compte rendu intégral

Présidence de M. Pierre Laurent

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 4 - Amendement  n° 1 rectifié bis

Prorogation de l’état d’urgence sanitaire

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (projet n° 74, texte de la commission n° 79, rapport n° 78).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 4.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 2 rectifié ter et n° 30

Articles additionnels après l’article 4

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Temal, Montaugé et Kanner, Mme G. Jourda, MM. Merillou, P. Joly, Bourgi, Houllegatte, Vaugrenard et Cozic, Mme Conway-Mouret, M. Sueur, Mmes Artigalas et Lepage, M. Pla, Mme Bonnefoy, MM. Kerrouche, Cardon, Antiste, Devinaz, Tissot, Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le d du 1 de l’article L. 151-2 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …) Le franchissement, directement ou indirectement, seul ou de concert, du seuil de 25 % de détention des droits de vote d’une entité de droit français exerçant des délégations de service public telles que mentionnées à l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales et qui interviendrait durant la période pendant laquelle l’état d’urgence sanitaire est déclaré sur la totalité du territoire métropolitain en application des articles L. 3131-2 et suivants du code de la santé publique. »

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Cet amendement vise, pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire, à soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle du Gouvernement tout rachat de capital d’une entreprise délégataire de service public conduisant à un franchissement du seuil de 25 % de détention des droits de vote au sein de ladite entreprise.

Dans la période de crise sanitaire que nous vivons, l’action des collectivités territoriales doit être essentiellement tournée vers les mesures sanitaires visant à protéger la population et vers les mesures économiques et sociales visant à faire face aux conséquences de la crise. Aussi, les opérations économiques conduisant à des changements majeurs dans l’organisation des délégations de service public, telles que le rachat de Suez par Veolia, ne conduiraient qu’à complexifier inutilement le travail des collectivités locales, en remettant en cause l’équilibre de services à la population.

Le Gouvernement ayant mis en avant, sans succès, son opposition à ce projet, il pourrait, grâce à cet amendement, pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire, différer celui-ci afin de ne pas affecter les capacités d’action des élus locaux, dont l’attention pourrait être portée ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Pour avoir pris très fermement position, avec beaucoup de mes collègues du groupe Les Républicains, contre le rachat de Suez par Veolia, je ne peux manquer d’être sensible à ce qui inspire cet amendement. Celui-ci intervient après la bataille perdue, hélas ! par le Gouvernement, en se fondant sur l’idée que nos collectivités territoriales ont besoin de s’adresser à des entreprises qui sont en concurrence les unes avec les autres pour pouvoir maîtriser les coûts des marchés qu’elles contractent avec leurs concessionnaires. C’est donc un sujet très grave que vous abordez ici, mon cher collègue.

Si je m’apprête, au nom de la commission, à émettre un avis défavorable sur votre amendement, ce n’est pas faute de partager votre préoccupation, bien au contraire. Toutefois, dans notre pays, l’intrusion de l’État dans l’activité des entreprises est limitée par un texte fondamental, l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui affirme le principe du droit de propriété en même temps qu’il en énonce les limites. En effet, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il n’y a pas de principe sans limites, et il faut que les droits soient combinés entre eux pour pouvoir faire naître la réalité juridique de la garantie des droits fondamentaux.

Mes chers collègues, un amendement législatif ne saurait octroyer de tels pouvoirs. Il semble ainsi impossible d’établir un seuil, en l’occurrence 25 % de détention des droits de vote d’une entité de droit français, à partir duquel il serait possible d’intervenir pour empêcher les actionnaires de faire valoir leur droit de propriété. C’est la raison pour laquelle, à regret, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Je ne rouvrirai pas le débat auquel se référait à l’instant M. le rapporteur. Je ne partage pas forcément son analyse, mais j’émettrai également un avis défavorable sur cet amendement.

Tout d’abord, je note son absence de lien direct manifeste avec le projet de loi relatif à l’urgence sanitaire que nous examinons aujourd’hui.

Ensuite, des raisons constitutionnelles peuvent être avancées. M. le rapporteur a évoqué le droit de propriété, protégé par l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il en va de même du droit européen, harmonisé depuis la directive de 2004, qui protège, au-delà des principes du droit de propriété, les libertés de circulation et d’établissement, lesquelles ne peuvent subir de restrictions excessives.

Je profite aussi de cette occasion pour préciser ce que l’État et le Gouvernement font déjà depuis plusieurs années pour contrôler les opérations portant atteinte à certaines des entreprises stratégiques de notre territoire et vous rappeler quelques-unes des décisions prises.

Le Gouvernement a renforcé le dispositif de contrôle des investissements étrangers, en abaissant de 25 % à 10 % le seuil de participation dans les entreprises sensibles nécessitant une autorisation, et ce jusqu’à la fin de l’année.

L’Assemblée nationale a largement adopté, dans une récente loi de finances rectificative, une enveloppe de 20 milliards d’euros pour donner les moyens à l’État d’investir dans les sociétés menacées.

Enfin, et ce n’est pas le moindre des arguments, le fonds Lac d’argent de la banque publique d’investissement, que nous avons créé, est en passe d’atteindre 10 milliards d’euros, avec précisément comme objectif de stabiliser le capital des entreprises françaises cotées.

À l’instar du ministre de l’économie, je comprends très bien votre préoccupation, monsieur le sénateur, et je suis sincèrement conscient de la qualité de la réflexion qui sous-tend votre amendement. Nous pensons toutefois que le présent véhicule législatif n’est pas adapté.

Quoi qu’il advienne, le sujet que vous soulevez sera au cœur des discussions relatives au plan de relance. Comme vous le savez, celles-ci n’auront pas lieu dans trois ou six mois.

La question de la protection des intérêts stratégiques et de l’attractivité des entreprises françaises figure au cœur de ce plan, notre objectif étant de renforcer encore la souveraineté industrielle de la France et les fonds propres de nos entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bien évidemment, notre groupe votera cet amendement.

Je salue la présence du représentant du Gouvernement ce matin, mais je note que, décidément, le ministre de la santé ne souhaite pas venir traiter de ces sujets devant le Sénat…

Monsieur le secrétaire d’État, pour expliquer votre avis défavorable, votre premier argument tient à l’absence de lien entre cet amendement et le projet de loi. De la part d’un gouvernement qui se dit très engagé sur le sujet, il me paraît curieux de soulever un argument de procédure, d’autant plus que celui-ci n’a pas été relevé par la commission. Si vous le soulevez, c’est donc que le Gouvernement espère finalement que le Conseil constitutionnel devra statuer…

Ce texte contient de nombreuses dispositions qui tirent les conséquences de la situation très particulière dans laquelle nous nous trouvons, y compris d’un point de vue économique. En réalité, j’entends, par vos explications procédurales, que vous êtes en désaccord sur le fond. C’est d’ailleurs généralement le cas quand on recourt à des arguments de procédure.

Chacun entendra la forme de duplicité du discours du Gouvernement, qui, lorsqu’il a l’occasion, comme ici, de s’opposer à cette manœuvre néfaste, ne la saisit pas.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Je tiens à appuyer la position de Mme de La Gontrie sur cet amendement qui interpelle la politique industrielle du Gouvernement.

M. Le Maire n’a pas pu ou n’a pas voulu aller jusqu’au bout de ce qui aurait été le bon sens et la protection de l’intérêt général de notre pays, à savoir tout mettre en œuvre pour refuser cette OPA agressive à l’égard d’un grand groupe industriel français, qui aboutirait à un monopole de fait de Veolia si le processus se poursuivait jusqu’à son terme.

Par cet amendement, nous interpellons les pouvoirs publics et saisissons l’occasion de ce débat devant la représentation nationale pour souligner le problème politique majeur qui se pose. Contrôler ce type d’opérations pendant l’état d’urgence nous semblait être une opportunité d’empêcher une mesure négative pour les Français et les collectivités territoriales, qui vont potentiellement se retrouver face à un monopole mettant en péril les principes mêmes de la concurrence loyale.

Il est donc hors de question de retirer cet amendement, malgré les éléments de procédure qui ont été rappelés par M. le secrétaire d’État. J’espère que nous réunirons une majorité au sein de cette assemblée pour défendre les intérêts de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Nous voterons cet amendement.

J’entends que le véhicule n’est peut-être pas le plus adapté, mais je relève aussi les arguments de Mme de La Gontrie : la commission n’a pas jugé irrecevable un tel amendement.

Il est dommage qu’un tel sujet, qui semblait avoir retenu l’attention du Gouvernement, particulièrement du ministre de l’économie, ne puisse pas faire l’objet d’un débat plus approfondi. Il y a urgence sanitaire, mais il y a aussi urgence économique. Il aurait été intéressant d’aller au bout de la réflexion à partir de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement  n° 1 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 28

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l’adoption 93
Contre 243

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 rectifié ter est présenté par Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bonhomme, Daubresse, Mouiller et Darnaud, Mme Ventalon, MM. Lefèvre et Laménie, Mme Billon, MM. P. Martin et C. Vial, Mme Deromedi, M. Canevet, Mmes Vermeillet et Gruny, MM. Sautarel, Bouloux, B. Fournier et Bonne, Mme Sollogoub, MM. Chaize, Rapin, Le Gleut et Bascher et Mmes Berthet, Thomas et Bonfanti-Dossat.

L’amendement n° 30 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Durant la période de l’état d’urgence sanitaire, par dérogation à l’article L. 1423-5 du code du travail, les conseillers prud’hommes, réunis en assemblée, peuvent détenir deux mandats pour élire un président et un vice-président.

La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié ter.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Cet amendement vise à permettre la tenue des assemblées générales des conseils de prud’hommes dans le respect des règles sanitaires en vigueur. À titre exceptionnel, comme cela a été le cas pour le second tour des municipales, il conviendrait que les conseillers prud’homaux soient autorisés à disposer chacun de deux pouvoirs, afin de limiter le nombre de ceux qui se réuniront.

Pour mémoire, les élections respectives des présidents et vice-présidents des conseils prud’homaux, sections et chambres se tiennent chaque année au mois de janvier.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 30.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié ter et 30.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 2 rectifié ter et n° 30
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 4 - Amendement  n° 31

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation au dernier alinéa de l’article 714 du code de procédure pénale, les personnes mises en examen, prévenues et accusées peuvent être affectées dans un établissement pour peines.

Par dérogation aux dispositions du dernier alinéa de l’article 717 du même code, les condamnés peuvent être incarcérés en maison d’arrêt, quel que soit le quantum de peine à subir.

Les personnes condamnées et les personnes mises en examen, prévenues et accusées placées en détention provisoire peuvent, sans l’accord ou l’avis préalable des autorités judiciaires compétentes, être incarcérées ou transférées dans un établissement pénitentiaire à des fins de lutte contre l’épidémie de covid-19. Il en est rendu compte immédiatement aux autorités judiciaires compétentes qui peuvent modifier les transferts décidés ou y mettre fin.

Ces dispositions sont applicables jusqu’au 31 août 2021.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Le présent amendement vise à permettre l’adaptation des règles d’affectation et de transfert des personnes détenues afin de limiter les risques de contamination au sein des établissements pénitentiaires. Ces règles doivent en effet être assouplies afin de tenir compte des places disponibles dans les différents établissements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous n’avons d’autre choix que de voter cet amendement, mais il concrétise l’incapacité du Gouvernement à traiter la situation épidémique dans les prisons.

À plusieurs reprises, dans cette enceinte, nous avons alerté et dit qu’il fallait mettre en place un protocole sanitaire digne de ce nom. La façon dont les choses se sont passées est absolument indigne. Je pense notamment à l’appel interjeté par le Gouvernement pour faire annuler la décision d’une juridiction administrative qui avait donné gain de cause à des requérants demandant que les détenus soient munis de masques.

Aujourd’hui, vous en êtes conduits à affecter les détenus au gré des places disponibles, que ces derniers soient en détention provisoire ou détenus pour peines. Cela veut dire que vous pouvez vous permettre de placer des personnes en détention provisoire dans des établissements pour peines longues, qui, je le rappelle, ne sont pas les mêmes.

Par ailleurs, si j’ai bien compris, vous avez également l’intention de rassembler les malades.

On est très loin d’une conception de la détention compatible avec la dignité des détenus.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Pour que tout le monde soit éclairé, je précise à cette noble assemblée que des protocoles sanitaires ont été mis en œuvre dans les établissements pénitentiaires dès le début de l’épidémie. Certaines de leurs dispositions ont fait l’objet d’un contentieux devant le Conseil d’État, dont nous avons tenu compte lors de la réactualisation des protocoles.

Évidemment, ces dispositions sont prises dans un souci de protection de la santé des détenus.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Des clusters se sont développés dans les prisons !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 28
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 13 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Par exception aux deux premiers alinéas de l’article L. 120-32 du code du service national, le contrat mentionné à l’article L. 120-3 du même code souscrit auprès d’un organisme agréé peut prévoir la mise à disposition de la personne volontaire aux fins d’accomplissement de son service, auprès d’un ou, de manière successive, d’un ou de plusieurs organismes agréés ou non agréés satisfaisant aux conditions d’agrément mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 120-30 dudit code.

Le contrat mentionne les modalités d’exécution de la collaboration entre l’organisme agréé en vertu de l’article L. 120-30 du même code, la personne volontaire et les personnes morales au sein desquelles est effectué le service civique, notamment le lieu et la durée de chaque mission effectuée par la personne volontaire ou leur mode de détermination ainsi que la nature ou le mode de détermination des tâches qu’elle accomplit.

II. – Le I du présent article est applicable dans la limite de deux mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 1er de la présente loi. Toute mise à disposition intervenue sur le fondement du I du présent article prend fin à la date prévue par le contrat de service civique.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Le présent amendement vise à lever temporairement les dispositions qui limitent aujourd’hui les conditions de mise à disposition des jeunes engagés dans le service civique auprès d’organismes agréés ayant un besoin temporaire particulier ou auprès d’organismes non agréés, mais qui satisfont a priori aux conditions de l’agrément. Cette dérogation et les mises à disposition qui en découlent prendront fin, en tout état de cause, au terme de l’état d’urgence sanitaire. Les organismes concernés devront alors réintégrer les jeunes engagés dans leurs équipes ou se borner aux possibilités actuelles jusqu’à la fin de leur contrat.

Cette mesure importante permettra au service civique de répondre aux sollicitations pendant et après la crise et d’être pleinement mobilisé, comme il l’a été au cours de l’année 2020.

Ces adaptations, dont j’insiste sur le caractère temporaire, permettront de répondre aux besoins sociaux, dont vous savez qu’ils ont fortement augmenté, de plus de 30 %, en 2020, et qu’ils continueront de croître au cours de l’hiver 2020-2021. Elles permettront aussi de tenir compte des tensions sur les ressources disponibles, une partie des bénévoles, dont la moyenne d’âge est assez élevée, devant prendre des mesures de précaution qui peuvent les empêcher de prêter main-forte aux associations. Il est donc important pour ces dernières de pouvoir bénéficier de ce service civique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement est rédigé de façon tellement vague qu’on ne sait pas ce qu’il veut dire.

M. Philippe Bas, rapporteur. C’est un peu désolant… Le secrétaire d’État a fait un effort pour nous expliquer les intentions du Gouvernement, mais il n’a pas non plus été très précis.

Actuellement, un certain nombre d’organismes agréés peuvent accueillir des jeunes qui bénéficient d’un contrat au titre du service civique, ce qui est très positif. Or l’amendement ne nous dit pas à quels organismes serait étendu le bénéfice de l’emploi de ces jeunes sous contrat de service civique. On nous parle de plusieurs organismes agréés, ou d’organismes non agréés satisfaisant aux conditions d’agrément mentionnées à tel article du code du service national…

Ces dispositions ne nous inspirent aucune antipathie, bien au contraire ; nous portons même sur elles un regard bienveillant. Néanmoins, comme elles ont été rédigées sans aucune précision, ce n’est plus du droit… Je ne peux engager le Sénat à voter cet amendement sans avoir pu le comprendre. D’ailleurs, pour être honnête, il me semble vraiment incompréhensible. En conséquence, l’avis est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je partage les remarques du rapporteur. Pour tout dire, ce qui me gêne le plus, c’est cette partie de phrase qui mentionne des « organismes agréés ou non agréés satisfaisant aux conditions d’agrément ». Nous ne savons pas très exactement ce que vous voulez faire.

Si le Gouvernement pouvait au moins retirer la référence aux organismes « non agréés », nous serions déjà assurés de la qualité des organismes auprès desquels les jeunes seront placés. Je lui demande donc de bien vouloir rectifier son amendement en ce sens, sinon je déposerai moi-même un sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. J’ai eu l’honneur, voilà quelques années maintenant, de porter la loi Égalité et citoyenneté dans cet hémicycle. Nous avions eu beaucoup de débats sur l’extension du service civique, par exemple sur la possibilité pour les jeunes en service civique d’être accueillis au sein des SDIS ou d’autres organismes agréés. J’insiste sur cet adjectif, car il permet d’éviter toute forme d’abus dans l’utilisation de cette procédure extrêmement utile pour des jeunes qui souhaitent s’engager, au service de la société, dans des organismes à but non lucratif ou des établissements publics.

Monsieur le secrétaire d’État, comment peut-on être à la fois un organisme agréé et non agréé ? C’est quand même très complexe… J’aimerais savoir si cette liste d’organismes non agréés fait l’objet d’un minimum de contrôle de la part des services de l’État, pour éviter que le service civique ne devienne un bouche-trou pour des organismes désireux de profiter d’un effet d’aubaine, ce qui serait vraiment regrettable au regard de ce que représente ce service pour les jeunes qui ont décidé de s’y engager.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. J’entends vos demandes de précisions, légitimes au regard du sujet qui nous réunit aujourd’hui. L’objet de l’amendement précise les organismes qui pourraient en bénéficier. Il s’agit des organismes d’accueil agréés qui ont été ajoutés par la loi du 17 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, des personnes morales de droit public français agréées, des organismes sans but lucratif de droit français agréés et, enfin, des organismes agréés ou qui satisfont a priori aux conditions de l’agrément s’ils ne l’ont pas déjà.

Une solution pourrait consister à inscrire directement cette énumération dans l’amendement et, donc, dans le dur de la loi. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes pour voir si une telle rectification pourrait satisfaire ces demandes de précision. À défaut, le Sénat se prononcerait sur le texte que nous avons initialement proposé.

M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures, est reprise à dix heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Après discussion avec les membres de la commission des lois, le Gouvernement maintient l’amendement n° 31 dans sa rédaction initiale.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je dépose donc un sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 92, présenté par Mme de La Gontrie, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou non agréées satisfaisant aux conditions d’agrément mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 123-30 dudit code

Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. L’adoption de ce sous-amendement permettrait au curieux volatile que constitue l’amendement du Gouvernement de continuer à s’élever dans les airs pour ne pas priver l’Assemblée nationale de traiter ce sujet – c’est sa seule justification.

Je crois que le Gouvernement doit apprendre à mieux préparer ses textes. (Mme Sophie Primas applaudit.) En ce sens, le secours que vous lui apportez, ma chère collègue, n’a pas de vertu pédagogique. Si vous supprimez les organismes non agréés de la liste des organismes qui peuvent accueillir des jeunes du service civique, vous maintenez finalement le droit en vigueur. Or il existe une démarche plus simple pour cela : rejeter l’amendement du Gouvernement ! C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable sur ce sous-amendement comme il le demeure sur l’amendement n° 31.