Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Lorsque nous avons voté les modalités de l’ordonnance de protection dans la loi du 28 décembre dernier, il a été prévu de manière très précise que le juge doit informer sans délai le procureur de la République quand il délivre cette ordonnance de protection en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants. S’il n’y a pas d’enfant, il n’y a pas lieu d’informer le procureur de la République.

Il s’agit tout de même d’une curiosité ! J’ai bien entendu Mme la garde des sceaux et je me réjouis qu’elle souhaite, ou même qu’elle ait déjà engagé, un travail collectif avec l’ensemble des parquets et des juridictions ; j’ai aussi compris qu’elle allait le renforcer avec ce comité, dont elle a annoncé la création. Cependant, je m’interroge : comment piloter les ordonnances de protection si les parquets n’ont pas la possibilité d’avoir une information complète ?

Je rappelle que nous sommes en matière civile et que la remontée naturelle d’informations entre les juges et les parquets ne se fait pas comme dans une juridiction pénale. Cet amendement a donc pour objet de supprimer cette condition limitative à la présence des enfants et de prévoir que l’ordonnance de protection sera toujours communiquée au procureur de la République.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Le présent amendement tend à systématiser l’information du procureur de la République de toutes les ordonnances de protection qui sont délivrées.

Le parquet est en principe tenu informé, car il est présent à tous les stades de l’instance civile. Il reçoit toutes les demandes d’ordonnance de protection et il est partie jointe à l’audience dans la plupart des cas.

La loi ne prévoit toutefois son information expresse lors de la délivrance d’une ordonnance de protection que dans le cas particulier d’enfants en danger.

Compte tenu des difficultés qui ont pu être relevées dans les circuits d’information entre magistrats dans les juridictions, il me semble qu’effectivement il pourrait être utile de préciser dans la loi que toutes les ordonnances de protection font l’objet d’une information sans délai du parquet. Je ne crois pas qu’une telle mesure affaiblisse la protection des enfants.

La commission émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cette fois, je me vais me désolidariser de l’avis de Mme la rapporteure ! (Sourires.)

Je comprends, bien entendu, l’intention qui est la vôtre, madame la sénatrice, mais il me semble que l’adoption de votre amendement produirait l’effet contraire de l’objectif visé.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ah !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Aussi, je voudrais vous convaincre de le retirer.

Comme vous le savez, toutes les décisions en matière d’ordonnance de protection, qu’elles acceptent ou qu’elles rejettent la demande, sont déjà communiquées au procureur de la République, parce qu’il est partie jointe à la procédure. Nous l’avons redit dans la loi de décembre 2019.

De plus, j’ai eu l’occasion d’évoquer ce point avec l’ensemble des magistrats dans le cadre des projets de juridiction et j’ai appris qu’ils avaient tous mis en place des systèmes, pour que le procureur soit systématiquement prévenu et pour que le juge des enfants, le JAF et les autres acteurs travaillent ensemble.

C’est le parquet qui fait procéder à l’inscription de l’ordonnance de protection au fichier des personnes recherchées et au fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes si la décision est prise en ce sens. Il en a donc nécessairement connaissance. Vous souhaitiez que le parquet soit toujours informé, mais, je vous le réaffirme ici, c’est déjà le cas.

En réalité, votre amendement tend à supprimer l’information spécifique du procureur de la République lorsqu’un mineur est en danger. La disposition que vous voulez abroger prévoit en effet un signalement spécial concernant les mineurs en danger aux fins de mise en œuvre d’une mesure de protection. Il me semble que la suppression des signalements conduirait à un recul de la protection des mineurs.

C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame de la Gontrie, l’amendement n° 42 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je dois dire que la dialectique de Mme la garde des sceaux me laisse coite ! Si tout cela existe déjà, c’est formidable, mais, dans ce cas, pourquoi le restreindre ?

De deux choses l’une : soit l’on considère qu’il est utile que le parquet ait cette information, car il est théorique de dire que le parquet est toujours présent dans les affaires civiles, soit l’on considère que c’est restrictif, mais, alors, je ne vois pas comment vous pouvez dire que, puisque nous ne prévoyons que le parquet est informé spécifiquement lorsqu’il y a des enfants, le dispositif serait, dès lors, moins protecteur pour ces derniers.

Excusez-moi, j’ai essayé de suivre votre raisonnement, et j’étais toute prête à être convaincue, mais je n’ai absolument rien entendu qui permette de limiter le champ d’information du parquet. Je souhaite donc vraiment que cet amendement soit adopté : ainsi, les parquetiers seront toujours informés des ordonnances de protection.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il n’y a pas de souci sur le fond, mais vous écrivez, dans le texte de votre amendement : « Au dernier alinéa de l’article 515-11 du code civil, les mots : “en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants” sont supprimés. »

Vous supprimez donc ce qui était pour nous un signalement spécifique !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Ayons pitié de ceux qui chercheront un jour l’intention du législateur en appliquant cet article et tâchons de mener des travaux les plus précis possible !

Nous sommes bien d’accord, l’article 515-11 du code civil, tel qu’il est actuellement rédigé, réserve la transmission de l’ordonnance de protection au parquet à la seule hypothèse où il y aurait des parents violents susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants. C’est bien ainsi que nous interprétons tous l’article 515-11 du code civil, madame la garde des sceaux ?…

Sommes-nous d’accord sur ce point à cet instant, madame la garde des sceaux ? L’article 515-11 du code civil prévoit aujourd’hui que la transmission au parquet de l’ordonnance de protection est réservée à l’hypothèse dans laquelle il y aurait des violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Non !

Mme Laurence Rossignol. C’est pourtant bien ce que dit l’article du code !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La loi Pradié a prévu une information spécifique !

Mme Laurence Rossignol. Or, pour nous, toute ordonnance de protection doit être systématiquement transmise au parquet, et cela n’altère en rien la protection des enfants que de le dire.

Tel est le seul objet de cet amendement. C’est ainsi qu’il faut l’interpréter, et c’est ainsi qu’il faut lire le code. (Mmes Marie-Pierre de la Gontrie, Françoise Laborde, Annick Billon et Dominique Vérien approuvent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne veux pas avoir l’air de m’opposer pour m’opposer, mais je dis simplement que, depuis la loi Pradié, il est précisé à l’article 515-10 que le ministère public est informé systématiquement de toutes les ordonnances de protection.

Nous avons expressément souhaité laisser dans l’article 515-11 un signalement quand il y a un enfant en danger, parce que c’est une alerte supplémentaire, un signalement tout particulier d’un dossier au procureur, que nous avons voulu conserver.

C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.

Mme Laurence Rossignol. Il est possible que nous nous trompions, mais, à la relecture de l’article 515-10, je ne le crois pas !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er (suppression maintenue) -  Amendement n° 42 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales
Article additionnel avant l'article 1er (suppression maintenue) -  Amendement n° 76 rectifié bis

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.

L’amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase de l’article 515-12 du code civil, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Il s’agit de faire en sorte que l’ordonnance de protection puisse être prononcée pour une durée non pas de six mois, mais d’un an, tout en sachant que le juge peut décider de la durée pour laquelle il la prononce et qu’il peut la révoquer à tout moment. Il s’agit donc non pas d’une obligation de durée d’un an qui contraindrait le juge, mais d’une possibilité.

La raison en est simple : les tribunaux ne fonctionnent pas très bien en ce moment ; les procédures sont longues ; il arrive que les plaignantes aient concomitamment d’autres procédures au pénal et au civil, les procédures au pénal retardant les procédures civiles.

Aussi, il nous paraîtrait plus protecteur que le juge puisse aller jusqu’à un an, ce qui éviterait aux plaignantes de revenir devant lui demander une prolongation de l’ordonnance de protection.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à allonger la durée de l’ordonnance de six mois à un an.

La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a déjà allongé de quatre mois à six mois ce délai.

Les mesures de l’ordonnance de protection peuvent également être prolongées au-delà de cette période si une requête en divorce ou séparation de corps a été déposée, ou si le juge a été saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale pour la durée de la procédure.

Je considère qu’il s’agit d’un compromis satisfaisant entre la protection apportée aux victimes de violences et l’atteinte aux libertés individuelles.

L’ordonnance de protection est un outil de l’urgence, dont il faut renforcer l’efficacité, mais cela ne peut pas, si les violences persistent et que des infractions sont commises, remplacer une procédure pénale, mieux à même de protéger la victime sur la durée. Nous devons penser à protéger les femmes durablement. Une fois que l’ordonnance de protection est passée, c’est la voie pénale qui est la plus adaptée.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mme la rapporteure l’a rappelé, la durée de l’ordonnance est passée de quatre mois à six mois en 2014.

Surtout, comme vous le savez, l’ordonnance de protection est prolongée de manière automatique et systématique, sans nouvelle décision du juge, dès lors qu’il y a une demande en divorce, en séparation de corps ou sur l’exercice de l’autorité parentale. Il me semble que ces prolongations, qui sont fréquentes, ne justifient pas que nous allongions la durée de l’ordonnance de protection, comme vous le souhaitez.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er (suppression maintenue) -  Amendement n° 38 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales
Article additionnel avant l'article 1er (suppression maintenue) -  Amendement n° 74 rectifié bis

Mme la présidente. L’amendement n° 76 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

I – Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du I de l’article 515-11-1 du code civil est ainsi modifiée :

1° Après le mot : « peut », sont insérés les mots : « prononcer une interdiction de se rapprocher de la partie demanderesse à moins d’une certaine distance qu’il fixe et » ;

2° Les mots : « se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance » sont remplacés par les mots : « ne respecte pas cette distance ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre…

Dispositions relatives au bracelet anti-rapprochement dans le cadre de l’ordonnance de protection

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Afin de mieux protéger les victimes, la loi du 28 décembre 2019 a utilement permis au juge aux affaires familiales de prononcer le port du bracelet anti-rapprochement dans le cadre de l’ordonnance de protection.

Pour autant, l’article 511-11-1 du code civil, tel qu’il est issu de cette loi, rattache le prononcé du bracelet anti-rapprochement à l’interdiction de contact avec la victime, sans toutefois le lier à une interdiction de s’en approcher, ce qui fragilise la portée du dispositif. En effet, les forces de l’ordre ne peuvent dès lors intervenir qu’une fois que les interdictions de contact ou de paraître ont été effectivement violées. Le temps d’intervention des forces de l’ordre en est retardé, et la protection de la victime, par là même, éprouvée.

Il s’agit là d’un point non négligeable, qui doit appeler notre vigilance, mes chers collègues. C’est pourquoi nous proposons de mentionner, au sein du code civil, que le JAF qui ordonne le port d’un bracelet anti-rapprochement aura, au préalable, interdit à l’auteur des violences de s’approcher à moins d’une certaine distance de la victime.

Cette modification permettrait d’assurer une assise légale à l’intervention des forces de l’ordre lorsque le porteur d’un bracelet anti-rapprochement se maintient dans la zone après le déclenchement d’une première alerte.

En conclusion, il s’agit d’assurer la pleine efficacité du dispositif que notre assemblée a adopté à la fin de l’année dernière, avec l’objectif, que nous partageons tous ici, de la protection effective des victimes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. L’adoption de cet amendement corrigerait utilement le dispositif du bracelet anti-rapprochement que peut ordonner le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une ordonnance de protection.

En donnant au juge le pouvoir exprès de prononcer une interdiction de rapprochement de la victime, cette disposition permettrait d’interpeller immédiatement le conjoint qui méconnaîtrait cette interdiction. Elle renforcerait la sécurité juridique et l’efficacité du dispositif que nous avions voté dans la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

La commission émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er (suppression maintenue) -  Amendement n° 76 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales
Article 1er

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.

L’amendement n° 74 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la mise en œuvre de la généralisation du bracelet anti-rapprochement.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Je vous en demande pardon, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mais il s’agit ici d’une demande de rapport ! (Exclamations amusées.) En effet, nous ne savons pas comment faire autrement.

En l’espèce, nous sommes tous assez curieux de savoir quels sont l’usage, le bilan et les problèmes que pose encore le bracelet anti-rapprochement.

J’ai découvert à l’instant, en lisant l’objet de l’amendement de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, qu’il y était fait référence à un groupe de suivi sur le bracelet anti-rapprochement. Si un tel groupe existe, peut-être pourrait-il nous informer de ses travaux, de ses conclusions et des évolutions qu’il juge nécessaires ?

Cet amendement vise donc à demander un rapport, pour que le Parlement soit informé de la manière dont les choses se passent avec ce fameux bracelet anti-rapprochement, qui a fait l’objet de nombreuses discussions dans notre hémicycle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Actuellement, le Gouvernement est encore dans une phase de préparation du déploiement du bracelet anti-rapprochement, avec le lancement d’appels d’offres pour passer des marchés publics et la constitution des équipes qui vont faire faire fonctionner ce dispositif.

Il serait intéressant que Mme la garde des sceaux nous donne des détails sur l’état d’avancement de ces préparatifs.

En revanche, un rapport ne permettrait pas d’accélérer le déploiement de ce dispositif, alors que c’est ce que nous souhaitons. L’avis est donc défavorable sur la demande de rapport, mais nous attendons des explications de la garde des sceaux sur l’avancement du projet. Quand le bracelet anti-rapprochement sera-t-il véritablement opérationnel ? Nous avons vraiment foi dans cette mesure.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Effectivement, madame la sénatrice, il y a beaucoup de gens au ministère qui travaillent sur le bracelet anti-rapprochement, puisque cela fait partie des engagements forts que mon ministère avait pris, et qui ont été ensuite inscrits dans le cadre de la loi du 28 décembre dernier.

Nous venons, au moment où je vous parle, d’envoyer à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) le décret qui va permettre la mise en œuvre de ce bracelet anti-rapprochement. C’est une étape qui est absolument nécessaire, puisque, évidemment, le traitement de ce dispositif suppose un fichier informatisé, qui doit donc recevoir l’avis de la CNIL.

Nous avons également passé des marchés pour acquérir les bracelets, d’une part, et pour mettre en œuvre le dispositif de télésurveillance qui est lié, d’autre part. Bref, plusieurs opérations se déroulent en même temps.

Par ailleurs, j’ai le plaisir de vous annoncer que nous venons d’obtenir du Fonds pour la transformation de l’action publique un montant de 8,75 millions d’euros pour la mise en place de ce bracelet anti-rapprochement, laquelle devrait commencer au mois de septembre 2020 pour un déploiement complet en décembre 2020. C’est extrêmement complexe à la fois techniquement et juridiquement, mais nous sommes tout à fait dans les délais que nous avions annoncés.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er (suppression maintenue) -  Amendement n° 74 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales
Article 2

Article 1er

(Suppression maintenue)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales
Article additionnel après l'article 2 (suppression maintenue) -  Amendement n° 29 rectifié bis

Article 2

(Suppression maintenue)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales
Article additionnel après l'article 2 (suppression maintenue) -  Amendement n° 35 rectifié

Articles additionnels après l’article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Préville, M. Daudigny, Mmes Meunier, Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin et MM. Tourenne et Tissot, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 373-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s’applique pas au parent bénéficiaire d’une ordonnance de protection prévue par l’article 515-9 du présent code si l’ordonnance de protection a été requise à l’encontre de l’autre parent. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Nous revenons ici sur des sujets que nous avons déjà évoqués aujourd’hui.

Cet amendement nous a été suggéré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), qui, vous le savez, gère le 3919. C’est l’un des meilleurs et des plus performants lieux d’expertise sur les mécanismes des violences faites aux femmes et sur les féminicides.

La FNSF nous demande de prévoir que le parent bénéficiaire d’une ordonnance de protection ne soit pas tenu de communiquer à l’autre parent tout changement de résidence lorsqu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Il s’agit encore de renforcer la protection du parent victime pendant la période de l’ordonnance de protection, en lui évitant de devoir informer l’autre parent d’un changement de résidence, ce qui serait son droit, puisqu’il exerce l’autorité parentale et que, à ce titre, il a le droit de savoir où vivent ses enfants. Il s’agit non pas de suspendre l’autorité parentale ou son exercice, mais de tenir secret le lieu d’habitation de la victime et de ses enfants pour les protéger.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement est similaire à l’amendement n° 71, que nous avons examiné tout à l’heure à propos de la dissimulation du lieu de scolarisation des enfants.

C’est la même problématique : il s’agit de retirer à l’un des parents l’exercice de l’un des attributs de l’autorité parentale, à savoir connaître le lieu de résidence de son enfant.

Il n’est donc possible de le faire que si le juge retire l’exercice de l’autorité parentale au défendeur dans l’ordonnance de protection. Si le juge confie l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des deux parents, alors, il est possible de le priver de certaines informations relatives à la vie quotidienne de l’enfant, comme son lieu de résidence.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Madame Rossignol, l’amendement n° 29 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 29 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 (suppression maintenue) -  Amendement n° 29 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales
Article additionnel après l'article 2 (suppression maintenue) -  Amendements n° 78 et n° 36 rectifié

Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Rossignol, Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 373-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La résidence principale du ou des enfants ne peut pas être fixée chez le parent condamné pour la commission de faits de violences sur l’autre parent ou sur son ou ses enfants. »

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ma présentation vaut également pour l’amendement n° 36 rectifié, qui viendra un peu plus tard en discussion.

La question que nous abordons est la suivante : est-il possible de fixer la résidence d’un enfant chez un parent condamné pour la commission de faits de violence sur l’autre parent ou sur l’un des enfants ? Aujourd’hui, c’est possible !

On vous dira : « liberté du juge », « appréciation du magistrat », « pouvoir d’appréciation des circonstances »… Sauf que, ce qui transparaît dans ce refus de fixer cette interdiction, c’est que, en réalité, dans l’esprit d’un grand nombre de personnes est ancrée l’idée qu’un conjoint violent peut-être un bon père.

Or, avec le travail effectué depuis des années sur ces sujets, on sait désormais que c’est inexact. Les faits de violence peuvent se dérouler sous les yeux de l’enfant. De toute façon, l’enfant les ressent, quand bien même il n’en serait pas victime. Il est donc très important de prévoir une telle interdiction.

Les juges aux affaires familiales ont beau être des gens de grande qualité, ils n’ont pas forcément l’appréhension adéquate de la situation. Il faut donc d’inscrire dans la loi que, non, on ne peut pas confier la résidence d’un enfant, soit principale, soit en alternance – c’est l’objet de l’autre amendement –, lorsque le parent a été condamné, j’y insiste, pour des faits de violence sur l’autre parent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Là encore, nous devons faire preuve de réalisme.

Cet amendement vise à interdire au juge de fixer la résidence principale d’un enfant chez un parent condamné pour des faits de violences à l’encontre de l’autre parent ou de ses enfants. Par principe, la commission souhaite laisser au JAF le soin d’apprécier chaque situation et de décider dans chaque cas, en fonction de l’intérêt de l’enfant. C’est cela, juger !

Les pratiques des JAF évoluent. Les nombreux travaux récents les ont sensibilisés sur l’impact des violences conjugales sur les enfants et remettent en cause l’idée qu’il faudrait à tout prix distinguer le mari violent du père.

Par ailleurs, l’interdiction proposée ne semble pas proportionnée, car elle vise tout type de condamnation et n’est pas limitée dans le temps. Je vais vous donner un exemple : une condamnation est prononcée lorsque l’enfant a 2 ans ; en l’état de la rédaction de l’amendement, cette interdiction serait maintenue, par exemple, jusqu’à ce qu’il devienne un adolescent de 15 ans.

La loi du 29 décembre 2019 a déjà créé de nouveaux dispositifs qui permettent au juge de suspendre l’exercice de l’autorité parentale au moment d’une condamnation pour crime ou délit, ou même de suspendre de manière automatique l’exercice de l’autorité parentale pour les crimes dès les poursuites ou la condamnation. Une telle suspension empêche de facto que la résidence principale soit fixée chez le parent condamné ou poursuivi. Je crois qu’il faut d’abord laisser la loi de 2019 s’appliquer.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous sommes tous soucieux de l’intérêt de l’enfant, et le juge a l’obligation de le prendre en compte. Pour cela, il dispose d’un pouvoir d’appréciation qui lui permet d’assurer la pesée des équilibres.

Par ailleurs, je rappelle que l’article 373-2-11 du code civil précise déjà que, pour fixer les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge doit prendre en considération les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre. À partir de là, il me semble que le juge fera le meilleur choix possible sur la fixation de la résidence ou l’autorité parentale.

J’émets donc, moi aussi, un avis défavorable.