M. le président. En conséquence, l’article 18 est supprimé.

Article 18
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 20

Article 19

(Supprimé)

Chapitre II

Élargir les possibilités de mesures conservatoires

Article 19
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 21

Article 20

(Supprimé)

Article 20
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 22

Article 21

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 162-5-10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de fraude manifeste, le conventionnement peut être suspendu, nonobstant les procédures en cours, après que l’intéressé a été invité à présenter ses observations dans un délai de quarante-huit heures. En cas de demande de suspension de l’exécution de cette décision présentée en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés se prononce dans un délai de soixante-douze heures. » ;

2° Le I de l’article L. 315-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le contrôle révèle une fraude manifeste, le conventionnement peut être suspendu, nonobstant les procédures en cours, après que l’intéressé a été invité à présenter ses observations dans un délai de quarante-huit heures. En cas de demande de suspension de l’exécution de cette décision présentée en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés se prononce dans un délai de soixante-douze heures. » – (Adopté.)

Chapitre III

Lutter contre le recours aux entreprises éphémères

Article 21
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Articles 23 et 24

Article 22

Après l’article L. 133-5-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 133-5-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-5-4-1. – Nonobstant l’article L. 133-5-3 du présent code et le code des relations entre le public et l’administration, un employeur est tenu d’accomplir sans délai auprès des administrations et organismes chargés des missions mentionnées au second alinéa du I de l’article L. 133-5-3 du présent code qui en font la demande les formalités déclaratives mentionnées au II du même article L. 133-5-3 lorsqu’il existe des présomptions graves et concordantes qu’il a contrevenu, contrevient ou va contrevenir à ses obligations à l’égard de ces administrations ou organismes ou à l’égard de ses salariés.

« L’existence de présomptions graves et concordantes est notamment considérée comme établie lorsque l’employeur dirige ou dirigeait une personne morale réunissant au moins trois des conditions suivantes :

« 1° Elle a été créée depuis moins de douze mois ;

« 2° Elle a mis fin à son activité moins de six mois après sa création ;

« 3° Elle utilise ou utilisait les services d’une entreprise de domiciliation au sens de l’article L. 123-11-2 du code de commerce ;

« 4° Son siège est ou était situé hors d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

« 5° Elle comptait plus de dix associés ou salariés dès le premier mois suivant sa création ou plus de vingt dès le deuxième mois.

« En cas de retard injustifié dans l’accomplissement d’une formalité déclarative relevant du premier alinéa du présent article, d’omission de données devant y figurer, d’inexactitude des données déclarées ou d’absence de correction dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 133-5-3-1, il est fait application des deux derniers alinéas de l’article L. 133-5-4. » – (Adopté.)

TITRE IV

PRÉVENIR LES SITUATIONS ILLICITES PAR UNE MEILLEURE INFORMATION DES ASSURÉS

Article 22
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 25

Articles 23 et 24

(Supprimés)

TITRE V

DISPOSITIONS DIVERSES

Articles 23 et 24
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Intitulé de la proposition de loi

Article 25

I. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)

Article 25
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet intitulé par le mot :

organisées

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. La fraude sociale suscite beaucoup de fantasmes, au point d’ailleurs d’apparaître, dans la tête de certains, comme l’une des causes du trou de la sécurité sociale… Le sujet est sensible, et il n’est pas exempt d’instrumentalisations politiques.

Pour lutter contre ces fantasmes, il convient de sortir du flou et de l’ambiguïté, qui sont parfois volontairement entretenus. Le discours récurrent sur la fraude sociale tend en effet à faire croire que notre système serait en lui-même « fraudogène » et à alimenter la suspicion vis-à-vis de ceux qui en bénéficient légitimement. Or nous bénéficions tous à un moment de notre vie, à un degré ou à un autre, de prestations sociales.

Si la lutte contre la fraude intentionnelle est légitime, elle se doit d’être juste. D’abord, elle doit nécessairement s’accompagner du même volontarisme en matière d’accès aux droits et de lutte contre le non-recours aux prestations sociales. Surtout, elle doit viser tous les types de fraudes, en premier lieu la fraude fiscale, qui est bien supérieure en termes de montants à la fraude sociale.

Cessons de faire croire que la fraude aux prestations est plus importante que la fraude aux cotisations. C’est l’inverse qui est vrai : les entreprises et les professionnels fraudent plus que les particuliers. En conséquence, n’allons pas au plus facile en visant prioritairement les particuliers.

Sortons de l’amalgame que le vocable « fraude sociale » suggère entre les situations individuelles qui relèvent de la non-intentionnalité et qui sont essentiellement dues à la complexité administrative du système de protection sociale et les fraudes intentionnelles, organisées, au premier rang desquelles celles des réseaux « professionnels », qui relèvent, elles, de la délinquance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il n’y a pas que des fraudes organisées ; il y a aussi des fraudes individuelles. L’expression « fraudes sociales » me paraît plus générique. Il ne me semble donc pas souhaitable de retenir la précision qui nous est proposée. Par conséquent, l’avis est défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. L’intitulé de la proposition de loi relève de la volonté de ses auteurs. Je suis trop respectueuse des assemblées parlementaires – j’ai moi-même siégé dans l’une d’elles pendant trois ans et demi – pour m’immiscer dans ce débat. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Intitulé de la proposition de loi
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je voudrais remercier nos collègues d’avoir voté la quasi-totalité des articles qui restaient en discussion.

L’adoption de ce texte sera un pas dans la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Reste que je ne sais pas s’il pourra être examiné dans le cadre d’une niche à l’Assemblée nationale. Néanmoins, je souhaite insister sur plusieurs dispositions.

J’ai été un peu surprise que nos collègues de l’opposition sénatoriale ne votent pas l’article 22 relatif aux entreprises éphémères, parce que, pour le coup, c’est là qu’on a des patrons voyous et des fraudes aux cotisations et aux prestations. En plus, elles créent de la distorsion de concurrence dans nos territoires.

Madame la secrétaire d’État, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer à plusieurs reprises, nous attendons toujours le travail du Cleiss sur la fraude transfrontalière, que votre collègue nous avait annoncé lors de l’examen du PLFSS.

Nous pavons le chemin vers le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Combiné au travail lancé par le Gouvernement, et notamment par le ministre Olivier Dussopt, ce texte devrait nous permettre d’avoir, enfin, un véritable dispositif de lutte contre la fraude sociale. Encore une fois, ce n’est pas une « fraude de pauvres ». Nous ne stigmatisons pas une catégorie en particulier. D’ailleurs, nous sommes évidemment tout aussi attentifs à la lutte contre la fraude aux cotisations.

Le groupe Union Centriste, qui est à l’origine de la présente proposition de loi et qui en avait demandé l’examen dans le cadre de son ordre du jour réservé, votera évidemment le texte en l’état.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Notre groupe pense qu’une telle proposition de loi n’était pas la priorité en pleine pandémie, d’autant qu’il y a beaucoup d’inquiétudes, voire de la désespérance chez nos concitoyens en matière sanitaire et sociale. À nos yeux, ce n’était pas le moment d’aller taper encore une fois sur les plus pauvres.

Ainsi que nous l’avons rappelé, nous sommes évidemment contre les fraudes. Mais, lors des débats en commission des affaires sociales, l’ensemble des groupes ont dénoncé un texte inabouti : de vingt-cinq articles à l’origine, la proposition de loi est tombée à dix. Pour notre part, nous avons regretté que les organisations syndicales de salariés et les services de l’inspection générale n’aient pas été auditionnés.

Comme nous l’avons souligné avec ma collègue Laurence Cohen, pour nous, il y a deux poids, deux mesures. Il faut bien se le dire, la fraude aux prestations sociales, dont le montant est, je le rappelle, de 1,2 milliard d’euros, et la fraude fiscale et patronale, qu’il faudrait combattre de front, sont sans commune mesure. Selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), en 2018, la fraude patronale était estimée entre 6,8 milliards et 8,4 milliards d’euros, soit huit fois plus que la fraude aux prestations sociales.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
 

7

 
Dossier législatif : projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République
Discussion générale (suite)

Élection du Président de la République

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du Gouvernement, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’élection du Président de la République (texte de la commission n° 397, rapport n° 396).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République
Article 1er

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à titre liminaire, je voudrais remercier l’ensemble des membres de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 2 mars dernier. J’aimerais notamment saluer le rapporteur pour l’Assemblée nationale, M. Alain Tourret, avec lequel j’ai eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises pour aboutir à ce texte commun, dans un esprit d’écoute et de dialogue.

À l’origine, il est vrai, il s’agissait de procéder à un simple toilettage technique en modifiant, un an avant l’élection présidentielle, des dispositions organiques introduites en 1988 dans la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Or ce toilettage technique a pris une tout autre dimension avec le dépôt tardif d’un amendement du Gouvernement relatif au vote anticipé via des machines à voter.

Les problèmes de fond que cet amendement soulevait ont été largement évoqués dans l’hémicycle, mais le problème était avant tout de forme ; vous l’avez d’ailleurs reconnu en séance publique, madame la ministre. En effet, l’amendement a été déposé très tardivement devant la deuxième chambre saisie, sans consultation préalable de l’Assemblée nationale, ni des forces politiques, ni encore du Conseil d’État. Le procédé a d’ailleurs fortement ému non seulement les sénateurs, mais également les députés, considérant qu’il s’agissait là d’une question de respect du Parlement et, plus largement, de nos institutions.

Dans ces conditions – tout le monde en conviendra –, il était singulièrement difficile d’aborder une telle problématique. Pourtant, je reste intimement convaincu de la nécessité d’introduire des évolutions dans notre droit électoral, s’agissant notamment de la diversité des modalités de vote ; la récente mission d’information du Sénat sur le vote à distance l’a d’ailleurs prouvé.

Encore une fois, nous ne refusons pas de réfléchir sur un sujet aussi essentiel pour notre vie démocratique. Toutefois, la réflexion doit être totalement déconnectée de tout contexte électoral, en particulier de l’élection clé de voûte de nos institutions. À mon sens, il n’y a pas de place pour de l’expérimentation sur des questions aussi sensibles dans le cadre de l’élection présidentielle. En matière de droit électoral comme de fonctionnement de nos institutions, qu’il s’agisse des modes de votation ou des systèmes électoraux, il semble indispensable de prendre beaucoup de recul pour mesurer dans un climat serein et apaisé toutes les conséquences d’idées qui peuvent paraître novatrices, modernes, voire séduisantes, mais dont la mise en œuvre pourrait aussi avoir des effets pervers, contraires aux objectifs visés.

Une fois cette difficulté dépassée, l’accord des deux chambres sur un texte commun nous a paru tout à fait possible. D’ailleurs, certains apports non négligeables du Sénat n’ont soulevé aucune difficulté. J’en mentionnerai cinq.

Le premier est l’accessibilité de la campagne électorale aux personnes en situation de handicap. C’est vraiment une avancée majeure. Certes, nous restons au stade de l’incitation pour l’ensemble des candidats, tout en nous appuyant sur l’expertise du Conseil national consultatif des personnes handicapées. En effet, la multitude des supports de propagande et la diversité des handicaps ne nous ont pas permis d’aller plus loin.

Le deuxième est l’actualisation des listes des parrains, afin de tenir compte des dernières réformes de l’organisation territoriale.

Le troisième est la publication obligatoire des marges d’erreur des instituts de sondage à chaque utilisation de ceux-ci.

Le quatrième est le caractère expérimental de la dématérialisation des comptes de campagne et des reçus-dons, qui permettra d’évaluer le dispositif avant toute généralisation éventuelle.

Le cinquième est la publication des comptes de campagne en open data, comme pour l’ensemble des autres élections.

En outre, trois sujets ont fait l’objet de discussions approfondies.

Les deux premières modifications étaient d’ordre purement technique. Elles étaient issues d’amendements du groupe socialiste du Sénat, que nous vous avons proposé de conserver. D’une part, une date limite plus précoce est fixée pour la publication de la liste des candidats. Implicitement, cela permettra de sécuriser la période dite « intermédiaire » tout en laissant un laps de temps suffisant au Conseil constitutionnel pour contrôler les parrainages. D’autre part, l’avance versée à l’ensemble des candidats pour financer leur campagne électorale est portée de 153 000 euros à 200 000 euros. Sur ce point, nous ne faisons que prendre en compte l’inflation.

Un sujet était beaucoup plus délicat : la durée de la période de financement de la campagne présidentielle. Celle-ci était fixée à un an, contre six mois pour les autres élections. Nous vous proposons à titre exceptionnel une durée de neuf mois, au regard du contexte si singulier. La période de financement débuterait ainsi le 1er juillet 2021.

La proposition avait un objectif clair : éviter tout chevauchement avec les élections régionales et départementales qui auront lieu au mois de juin prochain. Il s’agissait également de se prémunir contre les difficultés de ventilation des dépenses entre les différents scrutins qui placeraient dans une insécurité juridique des candidats se présentant aux deux élections.

Les critères de répartition de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques nous ont paru très incertains. D’ailleurs, il a été observé que la situation de l’élection présidentielle était totalement incomparable avec celle des élections législatives, la ligne de démarcation entre les deux campagnes étant la défaite au premier tour ou au second tour du scrutin présidentiel d’un candidat qui se présenterait ensuite à la députation.

Incontestablement, nous ne sommes pas dans la même chronologie. Le délai d’un an avait été maintenu pour l’élection présidentielle afin d’englober les primaires. Or aucun parti n’a prévu l’organisation de primaires d’ici au 1er juillet prochain.

Le délai de neuf mois, qui correspond d’ailleurs à l’idée initiale du Gouvernement, nous semble donc le plus adapté pour la prochaine élection présidentielle.

Tel est, mes chers collègues, le texte commun aux deux chambres que nous vous proposons d’adopter définitivement aujourd’hui. J’aimerais une nouvelle fois remercier l’ensemble des membres de la commission des lois de la qualité de nos échanges, ainsi que l’ensemble des sénateurs de la qualité de nos débats en séance publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui, dans cet hémicycle, pour prendre connaissance avec vous des conclusions des travaux de la commission mixte paritaire.

Notre pays connaît encore des moments difficiles liés à la crise de la covid, qui nous a récemment contraints d’adapter sensiblement notre calendrier électoral – vous le savez mieux que quiconque. Le texte qu’il vous est proposé de voter cet après-midi et auquel le Gouvernement donnera un avis favorable nous invite à l’inverse à en terminer avec le dérogatoire et à nous projeter résolument vers l’avenir, vers une année 2022 où, le vaccin aidant, les mesures exceptionnelles seront largement derrière nous – nous le souhaitons toutes et tous.

Je tiens aujourd’hui à souligner et à saluer l’esprit fondamentalement républicain qui a présidé à vos débats lors de l’examen de ce projet de loi organique. Ces travaux ont été empreints d’une grande gravité, cette gravité qui sied lorsque nous touchons collectivement à la matière électorale, à la fois technique et pourtant ô combien structurante pour notre fonctionnement collectif.

Comme le disait le juriste allemand von Jhering, la procédure est sœur jumelle de la liberté. En droit électoral, les règles déterminées par le législateur sont bien les garantes d’un scrutin chaque fois sincère, transparent et démocratique, et, comme chaque année qui précède le scrutin présidentiel, la loi organique qui en adapte les règles ressort de l’examen parlementaire non pas dénaturée, mais enrichie et consolidée.

À cet égard, vous avez finalement décidé de limiter à neuf mois la durée de la campagne présidentielle – vous le savez, ce n’était pas la volonté originelle du Gouvernement. Votre souci de sécuriser la computation des comptes de campagne pour cette période 2021-2022 un peu exceptionnelle, où les scrutins régionaux, départementaux et présidentiels se suivent, si bien que les campagnes devraient se chevaucher en partie, vous honore. Le Gouvernement prend acte de cette modification, qui fait consensus au sein de la représentation nationale.

J’aimerais avec vous me réjouir tout particulièrement de certaines avancées substantielles inscrites dans ce texte, avancées qui créent les conditions d’une participation la plus large possible de nos concitoyennes et de nos concitoyens à ce grand rendez-vous électoral que constitue l’élection présidentielle.

La participation la plus large possible, c’est d’abord assurer l’accessibilité du vote pour toutes et tous, notamment pour les personnes en situation de handicap. Vous savez combien le Gouvernement est sensible à cette question, lui qui a tout récemment rétabli le droit de vote de tous les majeurs sous tutelle et qui prévoit la production par les candidats de professions de foi en langage dit facile à lire et à comprendre pour l’élection présidentielle. C’est l’objet de l’article 1er bis, adopté par votre assemblée, qui rehausse notre vigilance collective sur ces sujets, et c’est heureux.

La participation la plus large possible, c’est aussi plusieurs mesures ambitieuses qui figurent dans ce projet de loi organique. Je pense notamment à la déterritorialisation du vote par procuration, qui sera appliquée pour la première fois dans notre pays lors de ce scrutin, avant d’être généralisée, comme prévu, à l’ensemble des élections. S’appuyant sur le répertoire électoral unique pleinement opérationnel à compter du 1er janvier 2022, elle permettra de recourir beaucoup plus facilement au vote par procuration sans rien enlever à l’impératif de sécurité. Je rappelle à ce sujet que nos concitoyens pourront également profiter du dispositif déployé en ce moment par le ministère de l’intérieur dénommé e-procuration, qui dématérialise l’essentiel de la procédure de demande et de transmission en mairie de ces procurations.

La participation la plus large possible, c’est enfin permettre le vote des détenus par correspondance. Pour la première fois, il aura lieu pour un scrutin présidentiel, après le succès de l’expérimentation qui a eu lieu à l’occasion des élections européennes.

C’est ce même souci de facilitation du vote qui avait motivé le Gouvernement à proposer une modalité nouvelle, une troisième voie entre un vote par correspondance, encore trop peu fiable, et un vote électronique, pas envisageable aujourd’hui d’un point de vue technologique.

Vous n’avez pas souhaité retenir cette proposition de vote électronique anticipé sur machine à voter, dont nous avons largement débattu ensemble, faisant valoir des interrogations légitimes de fond comme de forme. Nous n’y reviendrons donc pas, mais nous maintenons intacte notre volonté de réfléchir ensemble, avec la représentation nationale, en capitalisant sur nos travaux, à des modalités potentiellement nouvelles d’organisation du vote, pour autant – et j’y insiste – qu’elles offrent des garanties suffisantes en termes de sécurité et de sincérité du scrutin – je sais que nous sommes toutes et tous très attachés à cet impératif.

Je terminerai, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, en remerciant M. le rapporteur. L’aboutissement fructueux de l’examen parlementaire de ce texte, qui est en large partie son œuvre, témoigne de la qualité de son travail et de sa collaboration constructive avec son homologue de l’Assemblée nationale. Je tenais, au nom du Gouvernement, à lui rendre un sincère hommage.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte a une portée technique. Malheureusement, nous en sommes restés à ce niveau, alors que nous aurions pu prétendre aller beaucoup plus loin.

Qu’apporte-t-il ? Le rapporteur l’a rappelé : quelques avancées en matière de date de publication du décret de convocation des électeurs, de procédure de parrainage des candidats ou de vote par correspondance des personnes détenues – elles, au moins, pourront utiliser cette modalité de vote… Je pourrais aussi citer la mise en place de la déterritorialisation des procurations conformément à la loi dite Engagement et proximité, l’adaptation de dispositions relatives aux listes électorales consulaires et au vote des Français de l’étranger, l’accessibilité des moyens de propagande aux personnes handicapées – c’est un élément effectivement important – ou encore une mesure, assez inutile à notre sens, sur la durée de la période de financement de la campagne électorale avec un passage de douze à neuf mois malgré l’avis du Conseil d’État. Nous avons également obtenu que la diffusion de certains sondages d’opinion soit accompagnée des marges d’erreur.

Le seul vrai problème de la discussion de ce texte a été l’initiative malheureuse du Gouvernement, comprenant, sous les pressions multiples des propositions qui sont faites depuis plus d’un an maintenant, qu’il était nécessaire d’évoluer sur le sujet du droit électoral. C’est en fait cette disposition, proposée à l’emporte-pièce, disruptive et mal ficelée – le Gouvernement en a le secret… –, qui a créé des difficultés. Elle a même été contestée, sur la forme comme sur le fond, à l’Assemblée nationale, aussi bien par sa majorité, qui n’en est pourtant pas à une couleuvre près, que par le rapporteur lui-même.

Le vrai souci de cette proposition, c’est qu’elle a délégitimé le vote anticipé, en passant par une modalité improbable d’utilisation des machines à voter, alors même que le moratoire sur celles-ci n’est toujours pas levé et qu’un rapport devait être rendu sur le sujet.

Si ce toilettage technique était nécessaire, nous sommes à nouveau restés en deçà de ce qui aurait été utile. En démocratie, la règle est simple : le pouvoir politique s’exerce selon des règles et des procédures préalablement fixées et établies.

Dans les faits, l’un des principes cardinaux du système démocratique, qui n’appartient qu’à lui, est tout simple : le pouvoir que le peuple concède à ses dirigeants ne l’est que pour une certaine période. C’est en cela que les moments de vote sont à la base de tout notre édifice institutionnel.

Si, pour reprendre l’expression de Benjamin Barber, il faut avoir une conception « forte » de la démocratie, celle-ci passe nécessairement par l’évolution du droit électoral. Ces évolutions auraient été emblématiques pour le scrutin qui, à tort ou à raison, reste le premier rendez-vous démocratique en France. C’est d’autant plus vrai que ce qui semblait être la linéarité de la vie démocratique, scandée par des scrutins à intervalle régulier, a été remis en cause par un événement inattendu, la pandémie.

Philippe Ardant notait que « toute l’histoire du régime représentatif suggère une évolution linéaire vers une plus grande démocratie par un élargissement constant du nombre et des catégories d’individus appelés à participer au rituel du choix des représentants ». Pourtant, rien n’est plus faux que cette impression. C’est aussi pour cela, au-delà de la pandémie, que notre droit électoral doit évoluer : préjuger la neutralité des politiques électorales est une erreur majeure.

Le droit électoral est un enjeu démocratique comme politique.

Il est un enjeu politique, quand on tend de fait, comme dans le sud des États-Unis, à réduire la capacité d’expression de certains groupes, essentiellement les minorités, en les privant du droit de vote par tous les moyens dans le but d’empêcher le changement politique.

Il est un enjeu démocratique, quand on constate l’autoexclusion, qu’elle soit volontaire ou pas, d’une partie de l’électorat, que l’on parle des non-inscrits, par négligence ou lassitude, qui sont autant de voix faisant défaut, que l’on parle des mal-inscrits, qui manquent eux aussi à l’appel et peuvent s’installer dans la défiance, ou que l’on parle de tous ceux qui ne s’estiment pas compétents pour donner leur avis, de ce « cens caché » qui peut exister au sein de notre démocratie.

Oui, pour détourner la parole de Pierre Bourdieu, le droit électoral, comme la sociologie, est un sport de combat, parce qu’aucune voix ne devrait peser plus qu’une autre, alors que c’est de fait le cas, notamment au travers des règles de financement électoral qui existent dans notre pays.

Il n’est pas indifférent que la mesure d’adaptation du droit électoral privilégiée en France, celle des procurations, soit socialement discriminante et profite à une partie de la population, celle qui est la plus insérée et mobile. D’ailleurs, c’est aussi ce public que visait tout particulièrement l’amendement du Gouvernement sur le vote anticipé par machine à voter.

Bien entendu, certains me diront que des dispositions techniques ne suffisent pas à répondre aux défis démocratiques de la démobilisation électorale. J’en conviendrai aisément avec eux. Mais considérer que de tels aménagements n’ont aucun effet sur la participation est tout aussi faux. Si la participation baisse avec le grand âge, alors le vote par correspondance peut être une réponse.

Il ne s’agit pas de remettre en cause le rite républicain du vote, qui demeure intégrateur, mais de le revigorer. Las, par paresse, la majorité sénatoriale a refusé l’ensemble des évolutions que nous avions proposées, en s’abritant derrière la timidité du rapport d’information sur le vote à distance. Comme ce n’est pas le bon moment, ce n’est jamais le moment ! Nous aurions pu être des aiguillons ; nous serons des techniciens craintifs.

Nous voterons ce texte, parce qu’il contient de petites avancées utiles, mais nous le ferons sans le moindre enthousiasme.