M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. L’intention est louable, et nous ne pouvons que la partager. Cependant, l’article resterait peu opérant, pour ne pas dire déclaratif.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le sénateur Brisson l’a dit : les financements sur appels à projets peuvent aussi permettre une forme d’émancipation des chercheurs par rapport à ceux qui les ont encadrés jusque-là.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 rectifié et 180 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Mes chers collègues, en deux heures nous avons examiné 33 amendements. Il en reste plus de 200, et le calendrier est extrêmement contraint, puisque nous devons cesser l’examen du texte demain, en fin de matinée.

Si nous continuons à ce rythme, demain, en fin de matinée, nous n’aurons pas examiné plus de la moitié des amendements dont nous devons débattre. Nous reprendrons l’examen de la LPPR dès que l’examen du texte autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire sera terminé, soit vendredi matin, soit vendredi après-midi.

Par ailleurs, comme vous le savez, à partir de demain soir, nous serons de nouveau tenus de respecter des mesures de confinement, de sorte qu’un certain nombre de nos collègues devront regagner leur domicile, en province, au plus tard vendredi matin. Il pourrait donc se révéler difficile de terminer l’examen de ce texte dans de bonnes conditions, ce que personne ne le souhaite.

Je mets donc chacun devant ses responsabilités. Je suis conscient que cet appel à la concision n’est pas forcément agréable et peut être frustrant lorsque l’on a travaillé aussi longuement sur un texte. Mais j’y suis obligé, si nous voulons que ce débat se tienne dans les meilleures conditions. (M. Jérôme Bascher proteste.)

TITRE II

AMÉLIORER L’ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS SCIENTIFIQUES

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendements n° 91 rectifié et n° 180 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article additionnel avant l’article 3

M. le président. L’amendement n° 123, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Reconnaître pour la Nation l’importance des métiers de la science

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président de la commission, ce n’est pas nous qui avons choisi le calendrier d’examen du projet de loi !

Il ne faudrait pas que, en nous l’imposant, le Gouvernement nous fasse perdre notre capacité à amender un texte qui est attendu par la communauté des chercheurs depuis un an et demi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – MM. Jérôme Bascher et Marc Laménie applaudissent également.)

Le Gouvernement a préparé ce texte en début d’année. Depuis sa transmission au Conseil économique, social et environnemental, sa rédaction n’a pas changé. Il aurait donc pu nous être présenté dès ce moment. Le Gouvernement a fait le choix de nous le soumettre maintenant, concurremment avec l’examen de la loi de finances.

Pour ma part, je ne veux pas subir un choix du Gouvernement qui est absolument incohérent et qui ne respecte pas l’indépendance du Sénat.

Cependant, je serai très bref dans la présentation de l’amendement, monsieur le président. Depuis tout à l’heure, nous disons vouloir renforcer « l’attractivité » des métiers de la science. Or je trouve le terme absolument inapproprié, parce que les métiers de la science sont déjà extrêmement attractifs.

L’attractivité se définit dans un rapport entre le nombre de postes disponibles et le nombre de candidats. Or il y a aujourd’hui, dans le domaine de la recherche, une distorsion énorme entre le nombre de candidats et le nombre de postes ouverts, une distorsion tellement importante que les concours de recrutement dans l’enseignement supérieur et au CNRS sont des concours de niveau international. En effet, 30 % des recrutés au CNRS et à l’enseignement supérieur sont des candidats étrangers.

Il existe donc un très haut niveau d’attractivité de l’emploi dans la recherche française. À l’évidence, ce n’est pas l’attractivité qui manque : ce sont des postes ! Le problème est qu’il n’y a pas de postes.

Au reste, l’augmentation du nombre de postes ferait diminuer l’âge des candidats recrutés et augmenterait la part de femmes ; nous y reviendrons tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, nous avons déjà évoqué ce point. Je comprends très bien ce que vous voulez dire, mais nous n’avons pas d’autre mot qu’« attractivité » pour exprimer notre préoccupation. L’intitulé que vous proposez ne me convainc pas.

En outre, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous : je pense qu’il existe un manque d’attractivité des carrières et des rémunérations, même si cela changera peut-être.

Il me paraît donc encore approprié de laisser le terme « attractivité » dans l’intitulé du titre II.

La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, vous dites qu’il n’y a pas de problème d’attractivité, en prenant l’exemple de ce qui se passe au CNRS… Je vous invite à lire le rapport du groupe de travail qui s’est consacré à ces sujets.

Au CNRS, le nombre de candidats au concours de chargé de recherche est passé de 8 120 en 2011 à 5 445 en 2018, soit un tiers de candidats en moins. Sur la même période, le nombre de candidats ingénieurs et techniciens a baissé de 43 %. La part des lauréats étrangers est passée de 31 % en 2011 à 25 % en 2018. Allons-nous attendre qu’elle soit passée à 15 % pour réagir ?

J’assume de nommer les choses et de dire que nous avons un problème d’attractivité.

L’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 123.

(Lamendement nest pas adopté.)

Intitulé du titre II
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article 3

Article additionnel avant l’article 3

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié quinquies n’est pas soutenu.

Article additionnel avant l’article 3
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 150

Article 3

I. – Le chapitre II du titre II du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 422-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-3. – I. – Afin de répondre à un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique ou à son attractivité internationale, dans des domaines de recherche pour lesquels il justifie de cette nécessité, un établissement public de recherche ou d’enseignement supérieur peut être autorisé, par arrêté du ministre chargé de la recherche, à recruter en qualité d’agent contractuel de droit public des personnes titulaires d’un doctorat, tel que prévu à l’article L. 612-7 du code de l’éducation, ou d’un diplôme équivalent en vue de leur titularisation dans un corps de directeur de recherche.

« Ces recrutements sont ouverts chaque année et pour chaque corps, sur proposition du président ou directeur général de l’établissement, par l’arrêté mentionné au premier alinéa du présent I, dans la limite de 15 % des recrutements autorisés dans le corps concerné ou de 25 % de ceux-ci lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps concerné est strictement inférieur à cinq.

« Le recrutement est réalisé, après appel public à candidatures, à l’issue d’une sélection par une commission constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement dans lequel le recrutement est ouvert, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe.

« Le contrat a pour objet de permettre à la personne recrutée d’acquérir une qualification en rapport avec les missions du corps dans lequel elle a vocation à être titularisée, définies à l’article L. 411-1. Il est conclu par l’établissement public de recherche au sein duquel l’intéressé a vocation à être titularisé ou par un établissement public d’enseignement supérieur partenaire de celui-ci. Dans le respect des dispositions de l’article L. 411-3, il stipule les engagements des parties concernant les objectifs à atteindre par l’intéressé et les moyens qui lui sont apportés par son employeur pour l’exercice de ses fonctions. Ces engagements incluent les obligations de l’intéressé en matière d’enseignement et de recherche.

« II. – La durée du contrat mentionné au I du présent article ne peut être inférieure à trois ans et ne peut être supérieure à six ans.

« Le contrat peut être prolongé dans la limite de la durée des congés pour maternité ou adoption et des congés de paternité et d’accueil de l’enfant, de maladie et d’accident du travail.

« Le contrat peut être renouvelé, dans la limite d’un an, sans dépasser la durée maximale de six ans prévue au premier alinéa du présent II, lorsque l’intéressé n’a pas pu atteindre les objectifs auxquels il avait initialement souscrit.

« III. – Au terme de son contrat, une commission de titularisation entend le candidat au cours d’une audition et apprécie sa valeur scientifique ainsi que son aptitude à exercer les missions mentionnées à l’article L. 411-1, afin de vérifier qu’il remplit les conditions pour être titularisé dans un corps de directeur de recherche. L’intéressé est ensuite titularisé par le président ou le directeur général de l’établissement après avis de la commission.

« Cette commission est constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et est composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe.

« Elle examine, pour chaque candidat, un rapport sur son activité et les travaux de recherche qu’il a accomplis.

« La titularisation est subordonnée à un engagement de servir.

« III bis. – Le chef d’établissement présente devant l’instance délibérante compétente un bilan annuel de la mise en œuvre au sein de son établissement des dispositions du présent article.

« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’équivalence de diplôme exigées pour le recrutement en qualité d’agent contractuel, les modalités de la procédure de sélection, les conditions de renouvellement du contrat, les modalités d’appréciation, avant la titularisation, de la valeur scientifique et de l’aptitude à exercer les missions mentionnées à l’article L. 411-1, les modalités de nomination des membres des commissions mentionnées au troisième alinéa du I et au premier alinéa du III du présent article, les modalités de la présentation par le chef d’établissement du bilan annuel prévu au III bis et les conditions de l’engagement de servir. »

II. – Après l’article L. 952-6-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 952-6-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 952-6-2. – I. – Afin de répondre à un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique ou à son attractivité internationale, dans des domaines de recherche pour lesquels il justifie de cette nécessité, un établissement public d’enseignement supérieur ou de recherche peut être autorisé, par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, à recruter en qualité d’agent contractuel de droit public des personnes titulaires d’un doctorat, tel que prévu à l’article L. 612-7, ou d’un diplôme équivalent en vue de leur titularisation dans un corps de professeur relevant du présent titre.

« Ces recrutements sont ouverts chaque année, sur proposition du président ou directeur général de l’établissement, par l’arrêté mentionné au premier alinéa du présent I, dans la limite de 15 % des recrutements autorisés dans le corps concerné. Ils ne peuvent représenter plus de la moitié des recrutements de l’établissement pour l’année concernée ou de 25 % de ceux-ci lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps concerné est strictement inférieur à cinq.

« Le recrutement est réalisé, après appel public à candidatures, à l’issue d’une sélection par une commission constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement dans lequel le recrutement est ouvert, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe.

« Le contrat a pour objet de permettre à la personne recrutée d’acquérir une qualification en rapport avec les fonctions du corps dans lequel elle a vocation à être titularisée, définies à l’article L. 952-3. Il est conclu par l’établissement public d’enseignement supérieur au sein duquel l’intéressé a vocation à être titularisé ou par un établissement public de recherche partenaire de celui-ci. Dans le respect des dispositions de l’article L. 952-2, il stipule les engagements des parties concernant les objectifs à atteindre par l’intéressé et les moyens qui lui sont apportés par son employeur pour l’exercice de ses fonctions. Ces engagements incluent les obligations de l’intéressé en matière d’enseignement et de recherche.

« II. – La durée du contrat mentionné au I du présent article ne peut être inférieure à trois ans et ne peut être supérieure à six ans.

« Le contrat peut être prolongé dans la limite de la durée des congés pour maternité ou adoption et des congés de paternité et d’accueil de l’enfant, de maladie et d’accident du travail.

« Ce contrat peut être renouvelé, dans la limite d’un an, sans dépasser la durée maximale de six ans prévue au premier alinéa du présent II, lorsque l’intéressé n’a pas pu atteindre les objectifs auxquels il avait initialement souscrit.

« III. – Au terme de son contrat, une commission de titularisation entend le candidat au cours d’une audition et apprécie sa valeur scientifique ainsi que son aptitude à exercer les fonctions mentionnées à l’article L. 952-3, afin de vérifier qu’il remplit les conditions pour être titularisé dans un corps de professeur. L’intéressé est ensuite titularisé par le chef d’établissement après avis de la commission.

« Cette commission est constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et est composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. La moitié de ces membres extérieurs appartient au groupe du Conseil national des universités qui correspond à l’emploi à pourvoir. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe.

« Elle examine, pour chaque candidat, un rapport sur son activité d’enseignement et les travaux de recherche qu’il a accomplis.

« La titularisation est subordonnée à un engagement de servir et à la possession de l’habilitation à diriger des recherches.

« III bis. – Le chef d’établissement présente devant l’instance délibérante compétente un bilan annuel de la mise en œuvre au sein de son établissement des dispositions du présent article. Ce bilan contient notamment les données relatives à la parité.

« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’équivalence de diplôme exigées pour le recrutement en qualité d’agent contractuel, les modalités de la procédure de sélection, les conditions de renouvellement du contrat, les modalités d’appréciation, avant la titularisation, de la valeur scientifique et de l’aptitude à exercer les missions mentionnées à l’article L. 952-3, les modalités de nomination des membres des commissions mentionnées au troisième alinéa du I et au premier alinéa du III du présent article, les modalités de la présentation par le chef d’établissement du bilan annuel prévu au III bis et les conditions de l’engagement de servir. »

III. – Après l’article L. 952-21 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 952-21-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 952-21-1. – L’article L. 952-6-2 est applicable aux membres du personnel enseignant et hospitalier, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d’État. »

IV. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de quatre ans à compter de la publication de la présente loi, puis dans un délai de quatre à sept ans à compter de la même date, un rapport évaluant le recours aux modalités de recrutement et de titularisation prévues à l’article L. 422-3 du code de la recherche et à l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation. Ce rapport intègre notamment une étude comparative relative à la prise en compte de la notion de l’égalité entre les femmes et les hommes entre cette nouvelle voie de recrutement et celles préexistantes.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 124 est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 182 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 124.

M. Pierre Ouzoulias. Nous abordons l’article 3 et le dispositif dit « des chaires de professeur junior ». Je n’ai toujours pas compris ce mécanisme. Je souhaiterais donc avoir des explications.

Madame la ministre, vous avez déclaré dans la presse que « l’intérêt des chaires de professeur junior, c’est que l’on passe un seul concours, une fois pour toutes » ou encore que « les tenure tracks, c’est un peu le principe des contrats Atip-Avenir, sauf que, à la fin, il y a un emploi réservé, pérenne. » Je comprends donc qu’il s’agit d’un prérecrutement, que l’on est recruté une fois et que le second jury est un jury de confirmation, dont la décision est liée à celle du premier jury.

J’aimerais en avoir la confirmation, parce que c’est un point extrêmement important dans notre discussion. Si vous considérez que la décision des deux jurys est liée et que l’on peut passer, par le biais des chaires de professeur junior, du CNRS à l’université et inversement, cela veut dire qu’existe, à vos yeux, une forme de gestion unique des corps de chercheurs et d’enseignants-chercheurs.

C’est un changement majeur, structurel. Ce n’est pas une petite voie ouverte à côté des recrutements actuels : c’est beaucoup plus fondamental.

Je souhaite donc, madame la ministre, que vous nous disiez quelle est l’indépendance de choix du second jury. Les avis des deux jurys sont-ils véritablement liés ou sont-ils indépendants ? S’ils sont indépendants, il ne peut pas s’agir d’un prérecrutement. Nous avons vraiment besoin de vos précisions.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 182.

Mme Monique de Marco. Nous nous interrogerons nous aussi sur ce nouveau statut.

Si nous avons bien compris, il s’agit d’une titularisation qui est dérogatoire au droit de la fonction publique, car elle est parallèle au recrutement sur concours.

Comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental dans son analyse du projet de loi, ces contrats à durée déterminée sans concours, accordés sans passer par les emplois de chargé de mission, de chargé de recherche ou de maître ou maîtresse de conférences, seraient intercalés entre les postdoc et le recrutement statutaire, soumis à une simple évaluation, accroissant de la même durée la période d’emploi non permanent des docteurs.

Ces nouveaux contrats reposent sur la même logique que les CDI de mission que nous examinerons à l’article 6 : celle de la mise en concurrence dans la gestion des carrières.

Ces dérogations aux recrutements statutaires verront des statuts différents cohabitant sur les mêmes fonctions, ce qui ne favorise pas la cohésion du corps enseignant dans son ensemble.

Nous souhaitons, au contraire, la stabilité, la cohérence et l’unité des parcours professionnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 3.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. La commission rappelle que ces chaires ont un objet bien précis : faciliter le recrutement de profils spécifiques, pour lesquels un besoin particulier s’exprime et auxquels les voies de recrutement traditionnelles, en raison de leur structuration disciplinaire, ne sont pas adaptées.

Dans le souci de mieux affirmer le caractère circonscrit et complémentaire de ce dispositif, elle a tenu à abaisser le pourcentage de recrutements annuels autorisés par cette voie à 15 %. Elle a également souhaité mieux l’encadrer, afin de répondre aux inquiétudes exprimées par la communauté des chercheurs et enseignants-chercheurs.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je veux préciser les choses, puisque, apparemment, elles ne sont pas suffisamment claires.

Au départ, il y a un jury de recrutement et un recrutement dans un corps. Le contrat qui amène ensuite devant la commission de titularisation peut être porté par un EPST ou par une université, pour une titularisation dans le corps des directeurs de recherches ou dans celui des professeurs.

Au terme du contrat, le titulaire passe non plus devant un jury de recrutement – de fait, il n’y a plus qu’un candidat –, mais devant une commission de titularisation dans le corps dans lequel le recrutement a été prévu par le contrat. C’est exactement le principe des contrats Atip-Avenir, qui peuvent être ouverts dans des universités ou des organismes de recherche, avec, à la fin, un emploi de titulaire réservé.

J’émets donc, moi aussi, un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Puisqu’on nous l’a demandé, je serai bref.

Madame la ministre, il existe déjà de nombreux fléchages dans les différents postes. Dès lors, ma question est toute simple : à quoi sert ce truc ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je suis désolé, je ne comprends pas davantage, parce que le parcours que vous me décrivez correspond très exactement à celui que j’ai suivi pour entrer dans le corps des chargés de recherche au CNRS. J’ai été recruté, puis titularisé dans mon corps, au bout d’un an, par le même jury.

Ce que vous nous proposez au travers de ce texte, si je le lis bien, est tout à fait différent. On sait très bien que l’objectif – il est clairement décrit dans le document du CNRS – est de recruter des mathématiciens au CNRS, puis de les faire passer à l’université dans le corps des professeurs ; c’est « l’objectif Villani », si je puis dire. Je ne vois pas comment un jury qui recrute au CNRS pourrait ensuite donner un avis sur un recrutement dans un corps de professeurs.

Si l’objectif est autre, je ne vois pas l’intérêt du dispositif, compte tenu de ce qui existe déjà. Vous nous avez expliqué que, pour favoriser « l’attractivité », il fallait clarifier les choses pour les étrangers. Or vous leur donnez exactement les mêmes modes de recrutement que pour les corps habituels.

Ce que vous nous décrivez me pose toujours des difficultés. Il me semble qu’il y a un loup… Je pense qu’il faut prendre le temps, même si l’on est pressé, de nous fournir une explication claire, parce qu’il y a là quelque chose qui ne va pas.

Je comprends maintenant de votre explication qu’il n’y a plus qu’un seul jury de recrutement, qui procède aussi à la titularisation. Ce n’est pas ce que j’avais lu dans le texte.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 124 et 182.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 et 16

Après le mot :

autorisé,

insérer les mots :

dans le cadre d’une expérimentation visant à créer des chaires de professeurs juniors qui prend fin le 31 décembre 2027,

II. – Alinéa 31

Au début, insérer les mots :

Avant la fin de l’expérimentation prévue au premier alinéa de l’article L. 422-3 du code de la recherche et au premier alinéa de l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation,

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. On voit que beaucoup de questions se posent sur la mise en place des futures chaires de professeur junior.

On sent bien que ce dispositif dérogatoire est peu encadré. D’ailleurs, les spécialistes le comprennent mal – j’en veux pour preuve la réaction de mes collègues qui sont aussi chercheurs.

Un certain nombre de modifications ont été apportées lors de l’examen en commission, notamment la limitation à 15 % du pourcentage de recrutement annuel autorisé dans un même corps et les garanties de prorogation du contrat pendant un congé de maternité ou de maladie.

Les débats montrent qu’il est un peu prématuré d’inscrire dès à présent dans le code de l’éducation et dans le code de la recherche ces nouvelles chaires de professeur junior, qui sont peu encadrées et très loin de faire l’unanimité.

Dès lors, nous proposons, par cet amendement, de transformer le dispositif en une expérimentation valable jusqu’à la fin de l’année 2027. Cette expérimentation ferait l’objet d’une évaluation dans le cadre du rapport que l’Assemblée nationale a décidé de demander au Gouvernement.