Angèle Préville. L’article L. 104 du code de l’énergie prévoit de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence de 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030. Nous souhaitons modifier ce taux pour le porter à 22 %.

Il s’agit d’avancer de manière progressive et régulière. L’analyse des trajectoires, pour atteindre une baisse de 50 % en 2050, indique un point de passage en 2030 à 22 %, d’autant que les premières baisses seront certainement les plus faciles à obtenir. Il importe, afin d’être efficace et de permettre à tout un chacun de s’adapter progressivement, d’encadrer cette trajectoire de baisse, de la suivre attentivement et de manière fine.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 215 rectifié bis.

M. Jean-François Longeot. L’article 1er définit un jalon intermédiaire de diminution de la consommation d’énergie de 20 % en 2030, pour un objectif final de réduction de 50 % en 2050. Une telle ambition impose anticipation et adaptation des modes de consommation d’énergie de l’ensemble des secteurs, afin de répartir les efforts à effectuer dans le temps.

C’est dans ce cadre que le Conseil supérieur de l’énergie s’est prononcé en faveur de l’établissement de jalons intermédiaires, en vue de tracer clairement la trajectoire de réduction de nos consommations d’énergie d’ici à 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050.

Le présent amendement vise à réévaluer la hausse de cet objectif intermédiaire, en fixant non plus à 20 %, mais à 22 % la baisse de la consommation d’énergie en 2030, afin de pouvoir atteindre la neutralité carbone effective en 2050. Ce rehaussement n’est pas synonyme de contraintes supplémentaires, les premières baisses de consommation d’énergie, par exemple via les émulations écologiques, étant les plus faciles à obtenir.

Ce rehaussement de l’objectif peut également apporter un gain de pouvoir d’achat à court terme, en réduisant l’impact de la hausse du prix des énergies sur les budgets des ménages, des entreprises et des collectivités au travers de la mise en place de dispositions favorisant les économies d’énergie.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 388 rectifié bis.

M. Franck Menonville. Cet amendement vise à renforcer l’objectif intermédiaire de baisse de la consommation d’énergie, en le portant à 22 %, au lieu de 20 %, en 2030, afin de pouvoir la réduire de façon effective et réelle de 50 % à l’horizon de 2050.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Les amendements nos 190, 259, 17 rectifié bis, 145, 215 rectifié bis et 388 rectifié bis visent à fixer des jalons intermédiaires pour garantir l’atteinte de l’objectif de réduction de 50 % de la consommation énergétique finale d’ici à 2050.

Au total, les objectifs de réduction de la consommation d’énergie prévus par ces amendements sont beaucoup plus élevés que ceux inscrits dans le projet de projet de programmation pluriannuelle de l’énergie : ils s’élèvent ainsi à 9 % en 2023, à 17 % en 2028 et jusqu’à 25 % en 2030, contre 6,6 % en 2023 et 14 % en 2028 pour la PPE.

Par ailleurs, l’article 1er fixe déjà un objectif intermédiaire, adopté par l’Assemblée nationale et conservé par la commission, prévoyant une réduction de 7 % de la consommation énergétique finale en 2023.

Je pense que nous devons nous garder de fixer des objectifs trop ambitieux pour pouvoir être atteints au regard des scénarios de référence et de multiplier les jalons : cela nuit à la lisibilité et à l’appropriation des objectifs.

L’avis est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Je vous rappelle que nous élaborons une loi quinquennale. Il convient donc de fixer des objectifs atteignables durant la période que couvre ce texte. Rien ne nous empêchera d’y revenir à l’occasion de la prochaine révision de la PPE.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. Je partage une partie des préoccupations exprimées au travers de ces amendements. Ce sont en effet les premières années de la trajectoire qui sont les plus importantes. Pour être en mesure d’atteindre des objectifs à l’horizon 2050, il faut faire preuve d’efficacité et parvenir à vraiment enclencher les efforts d’économie et de réduction de consommation dans les années qui viennent.

M. le rapporteur l’a rappelé, la PPE prévoit déjà des jalons en 2023 et 2028, et la nouvelle loi de programmation en fixera également tous les cinq ans. Il ne me semble donc pas nécessaire de poser des jalons complémentaires d’ici à 2030.

Par ailleurs, le projet de loi fixe un objectif de réduction de 20 % de la consommation énergétique en 2030. Cet objectif est en réalité déjà extrêmement ambitieux ; l’atteindre nécessitera de mobiliser toutes les politiques publiques dont nous parlions précédemment – rénovation thermique du bâtiment, décarbonation de la production d’électricité, politiques industrielle, de transport et agricole. Il ne paraît ni réaliste ni raisonnable de rehausser cet objectif à 22 % ou à 25 % en 2030. Il nous faut déjà nous mettre en situation d’atteindre à cette échéance l’objectif de réduction de 20 %, lequel, encore une fois, est compatible avec l’accord de Paris, comme l’a redit récemment le Haut Conseil pour le climat.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Un scénario élaboré en 2015 par ses propres services fixait l’objectif d’une réduction de la consommation énergétique de 22 % en 2030 : pourquoi l’État considère-t-il aujourd’hui que ce scénario n’est plus réaliste ? Cette question rejoint nos interrogations sur le temps insuffisant alloué à ce débat portant sur des enjeux considérables.

Il est important que nous puissions comprendre pourquoi l’État considère aujourd’hui comme intenable une trajectoire qu’il avait lui-même mise sur la table. Il aurait fallu que nous puissions consacrer beaucoup plus de temps, en amont de la séance publique, aux éléments techniques de ce débat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 190.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 259.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié bis, 145, 215 rectifié bis et 388 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 248, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Après le mot : « chaleur », sont insérés les mots : « et de froid » ;

La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, il convient aussi de tenir compte de l’utilisation croissante d’appareils de production de froid, fortement émetteurs de gaz à effet de serre. La production finale de froid doit également être concernée par les objectifs fixés en matière d’utilisation d’énergies renouvelables.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement est utile : il permet de mettre en lumière la nécessité de développer davantage la production à partir d’énergies renouvelables. Il s’agit d’un enjeu majeur, sur lequel vous avez constitué, madame la secrétaire d’État, un groupe de travail qui s’est réuni le 25 mars dernier. Je suis conscient que l’effort envisagé devra sans doute être ajusté d’ici à la conclusion de nos travaux, mais je suis convaincu de la nécessité d’inscrire dès à présent l’objectif dans le projet de loi.

Je constate également que cet objectif est cohérent avec l’amendement n° 214 rectifié bis portant sur les schémas relatifs aux réseaux de chaleur et de froid, que je vous proposerai d’adopter, sous réserve de modifications rédactionnelles, le moment venu.

L’avis est favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. Je partage tout à fait l’idée que nous devons, à la fois, nous doter d’une politique ambitieuse en matière de production de chaleur à partir d’énergies renouvelables et commencer à traiter la question du « froid renouvelable ». C’est en effet nécessaire, compte tenu du réchauffement climatique en cours et des politiques d’adaptation. Cependant, la définition de la notion de froid renouvelable ne devrait être établie au niveau européen qu’en 2021. Il me paraît difficile de fixer dès à présent un objectif, alors que cette définition n’est pas encore stabilisée. Bien que j’approuve l’objectif et l’esprit de cet amendement, j’en demande donc le retrait.

Mme la présidente. Monsieur Canevet, l’amendement n° 248 est-il maintenu ?

M. Michel Canevet. Oui, madame la présidente. Il faut avoir de l’ambition !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 248.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 295 rectifié bis n’est pas soutenu.

L’amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Dantec, Cabanel, Corbisez, Gold, Jeansannetas, Labbé, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° À la fin du 5°, les mots : « à l’horizon 2025 » sont remplacés par les mots : « au plus tard en 2030 » ;

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement prévoit d’assortir l’horizon 2025 d’une échéance limite portée au plus tard à 2030 pour atteindre l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité.

Si l’un des principaux objets du projet de loi est de décaler l’échéance à 2035, ce décalage n’est pas nécessairement justifié. Plusieurs scénarios, notamment celui de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’Ademe, ainsi que les scénarios « Ampère » et « Ampère + », publiés dans le bilan prévisionnel de RTE, montrent ainsi qu’il reste possible de viser l’échéance de 2025 ou de tendre vers 2030.

Cette échéance de 2035, que Nicolas Hulot a dû justifier devant les caméras à la sortie d’un conseil des ministres, n’est pas aussi consensuelle qu’on veut bien le dire. D’autres scénarios permettaient d’envisager d’atteindre plus rapidement l’objectif de 50 %.

Je profite de cette occasion pour rappeler que le parc nucléaire va beaucoup vieillir d’ici à 2035, ce qui signifie que les risques d’accidents augmenteront progressivement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’échéance de « au plus tard en 2030 » pour atteindre l’objectif de 50 % d’énergie nucléaire dans la production d’électricité pose trois difficultés.

En premier lieu, cette échéance n’est pas issue du scénario « avec mesures supplémentaires », dit « AMS », servant de base à la révision des objectifs du projet de loi, de la PPE et de la Stratégie nationale bas-carbone, et nuirait à la cohérence d’ensemble de la trajectoire en faveur de la transition énergétique. Il va d’ailleurs être difficile de tenir cette trajectoire, compte tenu du retard annoncé dans la mise en service de l’EPR de Flamanville.

En deuxième lieu, un arrêt précipité du recours à l’énergie nucléaire n’est pas compatible avec nos engagements climatiques. En effet, faute d’un développement suffisant des énergies renouvelables et des capacités de stockage de l’électricité, la réduction de la production d’énergie nucléaire pourrait entraîner un report de la consommation vers les énergies fossiles, et in fine une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Dans ce contexte, une dégradation de la sécurité d’approvisionnement, du coût de la fourniture d’électricité et de la balance des paiements est à prévoir. C’est d’ailleurs l’analyse qu’avait formulée le Sénat, dès l’examen de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, et qui fait aujourd’hui largement consensus, à la lecture de l’étude d’impact du projet de loi ainsi que de l’avis du Conseil d’État.

Enfin, en fixant l’échéance ultime à 2030, l’amendement ne permet pas de laisser à l’exploitant EDF la possibilité de définir une stratégie crédible et graduelle de démantèlement des installations et de gestion des déchets, sous le contrôle de son autorité de régulation, ce qui n’est pas optimal sur le plan de la sûreté nucléaire.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. Sans surprise, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Nous avons réévalué la trajectoire pour ramener à 50 % la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique sur la base des analyses faites par RTE. Il s’est avéré assez rapidement que l’objectif de 2025 n’était pas tenable et que la trajectoire à l’horizon 2035 était crédible. Elle permet en effet d’accompagner la montée en charge des énergies renouvelables et la fermeture progressive de quatorze réacteurs, échelonnée entre 2020 – les deux réacteurs de Fessenheim seront fermés dès l’année prochaine – et 2035. Le présent amendement, dont l’impact n’a pas été véritablement étudié, est en contradiction avec ces orientations.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il n’aura échappé à personne que cet amendement était quelque peu taquin…

Le rapporteur invoque le scénario AMS pour justifier le report de l’échéance à 2035, alors qu’il ne le considérait pas pertinent tout à l’heure, quand nous proposions de fixer l’objectif intermédiaire de réduction de la consommation d’énergie à 22 % ! Cela pose question quant à la manière dont nous avons pu travailler en amont sur les différents scénarios. Il s’agira de tirer des enseignements de ces contradictions en vue de la préparation de la prochaine PPE…

Je note cet argument très fort du rapporteur selon lequel EDF ne s’étant absolument pas préparé à la fermeture des réacteurs, il faut lui laisser du temps. Or les réacteurs étaient initialement conçus pour durer quarante ans. Cela signifie donc qu’EDF ne s’est pas préparé alors que l’échéance était parfaitement connue…

Je remercie le rapporteur de ces réponses et je retire l’amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 87 rectifié est retiré.

L’amendement n° 294 rectifié bis n’est pas soutenu.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger la séance jusqu’à zéro heure trente afin de poursuivre l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Gold, Dantec, Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, M. Gabouty, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 24

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Le 7° est ainsi modifié :

a) Le mot : « majoritairement » est remplacé par les mots : « en priorité » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , avec pour objectif intermédiaire de rénover un million de logements mal isolés d’ici 2022 » ;

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Le présent projet de loi vient renforcer les objectifs de la politique énergétique, quatre ans après l’adoption de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, sans pour autant déterminer les moyens de les atteindre, en totale incohérence avec l’urgence écologique et climatique.

Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la rénovation des bâtiments. Ce secteur, qui représente 44 % de l’énergie consommée en France, a pourtant fait l’objet d’un plan, présenté il y a bientôt deux ans : 14 milliards d’euros devaient être consacrés, sur le quinquennat, au financement de la rénovation de 500 000 logements par an, avec une priorité donnée aux « passoires thermiques ». Qu’en est-il de la mise en œuvre de ce plan ?

Dans le secteur résidentiel, notre pays compte encore 7,4 millions de passoires énergétiques et 6,7 millions de personnes en situation de précarité énergétique.

L’article L. 100-4 du code de l’énergie fixe comme objectif très ambitieux la rénovation de l’ensemble du parc immobilier selon les normes « bâtiment basse consommation » ou assimilées à l’horizon 2050, via une politique de rénovation thermique des logements ciblant prioritairement les ménages aux revenus modestes.

Le présent amendement vise à retranscrire en tant qu’objectif intermédiaire l’engagement pris par le candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron de rénover un million de logements mal isolés d’ici à 2022, en accordant la priorité aux ménages les plus modestes. Nous espérons que le projet de loi de finances donnera les moyens nécessaires, car si nous ne parvenons pas à atteindre cet objectif d’ici à la fin du quinquennat, il est plus que certain que nous n’atteindrons pas ceux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et encore moins la neutralité carbone en 2050.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Pour lever toute ambiguïté, j’indiquerai à M. Dantec que le rapporteur et la commission n’ont pas travaillé au doigt mouillé. Nous parlons de deux scénarios différents : vous faites référence à celui de 2015, tandis que je m’appuie sur le scénario AMS le plus récent, qui a servi à l’élaboration de la PPE.

Concernant l’amendement n° 28 rectifié, bien que la rénovation énergétique des bâtiments soit un levier essentiel de la transition énergétique, les modifications proposées ne sont pas satisfaisantes.

Tout d’abord, prévoir que la politique de rénovation énergétique concernera prioritairement – et non plus majoritairement – les ménages modestes reviendrait à réduire les ambitions de cette politique à l’égard de ces derniers.

En outre, l’article 3 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit déjà un objectif de rénovation de 500 000 logements par an à compter de 2017. L’enjeu est donc d’atteindre concrètement et véritablement cet objectif, plutôt que d’en fixer un nouveau.

Enfin, sur l’initiative de la commission, le champ de la loi quinquennale instituée par l’article 1er bis A a été complété pour tenir compte de la nécessité de fixer des objectifs en matière de rénovation énergétique des bâtiments. Le législateur aura donc l’occasion de redéfinir finement les ambitions dans ce domaine en tant que de besoin.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. Il est clair que la rénovation thermique des bâtiments est l’un des leviers majeurs qui nous permettront d’atteindre nos objectifs en matière de réduction de la consommation d’énergie, et donc la neutralité carbone en 2050. Nous devons accélérer la rénovation des logements, car le rythme actuel, de l’ordre de 350 000 rénovations par an, n’est pas suffisant.

Il est également clair que le Gouvernement partage l’objectif de cibler les aides majoritairement sur les ménages modestes.

Néanmoins, il me semble que la rédaction issue de la loi de 2015, qui comporte l’adverbe « majoritairement », est la bonne. En effet, retenir les termes « en priorité » pourrait donner à penser que l’on délaisse les autres ménages ou que l’on crée une forme de droit de priorité qui ne serait pas complètement maîtrisée. Je ne suis donc pas favorable à cette partie de l’amendement.

Pour ce qui concerne l’objectif intermédiaire, la loi et la PPE sous-jacente fixent des objectifs de consommation et des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le nombre de rénovations de logements est un levier qui permettra d’atteindre ces objectifs. Nous allons d’abord nous efforcer d’atteindre le palier initial, fixé à 500 000 rénovations, avant d’accélérer. Tel est l’objet du travail que je mène avec Julien Denormandie en vue de simplifier les dispositifs, de fusionner les aides et d’en améliorer la distribution. À ce stade, il ne me semble pas possible de se fixer un objectif intermédiaire d’un million de logements rénovés d’ici à 2022.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.