Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour dénoncer et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicap
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 63 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 341

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour dénoncer et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicap
 

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La laïcité, garante de l’unité nationale

Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « La laïcité, garante de l’unité nationale. »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a cinq ans, presque jour pour jour, la République était frappée au cœur. Il y a cinq ans, presque jour pour jour, mon ami Charb perdait la vie avec les membres de la rédaction assassinée du journal satirique Charlie Hebdo.

Après les militaires tombés à Montauban et les élèves de l’école juive de Toulouse, massacrés en 2012, d’autres attaques terroristes ont encore tué en novembre 2015, au Bataclan, au Stade de France, à l’Hyper Cacher, sur les terrasses, puis à Nice en 2016, à Trèbes, à Saint-Étienne-du-Rouvray, à Marseille, à la préfecture de Paris et, la semaine dernière, de nouveau, à Villejuif.

Je tiens à rendre hommage solennellement à toutes les victimes de ces actes inqualifiables.

Ces coups de boutoir ont ébranlé notre République, mais n’ont jamais fait vaciller ses fondements humanistes et universalistes. Leur objectif était de tenter d’abattre notre socle républicain, notre arbre de la liberté, dont les ramures sont la liberté de penser, la liberté d’expression, celle de critiquer les religions, de s’amuser en célébrant le sport, la chanson ou la fête nationale, de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience. Ce sont bien elles qui ont été visées il y a cinq ans.

Avec les membres de mon groupe, je ne veux retenir de cette période sombre que les jours qui ont suivi la stupéfaction : plus de 4 millions de nos compatriotes sont descendus dans la rue, le 11 janvier 2015, pour exprimer leur solidarité, se serrer les coudes face à l’adversité et rendre un hommage poignant, encore aujourd’hui dans notre mémoire collective, à toutes les victimes, aux intellectuels idéalistes qui se battent pour faire vivre nos principes républicains au prix de leur vie, mais aussi aux forces de l’ordre, en première ligne pour apporter secours aux victimes et traquer les assassins qui ont tué au nom de l’obscurantisme et du terrorisme islamiste.

Je me souviens aussi de la solidarité internationale, notre République accueillant les chefs d’État du monde entier, venus épauler nos concitoyens.

Je me souviens encore de la statue de la République, dressée sur la place du même nom, devenue un promontoire bigarré, tagué, éclairé par les bougies et les messages des anonymes venus durant des jours, des semaines, des mois communier avec force slogans et ex-voto : « Je suis Charlie » ; « Nous sommes Charlie » ; « Même pas peur ! » ; « Vous n’aurez pas notre haine » ; « Charliberté » ; « Mourir pour un dessin » ; « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang » ; « La liberté de la presse n’a pas de prix ! »

Je me souviens des paroles prononcées par Charb, en 2012, à l’occasion de la cérémonie du prix national de la Laïcité, qu’il me remettait à l’hôtel de ville de Paris, comme une prémonition : « Je préfère mourir debout que vivre à genoux. » Aujourd’hui, nous le savons, la liberté a un prix, celui du sang. (Loratrice se montre très émue.)

La France a surmonté toutes ces épreuves avec le temps, et l’on peut réaffirmer, aujourd’hui, comme il y a cinq ans, que notre République est plus forte que la haine.

En cette période de souvenir, les membres du groupe du RDSE ont voulu inscrire à l’ordre du jour du Sénat un débat consacré à la laïcité, garante de notre unité nationale. En effet, nous considérons que ce principe constitutionnel, propre à la France, a d’abord et avant tout contribué à l’émancipation individuelle en garantissant à chacun que son droit de croire ou de ne pas croire serait protégé par la loi et respecté par autrui. En cela, la laïcité, adossée à la loi de 1905, a contribué et continue encore à préserver l’unité de notre pays dans la paix et la concorde civile.

Comme je l’ai déjà dit à cette tribune, la France peut s’enorgueillir d’avoir fait des Lumières la source de son pacte républicain, contre tous les fanatismes, rassemblant nos concitoyens dans ce qu’ils ont de commun, par-delà leurs origines et leurs croyances, recherchant l’égalité des droits entre les individus, quelles que soient leurs particularités, leurs convictions religieuses ou leur place dans la société. La laïcité renforce les principes républicains de fraternité, d’égalité et de liberté. Un individu ne saurait être résumé à ses identités particulières. Nous refusons la tentation, à laquelle certains ont cédé, du repli sur une vision essentialiste de l’individu.

Avec les membres du groupe du RDSE, nous ne laisserons pas l’instrumentalisation de nos valeurs républicaines gagner les esprits au profit d’une vision communautariste de la société, quelle qu’elle soit, ou d’une radicalisation à des fins électoralistes et de division.

Il nous faut néanmoins nous interroger sur les raisons pour lesquelles des Français ont attaqué nos valeurs républicaines de la sorte. En aucun cas, le terrorisme n’a pour cause notre modèle républicain, qui serait supposément défaillant en raison de la laïcité. Ne nous trompons pas d’ennemi. La laïcité est bien un facteur de cohésion, de dialogue, de rassemblement de notre communauté nationale.

Dès le lendemain du 7 janvier 2015 a débuté l’examen de conscience nécessaire pour comprendre les racines du mal et ainsi mieux le combattre. Pourquoi, à rebours de la laïcité, certains choisissent-ils de s’enfermer dans une communauté, rejetant les principes de notre société, s’engageant sur la voie de la violence et de la radicalisation ?

En tant que parlementaires, sur ces travées du Sénat, nous avons pris et continuons à prendre notre part de responsabilité dans ce travail d’analyse pour contribuer à lutter contre une forme de radicalisation idéologique protéiforme qui voudrait abattre notre modèle de démocratie républicaine. Nous le faisons, par exemple, dans le cadre des commissions d’enquête, comme en 2015, avec celle consacrée à l’organisation et aux moyens de lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, ou celle que j’ai présidée en 2016, dont le rapport s’intitule Faire revenir la République à lécole, ou encore, en 2018, celle consacrée à l’évolution de la menace terroriste après la chute de l’État islamique, mais aussi, actuellement, avec les travaux engagés sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, cette dernière commission étant présidée par notre collègue Nathalie Delattre.

À ceux qui interrogent notre modèle républicain, considérant en particulier que la loi de 1905 doit être modifiée, pointant du doigt la laïcité comme cause de certains de leurs maux ou cherchant à chaque occasion à l’instrumentaliser pour diviser davantage nos concitoyens selon leurs croyances ou leurs origines, notre groupe veut répondre clairement : la laïcité est avant tout garante de notre unité nationale en tant que facteur d’égalité entre individus, dans le respect qui leur est dû.

Les Français, tout comme nos voisins européens, se sécularisent davantage d’année en année. Des études le confirment régulièrement. Il nous faut donc tenir bon et préserver le principe de séparation de l’État et des cultes, qui garantit qu’aucune religion ne peut revendiquer sa supériorité à la loi commune des citoyens, ou encore l’obligation de neutralité des services publics et l’égalité des droits entre les individus, femmes et hommes.

C’est la raison pour laquelle, en tant que présidente de l’association Égale – égalité, laïcité, Europe –, fondée par notre ancien collègue Gérard Delfau, j’ai signé l’appel du 11 janvier lancé par le collectif laïque national pour appeler les Français à se rassembler à cette date dans toutes les villes de France. Les membres du groupe du RDSE, à leur tour, appellent toutes les citoyennes et tous les citoyens, partout où ils se trouvent et sans distinction d’origine, de sexe, d’appartenance religieuse ou philosophique, à se joindre à ce rassemblement, le 11 janvier prochain. Ensemble, nous pourrons réaffirmer : « Nous sommes Charlie, nous sommes la République ! »

Le groupe du RDSE, vous le savez, monsieur le ministre, a toujours placé la laïcité au frontispice de ses principes. Nous continuerons, quels que soient le sens du vent, les esprits chagrins ou les aboiements de la meute. Notre pays a aujourd’hui besoin d’apaisement et de sérénité. La laïcité doit en être un pilier essentiel. À cet effet, nous souhaitons pouvoir compter sur l’engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC, Les Républicains et SOCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au cœur de notre pacte républicain, il est une valeur fondamentale à laquelle, je le sais, cette institution et le groupe du RDSE sont particulièrement attachés, une valeur fondamentale avec laquelle le Gouvernement ne transigera pas, c’est la laïcité.

Sans entrer dans le débat philosophique, et en écho à vos propos, madame la sénatrice Laborde, il est important de rappeler que la laïcité est un principe essentiel, déterminant qui s’applique à l’État, et non pas à la société des individus qui la composent. Comme vous, je ne fais pas de lien entre terrorisme et laïcité. Le terrorisme n’est pas l’échec de la laïcité. Il importe de bien le préciser.

La laïcité, c’est un principe d’organisation de la relation entre l’État et les citoyens. Il ne s’agit pas d’une règle qui s’applique et qui s’imposerait à chacun de nos concitoyens. Elle n’a pas été construite comme cela, mais j’y reviendrai.

La laïcité est au croisement de différents principes. Elle est cet équilibre entre libertés individuelles, respect de l’ordre public et neutralité de l’État et des services publics. C’est cet équilibre qui est structuré autour de la laïcité et qui est parfois attaqué.

La laïcité est donc avant tout une garantie : la garantie de la séparation stricte des cultes et de l’État. C’est la garantie qu’aucune religion, quelle qu’elle soit, ne sera privilégiée, favorisée ou, au contraire, mise en cause ou stigmatisée.

La laïcité, c’est également une liberté : la liberté de croire ou de ne pas croire, sans risque d’être inquiété ; la liberté de vivre sa foi ou son absence de foi, sans crainte d’être menacé de représailles.

La laïcité, enfin, c’est le respect : le respect absolument essentiel, par chaque culte, des lois de la République ; le respect aussi, par la République, de chaque religion, pourvu qu’elle accepte ses principes.

Alors, oui, la laïcité est un principe essentiel pour notre République ! C’est un fondement reconnu dès l’article 1er de notre Constitution, un fondement que nous ferons tout pour préserver et garantir, dans une société complexe où certains souhaiteraient l’instrumentaliser à des fins étrangères au bien commun.

Ce débat, j’en suis convaincu, est un donc un moment utile, salutaire. Il participe de cette volonté d’apaisement et nous permet d’affirmer les choses, de rappeler quelques principes essentiels pour l’unité nationale.

Je veux affirmer devant vous qu’en matière de laïcité nous n’avons qu’un seul programme : la loi de 1905.

La loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État est une loi d’équilibre, qui a été réfléchie, débattue, qui place avant toute chose la liberté de conscience et la garantit. Cette loi peut évoluer, bien sûr, et elle a évolué au fil du temps, des évolutions de la société et des défis qu’elle rencontrait. Néanmoins, si la loi peut être conduite à évoluer, son esprit doit demeurer, lui, invariable : la séparation stricte des cultes et de l’État et la protection de la liberté de conscience de toutes et tous. Toute modification ne doit viser qu’un seul but : la renforcer.

La liberté de conscience et la liberté de culte doivent se soumettre à un cadre clair : les lois de la République. La Constitution, le bloc de constitutionnalité et nos lois sont essentiels pour notre démocratie. Ils garantissent la liberté, l’égalité, la fraternité. Ils découlent de notre histoire et des choix démocratiques de nos concitoyens.

Ainsi, ces textes sont le cadre large, mais protecteur dans lequel nous évoluons. Cela signifie que toute idéologie, tout culte, toute religion doit d’abord s’inscrire dans ce cadre, respecter nos lois et nos valeurs. C’est un préalable nécessaire et non négociable.

Le Gouvernement demeurera évidemment déterminé à faire primer une interprétation respectueuse de notre héritage, d’une laïcité qui se passe d’épithète ou d’attribut, d’une laïcité qui suscite l’harmonie, de sorte que chaque croyant, chaque non-croyant et tous ceux qui se questionnent puissent la vivre librement.

La laïcité à la carte n’existe pas. La République est un tout et chacun doit l’accepter comme tel.

Aussi, nous devons être fermes, très fermes face à ceux qui veulent s’affranchir de nos lois et de nos valeurs, face à ceux qui placent des principes religieux au-dessus des lois de la République. Ceux-là veulent nous combattre, nous diviser. Ils veulent créer de la défiance et des antagonismes. Ils veulent briser les libertés et endoctriner les esprits. Nous ne pouvons pas le tolérer et nous devons les combattre de toutes nos forces.

Opposer le principe de laïcité aux adversaires de la République ne suffit toutefois pas. Si nous nous contentions de cela, elle ne serait au fond qu’une feuille de papier qu’une flamme pourrait emporter, et certains n’hésiteraient pas à vouloir l’enflammer. Nous devons la défendre face aux attaques de nos ennemis et le faire avec force et vigueur, sans angélisme.

À la fin du mois de novembre, j’ai réuni à Paris, en présence de plusieurs ministres, tous les préfets. J’ai réaffirmé devant eux la nécessité que la République soit respectée sur chaque mètre carré de notre territoire et qu’aucune entorse à ses principes et ses valeurs ne soit tolérée. Je leur ai demandé, une circulaire venant compléter cette demande, que la lutte contre l’islamisme et le repli communautaire se place au sommet de leurs priorités.

Je crois que cette demande fera date. Je crois qu’elle est d’importance. Elle nous permet d’envoyer un message très clair à ceux qui croient pouvoir nous atteindre. Le communautarisme, l’islamisme ne sont pas négociables avec la République. Nous devons assumer cette position. Certains voudraient nous enfermer dans un débat pour nous empêcher d’oser dire un certain nombre de choses. Or accepter que chaque critique de certains comportements non conformes aux valeurs de la République soit taxée d’islamophobie, nous empêchant par là même de les dénoncer, serait une faute.

Vous le savez, nous avons placé la reconquête républicaine au cœur de notre action. En 2018, le Gouvernement a identifié quinze quartiers particulièrement exposés à l’islamisme et au risque de communautarisme et y a mené une action résolue pour mettre un terme aux agissements de ceux qui défiaient la République. Cela a commencé à porter ses fruits. En un peu moins de deux ans, nous avons pu fermer cent trente-huit débits de boisson, treize lieux de culte, quatre écoles et onze établissements culturels. Tous s’étaient changés en officine de haine, et nous sommes parvenus à les arrêter.

Nous avons également frappé au porte-monnaie de nombreux établissements qui servaient de devanture aux contempteurs de la République. Contrôle après contrôle, nous avons pu redresser les établissements visés pour plus de 17 millions d’euros.

Cette méthode a permis d’atteindre des résultats. Nous avons donc décidé de la généraliser, et j’ai demandé aux préfets une application extrêmement stricte de nos lois. Je leur ai demandé aussi de faire travailler les acteurs ensemble sur le terrain. En effet, le volet répressif seul ne peut suffire. Il faut reconstruire partout la présence républicaine. C’est pourquoi nous devons mener simultanément une politique ambitieuse pour l’éducation, pour la ville, pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

J’ai enfin demandé aux préfets un discours républicain assumé et intransigeant. Cela s’applique à tous les responsables de l’État. C’est un précepte que nous pouvons nous appliquer, à nous aussi, responsables politiques, qui avons le devoir de montrer l’exemple.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat sera l’occasion d’échanger des points de vue et de faire émerger des idées pour affirmer notre laïcité. Je suis impatient que nous puissions l’avoir ensemble, et je peux vous dire que je l’aborde avec l’esprit de la loi de 1905 chevillé au corps et avec les valeurs de notre République comme seule boussole. C’est ma doctrine. C’est aussi celle de tout le Gouvernement, et nous devons la mettre en œuvre de façon inlassable, partout et à tout moment. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, UC et Les Républicains.)

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. L’article 1er de notre Constitution rappelle que la France est une République indivisible et laïque. Chacun d’entre nous, dans cet hémicycle, fait sien ce principe essentiel qui, depuis plus d’un siècle, constitue le socle majeur de nos libertés. Je tiens donc à remercier François Laborde et le groupe du RDSE d’avoir proposé ce débat.

La laïcité est l’une des bases essentielles de notre société, qui permet à chacun de croire ou de ne pas croire, tout en garantissant le libre exercice des cultes et, par là même, l’absolu respect des opinions de chacun. Elle fonde ainsi la paix civile, et nul ne saurait ni la contester ni s’en affranchir, puisque la loi commune s’impose à tous, sans restriction d’aucune sorte. Pourtant, force est de constater qu’elle fait aujourd’hui l’objet de nombreuses attaques, ce qui n’est pas acceptable. La République, sur son sol, ne doit laisser aucune forme de communautarisme la remettre en cause.

La République est donc totalement indépendante des religions et de tous les systèmes, quels qu’ils soient, qui pourraient priver les citoyens de leur liberté de penser, de croire et de vivre comme ils le souhaitent, dès lors qu’ils respectent la loi.

Cependant, la laïcité n’est pas seulement un corpus de droits. Elle englobe aussi des devoirs. Si l’État garantit aux religions la liberté d’être pratiquées, celles-ci doivent, en retour, respecter les lois de la République. En conséquence, nul n’a le doit d’empêcher tel ou tel citoyen français de faire, dans le domaine public, ce qu’il veut, où il veut, quand il veut, dès lors qu’il s’agit d’une activité légale. Or cela n’est plus le cas aujourd’hui dans certaines zones géographiques ou certains quartiers.

Chacun le sait, aucune liberté n’est garantie si l’on n’en défend pas le principe et si l’on ne veille pas en permanence à son respect le plus absolu. C’est, bien entendu, le rôle de l’État et de ses représentants, mais aussi celui de tous les citoyens, en particulier ceux qui agissent dans les associations. C’est pourquoi il appartient à tous – je dis bien à tous ! – de faire respecter la laïcité chaque jour : au Gouvernement, à l’administration, à la magistrature, au Parlement, aux corps constitués, du ministre à l’instituteur,…

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !

M. Daniel Chasseing. … du préfet au maire, du conseiller d’État au responsable du plus modeste des clubs de sport ou d’association.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait bon de rappeler formellement les règles de la laïcité à tous les agents de l’État,…

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Chasseing !

M. Daniel Chasseing. … d’aider concrètement les maires à les faire respecter,…

Mme la présidente. Il faut vraiment conclure !

M. Daniel Chasseing. … d’encourager les juges à sévir et à ne jamais transiger lorsque la laïcité est menacée par l’arbitraire, quel qu’il soit ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Vous avez raison, monsieur le sénateur Chasseing, d’évoquer ces nombreuses attaques que nous constatons, hélas, en de nombreux lieux de notre territoire national, et pas seulement dans quelques quartiers.

Il importe de rappeler, comme vous l’avez fait, que la laïcité n’est pas seulement un corpus de droits ; c’est aussi un ensemble de devoirs. Quand nous engageons, en le nommant, le combat contre l’islamisme, nous devons le faire pour les musulmans, avec les musulmans, et pas contre eux.

M. Rachid Temal. Ce sont d’abord des citoyens !

M. Christophe Castaner, ministre. En effet, ils sont aussi les premiers acteurs citoyens à pouvoir lutter contre cette dérive que constitue l’islamisme.

La limite de la liberté d’expression religieuse, c’est effectivement d’enfreindre les lois de la République, mais, attention, il ne s’agit pas non plus de contester cette liberté et le choix de chacun. À cet égard, permettez-moi de citer l’article 9 de la CEDH : « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

C’est cet équilibre-là qu’il est important de toujours avoir en tête. Je pense que nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de notre débat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. Dernièrement, nous avons eu à débattre du port du voile lors des sorties scolaires pour savoir s’il fallait interdire ou autoriser des femmes à porter un signe prétendument religieux en ces occasions. Il me semble, personnellement, que ce signe est plus culturel que religieux.

Demander aux femmes de le retirer revient à supposer que son port est libre de toute contrainte et relève du choix éclairé de celle qui le porte ; choix éclairé, en tout cas volontaire, parfois, bien sûr, mais choix dicté par une pression sociale et culturelle, souvent. Lorsque l’on est plus tranquille pour entrer ou sortir de chez soi en portant un voile, on peut l’adopter par confort, voire contrainte, plus que par conviction. Les femmes qui n’entrent pas dans les cafés dans certains quartiers ne sont pas réfractaires à ces établissements, mais bien plutôt gênées par les regards et la pression qui s’exercent sur elles lorsqu’elles en franchissent la porte.

La laïcité consiste à permettre à chacun, dans la sphère privée, de pratiquer ou non la religion et d’avoir un même droit à la libre expression, mais lorsque la pression sociale, familiale, culturelle s’impose, comment s’exprimer librement ? Lorsque cette pression s’exerce à l’intérieur d’un foyer, il est vrai, monsieur le ministre, que vous n’y pouvez rien, mais lorsqu’elle s’exerce dans l’espace public, dans la rue, dans les cafés, cela est bien de votre ressort. Qu’entendez-vous faire pour que la laïcité s’applique et offre la liberté, partout sur le territoire, de croire ou ne pas croire, de le montrer ou de ne pas le montrer ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Vérien, peut-être aurons-nous l’occasion de revenir sur le débat relatif au port du voile, que vous avez déjà eu ici. Pour ma part, j’ai toujours pensé que nous devrions déjà appliquer la loi qui existe. Par ailleurs, j’ai toujours dit publiquement, y compris dans les médias, qu’il ne s’agissait pas pour moi du meilleur angle pour lutter contre le communautarisme.

M. Christophe Castaner, ministre. Il faut savoir que 33 % des femmes qui pratiquent la religion musulmane portent le voile. C’est un fait que nous devons avoir en tête.

Je suis persuadé que c’est la mise en avant de cette valeur fondamentale qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes qui doit nous permettre de combattre ces excès religieux imposant à des femmes, à des sœurs, à des enfants des règles qui entament la liberté de choix et de conscience. Cette forme de pression sociale, qui, vous avez raison, existe dans certains quartiers, est un angle sur lequel nous devons agir. Le combat pour la liberté au titre de l’égalité entre les femmes et les hommes est, à mon avis, essentiel dans la lutte contre le communautarisme et l’islamisme rampant dans certains quartiers.

C’est par l’école que nous devons commencer. Les enseignants, et c’est le cas le plus souvent, doivent porter une vigilance toute particulière aux dérives que peuvent subir des jeunes filles dès leur plus jeune âge. Ce n’est qu’un exemple, mais je crois que l’entrée par l’égalité entre les femmes et les hommes doit nous mobiliser.

Il faut également appliquer les lois sur les injures sexistes et sur les menaces. En appliquant les règles de droit commun, nous pouvons cibler celles et ceux qui, au nom de la religion, voudraient imposer un principe de supériorité.

Le débat sur le voile s’appuie sur l’idée que son port constituerait une menace à la liberté de choix. Or il faut avoir en tête que la plupart des études sur ce phénomène montrent que le port du voile n’est que très rarement subi. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Il est le choix d’un tiers des femmes qui pratiquent la religion musulmane. Le CFCM a rappelé, voilà quelque temps, que, s’il s’agissait d’une prescription religieuse, une femme qui ne porterait pas le voile ne serait en aucun cas une mauvaise musulmane.