Mme Cathy Apourceau-Poly. La sécurité sociale dispose déjà d’outils pour lutter contre la fraude aux prestations sociales. À l’inverse, elle manque considérablement de moyens pour lutter contre la fraude au paiement des cotisations sociales.

Les plans d’économies, année après année, ont dépecé les services de l’encaissement des cotisations sociales. Or il faut un engagement politique, financier et humain pour lutter contre la fraude aux cotisations patronales, estimée à 25 milliards d’euros par la Cour des comptes.

Par cohérence avec l’objet de la proposition de loi, qui mentionne la fraude sociale, nous demandons que le Gouvernement réalise une évaluation récente sur le montant de la fraude patronale aux cotisations sociales et, surtout, formule des recommandations pour lutter contre ce type de fraude.

L’avis défavorable de la commission des affaires sociales démontrera bien que vous refusez de vous attaquer au cœur du problème et préférez pointer du doigt les plus pauvres de ce pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Je conteste tout à fait les conclusions de Mme Apourceau-Poly : nous ne stigmatisons pas plus les pauvres que les entreprises dans cette affaire.

Un tel rapport ne nous semble pas présenter d’utilité particulière. L’État et l’Urssaf luttent déjà contre la fraude aux cotisations, même si, en la matière, M. le ministre nous le rappelait précédemment, des techniques toujours plus astucieuses apparaissent régulièrement. Le rapport sur les fraudes transfrontalières que nous venons de voter à l’article 12 peut d’ailleurs mettre en lumière certaines de ces techniques et les moyens d’y remédier.

Pour l’heure, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. Pour des raisons assez similaires à celles qui viennent d’être énoncées à l’instant par le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à cette demande de rapport.

Nous partageons évidemment le souci de disposer de plus d’informations pour mieux évaluer la réalité de la fraude sociale sous toutes ses formes. Le montant du manque à gagner résultant pour la sécurité sociale des cotisations éludées par les employeurs fait d’ailleurs, vous le savez, l’objet d’évaluations périodiques. En 2019, ce préjudice était ainsi évalué à un montant compris entre 6 milliards et 8,4 milliards d’euros, soit 2,2 % à 2,7 % des cotisations dues.

Évidemment, de nouvelles estimations de la fraude seront réalisées par l’Acoss et par la CCMSA dans le cadre du plan Fraude lancé en janvier. Cet effort renouvelé pour disposer de chiffres fiables sur la fraude sociale sous toutes ses formes permettra un meilleur maillage des opérations de contrôle et un pilotage de fait plus performant de la lutte contre la fraude. Il donnera bien entendu lieu à des publications. C’est pourquoi ce rapport ne paraît pas nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE III

AMÉLIORER LES CONTRÔLES

Chapitre Ier

Faciliter la détection des fraudes et des tentatives d’affiliations frauduleuses

Article additionnel après l'article 12 - Amendement n° 15
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 14

Article 13

(Supprimé)

Article 13
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article additionnel après l'article 14 - Amendement n° 9 rectifié ter

Article 14

Après l’article L. 114-10-2 du code de la sécurité sociale, sont insérés des articles L. 114-10-2-1 et L. 114-10-2-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 114-10-2-1. – Les allocations et prestations de toute nature liées à une condition de résidence en France et servies par les organismes mentionnés à l’article L. 114-10-1-1 doivent l’être sur des comptes ouverts dans des établissements établis en France, dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

« Avant tout versement de ces prestations, les coordonnées bancaires transmises sont recoupées avec, le cas échéant, les traitements de données à caractère personnel prévus à l’article 1649 AC du code général des impôts.

« Art. L. 114-10-2-2. – Lorsque le versement des allocations et prestations mentionnées à l’article L. 114-10-2-1 est effectué sur compte de tiers, ces organismes vérifient avant le premier versement, puis au moins une fois par an, l’affiliation du bénéficiaire à ce compte. »

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. L’article 14 rend obligatoire la création d’un compte bancaire en France pour obtenir le versement des prestations sociales. Cette contrainte administrative inutile est stigmatisante pour les personnes étrangères, qui devront payer les frais d’ouverture et de gestion d’un compte bancaire pour bénéficier de l’aide sociale.

Cette disposition est d’autant plus inacceptable que, s’agissant des entreprises, le Gouvernement ne demande pas, pour verser l’aide du fonds de solidarité, de disposer d’un compte bancaire en France. Le fonds de solidarité pour prévenir la cessation d’activité des entreprises touchées par les conséquences économiques du covid-19 prévoit, je cite : « Tous les comptes, domiciliés dans un établissement bancaire en France ou à l’étranger, sont acceptés par le formulaire. »

L’article 14 va donc créer une inégalité de situation entre les entreprises et les bénéficiaires des aides sociales, puisque les premiers n’ont pas d’obligation de disposer d’un compte bancaire financier en France pour toucher l’aide financière de l’État.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il n’y a aucune raison objective de verser sur un compte non européen une prestation liée à une condition de résidence en France. Au demeurant, le dispositif serait encore plus efficace si l’obligation de versement se limitait aux comptes français, mais cela contreviendrait au droit communautaire, comme le Gouvernement nous le confirmera sans doute.

La commission a souhaité conserver cet article. Elle a donc émis un avis défavorable à sa suppression par le groupe CRCE.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. Seule une obligation de versement sur un compte français permettrait de contrôler l’identité des titulaires de comptes bancaires.

Le droit européen, qui interdit de traiter différemment les établissements bancaires établis dans l’Union, et l’absence d’outil de type Ficoba à l’échelon communautaire vident en pratique la mesure proposée à l’article 14 de son intérêt en termes de contrôle. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 14.

(Larticle 14 est adopté.)

Article 14
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Article 15

Article additionnel après l’article 14

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié ter, présenté par Mme Imbert, MM. Retailleau, D. Laurent et Cardoux, Mme V. Boyer, MM. Pellevat et Burgoa, Mme Demas, MM. Bonhomme, Bascher, Sol, Joyandet, Vogel, Longuet et Chaize, Mmes Chauvin et Puissat, M. de Nicolaÿ, Mme F. Gerbaud, M. Lefèvre, Mme Gruny, M. Bonne, Mmes Deromedi, Noël et Lassarade, MM. Houpert et Sautarel, Mme Drexler, MM. Savin, Mandelli, Hugonet, Savary, Brisson et Genet, Mmes Bellurot et L. Darcos, MM. Le Rudulier, Somon, Babary, Boré et Bouloux, Mme Dumont, M. Piednoir, Mme Berthet, M. Charon, Mme Raimond-Pavero, MM. Pointereau, Belin et Rapin, Mmes Di Folco, M. Mercier, Canayer, Deseyne, Borchio Fontimp et Delmont-Koropoulis, MM. Meurant, Paccaud, Favreau, Laménie, Saury et Reichardt et Mme Pluchet, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 114-10-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-10-… ainsi rédigé :

« Art L. 114-10-…. – I. – Dans le cadre des contrôles mentionnés à l’article L. 114-10 du présent code, en cas de circonstances susceptibles de mettre en péril le recouvrement de l’indu ou de la fraude constatés, les agents mentionnés à l’article L. 114-16-3 peuvent dresser un procès-verbal de flagrance sociale comportant l’évaluation du montant de l’indu ou de la fraude.

« Ce procès-verbal est signé par l’agent de contrôle et par la personne en cause. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.

« L’original du procès-verbal est conservé par la structure à l’origine du contrôle et copie est notifiée à la personne en cause.

« II. – La notification du procès-verbal de flagrance sociale permet de procéder à une ou plusieurs mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521-1 à L. 533-1 du code des procédures civiles d’exécution à hauteur d’un montant qui ne peut excéder le montant de l’indu ou de la fraude constaté. »

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Cet amendement vise à étendre la flagrance sociale à tout type de fraude sociale.

En matière fiscale, cet outil de la flagrance permet aux agents des impôts de dresser un procès-verbal qui emporte des effets comme des mesures conservatoires en cas de constatation de faits frauduleux. Rapide et efficace, la flagrance a fait ses preuves dans la lutte contre la fraude fiscale.

Cet amendement tend donc à créer la flagrance sociale, un outil à disposition des inspecteurs de recouvrement, afin de percevoir les prestations sociales obtenues frauduleusement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission trouve l’idée plutôt intéressante. Elle aimerait néanmoins connaître l’avis du Gouvernement sur l’instauration d’une telle procédure de flagrance, car le dispositif proposé comporte quelques défauts.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement ne juge pas souhaitable d’étendre le dispositif de flagrance à tout type de fraude commise en matière sociale.

D’une part, les fraudes aux prestations sont généralement le fait de particuliers, et non d’entreprises. Il n’est pas nécessaire d’établir un procès-verbal pour les constater. Ainsi que vous l’imaginez, il suffit au contrôleur des caisses de montrer que l’assuré a sciemment minoré le montant de ses revenus, par exemple pour bénéficier d’une prestation sous conditions de ressources.

D’autre part, le recouvrement des indus frauduleux se heurte très souvent bien plus à l’insolvabilité de l’assuré qu’à la difficulté de saisir des biens, comme c’est le cas pour une entreprise fraudant aux cotisations et organisant son insolvabilité.

La procédure ne semble donc pas adaptée aux fraudes sociales autres que celles qui correspondent à la dissimulation d’activités ou d’emplois salariés. Son effet pourrait en outre être disproportionné par rapport à l’objectif visé.

Pour ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 14.

Article additionnel après l'article 14 - Amendement n° 9 rectifié ter
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Article 16

Article 15

Le premier alinéa de l’article L. 161-4-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour l’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques de personnes nées hors d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, les conditions d’acceptation des pièces justificatives, notamment leur date, leur durée de validité et les exigences de qualité et de présentation de celles-ci sont précisées par voie réglementaire ainsi que les modalités selon lesquelles, en cas de doute lors de l’analyse de ces pièces, il peut être demandé à la personne de se présenter physiquement auprès des organismes chargés de son inscription. »

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Remplacer la référence :

L. 161-4-1

par la référence :

L. 161-1-4

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à rectifier une erreur de référence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Guillotin, MM. Guerriau, Decool, A. Marc, Verzelen, Chasseing et Wattebled, Mme Mélot, M. Lagourgue, Mme Paoli-Gagin et MM. Capus, Médevielle et Malhuret, est ainsi libellé :

Après les mots :

de ces pièces

insérer les mots :

, au moment de son inscription ou ultérieurement

La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Cet amendement vise à préciser la rédaction de l’article 15 pour permettre à un organisme de protection sociale de déclencher la procédure de contrôle complémentaire en présentiel même après la validation de l’inscription au registre. Les contrôles pourraient donc être effectués non seulement lors de l’inscription, mais également après celle-ci, ainsi qu’au moment de sa validation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. L’intention des auteurs de cet amendement me paraît déjà satisfaite par la rédaction retenue pour l’article 15. L’entretien doit évidemment pouvoir être demandé à tout moment. La rédaction de l’article indique bien qu’il s’agit d’une possibilité. Un texte réglementaire doit d’ailleurs en préciser les modalités de mise en œuvre.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. Les dispositions en vigueur confèrent déjà à des agents chargés du contrôle agréés et assermentés le soin de procéder à toute vérification ou enquête administrative concernant l’attribution des prestations ou le respect des conditions de résidence, de ressources, etc. Cela implique la possibilité de convoquer physiquement la personne objet du contrôle.

En d’autres termes, les textes existants prévoient déjà la possibilité de convoquer un assuré dans le cadre de contrôles. Cet amendement nous paraît donc satisfait. C’est pourquoi nous en demandons le retrait, faute de quoi l’avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur Menonville, l’amendement n° 5 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Franck Menonville. Non, je le retire

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l’article 15, modifié.

(Larticle 15 est adopté.)

Article 15
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Article 17

Article 16

(Supprimé)

Article 16
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Article 18

Article 17

I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 111-1, il est inséré un article L. 111-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-1-1. – L’organisme compétent pour attribuer une prestation sociale légale, réglementaire ou conventionnelle est celui dans le ressort duquel la personne a son domicile fiscal.

« Le département débiteur de l’allocation personnalisée d’autonomie, de la prestation de compensation du handicap et du revenu de solidarité active mentionnés respectivement aux articles L. 232-1, L. 245-1 et L. 262-1 est celui dans le ressort duquel l’intéressé a son domicile fiscal.

« Pour tenir compte de situations exceptionnelles, il peut être dérogé aux premier et deuxième alinéas du présent article dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.

« Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice de celles de l’article L. 264-1. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 131-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La résidence s’entend du domicile déclaré à l’administration fiscale. » ;

3° Après le mot : « départemental », la fin du premier alinéa de l’article L. 262-13 est supprimée.

II. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 111-2-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-2-4. – Au sens du présent code, la résidence principale et le lieu de résidence d’une personne s’entendent du domicile déclaré par elle à l’administration fiscale. » – (Adopté.)

Article 17
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Article 19

Article 18

I. – À titre expérimental et pour une durée de douze mois, des agents de droit public spécialement désignés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre chargé de la sécurité sociale, pris après avis conforme d’une commission dont la composition et le fonctionnement sont déterminés par décret en Conseil d’État, peuvent être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction.

L’habilitation prévue au premier alinéa ne peut être délivrée qu’à des agents de catégories A et B des organismes nationaux mentionnés au titre II du livre II du code de la sécurité sociale, de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail et d’un organisme mentionné à l’article L. 1431-1 du code de la santé publique.

Les agents ainsi habilités ont compétence pour rechercher et constater, sur l’ensemble du territoire national, les fraudes en matière sociale énumérées à l’article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale.

II. – À titre expérimental et pour une durée de douze mois, des agents de contrôle de l’inspection du travail spécialement désignés par arrêté du ministre de la justice et de celui chargé du budget, pris après avis conforme d’une commission dont la composition et le fonctionnement sont déterminés par décret en Conseil d’État, peuvent être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction.

Les agents ainsi habilités ont compétence pour rechercher et constater, sur l’ensemble du territoire national, les infractions prévues à l’article L. 8211-1 du code du travail ainsi que les infractions qui leur sont connexes.

III. – Les agents désignés dans les conditions prévues aux I et II du présent article doivent, pour mener des enquêtes judiciaires et recevoir des commissions rogatoires, y être habilités personnellement en vertu d’une décision du procureur général.

La décision d’habilitation est prise par le procureur général près la cour d’appel du siège de leur fonction. Elle est accordée, suspendue ou retirée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Dans le mois qui suit la notification de la décision de suspension ou de retrait de l’habilitation, l’agent concerné peut demander au procureur général de rapporter cette décision. Le procureur général doit statuer dans un délai d’un mois. À défaut, son silence vaut rejet de la demande. Dans un délai d’un mois à partir du rejet de la demande, l’agent concerné peut former un recours devant la commission prévue à l’article 16-2 du code de procédure pénale. La procédure applicable devant cette commission est celle prévue à l’article 16-3 du même code et ses textes d’application.

IV. – Les agents des services habilités dans les conditions prévues au III du présent article sont placés exclusivement sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction dans les conditions prévues aux articles 224 à 230 du code de procédure pénale.

V. – Lorsque, sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, les agents des services habilités dans les conditions prévues au III du présent article procèdent à des enquêtes judiciaires, ils disposent des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux officiers de police judiciaire, y compris lorsque ces prérogatives et obligations sont confiées à des services ou unités de police ou de gendarmerie spécialement désignés.

Ces agents sont autorisés à déclarer comme domicile l’adresse du siège du service dont ils dépendent.

VI. – Les agents des services habilités dans les conditions prévues au III du présent article ne peuvent, à peine de nullité, exercer d’autres attributions ou accomplir d’autres actes que ceux prévus par le présent code dans le cadre des faits dont ils sont saisis par le procureur de la République ou toute autre autorité judiciaire.

VII. – L’habilitation prévue au III du présent article fait obstacle à la délivrance des agréments prévus aux articles L. 114-10 et L. 243-7 du code de la sécurité sociale. Le cas échéant, les agréments délivrés avant la décision d’habilitation sont suspendus pendant toute la durée d’application de celle-ci. Les agents habilités en application du II du présent article ne peuvent effectuer des enquêtes judiciaires dans le cadre de faits pour lesquels ils ont participé à une procédure de contrôle en application du code de la sécurité sociale avant d’être habilités à effectuer des enquêtes. Ils ne peuvent, même après la fin de leur habilitation, participer à une procédure de contrôle en application du code de la sécurité sociale dans le cadre de faits dont ils avaient été saisis par le procureur de la République ou toute autre autorité judiciaire au titre de leur habilitation.

VIII. – Les agents habilités dans les conditions prévues au III du présent article ne peuvent participer à une procédure de contrôle de la législation du travail prévue par le code du travail pendant la durée de leur habilitation. Ils ne peuvent effectuer des enquêtes judiciaires dans le cadre de faits pour lesquels ils ont participé à une procédure de contrôle de la législation du travail avant d’être habilités à effectuer des enquêtes. Ils ne peuvent, même après la fin de leur habilitation, participer à une procédure de contrôle de la législation du travail dans le cadre de faits dont ils avaient été saisis par le procureur de la République ou toute autre autorité judiciaire au titre de leur habilitation.

IX. – L’expérimentation prévue au présent article fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement ainsi qu’aux organismes et à l’inspection mentionnés aux I et II du présent article au plus tard six mois avant son terme.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 14 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 17 est présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 14.

Mme Laurence Cohen. L’article 18 habilite les agents de contrôle des organismes de sécurité sociale et de l’inspection du travail à mener des enquêtes judiciaires.

Il n’est pas acceptable de transférer la mission des services d’enquête judiciaire sous le prétexte que ces derniers seraient surchargés. Il faut au contraire renforcer les moyens qui leur sont alloués.

Au demeurant, une telle faculté est déjà reconnue pour la lutte contre le travail illégal à l’inspection du travail, à Pôle emploi et aux Urssaf.

Étendre encore l’habilitation aux fraudes des prestations sociales revient à faire supporter une partie du coût des enquêtes aux organismes de protection sociale. Surtout, cela désengage en fait l’État de ses responsabilités.

En matière fiscale, la création de la procédure judiciaire d’enquête fiscale s’est accompagnée de celle de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, composée d’officiers de police judiciaire et d’agents des services fiscaux.

L’article 18 prévoit de confier aux agents de contrôle de la sécurité sociale et de l’inspection du travail une mission qui nécessiterait la création d’un corps distinct avec des personnels formés spécifiquement à la procédure pénale. En l’absence de tels moyens humains et financiers et d’une formation adaptée, vous allez détériorer la lutte contre la fraude, que vous souhaitez pourtant renforcer.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 18.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 17.

Mme Raymonde Poncet Monge. La mesure proposée à l’article 18 fait écho à une disposition qui existe pour les services fiscaux. Or je souhaite tout de même pointer qu’il existe de larges différences de logique entre les administrations sociales et les administrations fiscales.

Là encore, une telle évolution traduirait un changement de philosophie par rapport aux missions premières des organismes de sécurité sociale.

En outre, compte tenu de ce qui vient d’être souligné, je pense que la mesure envisagée sera très difficile à mettre en œuvre d’un point de vue opérationnel et qu’elle aura peu d’effets.

Nous proposons donc la suppression de l’article 18.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Nous avons évoqué en commission nos grandes réserves sur cet article. Le dispositif proposé supposerait, pour des raisons opérationnelles, une formation longue et appropriée des agents de contrôle, et ce pour un bénéfice qui reste difficile à apprécier.

Les agents de contrôle ont déjà la possibilité de poursuivre sur un plan judiciaire. La coopération qui existe actuellement entre la police et les agents de contrôle des organismes sociaux nous semble satisfaisante d’un point de vue opérationnel.

Par conséquent, nous sommes favorables aux amendements identiques de suppression de l’article 18.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression de l’article, pour les mêmes raisons que la commission.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 17.

(Les amendements sont adoptés.)