M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. Madame Robert, l’amendement n° 42 est-il maintenu ?

Mme Sylvie Robert. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 42 est retiré.

L’amendement n° 60, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

Lorsqu’une association

insérer les mots :

reconnue d’utilité publique

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de s’assurer de la qualité de la prise en charge des mineurs dans le cadre des signalements aux plateformes pour les faits dont ils sont victimes.

Il vise également à prévenir tout risque de sur-notification. Il convient de réserver aux seules associations reconnues d’utilité publique la possibilité de notifier un contenu haineux lorsqu’elles sont saisies par un mineur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié sexies, présenté par Mmes N. Goulet et Vérien, MM. Le Nay, Guerriau, Henno, Bonnecarrère, Mizzon, Menonville et Rapin, Mmes Dindar et Férat, M. Louault, Mme Vermeillet, MM. Lefèvre, Danesi et Détraigne, Mme Billon, M. Chasseing, Mmes Kauffmann et Lassarade, MM. Decool et Janssens et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

dans le cadre de leur usage des plateformes en ligne

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. La rédaction actuelle de l’alinéa 2 de l’article 1er ter B restreint le nombre d’associations en capacité d’agir pour la protection des mineurs.

De très nombreuses associations travaillent dans le secteur de la protection de l’enfance et ont acquis une sérieuse expérience. Il serait dommageable de leur refuser le droit d’agir car leurs statuts n’auraient pas prévu la mention de leur protection « dans le cadre de leur usage des plateformes en ligne ».

Le présent amendement a donc pour objet d’assurer une meilleure protection des mineurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement proposé par Mme Goulet vise à élargir aux associations exerçant dans le secteur de la protection de l’enfance la possibilité de notifier des contenus haineux à la demande d’un mineur. Ne serait plus exigée la condition spécifique d’une action de protection dans le cadre de leur usage des plateformes en ligne.

L’adoption de l’amendement n° 60 de la commission permettant de s’assurer du sérieux des intervenants, je n’y suis pas opposé.

J’émets donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié sexies.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville et Wattebled, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

1° Remplacer le mot :

infractions

par les mots :

dispositions pénales

2° Remplacer les mots :

opérateurs mentionnés

par les mots :

personnes mentionnées

La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Le présent amendement, rédactionnel, vise à harmoniser l’alinéa 2 avec le reste du texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces corrections sont pertinentes : avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié septies, présenté par Mmes N. Goulet et Vérien, MM. Le Nay, Guerriau, Henno, Mizzon, Menonville et Rapin, Mmes Dindar, Férat et C. Fournier, M. Louault, Mme Vermeillet, MM. Lefèvre, Danesi et Détraigne, Mmes Billon et Kauffmann, M. Chasseing, Mme Lassarade, M. Karoutchi, Mme Duranton, M. Janssens et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Remplacer les mots :

Elle assure

par les mots :

L’hébergeur assure dans des conditions fixées par décret,

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. En l’état, on voit mal comment l’association pourrait assurer techniquement la conservation des données transmises par le mineur, et comment elle pourrait assurer cette conservation dans des conditions de sécurité suffisantes.

Le présent amendement vise donc à confier cette mission à l’hébergeur et à encadrer les conditions de conservation par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le dépôt de cet amendement me semble résulter d’un malentendu quant à l’objet de la disposition amendée.

Le présent article donne une base légale à la conservation des données transmises par le mineur à ces associations – données personnelles sensibles, listes de contenus. Ces intervenants associatifs en ont besoin pour la sécurité juridique de leur activité.

La conservation des contenus illicites par les hébergeurs est un tout autre sujet.

Je demande donc le retrait de cet amendement et à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme Annick Billon. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié septies est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er ter B, modifié.

(Larticle 1er ter B est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 1er ter B
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet
Article 2

Article 1er ter

(Supprimé)

Chapitre II

Devoir de coopération des opérateurs de plateforme dans la lutte contre les contenus haineux en ligne

Article 1er ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet
Article 3

Article 2

I. – Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 6-2 ainsi rédigé :

« Art. 6-2. – I. – Les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics et dont l’activité sur le territoire français dépasse un ou plusieurs seuils déterminés par décret en Conseil d’État sont tenus, au regard de l’intérêt général attaché au respect de la dignité humaine, de respecter les obligations prescrites à l’article 6-3 de la présente loi aux fins de lutter contre la diffusion en ligne des infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 de l’article 6.

« II. – Aux mêmes fins, est également soumis aux obligations prescrites à l’article 6-3 tout service de communication au public en ligne désigné par délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, qui acquiert en France un rôle significatif pour l’accès du public à certains biens, services ou informations en raison de l’importance de son activité et de la nature technique du service proposé. »

II. – Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 6-3 ainsi rédigé :

« Art. 6-3. – Les opérateurs mentionnés à l’article 6-2 sont tenus de respecter les obligations suivantes, dont la mise en œuvre doit être proportionnée et nécessaire au regard tant de la taille des plateformes et de la nature du service fourni que de l’atteinte susceptible d’être portée à la dignité humaine par les contenus dont ils assurent le stockage :

« 1° Ils se conforment aux règles et modalités techniques définies par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour la mise en œuvre de l’article 6-2 et du présent article et ils tiennent compte des recommandations qu’adopte ce dernier en application de l’article 17-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

« 2° Ils mettent en place, pour les utilisateurs situés sur le territoire français, un dispositif de notification uniforme directement accessible et facile d’utilisation permettant à toute personne de signaler un contenu illicite dans la langue d’utilisation du service. Ils informent les auteurs de notifications abusives des sanctions qu’ils encourent ;

« 3° Ils accusent réception sans délai de toute notification. Ils informent promptement l’auteur d’une notification des suites données à cette dernière ainsi que des motifs de leurs décisions ;

« 4° Ils mettent en œuvre les procédures et les moyens humains et, le cas échéant, technologiques proportionnés permettant de garantir le traitement dans les meilleurs délais des notifications reçues et l’examen approprié des contenus notifiés, ainsi que de prévenir les risques de retrait injustifié ;

« 5° Ils mettent en œuvre des dispositifs de contre-notification et d’appel permettant :

« a) Lorsqu’ils décident de retirer ou rendre inaccessible un contenu notifié et qu’ils disposent des informations pour contacter l’utilisateur à l’origine de la publication du contenu retiré ou rendu inaccessible, à cet utilisateur d’être informé de cette décision et des raisons qui l’ont motivée, ainsi que de la possibilité de la contester. Ils rappellent également à l’utilisateur à l’origine de la publication que des sanctions civiles et pénales sont encourues pour la publication de contenus illicites.

« Le présent a ne s’applique pas lorsqu’une autorité publique le demande pour des raisons d’ordre public ou à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, ainsi que d’enquêtes et de poursuites en la matière ;

« b) Lorsqu’ils décident de ne pas retirer ou rendre inaccessible un contenu notifié, à l’auteur de la notification de contester cette décision ;

« 5° bis (Supprimé) ».

III. – (Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 15 est présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 58 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 1 à 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 15.

M. Pierre Ouzoulias. Il s’agit d’un amendement d’appel : je m’interroge sur le rôle du CSA dans cette régulation de l’internet que vous appelez de vos vœux et que nous souhaitons tous.

Aujourd’hui, en effet, traiter de la régulation des Gafam revient à traiter de la régulation de l’internet, dans la mesure où ces opérateurs sont en situation monopolistique. Aujourd’hui, les Gafam et l’internet se confondent.

Pourquoi confier cette mission de régulation au CSA ? Le CSA est une autorité administrative qui, dans un premier temps, a été chargée d’attribuer des fréquences radio et télévision et de délivrer des autorisations d’émettre en prévoyant des conditions d’octroi dont elle garantissait le respect. Il assurait ainsi une forme de police administrative des fréquences.

Est-il légitime de lui confier également la régulation de l’internet ? J’estime que l’extension du champ de ses attributions mérite d’être discutée, car l’internet doit être considéré différemment : son fonctionnement est en effet beaucoup plus complexe que celui des fréquences audiovisuelles, et beaucoup moins national.

Par cet amendement, j’essaie de lancer un débat sur le rôle que pourrait avoir le CSA dans la régulation de l’internet. Sur le fond, ce débat serait très utile pendant l’examen du futur projet de loi de réforme de l’audiovisuel. Il est évidemment beaucoup plus difficile d’approfondir la question aujourd’hui dans le cadre de nos travaux sur cette proposition de loi, mais je souhaitais tout de même amorcer la discussion.

J’ai une proposition à vous faire, monsieur le secrétaire d’État : la directive sur le e-commerce distingue les hébergeurs des éditeurs, ce qui est essentiel. Pour être hébergeur sur le net, il faut respecter une absolue neutralité dans le traitement de l’information. La question que l’on doit se poser aujourd’hui est donc la suivante : les Gafam peuvent-ils encore être considérés comme neutres de ce point de vue ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 58.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Je retire cet amendement, car il s’agissait d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 51, qui a été précédemment rejeté.

Mme la présidente. L’amendement n° 58 est retiré.

L’amendement n° 16, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 6-2. – I. – Afin de favoriser le développement et l’accès aux plateformes qui protègent efficacement les victimes des contenus haineux, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, permettent à leurs utilisateurs de migrer vers des plateformes tierces tout en continuant à communiquer avec les personnes restées sur leur propre plateforme. Ils implémentent des standards techniques d’interopérabilité entre services de communication au public en ligne, conformes à l’état de l’art, documentés, stables et qui ne peuvent être modifiés de façon unilatérale. »

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement vise à favoriser l’interopérabilité entre plateformes.

Puisque vous m’avez interrogé précédemment sur le sujet, monsieur le secrétaire d’État, je vais me permettre de vous répondre. Pourquoi suis-je attaché à cette interopérabilité ? Aujourd’hui, comme je vous l’ai déjà dit, les grands réseaux sociaux se trouvent dans une situation de monopole en ce qui concerne l’internet. Vous n’avez pas d’autre solution que de passer par eux pour migrer vers une autre plateforme, car ils vous interdisent d’utiliser vos données, vos références et l’historique de vos conversations. D’une certaine façon, il s’agit d’un abus de position dominante : aucune concurrence n’existe, puisque les plateformes se sont arrangées pour investir la totalité du champ de l’internet.

Vous avez dit que j’étais un libéral, monsieur le secrétaire d’État. Cela vous surprend, mais je l’assume ! Je suis profondément attaché au développement d’autres modes de relation entre les plateformes et les utilisateurs. Comme vous le savez, puisque nous en avons parlé durant les travaux de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique, je suis notamment très favorable aux logiciels libres. C’est à ce titre que je revendique le fait d’être un libéral. J’ai d’ailleurs le sentiment que votre gouvernement rencontre des difficultés avec ce type de logiciels.

Je défends l’interopérabilité, afin que des personnes, des usagers qui ne veulent plus utiliser les réseaux sociaux, puissent faire migrer librement leurs données vers d’autres plateformes, et ce pour des raisons éthiques et non pour se protéger, comme vous l’avez dit. Il s’agit d’un point essentiel, qui permettra également de conforter la liberté d’expression.

Si, d’aventure, on s’apercevait que les réseaux sociaux mettent en place des systèmes pour brider l’information et censurer, vous aurez la possibilité de poursuivre vos conversations sur d’autres plateformes et d’échapper ainsi à la censure. Voilà pourquoi l’interopérabilité est vraiment l’un des enjeux fondamentaux de la régulation des Gafam.

Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par MM. Montaugé et Assouline, Mme de la Gontrie, M. Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

publics

insérer les mots :

ou sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Pour impliquer l’ensemble des opérateurs de plateformes en ligne jouant un rôle particulier dans la diffusion et la propagation des contenus haineux, le présent amendement tend à inclure les moteurs de recherche dans le champ des opérateurs concernés par la nouvelle régulation des plateformes, qui seront désormais assujettis à des obligations de moyens renforcées, sous la supervision du CSA.

À l’instar des opérateurs de plateformes en ligne, les moteurs de recherche exercent un rôle d’intermédiaires actifs permettant le partage de contenus auxquels ils offrent un accès plus rapide grâce à des processus algorithmiques de hiérarchisation et d’optimisation.

Le dispositif de cet amendement reprend – c’est un point important – l’une des recommandations formulées par le Conseil d’État dans son avis sur la présente proposition de loi en vue de respecter le principe constitutionnel d’égalité et le principe conventionnel de non-discrimination.

L’État envisagerait justement de consacrer des moyens à l’audit des algorithmes. Il me semble vraiment indispensable de pouvoir les inclure dans le périmètre de la loi parce que, aujourd’hui, il n’y a plus guère de données qui ne passent pas au crible de ces algorithmes – je pense même qu’il n’y en a plus aucune.

Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. La disposition visant à permettre au CSA de faire entrer dans le champ de la loi des acteurs dont les seuils d’activité ne dépassent pas les seuils déterminés par décret nous paraît séduisante dans son principe, mais nous semble poser en l’état des questions juridiques importantes, tant sur le plan de sa conformité à la Constitution que sur celui de sa conformité aux conventions internationales. C’est pourquoi nous en proposons la suppression.

Je vais tâcher d’être encore plus clair.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cela ne sera pas difficile ! (Sourires.)

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Le rapport Loutrel, qui est l’un des rapports sur lesquels les auteurs de cette proposition de loi se sont appuyés, propose la fixation d’un seuil qui permettrait de n’attraper que les très grands réseaux sociaux. Il suggère par ailleurs que, au besoin, le CSA puisse mettre à la charge d’une plateforme qui, bien que présentant un seuil d’activité en deçà de ce seuil, serait considérée comme très dangereuse, de nouvelles obligations de moyens en matière de traitement des notifications de contenus haineux en ligne.

À titre personnel, je suis extrêmement favorable à une telle mesure sur le principe. Nous avons essayé de travailler sur cette idée, mais le Conseil d’État, dans le cadre d’échanges informels, tout comme les directions juridiques de l’État, nous ont expliqué que le fait de maintenir cette disposition qui, je le répète, permettrait au CSA de déroger au seuil fixé par décret, soulèverait des difficultés d’ordre constitutionnel et conventionnel, et fragiliserait l’ensemble de la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces quatre amendements visent à revenir sur-le-champ et la liste des opérateurs soumis à la régulation des plateformes.

Si les amendements nos 15 et 16 étaient adoptés, plus aucun hébergeur ne serait soumis à la régulation et aux obligations de moyens sous la supervision du CSA. Nous y sommes donc défavorables.

L’amendement n° 43 de M. Montaugé vise à réintroduire les moteurs de recherche dans le champ des opérateurs supervisés par le CSA. Il s’agit d’un vrai sujet qui mérite réflexion. C’est pourquoi nous avons eu ce débat à trois reprises : lors des auditions, lors de la présentation du rapport en commission et à l’occasion de l’examen de cet amendement en commission.

La commission a estimé nécessaire d’exclure les moteurs de recherche de la régulation pour deux raisons.

La première tient à leur rôle bien moins déterminant que celui des réseaux sociaux dans la propagation virale de la haine. La seconde est liée à leurs caractéristiques techniques différentes, qui rendent quasiment impossible de désindexer un seul propos haineux précis d’un moteur de recherche sans rendre inaccessible tout le reste d’une page d’un journal ou d’un site pourtant licite.

Pour entrer dans le détail, monsieur Montaugé, les moteurs de recherche, dans leur fonctionnement technique, leur finalité et leur effet sur la viralité d’un contenu, se distinguent substantiellement des réseaux sociaux. Ils organisent la visibilité des contenus sur le net de façon algorithmique, constante et prévisible. Il n’y a normalement aucun traitement particulier en fonction de l’identité de l’auteur de la recherche. La hiérarchisation des contenus n’a pas un caractère social : on ne peut pas poster directement des contenus sur un moteur de recherche, partager ou réagir pour en augmenter l’audience avec des like ou des share, par exemple.

Les moteurs de recherche ne contribuent pas, comme le font les réseaux sociaux, à la viralité d’un contenu. L’utilisateur d’un moteur de recherche n’y voit que les informations qu’il est venu chercher en fonction de sa requête, contrairement aux réseaux sociaux sur lesquels une foule de contenus publiés par ses contacts lui sont proposés.

Si les moteurs de recherche contribuent à la visibilité des sites internet, ce ne sont pas eux qui rendent directement ces sites ou les contenus publics. Un site se retrouve référencé dans le moteur de recherche, non pas à la demande de son auteur, mais automatiquement.

Enfin, les moteurs de recherche ne stockent pas les contenus, ils les référencent. Ils ne peuvent pas bénéficier techniquement du recours à certaines bases de données de contenus illicites.

Par ailleurs, comme je l’ai dit, les caractéristiques techniques des moteurs de recherche rendent quasiment impossible de désindexer un seul propos haineux sans rendre inaccessible tout le reste d’une page ou d’un site pourtant licite. Un passage haineux peut être présent sur un site indexé à côté de bien d’autres passages qui ne le sont pas. Je pense, par exemple, à un commentaire sur la page d’un média, d’un forum ou d’un site consacré à des débats participatifs : faut-il pour autant déréférencer le site entier au risque d’atténuer significativement sa visibilité sur internet et la liberté d’expression des autres utilisateurs ?

Pour conclure, je note que la loi allemande, la NetzDG, les exclut de son périmètre et que la proposition de loi initiale de Mme Avia ne les incluait pas.

La commission vous demandera donc, monsieur Montaugé, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi elle y sera défavorable.

Enfin, l’amendement n° 57 du Gouvernement vise à supprimer la possibilité donnée au CSA de faire entrer dans le champ de sa régulation des plateformes moins grandes, mais très virales. Il s’agit pourtant d’un dispositif qui introduit de la souplesse et auquel tient la commission : elle émettra donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Je ne reviendrai pas sur l’amendement de M. Montaugé, dans la mesure où M. le rapporteur a bien exposé les raisons pour lesquelles il ne nous semblait pas souhaitable d’inclure les moteurs de recherche dans le champ des plateformes concernées. Je répète que nous sommes d’accord sur le fond, mais que nous estimons qu’il existe un risque qu’une telle disposition soit déclarée contraire à la Constitution ou aux conventions internationales. Nous le regrettons, mais c’est la raison pour laquelle j’ai défendu l’amendement n° 57 au nom du Gouvernement.

Au sujet du CSA, monsieur Ouzoulias, vous serez d’accord avec moi pour reconnaître qu’il faut bien une autorité indépendante pour assurer la supervision des plateformes. S’agissant de contenus, en effet, il n’est pas souhaitable que le Gouvernement s’en occupe.

Il fallait opérer un choix entre diverses autorités indépendantes. Le CSA a une expérience certaine en matière de contenus, notamment à la télévision. Il est évident que les usages et les pratiques des Français évoluant, la compétence du CSA doit s’étendre au numérique. Il est normal qu’il s’adapte aux usages du temps. Cela représente un défi pour le CSA, notamment technologique, parce qu’il faut être capable de tout contrôler.

Cela étant, c’est un défi pour l’ensemble de la puissance publique : nous devons nous doter des compétences adéquates, parfois en payant le prix fort. Pour le dire plus clairement, il faut payer des personnes capables de discuter avec les ingénieurs de Facebook et de Google et de comprendre ce qui se passe. Il s’agit d’une nécessité pour la puissance publique si elle veut continuer à « faire son boulot », si je puis m’exprimer ainsi. C’est un défi pour le CSA, mais aussi pour l’Arcep, pour la CNIL, et pour le Gouvernement de manière générale.

Il est nécessaire d’adapter les outils et les pratiques aux usages, et il nous a semblé que, parmi les régulateurs et les autorités indépendantes, le choix du CSA était tout à fait justifié.

En ce qui concerne l’interopérabilité, je vais répéter ce que j’ai dit plus tôt : le Gouvernement français assume publiquement l’idée que l’interopérabilité est un outil auquel il faut avoir recours – parmi d’autres outils, bien sûr, qui peuvent aller jusqu’à l’adoption de mesures structurelles – pour réguler les très grandes plateformes. Il faut utiliser cet outil, notamment dans le cadre de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, pour réduire l’empreinte d’acteurs qui, économiquement et démocratiquement, est devenue trop forte. Cependant, nous pensons qu’il faut d’abord agir au niveau européen.

Enfin, je continue de penser que votre approche pose un problème philosophique, car elle consiste à dire, si je la transpose dans le monde physique, qu’il ne faudrait pas réguler un marché sur lequel des individus vendent des choses dangereuses, mais créer un marché parallèle pour que les consommateurs puissent poursuivre leurs transactions. Cela pose un vrai problème philosophique : je pense que le rôle de l’État est précisément de contrôler l’ensemble des opérations sur un marché donné et d’empêcher que ne se produisent des choses illégales.

Une fois que l’on a dit cela, je suis totalement favorable à l’interopérabilité et je pense qu’il faudra avancer dans cette voie.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements de M. Ouzoulias.