M. Dominique de Legge. Il est quasiment identique à celui qui vient d’être présenté par M. Leroy, je n’en dirai donc pas beaucoup plus. Certains d’entre nous indiquaient précédemment n’avoir pas de certitudes ; nous devons donc laisser à chaque praticien la possibilité d’exercer ce type d’acte en conscience…

M. Dominique de Legge. Puis-je terminer, madame Rossignol ?

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas moi qui ai parlé !

M. Dominique de Legge. Nous allons écouter le rapporteur émettre son avis et tout se passera pour le mieux !

M. le président. L’amendement n° 150 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mmes Rossignol et Meunier, M. Leconte, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Toute personne en capacité de mener une grossesse, même lors d’un changement de sexe à l’état civil, a accès à l’assistance médicale à la procréation.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Veuillez m’excuser, monsieur le président, je suis tout émue que l’on reproche à ma collègue Laurence Rossignol des propos que j’ai tenus.

M. Loïc Hervé. C’est nouveau !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais oui, nous sommes solidaires !

Puisque vous me sollicitez, cher Loïc Hervé, sachez que l’affaire de la clause de conscience est un coup classique. Je rappelle toutefois que cette clause existe déjà ; il n’est donc pas nécessaire de l’instituer de nouveau.

J’en viens à l’amendement n° 150 rectifié ; il s’agit de la capacité de mener une grossesse, même en cas de changement de sexe.

Dès lors qu’il est possible, depuis la loi de 2016, de procéder à la modification de la mention du sexe à l’état civil, il est normal que l’on aligne les droits en ce sens. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 14 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Chevrollier, de Nicolaÿ, Hugonet et Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bonne, Bouchet, Reichardt, Piednoir, Sido, H. Leroy et Segouin, Mme Noël, M. Cuypers, Mme Deseyne et MM. Meurant, Saury, Babary, Laménie, Chaize, Bouloux et Le Rudulier, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 15

Supprimer les mots :

ou toute femme non mariée

II. – Alinéas 18, première phrase, 19, 22, 23, 25, première phrase, 26 (deux fois), 27, première phrase, 40, 41 et 52

Supprimer les mots :

ou la femme non mariée

III. – Alinéas 18, dernière phrase, 28 et 43

Supprimer les mots :

ou à la femme non mariée

IV. – Alinéas 20 et 24

Supprimer les mots :

ou une femme non mariée

V. – Alinéa 22

Supprimer les mots :

ou une autre femme non mariée

VI. – Alinéa 33

Supprimer les mots :

ou à la femme receveuse

VII. – Alinéas 35, deuxième phrase, 38, 39 et 49

Supprimer les mots :

ou de la femme non mariée

VIII. – Alinéa 35, deuxième phrase

Remplacer le mot :

concernés

par le mot :

concerné

IX. – Alinéa 36, première phrase

Supprimer les mots :

de la femme ou

X. – Alinéa 42

Remplacer les mots :

Lorsqu’il s’agit d’un couple, informer celui-ci

par les mots :

Informer le couple

XI. – Alinéa 51

1° Supprimer les mots :

la femme non mariée ou

2° Remplacer le mot :

remplissent

par le mot :

remplit

3° Supprimer les mots :

à la femme non mariée ou

XII. – Alinéa 52

1° Remplacer le mot :

recourent

par le mot :

recourt

2° Remplacer le mot :

doivent

par le mot :

doit

La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Nous avons précédemment eu un débat, qui n’était pas forcément clair, sur la notion de famille monoparentale.

Il existe des familles monoparentales liées à une rupture ou à des difficultés dans la vie du couple ; il n’en demeure pas moins que l’enfant précède généralement cette rupture.

Nous souhaitons donc, par cet amendement, que ne soient pas créées de toutes pièces des familles monoparentales, en limitant le recours à la PMA aux femmes en couples.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 7 rectifié bis est présenté par MM. Mizzon, Duffourg, Kern et Masson, Mmes Herzog et Belrhiti, M. Moga, Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé.

L’amendement n° 23 rectifié quinquies est présenté par MM. de Legge, Chevrollier, de Nicolaÿ, Hugonet et Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bouchet, Reichardt et Piednoir, Mme Pluchet, MM. Sido, H. Leroy et Segouin, Mme Noël, M. Cuypers, Mme Deseyne et MM. Meurant, Babary, Laménie et Chaize.

L’amendement n° 42 rectifié ter est présenté par M. Le Rudulier, Mme Gruny, MM. Frassa et Boré et Mme V. Boyer.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas d’un couple de femmes, le don d’ovocyte de la compagne est interdit. » ;

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié bis.

M. Jean-Marie Mizzon. L’article 16-8 du code civil dispose que le don des éléments du corps doit être anonyme : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur.

« En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci. »

La pratique qui consisterait, pour une femme, à accueillir un ovocyte de sa compagne reviendrait à contourner cette interdiction. D’où cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié quinquies.

M. Dominique de Legge. Cet amendement est identique au précédent. Il s’agit de rappeler que la législation actuelle permet le recours à un don de gamètes, mais qu’elle interdit le double don, afin que l’enfant soit toujours biologiquement issu d’au moins un des deux membres du couple.

Cet amendement vise à maintenir l’interdiction du double don, afin de conserver ce lien biologique avec au moins l’un des deux parents.

J’ajoute que, si nous acceptons le double don, nous nous rapprochons de fait de la gestation pour autrui (GPA). Il y aurait donc une certaine contradiction à nous affirmer, d’une part, monsieur le secrétaire d’État, que nous n’aurons jamais à débattre de la GPA dans cet hémicycle, tout en acceptant, d’autre part, le double don.

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié ter n’est pas soutenu.

L’amendement n° 86, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 39

Supprimer les mots :

, psychologique et, en tant que de besoin, sociale,

II. – Après l’alinéa 39

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Cette évaluation ne peut conduire à débouter le couple ou la femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à supprimer un ajout de la commission portant sur l’évaluation psychologique et sociale du couple ou de la femme qui souhaite avoir recours à une AMP. Nous avions dénoncé cet ajout lors de la première lecture, considérant que l’introduction de cette mention pouvait paraître ambiguë dans ses intentions.

Nous savons, bien entendu, que cette évaluation psychologique et sociale concernerait à l’avenir tous les couples hétérosexuels ou lesbiens sans distinction, ainsi que les femmes seules. Nous savons aussi qu’elle existe déjà pour les couples en procédure d’adoption. Néanmoins, nous pensons qu’elle ne doit pas guider l’élaboration du dispositif d’AMP.

En effet, un couple ou une femme non mariée souhaitant recourir à l’AMP n’ont pas à être différenciés d’un couple hétérosexuel décidant de faire un enfant sans avoir recours à cette technique, car il s’agit dans les trois cas d’un même projet parental. Les traiter différemment sous-entendrait que l’on préjuge de l’aptitude des personnes concernées à être ou non de bons parents.

Mes chers collègues, nous savons tous ici que les choses sont beaucoup plus complexes, on l’a démontré depuis le début de nos débats.

Même si le Sénat a voté l’élargissement de la PMA, ce qui est une avancée, nous ne pouvons nous empêcher de penser que l’introduction de ce type d’évaluation a un lien, même indirect, avec le projet parental d’un couple de femmes ou d’une femme seule. Cela témoigne, à nos yeux d’une certaine suspicion, comme si l’on voulait absolument poser des garde-fous. D’ailleurs, vous avez également supprimé la phrase suivante : « Cette évaluation ne peut conduire à débouter le couple ou la femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre. » Or celle-ci permettait, au minimum, de s’assurer d’une non-discrimination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les amendements nos 35 rectifié bis, 151 et 81 visent à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale concernant les conditions d’accès à l’AMP. Ils tendent, en ne posant pas de conditions, à ne pas introduire de différence entre les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes seules. Ces amendements sont contraires à la position de la commission, qui a souhaité conserver des critères pour les couples hétérosexuels souffrant d’une infertilité pathologique.

Certains ont avancé que de tels critères n’existent pas dans un certain nombre de situations. Je rappelle néanmoins que les auditions de médecins auxquelles nous avons procédé en première lecture ont effectivement permis de déterminer que, si l’infertilité n’était pas nécessairement diagnostiquée, elle était pour autant réelle. Les médecins en ont jugé ainsi – il me semble qu’ils en sont seuls juges –, de sorte que l’argument utilisé selon lequel l’infertilité ne serait pas toujours au rendez-vous pour les couples hétérosexuels est faux.

Par ailleurs, je le répéterai à l’envi : bien que l’égalité soit encore une fois mise en avant, aucune notion d’égalité ne préside à l’établissement de ce texte. Comme cela a été affirmé et réaffirmé, il ne s’agit pas de mettre à égalité des couples qui, dans les faits, ne le sont pas face à la procréation. Il n’y a donc aucune inégalité et je doute fort, contrairement à ce qui est indiqué, que le Conseil constitutionnel nous censure sur ce point, puisqu’il a déjà tranché cette question il y a de nombreuses années.

Pour ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur les amendements nos 35 rectifié bis, 151 et 81.

Les auteurs de l’amendement n° 150 rectifié, comme ceux de l’amendement n° 81, souhaitent aller au-delà du texte initial en autorisant l’accès à l’AMP en cas de changement de sexe à l’état civil. La commission a émis un avis défavorable dans la mesure où l’AMP est réservée aux couples hétérosexuels, aux couples de femmes et aux femmes seules, et non pas aux hommes qui ont été précédemment des femmes.

Les amendements nos 39 rectifié et 16 rectifié ter tendent à instaurer une clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé ne souhaitant pas participer à l’AMP.

Certes, le législateur a prévu, lors de l’autorisation de l’IVG, une clause de conscience spécifique, mais cela a été décidé en raison de circonstances particulières. Néanmoins, une clause de conscience extrêmement large et très claire figure d’ores et déjà dans le code de déontologie médicale. Cette clause, à mon sens, peut être utilisée par tous les médecins, y compris dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. La commission spéciale est donc défavorable aux amendements nos 39 rectifié et 16 rectifié ter.

L’amendement n° 14 rectifié ter vise à ne pas ouvrir l’accès à l’AMP aux femmes seules, et donc à le réduire aux seuls couples hétérosexuels et aux couples de femmes. J’y suis favorable à titre personnel, puisque j’ai présenté un amendement en ce sens en commission. Toutefois, la commission spéciale a souhaité maintenir, comme l’avait voté le Sénat en première lecture, la possibilité pour les femmes seules d’accéder à l’AMP. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 14 rectifié ter.

En revanche, la commission spéciale est favorable aux amendements identiques nos 7 rectifié bis et 23 rectifié quinquies, qui visent à interdire le don d’ovocytes dans un couple de femmes, pratique qui consisterait pour une femme à donner ses ovocytes à sa partenaire. Il s’avère qu’un tel don contrevient à un principe qui jusqu’à présent n’a jamais été remis en cause, celui de l’anonymat du don. On ne peut recevoir de gamètes de personnes identifiées, de sorte que cette précision me paraît tout à fait conforme à la législation actuelle.

Quant à l’amendement n° 86, il vise à supprimer l’évaluation psychologique et en tant que de besoin sociale des demandeurs. Il ne faut pas faire dire à cet ajout plus qu’il ne veut bien dire : notre collègue Laurence Cohen, contrairement à ce qu’elle pense, n’a pas dévoilé la pensée de la commission spéciale.

D’abord, la pensée de la commission avait été en première lecture celle de Roger Karoutchi, qui avait souhaité introduire cet élément. Je ne sonde pas les reins et les cœurs, mais j’ai dans l’idée que Roger Karoutchi ne voulait pas discriminer qui que ce soit par son amendement, mais qu’il désirait simplement prendre en compte le fait que l’équipe pluridisciplinaire participant à l’AMP compte effectivement un travailleur social et un psychologue, comme cela avait été indiqué expressément.

Ensuite, Mme Cohen pense pouvoir déduire nos intentions du fait que nous avons décidé de retirer également du texte la précision selon laquelle l’AMP ne peut être refusée en raison de l’orientation sexuelle du demandeur ou de son identité de genre. Nous avons retiré cette précision pour des motifs qui ont toujours été explicites : il s’agit d’une disposition qui existe déjà dans la loi de manière générale, j’en veux pour preuve qu’elle peut conduire à une condamnation pour discrimination. Il nous a donc paru tout à fait déplacé vis-à-vis des médecins d’ajouter à cette disposition générale, qui leur interdit d’agir ainsi, une disposition particulière visant à les suspecter par avance d’une possible intention de discrimination à l’égard des demandeurs d’AMP.

Les médecins sont tenus à cette obligation, comme tout citoyen. Notre intention n’était donc pas de les en dispenser, et nous n’avions sur ce point aucune volonté voilée. Voilà pourquoi la commission spéciale est défavorable à l’amendement n° 86.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, vise à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. J’émets un avis favorable, pour des raisons que j’ai d’ores et déjà exposées.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 151, de Mme de La Gontrie, tendant à supprimer la condition d’infertilité pour les couples hétérosexuels. Il s’agit ici aussi d’en revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale, qui vise à lever la condition d’infertilité pour tous les publics et à reprendre le principe de non-discrimination dans l’accès à l’AMP.

Juridiquement, le maintien de ce critère d’accès pour les couples hétérosexuels, alors qu’il n’existera pas pour les femmes en couple ou non mariées, aboutirait à créer une nouvelle inégalité. Par ailleurs, une telle disposition sera source potentielle de contentieux, mesdames, messieurs les sénateurs.

Sachez par ailleurs, comme un sénateur l’a évoqué dans son intervention, que dans environ 15 % des cas les couples hétérosexuels qui ne peuvent concevoir sont pris en charge en AMP alors qu’aucune cause médicale n’a été identifiée. La réintroduction du concept d’infertilité diagnostiquée met ainsi en danger les réponses qui peuvent aujourd’hui être apportées à de tels couples. En outre, ce critère aurait pour conséquence de ne pas rendre effectif le droit ouvert aux couples de femmes et aux femmes non mariées – c’est l’argument portant sur les droits formels que j’évoquais précédemment.

L’amendement n° 81 concerne l’AMP pour les personnes transsexuelles. Madame la sénatrice Cohen, vous souhaitez préciser que le changement de sexe à l’état civil ne fait pas obstacle à l’accès à l’AMP. Je me permets de souligner tout d’abord que l’accès à l’AMP est ouvert aux personnes cisgenres comme aux personnes transgenres : la loi n’opère pas de distinction entre elles, sans quoi cela entraînerait un traitement discriminant fondé sur le genre.

Vous le rappelez dans votre exposé, depuis la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, la preuve d’une intervention médicale ou chirurgicale n’est plus exigée pour faire modifier la mention de son sexe et de son prénom à l’état civil.

Dans la vie civile, seule l’identité indiquée à l’état civil d’une personne est prise en compte, car il s’agit d’un critère aussi clair qu’objectif. Le changement de sexe à l’état civil est un acte volontaire, indépendant de l’évolution médicale réelle de la personne, qu’elle subisse des traitements ou non. Désormais, des personnes nées avec un appareil reproducteur féminin peuvent, sans avoir été opérées, faire reconnaître à l’état civil une autre identité de genre.

Ainsi, une femme devenue un homme à l’état civil, même en ayant gardé son appareil reproducteur féminin, est un homme. Par conséquent, il est également un homme au regard de l’assistance médicale à la procréation.

Dans le projet de loi, un homme à l’état civil ne peut avoir accès à l’AMP seul ni en couple avec un autre homme. Il pourrait y avoir accès s’il est en couple avec une femme, cette dernière portera alors l’enfant. Ainsi, l’accès à telle ou telle technique d’AMP dépend du sexe de la personne inscrit à l’état civil au moment de la demande.

Le droit actuel prévoyant d’ores et déjà que le changement de sexe ne fait pas obstacle à l’AMP, il ne nous semble pas utile de le préciser de nouveau. J’émets donc un avis défavorable.

Dans la même logique et pour les mêmes raisons, je suis également défavorable à l’amendement n° 150 rectifié de Mme de La Gontrie, qui concerne l’accès à l’AMP des personnes transgenres.

Les amendements nos 39 rectifié et 16 rectifié ter portent sur la question de la clause de conscience pour les médecins, évoquée par Mme de La Gontrie. Cette clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé qui participent à la réalisation d’une AMP leur donnerait la possibilité de choisir entre les demandes d’AMP, et donc de refuser de facto de prendre en charge certains couples ou des femmes qui se présentent seules.

Cette clause de conscience existe pour certains actes que le médecin peut refuser de réaliser lui-même en orientant la personne concernée vers un confrère. Elle ne peut être invoquée pour justifier une prise en charge différenciée des personnes selon leur statut conjugal ou selon leur orientation sexuelle. Il serait même choquant, je me permets de le dire, que des médecins acceptent d’inséminer une femme en couple hétérosexuel et refusent d’inséminer une femme en couple avec une autre femme !

Le Conseil d’État, que cite souvent Mme la rapporteure, a été on ne peut plus clair sur ce point : il paraît juridiquement impossible de créer une clause de conscience spécifique à l’AMP qui ciblerait certains publics, étant rappelé que l’article 7 du code de déontologie médicale, qu’un certain nombre d’entre vous qui sont médecins connaissent bien, prohibe toute discrimination.

S’agissant des autres professionnels de santé et auxiliaires médicaux, leur situation les place dans la position d’exécuter une prescription et d’apporter leur concours à sa mise en œuvre, activité à laquelle ils ne peuvent se soustraire, ce qui justifie qu’ils ne puissent disposer d’une clause de conscience spécifique en tant que telle, au regard de leurs fonctions respectives.

Enfin, dans le cadre de l’AMP, les professionnels qui exercent au sein des services spécialisés le font en toute connaissance de cause, autour d’une activité orientée vers l’aide à la procréation. Par conséquent, une telle clause ne viserait pas à offrir la possibilité de refuser de pratiquer cette activité, mais serait incontestablement tournée vers des personnes ou des publics en particulier.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est très défavorable à ces deux amendements.

L’amendement n° 14 rectifié ter de M. de Legge vise à ne pas étendre l’accès à l’AMP aux femmes non mariées, au motif qu’elles constituent une catégorie socialement fragilisée et que cela placerait également les enfants en situation de vulnérabilité. Tels sont les arguments qui ont été exposés…

Il est vrai que les familles monoparentales ont globalement des revenus médians inférieurs à ceux des familles en couple, et qu’il faut dans ce cas les accompagner. Pour autant, ne faisons pas d’amalgame entre les familles devenues monoparentales, où les difficultés rencontrées sont moins liées à la monoparentalité qu’à des facteurs socio-économiques – manque de soutien social, parfois conflits entre parents – et les familles monoparentales par choix, quand la femme a pris la décision active d’avoir un enfant et a mûrement réfléchi son projet parental. Je rappelle, d’ailleurs, que celui-ci est évalué par les professionnels de santé qui accompagnent la femme dans ce cheminement qui n’est pas simple, et qui ne répond à aucun caprice.

L’accompagnement auquel vous faites référence, qui permet de mûrir le projet que j’évoque et d’accueillir l’enfant dans les meilleures conditions, est essentiel : il est organisé également pour les couples hétérosexuels aujourd’hui.

En revanche, il n’est pas envisageable de prévoir un accompagnement spécifique pour les demandes de femmes seules. Comme je l’ai évoqué, une telle décision ferait affront aux millions de familles monoparentales qui, je vous le rappelle, représentent entre 20 % et 25 % des familles dans notre pays. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 14 rectifié ter.

Les amendements identiques nos 7 rectifié bis et 23 rectifié quinquies visent à interdire explicitement la méthode de la réception d’ovocytes de la partenaire (ROPA). Mme la rapporteure a raison, cela figure déjà dans les textes, puisque le don fléché est d’ores et déjà interdit par la loi. Le Gouvernement est certes défavorable à la technique de la ROPA. Pour autant, elle est déjà interdite dans les textes. Ces amendements me paraissant satisfaits, j’y suis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 86 de Mme Cohen vise à supprimer la mention relative à l’évaluation psychologique et sociale pour l’accès à l’AMP.

Tout d’abord, l’évaluation psychologique est une composante d’une approche médicale globale. Par ailleurs, l’accompagnement psychologique des demandeurs, ce qui est une autre chose, est possible si ces derniers en éprouvent le besoin. Ce sont donc deux situations à distinguer. Il me semble que, au moment même où nous élargissons l’accès à la PMA à toutes les femmes, il serait particulièrement stigmatisant d’inscrire dans la loi, même s’il n’y a aucune intention voilée, madame la rapporteure, la notion d’évaluation psychologique pour ces seules situations.

Concernant l’évaluation sociale, l’équipe clinicobiologique peut – c’est son rôle – faire appel, si elle l’estime nécessaire, à un assistant social. Cela figure très clairement dans le projet de loi.

C’est la raison pour laquelle je partage votre souhait, madame la sénatrice Cohen, de voir cette disposition supprimée et que je suis favorable à votre amendement n° 86.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je voterai l’amendement de Mme Doineau et les suivants sur la question de l’infertilité, car prioriser à partir de ce critère reviendrait – on le voit bien – à poser un verrou de plus à l’accès à l’AMP des couples de femmes ou des femmes seules.

Ne pas autoriser le remboursement, prévoir des critères relatifs à l’infertilité – plus tard nous aurons le débat sur les gamètes – revient in fine à instaurer tant de contraintes qu’il faudra au bas mot entre cinq et dix ans à un couple de femmes ou à une femme seule pour accéder à l’AMP. Telle est la réalité. Si vous voulez que le droit soit ouvert, mais qu’il ne s’applique pas, c’est effectivement cette position qu’il convient de retenir, mais comprenez tout de même que ce ne soit pas la nôtre !

Nous souhaitons, pour notre part, engager un échange au fond sur les conditions d’ouverture de l’AMP en tenant compte des valeurs qui sous-tendent l’accès à cette technique, mais certainement pas pour aboutir à un résultat conduisant à ne pas ouvrir ce droit !

En ce qui concerne les personnes transgenres, est-ce le sexe ou la capacité de gestation qui doit ouvrir l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation ? M. le secrétaire d’État, prenant l’exemple d’une femme qui serait devenue homme et qui aurait conservé son utérus et ses capacités de gestation, répond que c’est le sexe qui ouvre l’accès. Or de telles situations existent : Muriel Jourda se souvient d’échanges que nous avons eus, y compris avec Nicole Belloubet, au sujet d’une naissance intervenue dans ces conditions. La question se posait également de savoir si, à l’état civil – mais M. le garde des sceaux n’est pas là pour aborder avec nous cet aspect du sujet –, l’enfant avait deux pères ou s’il avait un père et une mère.

Certes, de tels cas sont rares, mais ils nous interpellent sur ce qui fonde notre approche de la question. Il me semble qu’une personne, quel que soit son sexe à l’état civil, qui est en mesure de mener une gestation doit pouvoir être aidée dans son projet parental, car il existe aussi des familles avec un des parents transgenre. Je ne vois pas de motif de nous opposer à ce droit-là.