Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je répondrai rapidement à chacun des dix-sept orateurs de la discussion générale, sans anticiper sur le débat à venir, pour évacuer les sujets les plus politiques ; nous pourrons peut-être ensuite nous accorder sur le droit que nous devons élaborer au service des 600 000 élus locaux de notre pays.

Messieurs Kerrouche et Marie, vous avez distribué beaucoup de bons et de mauvais points sur le fondement du dossier de presse accompagnant ce projet de loi. En tant qu’ancien maire et ancien président de conseil départemental, j’ai quant à moi lu attentivement non pas le dossier de presse, mais les textes de la loi Maptam, de la loi NOTRe et des lois de finances que vous avez soutenues ici même pendant cinq ans : ils ont entériné une baisse de 11 milliards d’euros des dotations aux collectivités territoriales, agrandi les intercommunalités de manière autoritaire, transféré les compétences de façon également autoritaire, créé de grandes régions en méconnaissant la géographie de notre pays… (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.) Comment pouvez-vous faire ici la leçon à la nouvelle majorité présidentielle aussi tranquillement, avec un aplomb aussi invraisemblable ? (M. René Danesi applaudit.)

Mme Annie Guillemot. Vous n’avez rien changé !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Que l’on soutienne ou pas ce gouvernement, force est de constater que le mal causé par la loi NOTRe est très profond. Ne cherchez pas à le minimiser ! Très franchement, monsieur le sénateur Kerrouche, à votre place, au lieu d’employer un ton offensif, pour ne pas dire quelque peu agressif, j’aurais plutôt présenté des excuses pour avoir soutenu la loi NOTRe et les lois de finances du quinquennat précédent ! (M. Jean-Marie Bockel applaudit. – Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.) Vous vous étonnez de notre volonté de faire adopter ce projet de loi avant les élections municipales, mais si la loi NOTRe n’existait pas, nous ne serions pas réunis ici pour en gommer les irritants.

Mme Annie Guillemot. Et #BalanceTonMaire, c’est qui ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice, soit vous avez la preuve que le Gouvernement est à l’origine de ce hashtag, soit vous cessez de tenir de tels propos. Je vous le dis comme je le pense ! (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et SOCR.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Balance ton Darmanin !

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’ai été maire, j’ai été président de conseil départemental, je suis élu municipal : je n’ai pas de leçons à recevoir sur ce sujet. Arrêtons les caricatures, madame la sénatrice ! Le hashtag #BalanceTonMaire me révolte, me dégoûte. Je l’ai condamné. Vous ne pouvez pas l’imputer au Gouvernement, en particulier aux deux ministres présents ce soir.

M. Olivier Paccaud. Le Gouvernement l’a soutenu !

Mme Annie Guillemot. Le tweet est signé Darmanin !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Messieurs les sénateurs Kerrouche et Marie, vous parlez d’une loi opportuniste intervenant avant les élections municipales. Nous assumons notre volonté que ce texte produise ses effets juridiques au 1er janvier prochain, tout simplement parce que certaines dispositions de votre loi NOTRe, que j’avais pour ma part combattue, entreront en application le 1er janvier 2020. Si nous voulons désamorcer ces dispositions – je pense par exemple au rétablissement des indemnités dans les syndicats infracommunautaires –, nous devons donc adopter le présent projet de loi avant le 31 décembre.

Vous avez dit que la question de la formation des élus était anecdotique. Je ne partage pas cette opinion. Vous avez également dit que nous portions un dur coup aux conseils de développement en les rendant facultatifs. Là encore, il va falloir que nous nous accordions sur la doctrine à appliquer pour l’examen de ce projet de loi : soit on prône les libertés locales et la confiance aux élus locaux, auquel cas il faut « dénormer » quelque peu et laisser aux élus le soin d’adapter ou pas ces conseils à l’échelle de leur intercommunalité, soit on norme à tout-va. On ne peut soutenir les deux positions.

M. Éric Kerrouche. Il faut faire confiance aux citoyens !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour ma part je fais confiance aux élus locaux, monsieur le sénateur Kerrouche ! Pourquoi vouloir forcer un président d’intercommunalité et ses conseillers communautaires à mettre en place un conseil de développement s’ils ont imaginé un autre outil de concertation territoriale avec les associations, le monde de l’entreprise ou les agriculteurs, par exemple ? Si telle est votre intention, dites clairement devant la Haute Assemblée que vous aimez les normes et la rigidité des cadres appliqués sur l’ensemble du territoire.

M. André Reichardt. Ce n’est pas faux, ils aiment bien ça !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela aurait au moins le mérite de la cohérence.

M. Didier Marie. C’est caricatural !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice Delattre, il n’y a pas eu de baisse de la DGF depuis 2017.

M. Laurent Duplomb. C’est faux !

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’enveloppe globale est normée et stable, monsieur Duplomb. Il existe des variations à l’échelle des communes, qui tiennent premièrement à la péréquation en faveur des communes les plus fragiles – DSU pour les communes urbaines et DSR pour les communes rurales –, et deuxièmement à l’évolution du chiffre de la population. Il est bien normal que la DGF d’une commune qui gagne des habitants augmente et que celle d’une commune qui en perd diminue. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’élaboration du budget. Vous ne pouvez pas dire que la DGF diminue globalement alors que vous-même avez voté les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui prévoient sa stabilité.

Selon Mme Delattre, ce projet de loi manque de souffle. Je peux l’entendre, mais, après m’avoir dit et répété pendant trois semaines que j’avais intégralement copié les propositions du Sénat, on me dit maintenant que le texte manque de souffle et qu’il est heureux que le travail de la commission des lois ait permis de l’enrichir… (« Cest vrai ! » sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. C’est toujours vrai !

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’en suis très heureux, parce que seul le résultat compte. Là encore, faisons moins de politique en nous disputant la maternité ou la paternité de telle ou telle proposition. Sinon, on n’en finira pas d’invoquer la loi NOTRe, entre ceux qui la soutiennent et qui continuent visiblement de la soutenir, ceux qui ne l’ont pas soutenue mais l’ont tout de même votée, ceux enfin qui ne l’ont ni soutenue ni votée. Pour ma part, je n’étais ni ministre ni parlementaire à l’époque, mais j’ai combattu cette loi. Nous n’allons pas y revenir sans cesse pendant quinze jours ! Quelle que soit l’appartenance politique de chacun, il s’agit, au-delà des procès d’intention, de trouver des solutions opérationnelles et concrètes pour l’ensemble de nos élus locaux.

Mme Delattre a commencé à défendre, au nom du groupe RDSE, un certain nombre d’amendements, portant notamment sur les pouvoirs de police du maire. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Monsieur de Belenet, je vous remercie de vos propos sur la formation des élus. Concernant les indemnités des élus dans les syndicats intercommunaux, le Gouvernement a levé le gage en commission des lois, ce qui a permis aux différents groupes de la Haute Assemblée de déposer un certain nombre d’amendements sur ce sujet. Vous avez souhaité fixer à 3 500 habitants le seuil de population pour le bénéfice de l’ensemble des dispositions d’accompagnement. Cela permet de couvrir l’essentiel de la ruralité. Il me semble donc que là aussi les choses vont dans le bon sens.

J’indique à M. Adnot que Jacqueline Gourault aura l’occasion de revenir sur l’ensemble des délégations au travers du projet de loi relatif à la décentralisation et à la déconcentration, cette question recoupant évidemment celle de la répartition des compétences entre les différentes strates. En tant qu’ancien président d’un conseil départemental, je suis particulièrement attentif à ce sujet. Il nous faudra être extrêmement vigilants en écrivant la loi, puisqu’il ne peut y avoir de tutelle d’une délégation sur une autre. Nous devrons veiller à ce que de bonnes intentions n’accouchent pas d’un enfer légal !

Madame Cukierman, je vous dois des excuses, à vous et à l’ensemble des membres de votre groupe. En effet, tout à l’heure, m’exprimant sans notes à la tribune, je vous ai oubliés de manière totalement involontaire. Nous avons eu une longue réunion de travail, voilà maintenant plusieurs semaines, comme j’en ai eu avec l’ensemble des présidents de groupe et des sénateurs chefs de file sur ces questions. Nous avons pu avancer sur un certain nombre de points. Je pense d’ailleurs que quelques-uns de vos amendements devraient recevoir un avis favorable tant de la commission que du Gouvernement, car ils vont dans le bon sens. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. C’est bien !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous semblez regretter que nous renvoyions certains sujets à d’autres textes. Pour autant, l’examen de ce projet de loi, dont tout le monde dit qu’il manque d’ambition ou qu’il est très technique, durera déjà quinze jours, près de 1 000 amendements ayant été déposés. Nous assumons notre méthode, qui donne aussi le temps, madame la sénatrice, de faire de la pédagogie auprès de nos collègues élus locaux. En effet, on a bien vu qu’il était très difficile de leur faire comprendre et appliquer les grandes lois qui bouleversent tout, telle la loi NOTRe.

Vous avez pris acte de la philosophie du texte de loi, à savoir tourner la page du gigantisme en matière d’intercommunalités. À cet égard, ce projet de loi représente une rupture culturelle avec la démarche qui a prévalu pendant une décennie.

Selon vous, l’État ne participerait plus financièrement à la solidarité entre les communes. Tel n’est pas le cas : cette année, la DGF s’élève à 28 milliards d’euros, et les crédits d’investissement à 2 milliards d’euros. Au demeurant, votre groupe est cohérent, puisque vous souhaiteriez davantage. (Mme Cécile Cukierman sexclame.)

Monsieur Alain Marc, vous avez rappelé l’essentiel des enjeux en matière d’assouplissement concernant les délégations. Nous en discuterons plus avant au moment de l’examen de l’article en question.

M. Karoutchi est parti…

M. Michel Savin. Il est à la commission d’investiture.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je l’ai moi-même fréquentée, dans le passé, avant d’être exclu des Républicains ! (Exclamations amusées.)

M. Karoutchi a vraiment placé le débat au bon niveau. Il a donné de la profondeur historique à ce que nous cherchons à faire ; là est le vrai fil d’Ariane. Il aurait d’ailleurs pu remonter encore un peu plus loin qu’il ne l’a fait, en partant de 1789, puisque l’acte fondateur de la commune a été posé lors de la Révolution française. En effet, dès le 12 novembre 1789, les Constituants, par un décret et non par une loi, ont transformé ce que l’on appelait les groupements de campagne et les paroisses en communes. Ils ont ensuite décidé, dans un second texte, de construire une maison commune, que l’on appellera la mairie, dans laquelle devront se tenir le maire et l’administration municipale. Tout ce que M. Karoutchi a rappelé est parfaitement exact et nous devrons, au cours de nos travaux, toujours nous référer à ce cadre historique.

Monsieur Mizzon, vous m’avez invité en conclusion à « trouver la voie du Sénat ». Je ne sais pas comment je dois le comprendre. Vous souhaitez, par le biais d’amendements, normer un certain nombre de choses. En même temps, vous avez évoqué un « parfum de liberté » du texte de loi. Je ne vous en fais pas reproche, bien au contraire, puisque vous vous inscrivez ainsi dans la problématique qui imprégnera nos discussions des deux semaines à venir : comment faire bien sans rendre plus rigide ? Peut-être nos avis initiaux sur un certain nombre d’amendements pourront-ils évoluer en séance. En effet, si l’expérience de nos départements ou terres d’élection peut nous guider pour élaborer la loi, la traduction en droit d’une refonte globale d’un système s’avère délicate. Vous pourrez ainsi constater, je pense, que le principe de la liberté obligatoire n’est pas simple à transcrire en droit…

Madame Canayer, vous êtes revenue sur un certain nombre de dispositions. Nous devons continuer d’expertiser l’une de vos propositions, relative au télétravail, car elle n’est pas sans soulever, potentiellement, quelques difficultés pour les employeurs. Il me semble que, au sein du groupe Les Républicains, on aime aussi la liberté d’entreprendre !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Absolument !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous le rappellerai à propos d’un certain nombre d’amendements ! À nos yeux, il s’agit d’un fil conducteur intéressant. Ne rendons pas nos collègues élus locaux inemployables ! Il ne faudrait pas que, croyant leur rendre service, on les discrimine à leur corps défendant aux yeux des employeurs, surtout en milieu rural.

Monsieur Marie, quelques amendements du groupe socialiste et républicain vont dans le bon sens et nous les examinerons avec bienveillance, comme je m’y suis engagé auprès du président Kanner. Je pense notamment à cet amendement relatif aux frais de déplacement des élus en situation de handicap, qui a retenu l’attention de Sophie Cluzel et sur lequel, je le redis, je lèverai le gage.

Monsieur Cabanel, vous avez évoqué assez courageusement les devoirs, à côté des droits. Vous êtes d’ailleurs le seul à l’avoir fait. Ce sujet mérite que l’on s’y arrête. Soyons là aussi attentifs à la rédaction que nous adopterons. En effet, il s’agit davantage, au travers de ce texte, de redonner de la confiance et de la liberté, que d’introduire de nouvelles contraintes. Faut-il inscrire dans la loi que l’engagement est, comme vous le dites, le combat de demain et que les élus d’aujourd’hui ont un devoir de transmission dans les écoles ? Je n’en suis pas certain. Cela étant, vous avez eu raison d’indiquer que nous devons être, collectivement, les promoteurs de cet engagement.

Sur les pouvoirs de police du maire, je ne suis pas vraiment d’accord avec vous. J’ai mené de nombreuses consultations, de même que Françoise Gatel et Mathieu Darnaud. Certains maires ne souhaitent pas avoir davantage de pouvoirs de police : nous n’entendons pas en rendre obligatoire l’extension. Aucun maire ne sera forcé de recourir à des pouvoirs de police qu’il n’a pas envie d’utiliser. La majeure partie des maires demandent néanmoins à disposer des moyens de faire exécuter les décisions de police. Je me suis amusé à regarder le flux de courriers que nous recevons, Jacqueline Gourault et moi-même, depuis maintenant plus d’un an. Aucun maire ne nous a écrit pour nous dire qu’il ne voulait plus être agent de l’État, être OPJ, disposer de pouvoirs de police. Les maires nous demandent des moyens, juridiques ou matériels, pour réaffirmer leurs pouvoirs de police, auxquels nul d’entre eux n’entend renoncer.

M. André Reichardt. Des moyens matériels, surtout !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pas seulement, monsieur le sénateur. Bien souvent, les maires ne peuvent rien faire de la qualité d’OPJ qu’on leur a conférée. Constater et traduire devant le parquet ou devant un juge ne relève pas que de moyens matériels ; l’écriture du droit compte aussi. Cela participe, comme je le disais tout à l’heure, d’une forme de déconcentration de pouvoirs détenus auparavant par l’autorité judiciaire et, surtout, par l’autorité administrative.

Un autre texte de loi relatif aux questions de sécurité, je l’ai déjà dit plusieurs fois publiquement, sera présenté l’année prochaine. Il s’agira notamment non pas de réinventer les gardes champêtres, mais de mettre en place une véritable police municipale adaptée au milieu rural et complètement mutualisable. Tous les chantiers ne peuvent pas être menés au travers d’un unique projet de loi.

Monsieur Wattebled, je partage complètement votre constat. C’est en effet la commune qui fait l’intercommunalité. Je le redis pour MM. Kerrouche et Marie, l’EPCI est un établissement public au service de ses adhérents que sont les communes. L’ensemble forme le bloc communal, Lyon, où la métropole est devenue collectivité territoriale, constituant un cas à part. Si l’on veut changer de modèle – tel n’est pas mon cas –, il faut le dire clairement, monsieur Kerrouche !

Je l’ai déjà dit en commission des lois, Mme Gourault, le ministre de l’intérieur et moi-même serions éventuellement prêts à examiner une proposition concernant la diminution du nombre d’élus municipaux, à la condition expresse qu’il y ait véritablement consensus sur vos travées. En effet, je note que le Gouvernement est l’objet de nombreux procès d’intention. Il ne faudrait pas que ceux-là mêmes qui nous incitent à réduire le nombre d’élus dans les communes rurales viennent expliquer ensuite que ce gouvernement n’aime pas les communes rurales !

Monsieur Lafon, votre long constat était éloquent. Je m’y rallie sans réserve. Vous avez su poser, sur le sujet de l’engagement, des questions assez préoccupantes pour l’avenir. L’élu salarié du secteur privé relèvera toujours, malheureusement, d’un modèle d’engagement spécifique. Quoi qu’il en soit, je note qu’aucune solution miracle ne figure dans les différents rapports sénatoriaux, propositions de loi ou résolutions, tout simplement parce que la question renvoie à d’autres contraintes.

Monsieur Boyer, j’ai déjà répondu sur #BalanceTonMaire. Je n’y reviens, croyant avoir été clair.

Puisque nous nous rejoignons tous sur le constat, il est temps maintenant de trouver des solutions. Je ne pense pas que, dans cet hémicycle, il y ait, d’un côté, ceux qui n’aiment pas les communes, et, de l’autre, ceux qui les aiment, sauf à vouloir faire un procès d’intention ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En tout cas, il sera compliqué de démontrer que Jacqueline Gourault et moi-même n’aimons pas les communes.

Je le disais à l’oreille du président Bas, on peut avoir une vision exclusivement financière des choses. J’ai souvenir d’un candidat à l’élection présidentielle qui envisageait initialement de réaliser 20 milliards d’euros d’économies sur les collectivités territoriales. Finalement, ce chiffre a été ramené à 8 milliards d’euros, puis le projet a été abandonné par le président de l’Association des maires de France quand il a conduit la bataille des législatives en 2017. Le sujet est donc délicat. Aujourd’hui, on nous fait reproche de la stabilité de la DGF, mais du moins elle ne diminue pas. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne demande pas à ce que l’on nous en félicite, mais telle est la vérité des faits ! J’ajoute que vous avez voté à l’unanimité les crédits concernés lors de l’examen du projet de loi de finances ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le répète, la DGF ne diminue pas. Dire autre chose, c’est faire de la politique ! Je respecte cela, mais, M. Guené, le président Éblé et M. le rapporteur général de la commission des finances le savent, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », que vous avez votés à l’unanimité sur ces travées, prévoyaient la stabilité de la DGF.

Mme Sophie Primas. Sauf pour certaines communes !

M. Sébastien Lecornu, ministre. La DGF baisse ou augmente selon les situations, madame la sénatrice ! De nombreuses communes des Yvelines bénéficient de la solidarité au titre de la DSU. Les dotations de l’État aux grandes communes de votre département comptant des quartiers prioritaires de la politique de la ville témoignent de cet effort consenti au titre de la péréquation, laquelle a été décidée par les majorités précédentes… (Mme Sophie Primas proteste.)

Si vous voulez être parfaitement cohérents, déposez des amendements visant à stopper l’effort de péréquation au titre de la DSR cible ! Je le rappelle, nous proposerons cette année de l’augmenter encore de 80 millions d’euros, de même que la DSU. Certes, en affaiblissant la péréquation en faveur des communes les plus fragiles ou en y mettant fin, la DGF sera encore plus stable, mais il y a un choix à faire par les sénateurs et les députés ! La péréquation est un vrai choix politique. On ne peut pas défendre la DSR et la DSU, tout en s’étonnant que la dotation forfaitaire puisse diminuer pour certaines communes. Cela fait quarante ans que le Comité des finances locales a construit ses critères ! M. Laignel les définissait déjà quand je n’avais aucune responsabilité politique. À mon avis, ce choix de la solidarité va dans le bon sens.

Madame Noël, personne n’est dupe de cette « opération séduction » lancée à quelques mois des élections municipales, dites-vous. En quoi cette loi aurait-elle une incidence sur les élections municipales ? (Rires sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.) Peut-être avez-vous en tête d’autres élections qui auront lieu également en 2020…

J’appartiens à une génération d’élus municipaux qui ont passé leur mandat à participer à la commission départementale de la coopération intercommunale, à refaire leur budget en raison d’une diminution autoritaire de la DGF, à s’adapter au redécoupage de leur canton et de leur région.

M. François Bonhomme. C’est vrai !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour la génération d’élus à venir, celle de 2020-2026, le seul vœu que je formule, en tant que ministre, c’est que le paysage soit le plus clarifié possible : voilà ce que nous lui devons !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le premier des rendez-vous, c’est bien sûr la clarification de la relation à l’intercommunalité, qui constitue un gros morceau de ce projet de loi. Au lendemain des élections municipales, les nouveaux élus municipaux, devenus élus communautaires, seront concernés par cette problématique. C’est la raison pour laquelle nous nous hâtons de proposer différentes corrections en la matière.

Je ne reviens pas, madame la sénatrice, sur vos propos un peu gratuits sur le fait que l’exécutif découvrirait le malheur des maires. Ce malheur, je l’ai connu en tant qu’élu local dans mon propre département.

Vous dites qu’il n’y a rien, dans ce projet de loi, sur les départements et les régions. J’ai déjà répondu sur ce point : comment réfléchir aux relations entre département et région sans s’interroger sur le rôle de l’État ? Le sujet difficile de l’articulation entre les régions et les départements, tout comme celui des métropoles, trouvera sa place dans le projet de loi que défendra Jacqueline Gourault.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Un amendement déposé par Mme Assassi nous permettra néanmoins d’évoquer les départements. Je peux d’ores et déjà vous affirmer que le Gouvernement croit fermement à la strate départementale et à l’avenir des conseils départementaux quant à leur capacité à organiser les solidarités territoriales de proximité. Cela fait quinze ans que les départements traînent des difficultés financières, de quinquennat en quinquennat et la loi NOTRe est venue gommer un certain nombre de leurs compétences. Le projet de loi de Jacqueline Gourault permettra d’apporter des réponses.

Pour ce qui concerne la fermeture des débits de boissons, l’État ne cherche nullement à se débarrasser du problème, madame la sénatrice. D’un côté, on nous reproche de ne pas écouter les élus ; de l’autre, on accuse l’État de vouloir se décharger sur eux quand nous les écoutons. S’il s’agit là d’une stratégie d’opposition, vous allez devoir finir par prendre un parti ! Sinon, vous ne serez pas audibles ! (Mme Cécile Cukierman sexclame.)

M. André Reichardt. L’État s’est déjà beaucoup déchargé.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour ma part, je reste persuadé qu’un grand nombre de maires souhaitent voir leurs pouvoirs de police reconnus et respectés. Pour autant, ils ne seront pas obligés de se servir des outils que nous allons, je l’espère, décider ensemble de mettre à leur disposition. Il s’agira d’une simple faculté. Si, chaque fois qu’une liberté nouvelle est donnée aux élus locaux, vous soupçonnez l’État de vouloir se décharger sur eux, vous rejoignez MM. Marie et Kerrouche ! Pour ma part, je soutiens l’extension des pouvoirs de police des maires. Il ne s’agit pas, pour l’État, de se décharger de quoi que ce soit ; il s’agit de liberté et de confiance.

Monsieur Hugonet, j’ai connu de votre part des mélodies plus bienveillantes. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Mais il ne joue pas du pipeau !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je comprends la stratégie politique consistant à dire que des malheurs terribles s’enchaînent depuis deux ans, mais ce n’est pas ainsi que nous avancerons dans le bon sens et que nous serons crédibles collectivement aux yeux des élus locaux. Les opposants au président Pompidou lui reprochaient déjà de ne pas avoir été élu local et de ne rien comprendre aux territoires et aux collectivités.

M. Jean-Raymond Hugonet. Il aura été député, au moins !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout cela renvoie à une période, remontant à une quinzaine d’années, durant laquelle les gouvernements successifs ont profondément hésité à donner de véritables pouvoirs aux élus locaux, un avenir à la strate départementale, de la clarté à la fiscalité. Sur ce dernier point, on pourrait évoquer la suppression de la taxe professionnelle sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la baisse de la DGF et la loi NOTRe sous celui de François Hollande… Après avoir dit ce que nous avions à dire sur le plan politique, nous allons devoir rendre collectivement des comptes. Au moment d’aborder la discussion des articles, je forme le vœu que, plutôt que de faire la généalogie de mesures, bonnes ou mauvaises, remontant pour certaines à ma tendre enfance, nous fassions ensemble, Sénat et Gouvernement, une belle œuvre afin d’améliorer la vie au quotidien des 600 000 élus locaux de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir pris soin de répondre dans le détail aux interventions de nos collègues ; je suis sûr qu’ils y ont été sensibles.

Je n’imaginais pas que le jour viendrait où j’aurais avec vous une querelle de paternité. Nous avons adopté, en 2017, une loi sur la compétence eau et assainissement, et, le 13 juin 2018, une proposition de loi de portée plus large sur l’équilibre des territoires. Ce dernier texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Pourtant, vous aviez tout loisir de le faire, puisque vous considériez que notre travail était une bonne base de départ. Il vous aurait d’ailleurs été loisible, si vous l’aviez inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, de faire amender cette proposition de loi par votre majorité. Si vous aviez opté pour une telle démarche, il n’y aurait eu aucune querelle de paternité. Surtout, votre ambition de voir adopter le présent projet de loi avant le 31 décembre 2019 aurait pu être aisément réalisée, puisque nous vivrions sans aucun doute depuis un an sous le régime d’une loi qui aurait supprimé les irritants de la loi NOTRe, qui semblent aujourd’hui vous donner tant d’urticaire !

Par conséquent, vous avez eu tout loisir de vous inspirer de notre proposition de loi, mais vous n’avez pas voulu l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et vous avez choisi de déposer votre propre texte. Tout cela nous a fait prendre un grand retard dans l’aménagement des dispositions applicables aux collectivités territoriales, concernant notamment la relation entre l’intercommunalité et ses communes membres.

Par ailleurs, j’aimerais évoquer la véritable signification de notre débat. Selon vous, il s’agit de savoir si nous sommes favorables aux libertés locales et si nous faisons confiance aux élus. Je trouve que cette manière de poser le problème augure bien de notre débat. Malheureusement, le Gouvernement a déposé un certain nombre d’amendements qui ne me paraissent pas cohérents avec le propos que vous nous avez tenu. En effet, qui a voulu plus de libertés locales ? C’est la commission des lois.

Je citerai quelques exemples à cet égard : les pôles territoriaux avec délégation de compétences, vous n’en voulez pas ; la répartition des compétences entre les communes et l’intercommunalité, avec la fin des compétences optionnelles, vous n’en voulez pas ; la disposition qui vise à neutraliser les effets d’un retour de compétences aux communes sur le montant total des dotations d’intercommunalité, vous n’en voulez pas ! Vous avez fait une proposition sur les indemnités des élus ; nous aurons à discuter de la nôtre. J’espère que vous l’accepterez, car son adoption évitera au maire d’une commune de moins de 500 habitants de quémander à son conseil municipal un triplement de son indemnité à la charge de la commune.