M. Guillaume Chevrollier. Si les intentions sont bonnes, les réponses ne sont pas adaptées pour traiter de manière durable le problème de la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, plusieurs millions de ménages sont concernés par la précarité énergétique. En Normandie, un ménage sur six est en situation de vulnérabilité énergétique.

Les territoires ruraux sont en effet très souvent exposés à ces difficultés, du fait de l’ancienneté des logements et de la sociologie de leur population constituée par un grand nombre de personnes aux faibles revenus – retraités, agriculteurs, contrats précaires, minimas sociaux. Leur mode de chauffage est également plus coûteux : fioul ou électricité.

Pour autant, ils en ont assez d’être désignés comme des « délinquants écologiques » au motif que leur empreinte carbone est supérieure à celle d’autres foyers plus aisés, généralement établis en zone urbaine dans un habitat moins énergivore, même si certaines villes ne sont pas épargnées par cette précarité. Ainsi, toujours en Normandie, les villes reconstruites après la guerre sont particulièrement exposées.

Vous le savez, cette situation provoque détresse et colère. Il ne vous a pas échappé, madame la secrétaire d’État, qu’elle a conduit, parmi d’autres raisons, à la crise des « gilets jaunes ». Ceux qui, comme moi, ont, durant plusieurs semaines, eu des échanges avec les manifestants savent combien la revendication d’un meilleur accès à l’énergie ou d’une baisse de ses coûts est prégnante pour certains ménages fragiles.

En tant que vice-président de la commission des affaires étrangères, j’insiste aussi sur le fait que la situation pourrait encore s’aggraver si les tensions géopolitiques perduraient, qu’il s’agisse de la crise avec l’Iran et de ses conséquences dans tout le Golfe, des tensions avec la Russie, exportatrice d’hydrocarbures, ou encore de l’escalade militaire en Méditerranée orientale, justement à propos de l’accès à des ressources énergétiques.

Situation sociale nationale dégradée, contexte international explosif : tout concourt à un certain pessimisme. J’ajoute que les difficultés actuelles de la filière nucléaire française ne sont pas une bonne nouvelle pour le consommateur.

Face à cette situation, la proposition de loi que nous examinons ce matin a le mérite de nous faire débattre de la situation générale et d’évoquer le cas des personnes en difficulté. J’en remercie son auteur, Fabien Gay. Les auditions et travaux de la commission ont conclu à la fragilité juridique de ce texte et conduit à ne pas l’adopter.

Pour autant, comme le souligne la commission, il faut améliorer et amplifier les dispositifs existants. Il faudrait aussi, madame la secrétaire d’État, que les textes existants, comme Daniel Gremillet l’a excellemment souligné, se traduisent en une réalité budgétaire et fiscale au service des plus modestes. Or nous observons exactement l’inverse ! Le rapport de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), publié hier soir, le confirme : une nouvelle fois, la politique que vous menez est en faveur des plus riches et très largement aux dépens des foyers les plus modestes. Cela se confirme de nouveau sur cette problématique énergétique.

Madame la secrétaire d’État, mettez les moyens nécessaires budgétaires et fiscaux au service de cette cause. En ce qui nous concerne, même si l’intention est bonne, nous voterons contre ce texte.

M. Rachid Temal. C’est l’intention qui compte ! (Sourires.)

M. Pascal Allizard. Encore une fois, mes chers collègues, je vous remercie d’avoir provoqué ce débat, mais il faut que chacun prenne ses responsabilités. Les outils existent, il faut les doter budgétairement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de la proposition de loi initiale.

proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l’accès à l’énergie et à lutter contre la précarité énergétique

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l'accès à l'énergie et à lutter contre la précarité énergétique
Article 2

Article 1er

Au début du titre préliminaire du livre Ier du code de l’énergie, il est ajouté un article L. 100-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 100-1 A. – L’accès à l’énergie est un droit fondamental. »

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er nest pas adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l'accès à l'énergie et à lutter contre la précarité énergétique
Article 3

Article 2

La dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigée : « Ces dispositions s’appliquent tout au long de l’année aux distributeurs d’eau ainsi que, pour les consommateurs mentionnés à l’article L. 124-1 du code de l’énergie, aux fournisseurs d’électricité, de chaleur et de gaz. »

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 nest pas adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Le code des douanes est ainsi modifié :

1° Le a du 4 de l’article 266 quinquies est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Pour la consommation des ménages en situation de précarité énergétique au sens de l’article L. 124-1 du code de l’énergie. » ;

2° Le 4 de l’article 266 quinquies C est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Lorsqu’elle est consommée par des ménages en situation de précarité énergétique au sens de l’article L. 124-1 du code de l’énergie. »

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 nest pas adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Le B de l’article 278-0 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le même taux est applicable à la première tranche de consommation appelée “tranche de consommation de première nécessité”. Le niveau de cette tranche est fixé par décret en Conseil d’État, en tenant compte notamment de la composition familiale ; ».

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Courteau, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Première phrase, après le mot :

applicable

insérer les mots :

, pour les ménages en situation de précarité énergétique au sens de l’article L. 124-1 du code de l’énergie,

2° Seconde phrase, après les mots :

Conseil d’État

supprimer la fin de cette phrase.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Chacun le sait, la TVA est l’un des impôts les plus injustes qui soient : que vous disposiez de confortables revenus ou que vous soyez au SMIC ou encore en situation de précarité économique, vous êtes taxé au même taux. Cette fiscalité appliquée au taux de 20 % sur la consommation d’énergie est donc particulièrement pénalisante pour les populations les plus fragiles et figure au rang des principales causes qui peuvent faire basculer des ménages dans la précarité énergétique.

Les dépenses d’énergie étant des dépenses contraintes, c’est la double peine pour ces ménages dont les factures d’énergie représentent, depuis plusieurs années, une part toujours croissante du budget. Cette fiscalité régressive appliquée à la consommation d’énergie est donc punitive pour ceux de nos concitoyens dont les revenus sont faibles. Elle l’est d’autant plus qu’elle s’applique également aux taxes. Cette double taxation – une taxe sur une autre taxe – représente des enjeux financiers considérables, comme le souligne à juste titre l’UFC-Que Choisir : « Les particuliers ont payé l’année dernière, rien que sur l’énergie, 4,6 milliards d’euros de TVA sur les taxes. Sur chaque litre d’essence, ce sont ainsi 14 centimes d’euros qui sont payés en TVA sur la TICPE. »

En conséquence, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité élargir le périmètre du taux réduit de TVA à une première tranche de consommation d’énergie appelée « tranche de consommation de première nécessité », sans que cette disposition soit limitée aux seuls bénéficiaires du chèque énergie.

Comme le souligne Denise Saint-Pé dans son rapport, applicable à tous les ménages, « y compris aux plus riches », cette mesure risquerait d’avoir un coût élevé et de conduire « à des effets d’aubaine importants ». Toutefois, nous considérons que la réduction du taux de TVA est particulièrement utile pour les ménages en situation de précarité énergétique.

Pour cette raison, nous proposons de limiter la réduction du taux de TVA sur une première tranche de consommation, dite « de première nécessité », aux seuls bénéficiaires du chèque énergie, c’est-à-dire à ceux qui sont le plus en difficulté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Denise Saint-Pé, rapporteur. Cet amendement vise à appliquer un taux réduit de TVA sur une partie des consommations et à réserver ce bénéfice aux ménages éligibles au chèque énergie. La commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur cet amendement pour trois raisons.

Premièrement, cette solution reviendrait à faire de la redistribution avec un outil inadapté, celui de la fiscalité indirecte, là où des aides directes ciblées sur les ménages les plus en difficulté seraient bien plus efficaces et bien plus simples à mettre en œuvre.

Deuxièmement, cette mesure serait contraire au droit européen, qui permet bien d’appliquer des exonérations totales ou partielles ou des taux réduits aux consommations énergétiques de tous les ménages, mais non d’appliquer des taux différents selon les revenus des consommateurs.

Troisièmement, en plus d’être contraire au droit européen, cette mesure présente un fort risque de non-conformité à la Constitution. En effet, il est prévu de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de la tranche de consommation qui bénéficierait du taux de TVA réduit. Or l’article 34 de la Constitution précise que c’est la loi qui doit « fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Si cet amendement était adopté, ce serait le pouvoir réglementaire qui fixerait l’assiette et non plus le législateur.

Pour alléger la facture énergétique des ménages, je suis convaincue qu’il vaudrait mieux travailler à l’amélioration des dispositifs existants, qu’il s’agisse de soutenir la rénovation énergétique des logements ou d’aider au paiement des factures. Parmi ces aides, je pense en priorité au chèque énergie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement émet le même avis que la commission pour les mêmes raisons de droit. Il est en effet impossible de différencier le taux de TVA sur les consommations d’énergie pour certains ménages.

Mme Éliane Assassi. Si c’est le droit, alors…

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. En outre, c’est vraiment le chèque énergie qui nous paraît l’outil le plus solide pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages en matière d’énergie : 5,7 millions de ménages y sont éligibles. Nous travaillons à augmenter le taux de recours, qui dépassera 80 % cette année.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. La fiscalité énergétique n’a cessé d’augmenter, nous l’avons dit et répété tout au long de la matinée. Elle est d’ailleurs à l’origine du mouvement des « gilets jaunes ». Cette fiscalité régressive est particulièrement punitive pour les ménages les plus fragiles, qui subissent une double peine.

Si, pour Mme le rapporteur, il faut mobiliser d’autres outils redistributifs pour corriger les effets négatifs de ce type de fiscalité, nous préférons agir en amont plutôt que d’attendre que l’on mette en œuvre des dispositifs compensatoires. D’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avions déposé des amendements visant à revaloriser le chèque énergie, amendements qui ont bien sûr été rejetés par l’actuelle majorité sénatoriale.

Dans ce domaine, les compensations ne sont pas à la hauteur. La hausse de 50 euros du chèque énergie, qui ne compensera même pas entièrement les dernières hausses des prix de l’électricité, n’infirmera pas ce constat.

Force est donc de souligner que ce sont les plus pauvres qui contribuent proportionnellement le plus. Ce n’est pas tolérable.

Je rappelle également que, pour protéger l’industrie et éviter le phénomène de fuites de carbone, la loi de finances prévoit d’exonérer les entreprises électro-intensives de certaines taxes. Ainsi, ces entreprises bénéficient d’un tarif réduit de TICPE, qui constituait en 2019 une dépense fiscale importante – 620 millions d’euros. Puisque nous le faisons pour certains professionnels, pourquoi ne pas protéger de la même façon les plus précaires par une réduction du taux de TVA sur leur consommation d’énergie ?

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Je rends hommage à Roland Courteau, qui a déposé cet amendement. Nous sommes en effet nombreux à avoir souligné à plusieurs reprises dans cet hémicycle l’injustice du système fiscal actuel qui, globalement, pèse sur l’énergie. Évidemment, je partage la conclusion et l’avis de la commission.

Madame la secrétaire d’État, je constate que ce n’est jamais le moment de discuter de ces sujets et de prendre des décisions.

M. Roland Courteau. Oui, ce n’est jamais le moment !

M. Jean-François Husson. La surtaxation est aujourd’hui inacceptable et elle n’est plus acceptée. Vous organisez, sous l’autorité du Président de la République, une Convention citoyenne sur le climat, avec un tirage au sort de 150 participants. Permettez à un citoyen supplémentaire de s’inviter dans le débat ici, et non au Conseil économique, social et environnemental. Je pense que nous serons unanimes pour vous adresser un certain nombre de remarques.

À quel moment allez-vous écouter la voix des élus, qui ont une légitimité dans la mesure où ils représentent, ici, les territoires et leurs chefs de file, les maires, les départements, les régions et, à l’Assemblée nationale, ceux qui pensent qu’il faut faire avancer les choses ? On ne peut pas continuer à se regarder en chiens de faïence jusqu’à ce que, dans deux mois, vous veniez nous annoncer que vous avez trouvé une formule magique, joliment présentée, qui pourrait éventuellement faire l’objet d’un référendum.

Cela fait des mois, voire des années, que le Parlement formule des propositions. De deux choses l’une : soit on se respecte, on s’écoute et on essaie d’avancer ensemble, soit cette absence de volonté de respecter ce qu’expriment les élus dans les assemblées locales et parlementaires sera ressentie comme une forme de mépris et de manque d’écoute. Dans ce cas – j’avais dénoncé le risque des « bonnets rouges », il y a eu les « gilets jaunes » –, nous aurons du mal à contenir la colère que l’on sent monter et les violences qui l’accompagnent aujourd’hui.

Pour ma part, je vous invite à ne pas prendre ce risque. Je n’ai pas envie de le prendre pour la France. Respectez les élus et les propositions qu’ils formulent, y compris la mesure qui est avancée aujourd’hui : travaillons-y. Chaque année, nous examinons le projet de loi de finances et on se fait envoyer balader. Ce n’est pas acceptable, madame la secrétaire d’État ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je ferai deux rappels historiques.

En premier lieu, Fabien Gay a demandé un plan Marshall pour l’énergie. Quand on connaît l’enthousiasme du parti communiste à l’époque où ce plan a été lancé, cette formulation est assez amusante !

M. Rachid Temal. Il a changé !

M. Jean-Claude Requier. En second lieu, si j’ai bon souvenir, en 1992 – j’étais président d’un syndicat d’électrification, comme Denise Saint-Pé –, un ministre des finances en manque de recettes a trouvé le moyen d’ajouter une taxe sur une taxe, c’est-à-dire la TVA sur la taxe d’électricité – il connaissait très bien le mécanisme fiscal… Je ne dirai pas son nom, car j’ai beaucoup d’amitié et de respect pour lui ; il a ensuite quitté le parti socialiste. Reste que c’est cette tendance qui a voté cette taxe.

Je constate que Roland Courteau revient maintenant en arrière. Comme quoi, on peut évoluer et, comme on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! (Sourires.)

M. Jean-François Husson. C’est la marche !

M. Pierre Ouzoulias. Il n’y a que vous qui restez au centre !

M. Jean-Claude Requier. La majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendront sur cet amendement. Il est tout de même assez curieux, lorsque l’on regarde en arrière et que l’on fait un peu d’histoire, d’entendre certains arguments qui sont aujourd’hui avancés dans le débat.

M. Rachid Temal. C’était la chaîne Historia ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)

M. Roland Courteau. Je n’avais pas soutenu la démarche du ministre d’alors !

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.

M. Pascal Allizard. On cherche des ressources et des solutions face au problème de la précarité énergétique. Permettez-moi simplement de citer de nouveau le rapport de l’OFCE – observatoire plutôt classé à gauche –, auquel j’ai fait allusion dans la discussion générale. Passant au crible la politique fiscale du Gouvernement, il indique que deux tiers des 10 % des ménages français les plus modestes connaissent des pertes de revenu disponible entre 2018 et 2020.

Il y a peut-être là une solution : changez de politique fiscale et redonnez du pouvoir d’achat aux ménages les plus modestes, madame la secrétaire d’État.

M. Jean-François Husson. Changez de braquet !

M. Pascal Allizard. Peut-être pourront-ils ainsi payer leur facture énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 nest pas adopté.)

Article 4
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Article 6 (début)

Article 5

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un bilan de la libéralisation du marché de l’énergie.

M. le président. Mes chers collègues, avant de mettre aux voix l’article 5, je vous indique que, en raison du rejet des articles 3 et 4, l’article 6 est devenu sans objet.

En conséquence, si l’article 5 n’est pas adopté, il n’y aura plus lieu de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, tous les articles la constituant ayant été rejetés. Aucune explication de vote sur l’ensemble ne sera possible.

Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte… (Sourires.)

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’article.

M. Roland Courteau. Nous sommes là face à une situation d’urgence énergétique et sociale. La lutte contre la précarité énergétique doit être au cœur des politiques de lutte contre la pauvreté et en faveur d’une transition énergétique plus juste. Le texte que nous examinons aujourd’hui a le mérite de proposer des avancées dans ces deux domaines. Nous avions la possibilité de répondre à cette urgence sociale en adoptant certaines des mesures mises en avant par Fabien Gay et le groupe CRCE.

Tous les sénateurs reconnaissent – en paroles – qu’il faut agir contre la précarité énergétique ; ils l’ont montré en s’exprimant à la tribune ce matin. Tous reconnaissent qu’il s’agit d’un problème majeur qu’il faut traiter, mais ils s’arrêtent là. Certains tentent d’expliquer qu’il ne faut pas retenir telle ou telle proposition, tel ou tel article, pour telle et telle raison. Cela pourrait à la rigueur se comprendre, si, dans le même temps, ils apportaient d’autres solutions, défendaient d’autres amendements, avançaient d’autres propositions, afin de mettre en accord leurs actes et leur discours.

M. François Bonhomme. Qu’avez-vous fait quand vous étiez au gouvernement ?

M. Roland Courteau. Mes chers collègues, ils sont des millions de Français à souffrir du froid. Ils sont des millions à vivre dans des passoires énergétiques. Ils sont des milliers à avoir des difficultés à payer l’énergie. Ils sont des milliers à devoir choisir entre se chauffer ou se nourrir. Double peine, dit-on. Triple peine ? Quadruple peine ?

Qui plus est, les plus touchés par les conséquences des bouleversements climatiques, de la qualité de l’air ou de l’eau ou de l’effondrement de la biodiversité sont toujours les mêmes : ce sont les plus pauvres. Or ce sont les moins responsables du changement climatique. Ce n’est pourtant pas faute d’entendre les alertes lancées par la Fondation Abbé Pierre, l’Observatoire des inégalités ou l’Insee, qui constataient encore récemment que misère et inégalités s’accentuaient dans ce pays.

Cette proposition de loi, que le groupe socialiste et républicain soutient, a le mérite d’apporter des solutions à un problème majeur et urgent. Je regrette sincèrement qu’aucune suite ne lui soit donnée par la majorité sénatoriale, en réponse à cette véritable urgence sociale qu’est la précarité énergétique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote sur l’article.

M. Fabien Gay. La consécration du droit à l’énergie relève-t-elle d’un procédé incantatoire ? Nous ne le pensons pas. Il s’agit d’un symbole, mais les symboles ne suffisent pas et il faut garantir l’accès à ce droit. Nous partons du principe que tous les êtres humains devraient avoir accès à un droit égal aux biens qui sont nécessaires à leur existence.

Dans l’état naturel, c’est la force qui règle les problèmes. Dans un monde civilisé, c’est le droit. Le droit à l’énergie est une réalité.

Lorsqu’elle m’a auditionné, Mme la rapporteure m’a posé cette question : « Si nous donnons ce nouveau droit, quand cela va-t-il s’arrêter ? » J’avais répondu : « Jamais, il y aura toujours besoin de nouveaux droits. » Aujourd’hui se pose par exemple la question du droit à l’internet : être privé d’accès à internet, surtout dans un monde dématérialisé, c’est être privé de ses droits, y compris de l’accès au droit. Aujourd’hui, un Français sur quatre ne fait pas valoir son droit au chèque énergie, parce qu’il ne le connaît pas.

Par ailleurs, l’interdiction des coupures créerait-elle un effet d’aubaine ? Vous avez raison, la loi Brottes a entraîné une augmentation des impayés d’eau de 20 %, ces derniers passant de 1,73 % en 2014 à 2,08 % en 2017. On ne peut pas parler d’effet d’aubaine, d’autant plus que, dans cette période-là, malheureusement, la précarité a fait qu’un certain nombre de gens n’ont pu payer leurs factures.

Cette question va revenir sur la table, comme celle de la fiscalité. En effet, le Conseil d’État a considéré qu’il s’agissait d’un produit de première nécessité, d’un bien essentiel ; on ne comprend donc pas pourquoi la TVA n’est pas abaissée à 5,5 %.

Madame la secrétaire d’État, l’injustice, c’est la CSPE. Alors qu’elle a été créée pour la transition énergétique, elle a fini par être intégrée au budget général de l’État ; aujourd’hui, elle n’est même plus fléchée ! En d’autres termes, elle sert à tout autre chose qu’à ce à quoi elle était destinée et pèse fortement sur la facture, notamment celle des familles les plus précaires. À notre avis, il faut y mettre fin.

Je ne me fais pas grande illusion sur le vote de l’article 5, mais le groupe CRCE continuera à relancer ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote sur l’article.

M. Daniel Gremillet. Il ne s’agit pas de se cacher. Il s’agit simplement de regarder avec une grande lucidité la problématique qui nous occupe. Le débat d’aujourd’hui n’est pas inutile. (Marques de scepticisme sur les travées des groupes CRCE et SOCR.) Non ! Nous constatons une unanimité sur toutes les travées sur l’importance de cette problématique. En revanche, nous divergeons sur les moyens d’atteindre l’objectif.

Permettez-moi d’évoquer un exemple concret. Souvenez-vous du débat que nous avons eu, madame la secrétaire d’État, lorsque nous avons « obligé » – je ne sais pas quel autre terme employer – 8 000 Français, âgés pour la plupart de plus de 80 ans, à changer leur chaudière à charbon, par idéologie, parce qu’on ne voulait plus de charbon, alors que la situation allait se régler d’elle-même ?

Le Sénat avait souhaité qu’on ne gaspille pas d’argent, qu’on fasse preuve de responsabilité face à ces personnes, qui vivaient essentiellement dans le nord de la France, mais il n’a pas été écouté. Nous avions pourtant tous voté contre cette mesure. Combien d’argent a ainsi été gaspillé ? Quel manque de considération pour ces personnes !

Permettez-moi d’évoquer un second exemple. Nous parlons beaucoup des passoires énergétiques. Il en a été question dans la loi relative à l’énergie et au climat, notre rapporteur en a également parlé. Je suis convaincu que, si le Sénat avait été écouté s’agissant de la trajectoire énergie-climat, si le Gouvernement avait été au rendez-vous dans le projet de loi de finances pour 2020, comme il s’y était engagé un grand nombre de fois, on ne parlerait pas aujourd’hui d’initiatives à fonds perdu.

De telles initiatives impliquent un abondement annuel, sans qu’aucune réponse concrète ne soit apportée. Or, nous, nous sommes pour des réponses concrètes, pour des actions qui permettent d’avancer, non pour des mesures de compensation ! Il s’agit de faire en sorte que ces familles modestes puissent se chauffer et être correctement traitées dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.