M. Jérôme Durain. J’espère bénéficier de cet élan d’avis favorables. (Sourires.)

Comme chacun le sait, le Mont-Blanc fait l’objet de la surveillance et de la bienveillance des plus hautes autorités de l’État… Or notre amendement vise à rendre impossibles des événements comme le triste épisode que nous avons vécu le 18 juin 2009, lorsqu’un avion de tourisme s’était posé à quelques encablures du sommet du Mont-Blanc.

Certes, l’article L. 363-1 du code de l’environnement dispose : « Dans les zones de montagne, les déposes de passagers à des fins de loisirs par aéronefs sont interdites, sauf sur les aérodromes dont la liste est fixée par l’autorité administrative. » Mais il n’existe aucune sanction, ce qui ôte évidemment tout caractère dissuasif à une telle disposition.

Nous avions déposé le même amendement lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Jérôme Bignon portant diverses mesures tendant à réguler l’hyper-fréquentation dans les sites naturels et culturels patrimoniaux. L’amendement avait été adopté, d’ailleurs avec un avis favorable de Mme Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire.

En attendant la poursuite du parcours législatif du texte proposé par notre collègue, il nous semble pertinent d’introduire une telle disposition dans le présent projet de loi, afin que cessent les atterrissages d’aéronefs sur le Mont-Blanc.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. L’atterrissage d’un avion de tourisme sur le Mont-Blanc paraît totalement ubuesque, mais cette situation s’est produite.

Faut-il pour autant créer un nouveau délit en matière de droit de l’environnement ? La commission des lois a plutôt le sentiment que certaines dispositions du code de l’aviation civile permettent déjà de sanctionner de tels comportements. En l’occurrence – est-il besoin de le préciser ? –, il n’y avait pas de plan de vol autorisé.

Cela étant, la commission des lois, qui a aussi ses limites, n’est pas certaine d’être la spécialiste absolue des règles de l’aviation civile. Nous serons donc attentifs à la position du Gouvernement à cet égard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Les épisodes comme celui que M. Durain vient d’évoquer sont évidemment inacceptables. Simplement, en la matière, la peine complémentaire de confiscation de la chose ayant servi ou été destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit me semble la piste la plus prometteuse.

Le Gouvernement s’engage donc à examiner attentivement les situations dans lesquelles cette peine complémentaire de confiscation pourrait être plus facilement mobilisée pour dissuader les atteintes à l’environnement. La voie réglementaire peut également être explorée.

Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Madame la garde des sceaux, je suis très surpris. Voilà quelques semaines, votre collègue Emmanuelle Wargon était favorable à un amendement similaire. Selon elle, ce que nous défendions était d’intérêt général : d’ailleurs, tout le Sénat avait soutenu cet amendement.

Vous défendez la position inverse aujourd’hui. J’espère que ce n’est pas le récent déplacement du Président de la République sur le Mont-Blanc qui a incité l’exécutif à changer d’avis !

Je trouve cette position regrettable. Nous avions constaté à l’époque que l’amende de 38 euros n’était pas dissuasive. La solution que vous suggérez ne paraît pas totalement aboutie. Or nous pensions avoir stabilité les choses avec notre proposition.

Je suis donc à la fois surpris, dépité et déterminé à maintenir cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 45
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 9 - Amendement n° 4

Article 9

I. – Le troisième alinéa de l’article 18 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’information des magistrats mentionnés au présent alinéa n’est cependant pas nécessaire lorsque le transport s’effectue dans un ressort limitrophe à celui dans lequel l’officier exerce ses fonctions, Paris et les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne étant à cette fin considérés comme un seul département. »

II. – L’article 77-1 du code de procédure pénale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le procureur de la République peut, par la voie d’instructions générales prises en application de l’article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire à requérir toutes personnes qualifiées afin de procéder à des examens médicaux ou psychologiques de la victime ou de procéder à des examens médicaux de la personne suspectée d’avoir commis une des infractions visées à l’article 706-47 ou exigés en application de l’article 706-115. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées.

« Aucune autorisation n’est nécessaire lorsque l’officier de police judiciaire a recours à une personne qualifiée aux fins :

« 1° De procéder à la comparaison entre une empreinte génétique issue de traces biologiques et l’empreinte génétique d’une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55, ou à la comparaison entre plusieurs traces biologiques ;

« 2° De procéder à la comparaison entre une trace digitale ou palmaire et l’empreinte digitale ou palmaire d’une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un crime ou un délit, ou à la comparaison entre plusieurs traces digitales ou palmaires. »

II bis (nouveau). – L’article 77-1-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République peut, par la voie d’instructions générales prises en application de l’article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire, pour des catégories d’infractions qu’il détermine, à requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique, de leur remettre des informations intéressant l’enquête qui sont issues d’un système de vidéoprotection. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées. »

III. – À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 393 du code de procédure pénale, la référence : « 396 » est remplacée par la référence : « 397-1-1 ».

IV. – Le vingt-quatrième alinéa du 1° de l’article 398-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« – les délits de prise du nom d’un tiers ou de fausse déclaration relative à l’état civil d’une personne prévus à l’article 434-23 ; ».

V. – La première phrase du second alinéa de l’article 510 du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° La seconde occurrence des mots : « au troisième » est remplacée par les mots : « à l’avant-dernier » ;

2° Sont ajoutés les mots : « ; cette demande peut être formée pendant un délai d’un mois à compter de la déclaration d’appel ».

VI. – À l’article 512 du code de procédure pénale, les mots : « du troisième » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier ».

VII. – L’article 706-25-12 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée » sont remplacés par les mots : « exercer un recours » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « , le juge des libertés et de la détention » sont supprimés.

VIII. – À la première phrase de l’avant-dernier alinéa et au dernier alinéa de l’article 706-53-10 du code de procédure pénale, les mots : « , le juge des libertés et de la détention » sont supprimés.

IX. – Au dernier alinéa de l’article 706-112-1 du code de procédure pénale, après les mots : « le procureur de la République », sont insérés les mots : « ou le juge d’instruction ».

X. – Au dernier alinéa de l’article 711 du code de procédure pénale, le mot : « rectificative » est supprimé.

M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 et 8

1° Première phrase

Supprimer les mots :

, par la voie d’instructions générales prises en application de l’article 39-3,

2° Avant-dernière et dernière phrases

Supprimer ces phrases.

II. – Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cette proposition découle d’une préoccupation des avocats pénalistes.

L’article 9 vise à déterminer les conditions dans lesquelles les officiers et agents de police judiciaire peuvent, en vertu d’une autorisation générale du parquet, faire procéder à des examens médicaux et psychologiques, avoir accès aux différents systèmes de vidéoprotection dans le cadre d’une enquête préliminaire. Il permet également aux officiers de police judiciaire, les OPJ, de faire procéder, toujours sans autorisation du parquet, à des comparaisons d’empreintes ou de traces génétiques ou digitales.

Il s’agit de s’assurer qu’il n’y a pas d’autorisation générale et systématique du parquet. Chaque procédure devrait continuer de faire l’objet d’une autorisation spécifique du procureur.

Autoriser les OPJ à collecter et traiter des empreintes et traces génétiques ou digitales et à avoir accès aux différents systèmes de vidéoprotection sans autorisation préalable du procureur de la République porte une atteinte disproportionnée à l’intégrité et aux droits fondamentaux de la personne physique mise en cause.

L’obligation pour l’OPJ de se référer au procureur de la République est une garantie qu’il convient de maintenir dans le droit national. Jusqu’où irons-nous pour décharger les parquets afin de gagner du temps, faute d’un renforcement substantiel des moyens humains de nos juridictions ?

Décharger le procureur de certaines tâches et missions ne doit pas conduire à la dégradation de la protection des droits fondamentaux, ces mêmes droits fondamentaux et constitutionnels que l’on invoque pour ne pas renforcer les moyens d’enquête en matière environnementale !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Une décision de 2019 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a adopté une position très stricte de réquisition individuelle, a causé quelques surprises. Elle a mis fin à un système qui existait depuis des décennies : pour toutes les affaires courantes, les parquets adressaient des réquisitions. Les OPJ avaient une conduite à tenir.

Concrètement, en cas d’infraction, de violences faites à une femme, des violences conjugales, il s’agit de pouvoir recourir à une expertise médicale ou une analyse psychologique. En cas de viol, il s’agit de pouvoir demander immédiatement à faire des prélèvements afin de disposer d’empreintes génétiques. En cas d’agression au couteau sur la place centrale de la commune, il est de bon sens que les OPJ puissent demander à consulter les bandes de vidéosurveillance.

Il est donc proposé de réadmettre des réquisitions générales dans ces domaines, qui sont bien délimités. Il y a toutefois une réserve, qui montre que le Sénat reste fidèle à sa tradition de défenseur des libertés publiques et que nous ne perdons pas de vue que les services de police ne sont pas en autonomie – dans notre pays, ce sont bien les parquets qui pilotent les enquêtes.

En résumé, oui à la réquisition générale, mais sous une réserve : lorsqu’un médecin est réquisitionné pour expertiser une femme qui vient d’être victime de violences, le parquet concerné doit immédiatement en être informé. Cela permet aux parquets de connaître en toute situation la totalité des éléments affectant les dossiers dont ils ont la gestion. Il s’agit de conserver le pilotage de l’enquête par les parquets.

Néanmoins, il n’y a pas de raison de submerger inutilement les parquets, qui doivent tout de même se concentrer sur les tâches productives pour la société.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement sera également défavorable, pour quatre raisons.

Tout d’abord, les dispositions du texte initial permettent d’unifier des pratiques sur l’ensemble du territoire. Ensuite, elles sont très restreintes dans leur champ d’application. En outre, elles ne concernent que certains actes extrêmement fréquents dans les enquêtes ; M. le rapporteur les a évoquées. Enfin, les autorisations ne sont accordées que pour une durée de six mois.

Il me semble que le texte initial présente un juste équilibre entre des considérations pratiques et la nécessaire surveillance par le parquet des actes accomplis par la police judiciaire.

Mon avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par MM. Mohamed Soilihi, de Belenet, Richard, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Au premier alinéa du I de l’article L. 211-9-3 du code de l’organisation judiciaire, les mots : « de ce département » sont remplacés par les mots : « des ressorts de ces juridictions ».

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 95 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prévu, outre une importante réforme de l’organisation judiciaire, la spécialisation de tribunaux désignés par décret pour juger dans l’ensemble du département de certaines matières civiles et de certains délits ou contraventions dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État.

Pour la mise en œuvre de la spécialisation, le premier président de la cour d’appel et le procureur général près cette cour peuvent proposer la désignation de tribunaux de leur ressort, après avis des chefs des juridictions concernées. Cette évolution intéressante a été insérée dans un nouvel article L. 211-9-3 du code de l’organisation judiciaire.

Néanmoins, la spécialisation départementale ne couvre pas l’intégralité des problèmes qui se posent, notamment le cas de tribunaux dont les ressorts ne couvrent pas l’ensemble du département.

Ce problème se pose particulièrement en Alsace, où les ressorts des tribunaux judiciaires de Saverne et de Strasbourg, d’une part, ne couvrent pas entièrement le département du Bas-Rhin, et, d’autre part, s’étendent également sur une partie du Haut-Rhin, le tribunal de proximité de Sélestat étant rattaché au tribunal judiciaire de Colmar.

Notre amendement vise à corriger la rédaction de l’article L. 211-9-3 du code de l’organisation judiciaire, pour que la spécialisation couvre l’ensemble des ressorts de ces juridictions, et non plus l’ensemble du département.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. On retrouve partout les besoins de l’Alsace, et nous avons appris à cette occasion que deux tribunaux judiciaires alsaciens avaient une compétence s’étendant au-delà des départements ! (Sourires.)

La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je remercie la Haute Assemblée d’entendre les besoins particuliers de l’Alsace. (Sourires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce n’est pas la première fois !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9
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Article 10

Article additionnel après l’article 9

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l’utilisation de la procédure de convention judiciaire d’intérêt public notamment concernant le nombre de recours et sur les montants mobilisés.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Au travers de cet amendement de repli, nous demandons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur l’utilisation réelle de la procédure de convention judiciaire d’intérêt public dans le domaine de l’environnement.

Par pragmatisme, nous souhaitons que les élus de la République disposent de données précises et fiables sur le nombre de conventions conclues chaque année, mais également sur le niveau des amendes et des réparations imposées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. En vertu de la jurisprudence d’hostilité constante de la commission des lois aux demandes de rapport, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 9 - Amendement n° 4
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Article 11

Article 10

I. – La première phrase du premier alinéa de l’article 362 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « En cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 130-1, 132-1 et 132-18 du code pénal ; si les dispositions des deux premiers alinéas de l’article 132-23 du même code sont applicables, le président les informe également des conséquences de la peine prononcée sur la période de sûreté et de la possibilité de la moduler. »

II. – La dernière phrase du quatrième alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale est complétée par les mots : « ; il en est de même lorsqu’il doit être statué sur l’appel portant sur une décision de refus de mise en liberté, ou sur la saisine directe de la chambre de l’instruction en application du dernier alinéa de l’article 148 ou de l’article 148-4, par une personne détenue en matière criminelle depuis plus de six mois, dont la détention n’a pas déjà fait l’objet d’une décision de prolongation et n’ayant pas personnellement comparu, sans recourir à un moyen de communication audiovisuelle, devant la chambre de l’instruction depuis au moins six mois ». – (Adopté.)

Article 10
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Article 12

Article 11

I. – Le titre III du livre VI de la première partie du code des transports est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Peine complémentaire dinterdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public

« Art. L. 1633-1. – Lorsque les faits ont été commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs, les personnes déclarées coupables soit d’un crime, soit des délits prévus aux articles 222-11 à 222-13, 222-22 à 222-22-2, 222-32, 222-33, 311-1 à 311-6, 312-1 et 312-2 du code pénal commis en état de récidive légale, encourent également la peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans tout ou partie d’un ou plusieurs réseaux de transport public déterminés par la juridiction ou dans les lieux permettant l’accès à ces réseaux.

« La peine est prononcée en tenant compte des impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale de la personne condamnée. Elle peut être suspendue ou fractionnée en application du troisième alinéa de l’article 708 du code de procédure pénale.

« Lorsque l’interdiction de paraître accompagne une peine privative de liberté sans sursis, elle s’applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin.

« La violation de cette interdiction est punie des peines prévues à l’article 434-41 du code pénal.

« Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique aux personnes morales en charge d’une mission de transport collectif de voyageurs l’identité des personnes faisant l’objet de cette interdiction, dans des conditions précisées par voie réglementaire. »

II (nouveau). – Le 13° de l’article 230-19 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« 13° L’interdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public prononcée en application de l’article L. 1633-1 du code des transports ; ».

III (nouveau). – L’article 20-4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La peine prévue à l’article L. 1633-1 du code des transports est applicable aux mineurs de plus de seize ans. Sa durée ne peut excéder un an. »

IV (nouveau). – Après l’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un article L. 121-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 121-8. – La peine prévue à l’article L. 1633-1 du code des transports est applicable aux mineurs de plus de seize ans. Sa durée ne peut excéder un an. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 27 est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 34 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini et Mme Guillotin.

L’amendement n° 49 est présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 27.

Mme Éliane Assassi. L’article 11, dont nous demandons la suppression, prévoit la création d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports lorsque les faits sont commis en état de récidive de certains délits ; j’y ai fait référence lors de la discussion générale.

Malgré la réécriture de l’article par le rapporteur en commission, prenant notamment en compte l’atteinte à la vie privée des individus, les conséquences d’une telle mesure continuent d’être disproportionnées à nos yeux. Dans bien des cas, le respect de l’interdiction ne pourra pas être vérifié, et celle-ci n’aura aucun effet réel, comme le souligne d’ailleurs l’avis du Conseil d’État.

En outre, des mesures de ce genre s’inscrivent dans une vision de la société que, vous l’aurez compris, nous ne cautionnons pas.

Tel est le sens de notre demande de suppression de l’article 11.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié.

M. Joël Labbé. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 49.

M. Jacques Bigot. Il est également défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La peine complémentaire pose-t-elle un problème d’effectivité ? Et est-elle attentatoire à nos libertés ?

Tout d’abord, s’agissant de l’effectivité, l’objectif des autorités de transports et de la Chancellerie est d’inscrire les multirécidivistes du vol à la tire ou des infractions sexuelles dans les transports, par exemple les frotteurs, sur le fichier des personnes recherchées.

Il s’agit de permettre aux services de police qui repéreraient un tel individu, par exemple sur le quai du métro, de ne pas être obligés de le suivre toute la journée et d’attendre un passage à l’acte pour intervenir. La rédaction retenue nous semble donc garantir l’effectivité.

Ensuite, la peine complémentaire est-elle attentatoire aux libertés publiques ? Le texte initial nous avait laissés très sceptiques. C’est la raison pour laquelle nous l’avons modifié en commission. Il est désormais précisé dans l’article que la peine est prononcée « en tenant compte des impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale de la personne condamnée ».

Il nous paraissait tout de même quelque peu compliqué d’interdire totalement à quelqu’un d’accéder aux transports collectifs. Nos magistrats disposeront donc d’une modulation complète en la matière.

Par conséquent, nous vous recommandons d’en rester au texte que nous avons proposé : la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’ai bien conscience qu’il faut être extrêmement vigilant quant à l’exercice des libertés publiques.

Toutefois, la peine complémentaire qui est proposée existe déjà dans notre droit. Nous connaissons en effet les interdictions de paraître, qu’il s’agit ici d’étendre aux transports en commun, ce qui est un peu différent, je le conçois aisément.

M. le rapporteur l’a dit, il s’agit d’auteurs d’infractions graves. Le texte a été amélioré par la commission. De ce fait, il n’apparaît ni disproportionné ni inefficace. En effet, la peine est mesurée dans son quantum et ne s’adresse qu’à un certain nombre de personnes. Par exemple, elle ne sera pas applicable aux mineurs de moins de 16 ans.

Par ailleurs, la juridiction devra délimiter précisément les portions de réseaux de transport, en tenant compte, comme l’a dit M. le rapporteur, des contraintes de la vie familiale et professionnelle, ainsi que des autres contraintes du condamné.

En outre, cette peine ne sera pas inefficace, dans la mesure où, comme l’a prévu la commission, l’inscription au fichier des personnes recherchées et le partage d’informations entre les autorités judiciaires et les entreprises exploitant les réseaux de transport répondent à un certain nombre d’interrogations, formulées notamment par le Conseil d’État.

Par conséquent, cette peine est, selon moi, utile. Et elle n’est pas disproportionnée.