M. Jean-Pierre Sueur. Comme l’on dit en bon français…

M. André Reichardt, rapporteur. Pardon pour ces anglicismes, dont M. Sueur nous donnera tout à l’heure, en bon français, la signification.

M. Jean-Pierre Sueur. Oui, parce que c’est ridicule !

M. André Reichardt, rapporteur. Permettez-moi de le dire, mes chers collègues, ce choix, c’est la dernière chance, pour l’opt-out, de faire ses preuves. En effet, à défaut d’une amélioration singulière de la situation pour les consommateurs, il ne faudra pas s’étonner que le Parlement soit amené à réexaminer l’opportunité de revenir sur ce point. J’espère que le texte que nous allons voter, avec les améliorations dont Mme la secrétaire d’État a déjà fait état, en particulier le renforcement des sanctions, contribuera à faire progresser les choses.

En tant que rapporteur de ce texte, je suis bien conscient du degré de harcèlement des consommateurs et de leur ras-le-bol à cet égard. Nous nous sommes néanmoins efforcés de maintenir, je le répète, l’opt-out, c’est-à-dire la volonté de s’opposer et non pas de choisir de faire l’objet d’un démarchage.

À bon entendeur salut ! Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain ! Ce n’est pas parce qu’il y a trop d’abus qu’il faut refuser tous les démarchages téléphoniques et les interdire, comme certains voudraient le faire. Je note d’ailleurs qu’ils ne sont pas nombreux en séance…

M. Stéphane Piednoir. Ils ne vont sûrement pas tarder à arriver ! (Sourires.)

M. André Reichardt, rapporteur. Travaillons à une amélioration de la situation au travers de l’opt-out, voulu par l’Assemblée nationale et le Sénat. Dans cette perspective, je forme le vœu qu’une commission mixte paritaire puisse se réunir prochainement pour permettre l’aboutissement de cette proposition de loi.

Je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte ainsi modifié.

Mme la présidente. Comme l’a très justement rappelé M. le rapporteur, cette proposition de loi est inscrite dans l’espace réservé au groupe Union centriste, limité à une durée de quatre heures.

Dans ces conditions, je me verrai dans l’obligation de lever la séance à dix-huit heures trente-huit. Si nous n’avons pas achevé l’examen de ce texte, il appartiendra à la conférence des présidents d’inscrire la suite de cette proposition de loi à l’ordre du jour d’une séance ultérieure.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce matin, j’ai reçu un appel téléphonique de notre collègue Gisèle Jourda. Dans son département de l’Aude, comme dans beaucoup d’autres du reste, il existe de très petites communes perdues dans les montagnes ou la campagne. Un certain nombre de leurs habitants, notamment des personnes âgées, ont renoncé à décrocher leur téléphone. Pourquoi ? Parce que, plusieurs fois par jour, elles sont assaillies d’appels pour les démarcher pour toutes sortes de choses.

Les maires de ces petits villages font valoir qu’en cas d’inondation – ce n’est pas une fiction – ou d’incendie la seule manière de prévenir les habitants est de leur téléphoner. Pourtant, ces personnes sont tellement écœurées de ces abus constants qu’elles n’utilisent plus le téléphone. On ne peut donc pas les prévenir d’un danger.

Cet exemple concret me permet de vous dire, mes chers collègues, à quel point ce texte est nécessaire.

Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, énormément d’appels vantent les mérites de la rénovation énergétique. Certaines entreprises font miroiter les aides de l’État, mais ne disposent pas toujours de la compétence nécessaire, si bien qu’il y a des tromperies, des duperies, une utilisation fallacieuse de l’argent de l’État et des travaux qui ne ressemblent à rien.

Monsieur le rapporteur, nous nous sommes beaucoup interrogés sur la question de savoir si l’interdiction du démarchage pour un seul domaine, la rénovation énergétique, était constitutionnelle. Devant l’émoi de toutes les associations de consommateurs sur ce qui constitue un véritable problème, nous avons décidé de déposer un amendement.

Nous ne voterons pas contre ce texte, parce qu’il présente des avancées, mais nous regrettons – c’est ce qui nous empêchera de voter pour – que ne soit pas fait le si nécessaire et si simple pas en avant que nous demandons, en bon français, sans qu’il soit besoin de se perdre dans des anglicismes à perte de vue : pour que quelqu’un puisse être démarché par téléphone, il faut qu’il ait a priori formulé son consentement de façon claire et explicite. Si une personne consent à recevoir de tels appels, il est légitime de la contacter ; sinon, sa volonté doit être respectée. Ainsi, les habitants de l’Aude et de tous les autres départements qui sont absolument excédés par ce démarchage téléphonique, qui n’en peuvent plus de ces intrusions, pourront tout simplement déclarer qu’ils ne souhaitent pas être sollicités. Est-ce compliqué ? Je ne le crois pas. Notre principal amendement vise à formuler, en des termes qui peuvent bien sûr être améliorés, cette autre proposition, qui nous paraît nécessaire.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu’il s’agissait là de la dernière chance d’améliorer ce système. Nous disons, nous, que l’on finira de toute façon par en venir à ce que nous proposons.

M. André Reichardt, rapporteur. Il y a 60 000 emplois en jeu !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, vous le savez, onze pays d’Europe ont adopté une telle disposition, qui s’applique déjà pour les courriels et les SMS. Elle est tout à fait conforme au règlement général sur la protection des données, le RGPD.

Je conclurai par un argument qui, j’en suis sûr, ne laissera personne indifférent ici. Madame la secrétaire d’État, une proposition de loi présentée par M. Mézard et adoptée par le Sénat…

M. Philippe Bas, président de la commission. … que le Gouvernement semble ignorer…

M. Jean-Pierre Sueur. … allait dans le sens que je préconise, surtout après qu’elle eut été amendée par M. Pillet. Eu égard aux destins de MM. Mézard et Pillet, je vois mal que l’on puisse considérer qu’il s’agit là d’une mauvaise direction. (Sourires.)

Mes chers collègues, on peut regretter que la loi de la marchandise s’étende toujours davantage dans l’espace – il suffit de considérer nos entrées de ville. On peut regretter tout autant que la loi de la marchandise étende son emprise sur le temps de la vie, à toutes les heures du jour et de la nuit.

Je propose, en adoptant une position beaucoup plus radicale, de mettre fin à ce qui est devenu un véritable fléau pour nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Comme nous l’avons vu en première lecture, l’encadrement plus ou moins strict du démarchage téléphonique est un véritable serpent de mer, dans le domaine de la protection des consommateurs, et a déjà fait l’objet, de la part du Sénat, d’un certain nombre de tentatives. C’est un problème connu et reconnu : les pratiques abusives de démarchage continuent de sévir en France et d’importuner – le terme est faible – les consommateurs, faute d’encadrement et de mobilisation suffisante des pouvoirs publics, alors que d’autres pays ont obtenu de bons résultats en la matière.

Jean-Pierre Sueur a rappelé la proposition de loi présentée par le groupe RDSE sur l’initiative de Jacques Mézard. Adoptée par le Sénat il y a déjà neuf ans – je venais d’arriver au Sénat –, elle prévoyait un dispositif plus strict et le passage de l’opt-out à l’opt-in.

L’obligation de recueillir le consentement préalable du consommateur en amont de toute activité de démarchage par voie téléphonique devrait être la règle. C’est la seule solution pour éviter les dérives constatées, qui confinent vraiment, parfois, au harcèlement et qui, en outre, visent surtout des publics fragiles. Il faut aussi insister sur cet aspect : la logique même du démarchage téléphonique est de cibler ceux qui ne savent pas dire non. Ces dérives touchent donc les utilisateurs de téléphone fixe, de moins en moins nombreux, autant que de téléphone mobile. C’est d’ailleurs par ce vecteur que le démarchage abusif et les pratiques frauduleuses se sont le plus développés ces dernières années.

Trop souvent, les consommateurs ignorent les droits qui leur sont reconnus dans le code de la consommation – peut-être moins, désormais, ceux qui figurent dans les textes relatifs à la protection des données personnelles, qu’il s’agisse de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ou du règlement général sur la protection des données, entré en vigueur en 2018.

Les problèmes, dans le domaine du démarchage, sont donc parfaitement connus. Eu égard aux pratiques commerciales agressives de nombreuses sociétés de télémarketing n’hésitant pas à appeler les personnes plusieurs fois dans le même mois, à des horaires inopportuns, en soirée ou le week-end, il paraît totalement indispensable de renforcer les droits des citoyens.

C’est pourquoi on ne peut que regretter la position encore très timorée de la commission, qui a édulcoré le texte. On évoque volontiers les consommateurs importunés, parfois en situation de faiblesse, mais plus rarement le mal-être au travail des employés des centres d’appel. S’il est un métier ingrat – il nous est tous arrivé de raccrocher un peu brutalement –, c’est bien celui-là, que le centre d’appel soit situé en France ou à l’étranger.

D’ailleurs, la localisation hors de l’Union européenne n’est en principe pas un obstacle à la protection du consommateur, puisque les litiges sont régis par la loi du pays de résidence habituel de ce dernier. Plusieurs pays voisins, comme l’Allemagne, l’Espagne, le Danemark, ont opté pour le régime du consentement préalable, avec de véritables succès à la clé. Il est tout de même assez étonnant que l’on régule le démarchage par texto, mais non le démarchage téléphonique, alors qu’un texto est moins intrusif qu’un appel téléphonique.

Quoi qu’il en soit, force est de reconnaître que les différentes tentatives pour aller dans le sens d’un encadrement du démarchage téléphonique en France ont jusqu’à présent toujours échoué. L’approche plus modérée des auteurs de la présente proposition de loi devrait permettre d’aboutir à un compromis. Elle conserve le régime actuel de la désinscription tout en le rendant plus efficace. Son objet est aussi plus large et plus actuel, puisqu’il inclut la lutte contre les appels frauduleux, phénomène hélas répandu.

N’ayant pas le temps de développer plus avant mon propos, je me bornerai à abonder sans réserve dans le sens de Mme la secrétaire d’État sur la question des appels concernant les travaux de réhabilitation des logements. Avec l’offre très alléchante de l’isolation à 1 euro, il y a eu énormément d’abus dans ce domaine. Les vrais professionnels demandent une régulation forte. En effet, ces réhabilitations pour 1 euro, qui donnent au consommateur le sentiment de faire une bonne affaire, recouvrent souvent des travaux bâclés ; les « vrais » travaux de réhabilitation, eux, ne sont pas faits par les propriétaires. Si nous voulons tenir nos objectifs, qui sont absolument essentiels, en matière d’efficacité énergétique et de lutte contre le dérèglement climatique, il y a urgence à réglementer les appels concernant la rénovation énergétique et le développement de l’utilisation des énergies renouvelables.

J’espère que nous pourrons trouver un compromis. Que le texte échoue à réglementer ces abus serait totalement incompréhensible, et je sais que tous les professionnels suivent nos travaux avec grande attention cet après-midi.

Le RDSE continue de soutenir l’idée d’un plus strict encadrement du démarchage téléphonique, pour enfin mettre un terme aux nuisances inhérentes à celui-ci. Si l’on peut regretter que cette proposition de loi n’aille pas plus loin dans cette voie, il faut aussi savoir reconnaître les avancées qu’elle comporte ; il faudra veiller, par la suite, à sa bonne application. Le groupe RDSE votera pour son adoption. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le démarchage téléphonique et la prospection commerciale par voie électronique sont devenus une pratique courante, régulièrement mise en cause par le législateur et par les citoyens.

Appels internationaux, messages vocaux préenregistrés et publicitaires sous un faux numéro… Selon les chiffres de l’enquête de l’UFC-Que Choisir de 2017, chaque foyer est démarché téléphoniquement 4 fois par semaine en moyenne. Ce chiffre monte à 4,4 fois par semaine pour les personnes âgées de plus de 65 ans.

Ne parler que de l’exaspération que suscitent ces appels ne suffit pas, car, en parallèle, les cas de fraude sont de plus en plus fréquents. Cette proposition de loi distingue très clairement les deux : démarchage téléphonique et appels frauduleux. Je remercie notre collègue député Christophe Naegelen, qui a été le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale. Son ambition nous a permis de débattre et de proposer des solutions équilibrées, à la hauteur d’un double sujet.

Le texte initial comprenait six articles, visant notamment : pour l’article 1er, le renforcement des informations qu’un professionnel doit obligatoirement communiquer au consommateur lors d’un appel de prospection commerciale ; pour l’article 2, la réalisation d’un audit de la société Opposetel, délégataire du service Bloctel, afin de relever les dysfonctionnements, d’améliorer le service et d’optimiser les moyens ; pour les articles 3 et 4, le renforcement du montant des sanctions administratives prononcées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en cas de méconnaissance des obligations fixées par l’encadrement législatif ; à l’article 6, la sécurisation des outils juridiques de lutte contre les pratiques téléphoniques de fraude aux numéros surtaxés, en particulier la faculté donnée aux opérateurs de communications électroniques de suspendre l’accès à un numéro surtaxé affecté à un service fraudeur.

Il est important de rappeler que le secteur du démarchage téléphonique emploie aujourd’hui directement plus de 56 000 personnes en France, y compris au sein de TPE et de PME de nos territoires. C’est d’ailleurs sur le fondement de cet état de fait que les deux chambres se sont majoritairement accordées pour ne pas retenir le principe d’un opt-in systématique.

N’ayant pas trouvé de traduction littérale de l’expression opt-in, il me paraît utile de décrire ce système de façon succincte.

Le principe général en est qu’un individu doit avoir donné son consentement préalable et explicite avant d’être la cible d’une prospection directe. Un individu ne peut donc être destinataire d’une newsletter ou d’un démarchage téléphonique que s’il a donné de manière claire et explicite son consentement à la réception de ce type de messages.

Ainsi, retenir un opt-in systématique reviendrait à en inverser le principe, en postulant que le consommateur est toujours a priori contre le démarchage, ce qui conduirait probablement, in fine, à une disparition de ce secteur économique.

Plusieurs points d’équilibre doivent donc être trouvés sur ces sujets, afin de mieux protéger les consommateurs et de renforcer l’efficacité des mécanismes d’opposition du service Bloctel sans pénaliser les acteurs respectueux de la loi, de mieux réguler le démarchage, de faire cesser ces nuisances et de sanctionner les fraudes sans ébranler le secteur.

Les travaux de notre chambre, tels qu’ils ont progressé, dessinent un tel équilibre ; je tiens, à ce titre, à saluer le travail de notre rapporteur, qui a permis, dès l’issue de la première lecture, de voter conformes quatre articles portant sur des sujets essentiels.

Il a également permis au Sénat d’enrichir le texte sur plusieurs points, tels que la mention de Bloctel dans les contrats de téléphonie, les modalités de communication au consommateur des informations obligatoires lors d’un démarchage ou encore la création d’un régime de données ouvertes applicable à l’organisme gestionnaire du service Bloctel, afin d’en renforcer le contrôle.

Il a permis, enfin, l’acceptation en commission de modifications du texte intervenues à l’Assemblée nationale en deuxième lecture, sur des sujets essentiels qui faisaient encore l’objet d’une divergence de fond. Je pense notamment à l’article 5 relatif à l’encadrement du démarchage téléphonique en cas de relations contractuelles préexistantes. La rédaction de compromis introduite par l’Assemblée nationale et validée par notre rapporteur limite l’exception contractuelle aux clients d’un contrat en cours ou à des sollicitations en rapport avec l’objet du contrat ou portant sur des produits ou services afférents ou complémentaires.

Cette rédaction illustre bien l’équilibre que je mentionnais. Il est à noter que le bicamérisme montre une nouvelle fois toute son importance dans la construction de la loi.

Pour autant, le débat en séance va permettre de continuer à améliorer ce texte, sur certains points en particulier. Ainsi souhaitons-nous, comme plusieurs autres collègues, et pour des raisons que nous expliciterons tout à l’heure, rétablir l’interdiction du démarchage téléphonique pour les professionnels qui vendent des équipements ou travaux d’efficacité énergétique. Je souhaite mentionner également certaines modifications introduites en commission par notre rapporteur relatives aux obligations imposées aux professionnels du démarchage téléphonique, s’agissant par exemple de la fixation de la fréquence des appels ou de la présomption de responsabilité s’appliquant aux professionnels ayant tiré profit d’un démarchage téléphonique litigieux.

Le présent débat nous permettra de discuter de ces sujets intéressants et, je le crois, d’avancer dans l’élaboration de ce texte, qui présente un triple caractère de nécessité, d’équilibre et de qualité, et auquel notre groupe est favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons, je l’espère, au terme du parcours législatif de cette proposition de loi de nos collègues députés du groupe UDI. Ce texte, s’il ne réglera pas tous les problèmes, peut marquer une étape supplémentaire dans la protection des citoyens et la lutte contre le démarchage subi.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une contrainte, pour ne pas dire une plaie, pour un grand nombre de nos concitoyens !

Vous vous levez le matin et allumez votre télévision ou votre radio : publicité ! Vous lisez votre journal ou surfez sur internet : publicité ! Vous vous rendez sur votre lieu de travail : publicité dans les transports et dans les rues ! Et quand vous pensez pouvoir être enfin tranquille, c’est votre téléphone qui sonne à répétition. En définitive, qui paie les conséquences de cette stratégie agressive ?

Ce sont, en premier lieu – j’y reviendrai plus longuement en présentant l’un de nos amendements –, les salariés du secteur. Mal rémunérés, mis en concurrence, surveillés jusqu’à l’extrême et totalement déshumanisés, ils sont pris entre le marteau et l’enclume : d’un côté, les méthodes scandaleuses de leur direction ; de l’autre, les réactions parfois virulentes des personnes contactées.

Ce sont, en second lieu, les citoyens. Chacun, dans cet hémicycle, a eu à subir vingt appels dans une journée, émanant de numéros qu’il ne connaît pas et destinés à lui vendre quelque chose dont il n’a ni envie ni besoin. Chacun, dans cet hémicycle, a eu un jour affaire à un démarcheur particulièrement insistant, espérant obtenir gain de cause à l’usure, sans parler de toutes les arnaques dont les victimes sont souvent les personnes les plus vulnérables – tout cela pour une utilité économique et sociale qui est loin d’être évidente…

De plus en plus se pose, dans le débat public, la question de ces « petits métiers », souvent aliénants, qui pourraient disparaître sans que la société ne vacille sur sa base. Il est certain que le démarchage téléphonique entre largement dans cette catégorie.

Quelle est en effet la finalité de cette activité ?

La libre information et le conseil aux clients ? Quiconque a déjà eu à répondre à l’appel d’un démarcheur sait bien que c’est faux.

La préservation de l’emploi ? Il est vrai que le secteur emploie 56 000 personnes en France et rapporte plus de 2 milliards d’euros par an. Mais pour qui ? Pour quoi ? Pour quelle utilité sociale ? D’ailleurs, quitte à parler d’emplois, parlons un peu de la pratique, plus répandue que dans la majorité des autres secteurs économiques, de la délocalisation et de la sous-traitance dans des pays francophones au droit du travail plus faiblement protecteur.

Le développement des pays du Sud, puisque cet argument est régulièrement brandi ? Quelle indignité ! Si l’ambition française, en matière de coopération économique, consiste à exploiter et à sous-payer des salariés, qui sont très souvent de jeunes diplômés, à des postes peu qualifiés, nous allons, me semble-t-il, au-devant de graves problèmes en termes de développement économique et social des pays en question.

Pour faire face à cette situation, le législateur a pris des mesures. La plus emblématique d’entre elles est la création des listes d’opposition : la liste rouge en 1978, puis Pacitel en 2011, enfin Bloctel en 2016.

Malheureusement nous sommes restés au milieu du gué. Bloctel illustre bien, d’une certaine façon, la faiblesse organisée de la régulation du secteur.

Sa première faiblesse tient à son principe même : faire reposer la régulation du démarchage sur l’initiative du consommateur conduit toujours à laisser sur le bas-côté les personnes non informées ou ne maîtrisant pas l’outil. L’accord préalable du consommateur pour tout démarchage téléphonique doit être la norme, et non l’exception.

Sa seconde faiblesse est celle des moyens de contrôle et de sanction. N’oublions pas que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes voit fondre, depuis plusieurs années, ses effectifs et ses dotations.

Comment expliquer autrement que plus de 200 000 personnes inscrites sur Bloctel se plaignent encore de démarchage agressif ? Comment expliquer autrement que les entreprises rechignent toujours autant à nettoyer leurs fichiers de contacts ?

Cette proposition de loi répond-elle à la problématique actuelle du démarchage téléphonique ? Non, car c’est tout le fonctionnement du secteur qu’il faut revoir. Pour ne prendre qu’un exemple, croyez-vous vraiment qu’un démarcheur va prendre le temps d’informer son correspondant de ses droits et de présenter Bloctel, alors que son appel est minuté et scruté par sa hiérarchie, comme l’ont montré plusieurs enquêtes ?

Cette proposition de loi va-t-elle aggraver la situation ? Non. Mieux, même, elle permet d’améliorer à la marge la protection des consommateurs, notamment contre les arnaques aux numéros surtaxés.

Cette proposition de loi peut-elle encore être améliorée ? Oui, assurément. Notre groupe a déposé plusieurs amendements en ce sens. Dans l’attente de connaître le sort qui leur sera réservé, nous réservons notre vote sur le texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.

Nous espérons tous que nos débats permettront d’aboutir prochainement à un texte conciliant la tranquillité des Français à leur domicile avec la possibilité, pour les professionnels, de développer leur activité.

Le démarchage téléphonique abusif est devenu une véritable nuisance, et nos concitoyens sont unanimes à dénoncer les appels intempestifs reçus à leur domicile.

Ce constat de départ ne doit pas nous faire oublier que le démarchage téléphonique est une pratique commerciale légale et que ce secteur représente de nombreux emplois directs en France : plus de 55 000, dont pas moins de 15 000 dans les seuls Hauts-de-France.

Il nous faut prendre garde à ne pas menacer ces emplois, car les centres d’appels représentent souvent un premier accès à l’emploi pour des personnes fragiles. En outre, ces emplois sont flexibles et permettent à des personnes qui ne sont pas en mesure de travailler à plein temps de percevoir un complément de revenu.

Ce n’est donc pas le démarchage vertueux qu’il faut interdire, mais bien la fraude au démarchage.

Les entreprises qui pratiquent le démarchage de manière illégale jettent l’opprobre sur tout le secteur : appels surtaxés illégaux, automates intempestifs, appels-pièges, usurpations de numéros : autant de pratiques frauduleuses qui excèdent nos concitoyens.

C’est pourquoi cette question doit être abordée avec beaucoup de soin, car tout l’enjeu est là : mieux protéger les consommateurs sans pénaliser les TPE et les PME dont les pratiques sont raisonnables et qui sont respectueuses de la loi ! Ne nous y trompons pas : la cible, ce sont bien les fraudeurs, et non le démarchage téléphonique en tant que tel.

Sur le fond, je tiens à saluer les travaux de la commission, qui a souhaité revenir sur trois modifications opérées par l’Assemblée nationale.

Nos collègues députés ont interdit le démarchage téléphonique aux professionnels qui vendent des équipements ou des travaux « destinés à des logements et permettant la réalisation d’économies d’énergie ou la production d’énergies renouvelables ». Je me félicite que la commission ait supprimé cette disposition, car elle présentait un risque d’inconstitutionnalité important au regard des principes d’égalité devant la loi et de liberté d’entreprendre.

L’Assemblée nationale a par ailleurs adopté des dispositions nouvelles, sans aucun lien avec celles qui restent en discussion, visant à imposer aux opérateurs de filtrer les appels internationaux qui utilisent frauduleusement un numéro national et de mettre en œuvre un mécanisme d’authentification des appels. Je me réjouis que la commission les ait supprimées, car de telles obligations sont soit largement satisfaites, soit prématurées.

Enfin, l’Assemblée nationale avait complété l’article 7 pour préciser que l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut saisir le juge judiciaire en référé ou sur requête pour qu’il suspende l’attribution de nouveaux numéros aux exploitants de services à valeur ajoutée jugés frauduleux pendant une durée maximale de cinq ans. La durée de cette mesure semble excessive s’agissant de procédures d’urgence et de décisions rendues par ordonnances à titre provisoire. Je suis heureux que la commission l’ait ramenée à six mois.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question du démarchage téléphonique abusif ou frauduleux nous concerne tous. Ce phénomène est dénoncé partout en France. Aussi, eu égard à l’exaspération légitime de nos concitoyens face à ce démarchage excessif et peu scrupuleux, est-il de notre devoir d’agir, mais avec prudence, car tout démarchage n’est pas condamnable !

Conscient tant des enjeux relevant du respect de la vie privée et de la tranquillité que de ceux ayant trait à l’emploi, le groupe Les Indépendants votera en faveur de l’adoption de ce texte à la fois utile et équilibré.