M. François Bonhomme. Cela ne va pas suffire !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il s’agit d’un investissement au bénéfice de tous les restaurateurs, de tous ceux qui avaient des projets de spectacles, des projets culturels et qui n’ont pas pu les organiser, ou encore des hôtels qui sont fermés, en particulier en Île-de-France. Ces entrepreneurs avaient besoin du soutien public, et ils l’ont obtenu pour préserver l’activité et l’emploi.

Nous voulons compléter ce dispositif, car nous avons parfaitement conscience qu’il faut continuer à tirer le fil de l’étalement ou des reports de charges sociales et fiscales, pour éviter qu’un mur de paiement de charges ne se dresse devant les entreprises qui commencent à se relever. Rien ne serait plus terrible que d’avoir investi 460 milliards d’euros et de ne rien faire ensuite pour éviter que les entreprises, les petits commerçants, les hôtels et les restaurants ne se trouvent dans cette situation.

Nous allons donc étaler ces charges sociales et fiscales, grâce au dispositif que je vous présente aujourd’hui ; il s’agit sans doute de l’un des systèmes les plus simples et des plus efficaces à avoir jamais été mis en œuvre pour les entreprises.

Nous avions prévu à l’origine un report de charges de trois mois, soit jusqu’à la fin de décembre 2020. Nous proposons aujourd’hui que ces charges soient étalées sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois et que ce dispositif soit accessible à toutes les PME et toutes les TPE, quel que soit leur secteur d’activité et quelle que soit la baisse de chiffre d’affaires qu’elles ont connue.

De plus, nous proposons que l’entreprise n’ait pas à solliciter cet étalement : elle n’aura qu’à présenter une demande au service des impôts qui, au vu de son ratio d’endettement, lui indiquera la durée possible d’étalement des charges de manière automatique.

Cet effort est considérable pour l’État, mais je considère que c’est la réponse massive et appropriée à l’inquiétude de tous les chefs d’entreprise, qui redoutent de ne pouvoir faire face à leurs échéances de paiement de charges sociales et fiscales.

En vous proposant cet étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois pour toutes les TPE et toutes les PME, quel que soit le secteur d’activité, quel que soit le chiffre d’affaires et selon des modalités aussi souples, nous répondons à l’inquiétude des entreprises et nous allégeons leur trésorerie.

Une deuxième inquiétude m’est relayée depuis plusieurs semaines – vous savez que j’ai toujours eu à cœur d’entendre ce qui se disait auprès des chefs d’entreprise, en particulier des plus petites d’entre elles, pour répondre à leurs inquiétudes : elle porte sur le prêt garanti par l’État.

Certains chefs d’entreprise redoutent que les charges leur tombent dessus : nous les étalons. D’autres ont contracté un prêt garanti par l’État, mais s’inquiètent de son remboursement. Je veux leur dire que nous travaillons avec la Fédération bancaire française et l’ensemble des banques pour que les taux d’intérêt qui pourront s’appliquer au-delà d’un an pour les extensions de prêts garantis par l’État, extensions qui sont possibles jusqu’à cinq ans, soient les plus faibles possible.

Je souhaite pouvoir donner des indications précises au sujet de ces taux d’intérêt dans les meilleurs délais, c’est-à-dire dans quelques semaines, pour apporter de la visibilité à tous ces chefs d’entreprise.

Vous avez consenti un prêt garanti par l’État (PGE) pour une durée d’un an ? Vous devez étendre la durée de ce prêt ? Vous vous inquiétez de votre taux ? Je suis en train de négocier les taux d’intérêt avec la Fédération bancaire française et j’en rendrai public le niveau le plus rapidement possible en fonction de l’allongement de la durée des prêts. Cela concernera 90 % des entreprises qui ont conclu un PGE, c’est-à-dire les plus petites d’entre elles.

Restent les autres entreprises, à savoir les PME plus importantes qui, elles, ont besoin de fonds propres. Nous travaillons à un dispositif qui permettra de compléter les prêts garantis par l’État par des instruments de quasi-fonds propres, sous forme soit d’obligations convertibles, soit de prêts participatifs. Là encore, j’apporterai des précisions dans les meilleurs délais possible.

Le deuxième pilier de ce projet de loi de finances rectificative concerne le soutien aux jeunes et à l’emploi des jeunes. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, et, hier, le Premier ministre a aussi clarifié les choses au cours de sa déclaration de politique générale : nous faisons de l’emploi des jeunes la priorité absolue de cette relance.

Je souhaite vous présenter les différentes dispositions qui permettront aux 700 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail d’y trouver leur place.

La première mesure porte sur l’apprentissage. Il s’agit d’un constat unanimement partagé : l’apprentissage est probablement l’une des meilleures solutions pour l’emploi des jeunes, celle qui a en tout cas été retenue par d’autres pays européens. Sur ce point, la France avait du retard, mais elle est en train de le combler.

Ainsi, depuis plus de trois ans, nous avons réussi à développer massivement l’apprentissage dans notre pays et nous ne voulons pas perdre ces trois années d’investissement à cause de la crise économique. C’est pourquoi nous verserons une prime de 8 000 euros pour l’embauche d’un apprenti majeur et de 5 000 euros pour celle d’un apprenti mineur.

Pour éviter tout effet de report, nous mettrons en place le même dispositif pour le recrutement d’un jeune en contrat de professionnalisation. En effet, nous l’avions bien compris, à défaut d’une telle mesure, l’un des dispositifs risquait de cannibaliser l’autre. Nous allons donc les aligner.

La deuxième mesure est une baisse du coût du travail de 4 000 euros par an. Cette facilité sera accordée à chaque entreprise qui emploie en CDI ou en CDD de plus de trois mois un jeune de moins de 25 ans payé jusqu’à 1,6 SMIC. Ce dispositif, annoncé par le Président de la République lors de son intervention du 14 juillet, sera accessible dès la fin du mois de juillet.

Nous avons voulu que ce dispositif soit massif et immédiat, car l’emploi des jeunes ne peut pas attendre. Nous en évaluons le coût à 300 millions d’euros en 2020 et à 1,6 milliard d’euros en 2021. Là encore, l’investissement en faveur des jeunes est le meilleur que la Nation française puisse faire.

La troisième et dernière mesure vise les 300 000 parcours d’insertion qui seront créés pour permettre au plus grand nombre, en particulier aux jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté, de trouver une solution dès le mois de septembre, que ce soit un emploi ou une formation.

Ces dispositions destinées à soutenir l’emploi des jeunes font partie de ce grand plan de relance qui sera précisé, je vous l’ai dit, d’ici à la fin de l’été, et dont le Premier ministre a dévoilé les grandes orientations.

Je veux maintenant rappeler à quel point l’enjeu est stratégique pour nous tous et pour notre Nation. Les investissements que nous allons décider aujourd’hui définiront les contours de la France des vingt-cinq prochaines années. Il faut donc que nos choix soient clairs et assumés. Nous faisons les choix de la compétitivité et de la décarbonation de notre économie. Je pense d’ailleurs que cela devrait être un motif de fierté collective que d’afficher l’ambition de faire de notre pays la première économie décarbonée en Europe.

La compétitivité passe bien entendu par la baisse des impôts qui pèsent encore sur nos entreprises. Depuis trente ans, nous avons accepté et fermé les yeux sur la délocalisation de pans entiers de notre industrie. Moi, comme élu de l’Eure, vous comme élus territoriaux, nous avons tous vu ces entreprises qui ferment, ces industries qui ne sont plus compétitives, ces ouvriers qui sont sacrifiés, ces ingénieurs qui ne trouvent plus d’emploi, parce que nous n’avons pas pris les mesures nécessaires pour engager la reconquête industrielle française.

Il s’agit d’un drame économique, humain et social, mais aussi d’une erreur politique. Depuis trois ans, nous cherchons à inverser la tendance. Et nous avions commencé à avoir des résultats puisque, pour la première fois depuis dix ans, nous créions de nouveaux emplois industriels dans notre pays.

J’en suis profondément convaincu : la reconquête industrielle française est à portée de main et de volonté, mais encore faut-il que nous ayons le courage de prendre les bonnes décisions, de définir les marchés sur lesquels la France peut réussir, parce qu’elle dispose des industries, des compétences et des qualifications nécessaires et qu’elle est prête à innover et à investir.

Encore faut-il aussi que nous ayons l’humilité de reconnaître que, en matière de fiscalité, il nous reste du chemin à faire. On ne peut pas demander à un industriel d’investir en France si les impôts de production qu’il y paie sont cinq fois plus élevés que ceux qu’il devrait acquitter s’il s’installait en Allemagne ou dans d’autres pays européens.

Vous connaissez le combat que je livre depuis des années sur les impôts de production. Nous avons commencé à les baisser ; nous allons accélérer cette baisse au service d’un seul objectif : la relocalisation des activités industrielles en France.

M. Bruno Le Maire, ministre. Les impôts de production sont stupides (M. Fabien Gay rit.) : ils obligent une entreprise à payer des impôts avant même de faire des bénéfices. Ils sont destructeurs d’emplois et pèsent sur l’attractivité de notre pays.

M. Fabien Gay. C’est quand même incroyable que vous disiez cela !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous allons donc les baisser de 10 milliards d’euros dès 2021, afin d’engager la relocalisation industrielle dans notre pays.

M. Fabien Gay. Cela fait vingt ans que vous le faites sans résultat !

M. Bruno Le Maire, ministre. Cela représentera 20 milliards d’euros pour les finances publiques françaises sur les deux exercices 2021 et 2022. Là encore, il s’agit d’un investissement.

Quels impôts de production seront visés ? Nous allons en discuter : je souhaite que ces impôts de production concernent d’abord l’industrie, puisque notre objectif est d’accélérer la relocalisation industrielle en France.

Nous souhaitons privilégier une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). J’ai eu l’occasion d’en discuter à plusieurs reprises avec les régions. Dès demain, j’en discuterai de nouveau avec le président de l’Association des régions de France, Renaud Muselier. Je veux être très clair pour lever toute inquiétude : il n’est pas question que les régions paient cette baisse d’impôts.

M. Jean Bizet. Alors, comment faire ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Il y aura donc une compensation intégrale et dynamique sur laquelle le président de l’Association des régions de France et moi-même travaillons. (Murmures sur les travées de gauche.)

M. Fabien Gay. Sur le fondement de quels critères ?

M. Bruno Le Maire, ministre. La décarbonation de notre économie sera la deuxième grande orientation de ce plan de relance.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Pourquoi ne pas engager tout de suite le plan de relance s’il est prêt ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Elle est la condition indispensable pour une croissance durable de notre économie. Je ne crois évidemment pas à la décroissance qui conduirait tout droit à l’appauvrissement des Français et à un déclassement politique et économique inéluctable de notre pays. En revanche, tout comme le Président de la République et le Premier ministre, je crois en une croissance décarbonée, que les nouvelles technologies rendent possible. Et c’est maintenant que cela se joue !

C’est maintenant que notre souveraineté en matière de production d’hydrogène se joue, par exemple : soit nous investissons dès maintenant pour avoir très rapidement des entreprises capables de produire des réservoirs ou des piles à combustible, qui nous permettront de maîtriser les technologies de fabrication de l’hydrogène vert, soit nous serons obligés de nous approvisionner en hydrogène provenant de l’étranger et serons dépendants demain pour nos transports en commun, pour le transport par poids lourds, par avion et par bateau.

Je crois à l’indépendance de la France.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Jean Bizet. Dans ce cas, ne cassez pas les centrales nucléaires !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je crois à la souveraineté de la France, mais il n’y a ni indépendance ni souveraineté sans maîtrise des technologies. Investir plusieurs milliards d’euros dans l’hydrogène est la meilleure façon de garantir la souveraineté politique de notre pays.

M. Jean Bizet. Il aurait fallu garder Fessenheim !

M. Bruno Le Maire, ministre. Cela suppose effectivement que nous ayons une électricité décarbonée à disposition, cher Jean Bizet, celle qui nous est fournie par les centrales nucléaires. Vous le savez, je continue à croire à la pertinence de l’énergie nucléaire pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Autre exemple de décarbonation, celle qui portera sur des projets très concrets, comme les batteries électriques, les projets de stockage des énergies renouvelables, celle qui passera par un grand plan de rénovation thermique des bâtiments. Les premiers crédits permettant d’accompagner ces projets de décarbonation seront soumis à votre délibération dans le cadre du présent projet de finances rectificative, afin d’être effectifs dès le mois de septembre.

La décarbonation de notre économie ne peut pas attendre : c’est pourquoi nous avons inscrit les crédits correspondants dans ce texte, ce qui répond d’ailleurs à l’une des remarques du rapporteur général, dont nous avons tenu compte.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ah ! (Sourires.)

M. Jean Bizet. Qu’il en soit remercié !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons donc souhaité ne pas perdre une seconde et encourager l’accélération de la transition écologique de notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà les quelques grandes orientations qu’Olivier Dussopt et moi-même souhaitions vous présenter. Je suis convaincu que, si nous prenons ensemble les bonnes décisions pour la relance, non seulement nous arriverons à redresser notre économie, mais nous pourrons profiter de cette crise pour avoir, au bout du compte, une économie plus solidaire et plus respectueuse de l’environnement. (M. Frédéric Marchand applaudit.)

M. Jean-Pierre Sueur. Comment allez-vous financer les 100 milliards d’euros du plan de relance ? (Murmures amusés sur des travées des groupes SOCR, CRCE, Les Républicains et UC.)

M. François Bonhomme. Patience, mon cher collègue, vous allez bientôt le savoir ! (Sourires.)

M. le président. Ne soyez pas si pressé ! Laissez le Gouvernement s’exprimer !

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’indiquait le ministre de l’économie, des finances et de la relance il y a un instant, les deux premiers projets de loi de finances rectificative comportaient des mesures pour répondre à l’urgence, préparer et accompagner les entreprises à surmonter des difficultés extrêmement fortes et conjoncturelles, qui auront des conséquences dans le temps.

Avec ce troisième projet de loi de finances rectificative, nous commençons à dévoiler les divers éléments de financement des plans de relance et de soutien à un certain nombre de secteurs, avant que le projet de loi de finances pour 2021 nous permette de formaliser et d’assurer le financement de toutes les mesures de relance.

Je l’ai dit, les deux premiers budgets rectificatifs avaient pour objet de répondre à l’urgence. Le présent texte complète les dispositifs, mais porte un regard particulier sur celles et ceux qui sont les plus fragilisés par la crise – c’est dans cette optique que nous avons élaboré ce texte –, c’est-à-dire les jeunes, les collectivités territoriales, l’outre-mer, qu’il s’agisse de nos compatriotes ultramarins ou des collectivités ultramarines.

Nous souhaitons compléter un certain nombre des réponses apportées par les deux premiers budgets rectificatifs. Je pense notamment au fonds de solidarité, étendu dans le cadre du plan Tourisme, qui a profité à plus de 1,7 million d’entreprises pour un total de plus de 3,5 millions de versements, soit près de 4 milliards d’euros engagés pour accompagner les TPE et les PME. Aujourd’hui, nous allons plus loin en injectant 500 millions d’euros supplémentaires à cette fin.

Nous prévoyons également 3 milliards d’euros de crédits additionnels pour financer le chômage partiel et accompagner les entreprises qui ont encore besoin de ce dispositif. Il faut avoir en tête que nous mettons en place, parallèlement à cette mesure, un dispositif d’activité partielle de longue durée.

Nous voulons également aller plus loin en matière de soutien aux entreprises. Bruno Le Maire l’a dit, nous avons préparé un plan d’exonération des cotisations sociales au bénéfice des entreprises, qui est à la fois exceptionnel et inédit tant par son ampleur – environ 4 milliards d’euros – que par ses modalités.

En effet, nous proposons que soient totalement exonérées de cotisations les entreprises de moins de dix salariés ayant fait l’objet d’une décision de fermeture administrative pour une période de trois mois, de même que les PME de moins de 250 salariés appartenant aux secteurs les plus touchés par la crise économique, ceux du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de la culture, de l’événementiel, du sport ou du commerce de détail non alimentaire, pendant quatre mois.

Avec l’article 18, nous veillons aussi, vous pouvez le constater, à accompagner les entreprises les plus dépendantes de celles qui sont ainsi exonérées de cotisations. Les entreprises ayant des activités connexes de ces secteurs pourront bénéficier d’exonérations, dès lors qu’elles auront perdu, sur la même période, une part importante de leur chiffre d’affaires.

Le travail conduit avec l’Assemblée nationale nous a permis d’élargir ce dispositif aux travailleurs indépendants, ainsi qu’aux non-salariés agricoles, qui pourront désormais bénéficier d’une remise partielle de leurs dettes de cotisations et contributions sociales dues au titre de l’année 2020, lorsqu’ils ont connu une perte d’au moins 50 % de leur chiffre d’affaires. Ce travail parlementaire nous a aussi permis de faciliter les plans d’apurement : les travailleurs indépendants pourront désormais les enclencher sur proposition des organismes de recouvrement.

Au-delà de ces initiatives à caractère sectoriel, je tiens à souligner que nous souhaitons créer un filet de protection pour l’ensemble des entreprises.

Ainsi, les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ont perdu plus de la moitié de leur chiffre d’affaires sur la période pourront bénéficier au cas par cas de remises de cotisations pouvant aller jusqu’à 50 % du total des cotisations dues. Comme l’a indiqué le ministre de l’économie, des finances et de la relance il y a un instant, nous prévoyons la possibilité d’un étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois des cotisations de toutes les entreprises qui rencontreraient des difficultés et qui auraient besoin de ces mesures de trésorerie.

À ce titre, nous ouvrons 900 millions d’euros de crédits supplémentaires, afin de préserver l’équilibre de la sécurité sociale. Nous avons en effet fait le choix, conformément aux engagements que nous avions pris à l’époque avec Gérald Darmanin, de compenser toute nouvelle dépense que nous mettrions à l’actif de la sécurité sociale.

Le deuxième point sur lequel je souhaite m’arrêter concerne le soutien que nous voulons apporter aux territoires. Nous avons entendu les difficultés rencontrées par les collectivités locales, comme celles que connaissent l’État ou les organismes de sécurité sociale. Nous sommes convaincus de la nécessité de les accompagner et de garantir leurs ressources.

Ainsi, les communes et les intercommunalités, particulièrement mobilisées pendant cette crise, qui subissent une forte altération de leurs ressources, verront ces ressources garanties. Je fais ici référence au versement mobilité, aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), à l’octroi de mer, ou encore à la taxe de séjour.

À l’article 5 du projet de loi de finances rectificative, nous prévoyons de créer un prélèvement sur recettes de l’État à destination du bloc communal pour près d’un milliard d’euros, de manière à garantir aux EPCI et aux communes un niveau de ressources pour 2020 égal à la moyenne des recettes fiscales et domaniales constatée entre 2017 et 2019.

Pour les groupements de collectivités territoriales chargés de la mobilité, nous assurerons une compensation – selon les mêmes modalités – des pertes de ressources liées au versement mobilité qu’ils auront subies en 2020.

Après discussions avec l’Assemblée des départements de France (ADF), l’article 7 consacre un mécanisme d’avances remboursables, en section de fonctionnement, pour les départements et autres collectivités bénéficiaires des DMTO. Par ailleurs, le débat à l’Assemblée nationale nous a permis de modifier la durée de remboursement des avances de DMTO en la portant à trois ans pour un montant prévisionnel qui s’élève à 2,7 milliards d’euros.

Je précise que, en ce qui concerne tant la garantie des ressources du bloc local estimées sur la moyenne des recettes fiscales et domaniales des années 2017 à 2019 que les avances remboursables des départements en matière de DMTO, les prévisions nous permettront, sur la base des douzièmes versés, lorsque nous aurons constaté la réalité des recettes perçues à l’issue de l’exercice, d’affiner le dispositif. Évidemment, nous ne pouvons que souhaiter, les uns et les autres, que moins d’argent soit nécessaire, mais s’il fallait en débloquer davantage, nous le ferons pour tenir notre engagement.

J’évoquerai encore deux points concernant les collectivités.

Tout d’abord, nous prévoyons de consacrer un milliard d’euros de crédits supplémentaires dans ce texte pour soutenir l’investissement local et permettre aux collectivités de continuer à jouer leur rôle en faveur de l’emploi, de l’attractivité et de la cohésion de notre pays.

Ensuite, il existe des mesures plus sectorielles, dont un soutien aux collectivités d’outre-mer auxquelles nous portons une attention particulière. Nous abordons donc la question de l’octroi de mer dans ce texte, mais aussi celle de dispositifs spécifiques, comme les taxes spéciales sur les carburants dont bénéficient certaines collectivités. Ce sont 60 millions d’euros qui seront consacrés à garantir les ressources de ces collectivités.

Nous avons aussi proposé à l’Assemblée nationale – elle l’a accepté – un fonds de soutien particulier à hauteur de 8 millions d’euros pour les collectivités qui profitent d’un système de financement additionnel. Je pense notamment à la Corse.

Enfin, nous offrons aux collectivités de nouvelles possibilités d’intervention : les collectivités du bloc local pourront, si elles le souhaitent, décider d’un abattement de deux tiers de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les entreprises de leur territoire, sachant que l’État financera 50 % du dispositif, contrairement à la doctrine habituelle de non-compensation des décisions volontaires prises par les collectivités, et ce, évidemment, à titre exceptionnel.

Comme l’a dit le ministre de l’économie, des finances et de la relance, ce texte prévoit nombre de dispositions permettant d’améliorer le soutien à l’économie et aux entreprises.

Nous avons veillé à la fois à compléter et prolonger des dispositifs efficaces – je pense au fonds de solidarité, aux prêts garantis par l’État, aux différents dispositifs d’intervention – et inscrit 400 millions d’euros de crédits supplémentaires pour le développement de l’apprentissage dans le secteur privé, selon les modalités qu’a rappelées Bruno Le Maire il y a quelques minutes. Mes collègues Élisabeth Borne, Amélie de Montchalin et moi-même travaillons pour ouvrir ce dispositif d’aide à l’apprentissage aux employeurs de la fonction publique territoriale.

Nous prévoyons également 150 millions d’euros d’aides à destination des jeunes et des étudiants les plus précaires, ce qui correspond aux engagements pris par le Président de la République. De même, nous ouvrons 50 millions d’euros de crédits pour participer aux dépenses engagées par les départements, qui ont accepté de prendre en charge des jeunes majeurs confiés à l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, jusqu’à la fin de l’année, quand bien même ceux-ci auraient atteint leur majorité au cours de l’année.

Les efforts que nous consentons et les dispositions que nous vous proposons sont importants. Ils permettront d’accompagner l’économie et nos concitoyens.

Je le répète, nous avons retenu un certain nombre de suggestions faites lors des débats à l’Assemblée nationale, qui nous ont amenés à renforcer les dispositifs que nous proposions pour un coût supplémentaire de 2 milliards d’euros.

Au cours de l’examen de ce texte, nous aurons l’occasion de revenir sur certaines dispositions et annonces faites par le Président de la République le 14 juillet ou par le Premier ministre, hier, lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale ou, ce matin, devant le Sénat, de manière à pouvoir les compléter.

L’ensemble des mesures que Bruno Le Maire et moi-même avons l’honneur de vous présenter ont évidemment un coût, mesdames, messieurs les sénateurs. L’État engage 460 milliards d’euros, dont plus de 300 milliards d’euros de garanties.

Le projet de loi de finances rectificative se traduit par une dégradation sans équivalent de la situation des finances publiques, puisque le niveau du déficit public est estimé, à cette date, à 11,5 %, ce qui représente pour l’État un déficit à hauteur de 220 milliards d’euros pour l’année 2020.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Rien que ça !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. La dette atteindra, elle aussi, un niveau historique : 120 % du PIB, contre 98 % dans les prévisions de la loi de finances initiale pour 2020. C’est très certainement le prix à payer pour assurer la survie de notre économie et la soutenir, permettre à nos compatriotes de faire face, garantir leurs revenus et les protéger de la meilleure des manières.

C’est aussi un appel à la responsabilité, car nous savons que si, aujourd’hui, nous pouvons assurer le financement des différentes dispositions que je viens d’évoquer du fait de la qualité de la signature de la France sur les marchés financiers, la préparation des échéances budgétaires à venir et la manière dont nous allons penser le plan de relance seront décisives. C’est en veillant à ce que les dépenses engagées aient un réel effet sur l’économie, mais aussi un caractère conjoncturel, car elles ne doivent pas devenir pérennes, que nous parviendrons à une forme de consolidation de la qualité de notre signature, gage de la crédibilité de notre pays sur les marchés internationaux et face à ceux-ci.

Je ne doute pas que, dans les heures et les jours qui viennent, nous parvenions à améliorer encore le texte…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ne vous inquiétez pas, nous allons l’améliorer ! (Sourires.)