M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je laisse de côté les arguments relatifs aux modalités de prise en compte du transfert d’embryon post mortem, évoqués à l’instant par Mme le garde des sceaux. Celles-ci n’ont pas été prévues par l’amendement n° 24 et ses sous-amendements, ce qui pose en effet un sérieux problème juridique.

J’axerai davantage mon intervention sur l’argumentation de Mme la ministre des solidarités et de la santé, que j’ai trouvée très convaincante.

Le risque majeur de cette disposition, si nous devions l’adopter, est d’installer les femmes dans un « deuil interminable » – je reprends vos termes, madame la ministre – et de faire vivre un enfant dans une situation d’ambiguïté, celle de l’entretien d’un amour interrompu par la mort. Je suis pris de vertige à cette idée, tant pour la femme que pour l’enfant, et je trouve que vous avez développé des arguments à la fois de raison et de profonde humanité.

L’empathie consiste non pas à faire sienne l’émotion sincère et profonde exprimée par certaines femmes qui sont encore sous le choc d’un deuil extrêmement cruel, mais au contraire à prendre en compte leur souffrance et à rechercher la meilleure solution pour l’apaiser. En aucun cas la naissance d’un enfant, mis au monde deux ans après la mort de son père, ne peut être une solution.

En mon âme et conscience, je me rallie donc entièrement à la position que vous avez exprimée avec sagesse, madame la ministre. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Le débat, quand il est serein et pédagogique – cela n’empêche pas d’avoir du cœur –, peut être utile. N’étant pas un spécialiste du sujet, après avoir écouté les arguments des uns et des autres au sein de la commission spéciale, j’avais le sentiment que l’amendement de Catherine Procaccia était celui qui permettait de mieux encadrer la mesure, tout en étant assez réticent sur l’idée d’une PMA post mortem.

J’entends aussi vos arguments, madame la garde des sceaux, mais je ne suis pas non plus juriste et, comme vous l’avez vous-même indiqué, le droit peut toujours évoluer.

En revanche, à la suite du président Philippe Bas – il faut donc croire que tout ne nous sépare pas ! (Sourires.) –, il m’a semblé, en conscience, que les arguments de Mme la ministre des solidarités et de la santé étaient parfaitement convaincants.

Catherine Procaccia m’en excusera, mais je me rallie totalement à cette position et je ne voterai pas ces amendements. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM. M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Je ne voterai pas non plus les différents amendements qui visent à encadrer plus ou moins strictement la PMA post mortem.

Avec cette disposition, on joue avec la vie, qui est faite parfois de grands moments de plaisir, mais aussi de moments de tristesse et de deuil.

Or, la plupart du temps, on ne décide pas du moment de sa mort. Celle-ci peut advenir à tout instant et peut en effet remettre en cause des projets qui étaient portés par le couple.

La loi doit-elle permettre à quelqu’un qui n’est plus de donner la vie ? Cet acte – donner la vie – est-il uniquement lié au vivant ou peut-il être réalisé au-delà de la mort ?

J’entends l’argument qui a été soulevé sur la question de la construction de l’enfant. Du fait de la psychologie humaine, on peut en effet penser que la mère qui a perdu un être cher opèrera sans doute une forme de transfert dans la manière dont elle élèvera son enfant, ce qui fera peser sur celui-ci une responsabilité et un héritage émotionnel ou passionnel, au-delà du seul aspect juridique.

C’est pourquoi je ne pense pas que ces amendements aillent dans le sens de l’intérêt de l’enfant et de sa capacité à se construire et, plus tard, à s’émanciper. Il est une chose de naître de père inconnu – ce n’est déjà pas simple –, il en est une autre de naître de père décédé.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote, et non pour un rappel au règlement… (Sourires sur plusieurs travées.)

M. Bruno Retailleau. Je vois, monsieur le président, que vous avez retrouvé votre humour. Je m’en félicite et je suis sûr que chacun ici partage ce plaisir… (Nouveaux sourires.)

Le projet de loi traite de sujets graves et ces amendements sont très importants. Il me semble que celui de Mme Procaccia est meilleur que les autres, même si je n’ai pas l’intention de le voter.

Il y a en réalité deux voies possibles : la première est logique, la seconde est préventive ou prudentielle. Il est logique que celles et ceux qui veulent ouvrir la PMA aux femmes célibataires soutiennent la PMA post mortem. En ce qui me concerne, je me rallie à la voie préventive, celle qui est mise en avant par Mme Buzyn.

Je comprends la position que j’ai qualifiée de logique : à partir du moment où l’on appelle de ses vœux l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires, la question se pose très vite de savoir au nom de quel principe on refuserait à une veuve une insémination avec les gamètes de son mari, alors qu’elle peut être autorisée à en recevoir de la part d’un inconnu.

C’est évidemment une question sensible qui, Philippe Bas le disait, donne le vertige, mais je crois que nous devons nous écarter de cette logique quelque peu mécanique et refuser la PMA post mortem.

J’ai beaucoup apprécié votre développement, madame la ministre des solidarités de la santé. Il était empreint d’humanité et a renforcé ma conviction : je ne pense pas que nous devrions légiférer sur ces sujets qui touchent certaines limites ; sur ces sujets, c’est l’approche prudente, préventive, qui doit s’imposer. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Je n’ai pas voté en faveur de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, mais sur le sujet soulevé par ces amendements j’ai beaucoup hésité, car cette mesure est une forme de respect envers les femmes qui sont dans le malheur d’avoir perdu un être cher, qui sont dans le deuil. Et, madame la ministre, vous m’avez convaincu !

Je vais reprendre l’argument qui me paraît déterminant en tant que médecin : la question du deuil. Nous savons bien qu’au-delà d’une certaine durée, qui est variable selon les personnes et les cultures, comme l’a dit Mme Benbassa, le deuil devient pathologique – les psychiatres connaissent très bien ce syndrome du deuil pathologique.

Il s’agit évidemment d’un acte qui, au départ, est altruiste et humaniste, mais n’y a-t-il pas aussi quelque chose de morbide ? Je me permets d’utiliser ce mot et de le répéter : n’y a-t-il pas une volonté morbide, donc un risque, de prolonger le deuil ? La question du taux de réussite des PMA se pose bien sûr, mais au-delà, on ne peut nier que l’enfant qui naîtrait à la suite d’une PMA post mortem vivrait certainement dans un environnement de deuil et, je le réitère, morbide. Je me souviens d’un vieux conte qui tourne autour de cette notion ; il me semble qu’il s’intitule Tristan.

Encore une fois, je n’ai pas voté en faveur de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules et j’ai hésité sur la PMA post mortem, mais finalement je ne peux pas voter ces amendements. Je reconnais que la question est extrêmement difficile et qu’elle touche profondément à l’humain. Il me semble qu’il serait préférable de retirer ces amendements, même si je reconnais qu’ils partent d’une bonne intention.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Je persiste à penser qu’il y a quelque chose d’injuste et de contradictoire à voter l’ouverture de la PMA aux femmes seules, comme nous l’avons fait hier, et à refuser la PMA post mortem.

Il est vrai, madame la ministre des solidarités et de la santé, que les cas sont extrêmement rares, mais ils existent. Je note qu’on ne demande pas à une femme enceinte qui se retrouve veuve d’argumenter sur son projet parental !

C’est une question de principe, de justice et de cohérence avec notre vote d’hier. Je défends donc le principe contenu dans ces différents amendements et il me semble judicieux, pour une raison stratégique, de voter l’amendement n° 24, présenté par Mme Procaccia.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Ce débat est particulièrement intéressant. Je suis membre de la commission spéciale qui a examiné ce projet de loi et je dois dire qu’au début je n’étais pas favorable à la PMA post mortem pour les raisons qui ont été indiquées. Ce sont les auditions qui m’ont fait petit à petit changer d’avis.

Je ne suis pas juriste, mais je trouve tout de même que la loi actuelle présente un certain nombre de bizarreries : par exemple, une femme qui a construit un projet parental avec son conjoint décédé entre-temps ne peut que détruire les gamètes de son conjoint et recommencer le processus avec un tiers donneur inconnu ! Cela me paraît ajouter de la peine au deuil, ce qui m’a beaucoup touché.

Les auditions, notamment celle du professeur Frydman, m’ont amené à me poser des questions, mais je le fais avec beaucoup d’humilité. Je partage l’idée que nous devons légiférer sur le genre de cas dont nous parlons, mais je ne pense pas que ce soit une question d’empathie ou d’humanité. Nous devons imaginer les conséquences sur la femme et sur l’enfant à naître, ce qui n’est évidemment pas facile.

L’argumentation très forte de Mme la ministre des solidarités et de la santé suit une autre logique et donne à réfléchir, mais lors de l’audition du professeur Frydman et de ses collègues, on nous a dit que le nombre de cas était très faible et qu’il fallait faire confiance aux femmes concernées et leur donner le choix. Comment le législateur peut-il dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas ? Ce qui est important à mon sens, et contrairement à l’amendement que j’ai cosigné, c’est d’encadrer les choses. De ce point de vue, l’amendement de Mme Procaccia va dans le bon sens et je m’y rallierai, même si je ne suis pas d’accord avec tous ses éléments, en particulier en ce qui concerne l’autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je souhaite à mon tour saluer la qualité de nos échanges. Il est vrai que les situations que nous évoquons sont rares, mais je ne crois pas que ce soit une question d’empathie – je suis sûr que nous avons tous ce sentiment en commun – et je rejoins de ce point de vue les propos de Laurence Cohen que je partage tout à fait.

Nous ne sommes pas propriétaires, si je puis dire, des réactions des personnes concernées ; leur travail de deuil leur appartient à elles et à elles seules. Ne pas légiférer, c’est-à-dire ne pas ouvrir une possibilité, constitue de facto une injonction adressée à ces personnes de faire d’une certaine manière.

Dans les rares cas que nous connaissons, nous savons bien que les femmes se battent pour mener à bien le projet parental avec les gamètes de leur mari disparu. D’ailleurs, je signale que les femmes, aussi bien étrangères que françaises, ont souvent obtenu gain de cause devant la justice – il me semble que le tribunal de Rennes a donné raison à une femme française qui a voulu récupérer les gamètes de son mari.

Ce qui est important, c’est de respecter le travail de deuil. Il ne faut évidemment pas encourager un travail de deuil interminable et l’amendement de Catherine Procaccia comporte une limite de dix-huit mois, ce qui me paraît tout à fait raisonnable. Personne ne fixe comme injonction à la femme de poursuivre le projet parental ; nous lui offrons une possibilité.

Nous savons bien que certaines femmes demandent cela et l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules rendra encore plus violente la douleur que ces femmes subissent, puisqu’elles devront se tourner vers un tiers donneur anonyme, alors même que les gamètes de leur mari existent.

Nous devons aborder cette question avec beaucoup d’humilité et peu de certitudes, mais je constate que la réponse proposée par Catherine Procaccia répond assez bien à nos principes d’humanité, de sollicitude et d’empathie, tout en respectant le cadre juridique existant.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce sujet est évidemment difficile. La ministre des solidarités et de la santé et la garde des sceaux nous ont exposé des arguments très intéressants.

Il me semble cependant que les questions liées à la succession soulevées par la garde des sceaux doivent être mises de côté et ne pas encombrer notre raisonnement, car sur ces points il existe déjà dans le code civil des règles concernant l’enfant à naître. Je ne crois donc pas que ces questions complexifient la situation à ce stade.

Les véritables difficultés ont été soulevées, à mon sens, par la ministre des solidarités et de la santé. Je souhaite me placer délibérément du point de vue de la femme, et non de la femme en deuil. Pour moi, il ne s’agit pas de compassion et, s’il s’agissait d’entretenir éternellement le deuil, je trouverais aussi qu’il y a quelque chose de morbide, voire de toxique. Nous devons tout simplement faire confiance à la femme. Je l’ai dit hier, je le redis aujourd’hui, je ne pense pas que nous soyons mieux placés que ces femmes pour savoir ce qu’elles doivent faire de leur vie.

Tous les amendements, notamment celui de Mme Procaccia, prévoient un délai minimal de six mois après le décès qui pourrait éventuellement être un tout petit peu augmenté. Ce délai permet de prendre un peu de temps pour éviter d’arrêter une décision sous le coup de l’émotion violente du deuil. Je rappelle en outre que toute la procédure de PMA est suivie par une équipe psychologique.

Nous parlons de quelques cas par an au maximum et, si nous refusons de légiférer, nous resterons dans la situation actuelle : les juridictions françaises, notamment le Conseil d’État, ont accepté que des femmes exportent leurs gamètes pour pouvoir procéder à l’insémination post mortem à l’étranger, là où c’est autorisé. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, pas de malentendu, je suis en train de vous dire non pas que nous devons le faire en France, parce que cette pratique est permise à l’étranger, mais que les règles contenues dans l’amendement de Mme Procaccia sont plus protectrices dans ces cas de figure exceptionnels que celles qui s’appliquent le plus souvent à l’étranger.

C’est pourquoi, quelles que soient nos différences d’approche, l’amendement de Mme Procaccia rejoint nos préoccupations. Il est préférable de légiférer plutôt que de conserver le droit actuel.

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Légiférer est facile, mais nous devons nous mettre à la place des médecins qui sont confrontés à ces difficultés au moment où tout bascule.

Mme Cohen a cité le professeur Frydman. J’ai écrit une tribune dans Libération avec lui et Christian Hervé, et je l’ai eu tout à l’heure au téléphone. Il m’a dit qu’il était dur de dire « non ». Il est dur de dire « non » à une femme qui vient de perdre son mari, le refus constituant souvent une seconde violence après celle du sort qui lui a fait perdre l’être aimé.

J’ajoute, mes chers collègues, que nous ne devons pas confondre les gamètes et l’embryon. L’embryon est déjà conçu, c’est une grande différence. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Chers collègues, quelles que soient vos convictions, je les comprends. Madame la ministre des solidarités et de la santé, vos mots ont été forts.

En ce qui me concerne, je pense avant tout à la femme, mais je pense aussi à l’enfant et je reste intimement persuadée qu’il vaut mieux qu’un enfant naisse en sachant qui est son père et les parents de celui-ci plutôt que de devoir réaliser tout un processus à sa majorité pour connaître ses origines. Je ne suis pas membre de la commission spéciale, mais en tant qu’élue j’ai rencontré nombre de personnes concernées par ces problèmes.

Mme le garde des sceaux a parlé de problèmes juridiques, je ne doute pas qu’ils existent, mais en la matière nous savons bien qu’on trouve toujours des solutions quand on le veut bien – il suffit de regarder les décisions rendues par les tribunaux dans les dossiers d’enfants nés à la suite d’une GPA…

Ma seule conviction, c’est qu’il faut faire confiance aux femmes – Mme de la Gontrie l’a dit. Une femme qui a un projet de PMA et qui devient veuve ne voudra pas nécessairement poursuivre ce projet ; je pense d’ailleurs qu’elle l’abandonnera dans la plupart des cas. Mais pourquoi ne pas essayer de régler la question pour celles qui voudront le mener au bout et qui sont aujourd’hui contraintes d’aller devant les tribunaux ?

J’ajoute que ma proposition reprend en fait celle que le Comité consultatif national d’éthique a formulée en 2014. Pourquoi mettre en place des instances, si nous n’écoutons pas leurs recommandations ?

Enfin, nous avons la chance, pour une fois, que le texte ne soit pas examiné dans le cadre de la procédure accélérée et qu’il fasse l’aller-retour entre les deux chambres. Dans ces conditions, permettons au moins que cet amendement soit discuté à l’Assemblée nationale, quitte à le modifier ou à le supprimer, si la conviction générale est qu’il ne faut pas aller plus loin. (Mmes Esther Benbassa et Laurence Cohen applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Ce sujet est extrêmement délicat, car il touche à l’intime. Madame la ministre des solidarités et de la santé, je me rallie à vos arguments et je ne voterai pas en faveur de ces amendements.

Dans notre société, il faut toujours protéger les plus fragiles et je crains qu’avec cette disposition nous ne créions de nouvelles fragilités.

Il est évident qu’avec cette mesure l’enfant à naître saura qui est son père, mais il saura aussi qu’il a été implanté après le décès de celui-ci. Quelle responsabilité sur ses épaules ! Est-ce qu’elle ne sera pas trop lourde à porter ? Je ne voudrais pas convoquer la psychanalyse, mais j’ai peur qu’à côté d’Éros ne plane sur le berceau l’ombre de Thanatos… Nos pulsions freudiennes, si je puis dire, sont toujours ambivalentes, partagées entre forces de vie et forces de mort.

Et je pense que la responsabilité qui pèse sur cet enfant, un enfant du miracle en quelque sorte, est beaucoup trop lourde à porter pour lui. C’est au nom de cette fragilité que je ne voterai pas en faveur de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je ne voterai pas non plus ces amendements pour une raison beaucoup plus simple : n’ayant pas voté l’extension de la PMA aux femmes seules, je ne peux pas voter la PMA post mortem. J’ajoute que, si j’avais voté l’extension de la PMA aux femmes seules, je crois que j’aurais voté l’amendement n° 24 de Catherine Procaccia pour les raisons que celle-ci a excellemment indiquées.

J’ai bien écouté l’intervention de Mme la ministre des solidarités et de la santé et son argument sur les problèmes d’ordre psychique que pourrait rencontrer la veuve qui, parce qu’elle procrée, n’arriverait pas à faire son deuil. Mais qui peut dire qu’une veuve qui veut vraiment procréer dans les délais indiqués dans l’amendement de Mme Procaccia et après consentement de son mari élèverait moins bien son enfant qu’une femme seule qui a décidé de construire une famille ainsi ? J’ai du mal à faire la différence entre les deux situations. Dans l’une comme dans l’autre, ces femmes peuvent être entourées de personnes dans le cadre de l’« altérité » évoquée tout à l’heure – c’est un mot à la mode…

Pour moi, l’intérêt supérieur de l’enfant passe, dans tous les cas, par la présence du père, lequel est absent dans la PMA post mortem comme dans la PMA pour les femmes seules. Je n’ai pas voté hier soir l’extension de cette procédure aux femmes seules, je ne peux donc pas voter l’un des amendements en discussion. (M. Sébastien Meurant applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.

M. Guillaume Chevrollier. Il me semble que, sur ce sujet de la PMA post mortem, nous devons prendre un peu de recul et revenir à la raison et au bon sens, même si on peut comprendre et respecter les attentes de certaines femmes frappées par le deuil.

Nous débattons pour savoir si le législateur doit prendre la responsabilité d’institutionnaliser et d’encadrer la PMA post mortem qui permettrait de faire naître des enfants issus d’un père mort depuis six mois, dix-huit mois, voire trois ans.

Est-ce un progrès de faire naître un enfant issu de la mort ? Est-ce dans l’intérêt de l’enfant de le faire volontairement naître orphelin de père ? Respectons-nous vraiment le droit de l’enfant ? Quelles seront les répercussions psychologiques sur l’enfant ? À titre personnel, je pense qu’elles seront dramatiques.

Le rôle du législateur est non pas de concrétiser les désirs des parents, mais de protéger les plus vulnérables, en l’espèce les enfants. Pour moi, politique doit rimer avec justice et il faut faire justice aux adultes et aux enfants, davantage aux enfants en raison de leur intérêt supérieur. Le législateur prendrait un risque vertigineux en encadrant de quelque manière que ce soit la PMA post mortem. Je voterai donc contre ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. J’ai cosigné l’amendement de ma collègue Élisabeth Doineau. J’ai pensé non pas uniquement à la femme qui vient de subir un deuil, mais également aux parents de la personne disparue, ce qui m’a ramené au roman populaire de Pagnol décrivant la détresse de parents ayant perdu leur fils unique.

Mais ce qui m’a déterminé, c’est la liberté. La liberté, c’est avoir le choix, et interdire le choix par la réglementation ou la législation, c’est à mes yeux aller contre la liberté qui est pourtant l’un des fondements de notre devise républicaine. Pour cette raison, je voterai pour la disposition proposée.

M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.

M. Bernard Bonne. En ce qui me concerne, j’ai voté hier contre la PMA, mais en commission spéciale j’ai voté pour l’amendement n° 24. Les arguments que j’ai entendus aujourd’hui, que ce soit ceux de Mme la ministre des solidarités et de la santé, de Mme la garde des sceaux ou de différents collègues, m’ont fait changer d’avis – c’est tout l’intérêt d’une discussion !

Il me semble que le poids qui risque de retomber sur l’enfant à naître, sur sa mère, mais aussi sur toute sa famille, en particulier les parents du père décédé, sera considérable. Imaginez concrètement les relations que ces grands-parents auront avec leur petit-fils ou leur petite-fille ! Au-delà des questions juridiques, les aspects psychologiques sont considérables.

C’est pour ces raisons que je change d’avis. Au départ, il me paraissait absurde d’interdire à une femme l’implantation d’un embryon conçu avec les gamètes de son mari décédé, alors qu’on autorisait l’implantation d’un embryon conçu avec des gamètes étrangers, mais les arguments que je viens d’entendre me laissent penser que nous ne devons accepter, dans ces situations, que les embryons conçus avec des gamètes étrangers, certainement pas ceux qui l’ont été avec les gamètes du mari décédé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Il me semble également que nous devons faire preuve de beaucoup d’humilité. J’ai participé à l’audition du professeur Frydman et j’ai écouté à l’instant les propos de Mme la ministre, mais je rejoindrai les arguments développés par Alain Houpert et Laurence Cohen.

La veuve n’est pas obligée de recourir à la PMA avec l’embryon conçu avec son mari.

À mon sens, l’argument selon lequel il y aurait une pression de la famille ne tient pas : les femmes sont indépendantes.

Si la personne a vraiment un projet, il doit être très difficile pour le médecin de refuser ce que l’on accorde par ailleurs à une femme seule, célibataire. Je ne vois pas pourquoi il devrait en être ainsi. Il faut faire confiance à la femme, dont la future vie ne sera pas forcément un deuil permanent. Elle pourra de surcroît bénéficier de l’accompagnement de la famille. Je voterai l’amendement de Mme Procaccia.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Je suis entré dans cet hémicycle en me disant que j’allais voter l’amendement n° 24. Madame la rapporteure, mesdames les ministres, je vous remercie d’avoir élevé le débat, jusqu’à me faire chanceler, mais, à bien y réfléchir, vous avez renforcé mon point de vue.

Comme le disait Catherine Fournier, si une femme enceinte perd son mari, l’enfant naît orphelin, donc ce n’est pas la PMA post mortem qui crée ce cas de figure.

C’est la question même de l’AMP qui est posée avec cet exemple, et cela nous renvoie un peu à celle de la monoparentalité. Nous sommes en train de projeter un même raisonnement sur des situations qui sont différentes. Nous avons très bien décrit ce que pouvait être une monoparentalité subie. En l’espèce, il s’agit d’une monoparentalité choisie, ce qui est totalement différent. Je vais donc voter cet amendement de Mme Procaccia, parce que ma collègue a emporté ma conviction. Il ne s’agit pas pour moi d’un choix dicté uniquement par la compassion, même si elle est présente – à cet égard, monsieur Retailleau, pour rebondir sur votre intervention d’hier, faute avouée à moitié pardonnée –, car, pour moi, le plus important est le désir d’enfant et l’amour que des personnes veulent porter à cet enfant. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Cette situation est très délicate à appréhender. Beaucoup d’arguments ont été avancés, et, en tant que législateur, nous devons toujours penser aux cas exceptionnels. Nous sommes, par exemple, souvent sollicités au sujet de mariages post mortem pour donner des autorisations exceptionnelles.

Même s’il n’y aura peut-être que trois cas par an, je suis rassurée par l’amendement de Mme Procaccia. Il peut survenir un décès brutal, imprévu, alors que tout avait été mis en œuvre pour concrétiser le projet d’enfant du couple. À titre personnel, j’y insiste, je voterai cet amendement, car un cadre est nécessaire ; il est d’ailleurs demandé par beaucoup de femmes, d’hommes, d’associations et de médecins.

Le sujet reviendra en débat à l’Assemblée nationale, mais nous ne pouvons pas nous affranchir de donner une réponse aujourd’hui. Cet amendement ne réglera pas tout, mais il nous faut accompagner ces situations douloureuses.