Mme le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en effet, le nombre de textes sur la sécurité est inflationniste ; ainsi va le monde et vous ne changerez pas le devenir de la société en limitant le nombre de lois !

On bouge, tout bouge. La définition de la sécurité n’est pas la même aujourd’hui que celle qui prévalait avec un Sartine sous Louis XV, un Fouché sous Napoléon Ier ou un Persigny sous Napoléon III. À l’époque, la sécurité relevait d’un maillage au profit du régime. Par la suite, elle a reçu l’ordre public comme définition, pour favoriser l’installation de la IIIe République, l’ordre public face aux ligues, l’ordre public, avec Jules Moch, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale contre les grèves insurrectionnelles.

Nous n’avons changé de doctrine de sécurité qu’après 1968. Alors, la police et la gendarmerie ont adopté un rôle d’accompagnement de la société, mais aussi de soutien, de pilier de la République. Ce sont devenus deux éléments clés, fondateurs, permanents, de la possibilité pour la République de se défendre et de s’incarner afin que les citoyens se sentent, certes, en sécurité, mais en sécurité dans un régime politique qui est le leur, qui serait déstabilisé par la violence.

J’entends bien, aujourd’hui, le débat, qui remonte à vingt ou vingt-cinq ans, entre sécurité et liberté. Mais, depuis Chevènement et les sauvageons, malheureusement, ces derniers ont beaucoup progressé et, des sauvageons, nous sommes passés à la sauvagerie puis de la sauvagerie à l’extrême violence. C’est la réalité aujourd’hui.

Je remercie tous ceux qui ont soutenu les forces de sécurité, au-delà de toute opinion politique. J’admets très bien, madame Assassi, que tous les rangs, tous les camps et tous les groupes politiques peuvent soutenir la police et la gendarmerie.

Aujourd’hui, celles-ci sont les éléments premiers de la défense de la République. Nous avons de plus en plus affaire à des bandes, à des groupes, qui, sous couvert de violences, d’agressions, d’extrême brutalité, sont en réalité hostiles à la République. Ils la déstabilisent, la remettent en cause et n’attendent qu’une chose : qu’elle s’effondre, se fracture ou devienne un régime dictatorial et tellement autoritaire qu’ils auront eu raison de se montrer violents à son égard.

Il faut donc à la fois respecter nos libertés et donner à la gendarmerie et à toutes les polices, municipale comme nationale, les moyens et la légitimité d’agir. C’est cela, aujourd’hui, la difficulté pour le ministre de l’intérieur, aussi valeureux que vous soyez, monsieur le ministre, si je peux me permettre une petite flatterie en passant, qui pourrait être utile pour obtenir un avis favorable du Gouvernement sur mes amendements futurs. (Sourires.) Monsieur le rapporteur, en voulez-vous aussi ? Je vous en prie ! (Nouveaux sourires.)

Chacun le sait, dans nos villes, dans nos départements, la violence et l’insécurité sont là. J’entendais évoquer l’expression « sentiment d’insécurité » – pardon à qui l’a employée –, qui a coûté si cher à Jospin ! Il y a de l’insécurité, et non un sentiment d’insécurité. Il y a des actes de violence, de délinquance, qui se multiplient, partout.

Qui appelle-t-on dans ces cas-là ? Ceux qui les critiquent de manière intellectualisée, s’ils sont agressés ou cambriolés, si leurs enfants sont menacés, s’ils sont interpellés sur les réseaux sociaux de manière agressive, appellent évidemment la police ou la gendarmerie.

On ne peut pas dire aux membres de la police et de la gendarmerie qu’ils sont les éléments référents, ceux qui défendent la République, que l’on compte sur eux, que l’on a besoin d’eux, et puis, lorsqu’il faut leur donner les moyens et étendre leurs capacités ou leurs missions, refuser de le faire au nom de la liberté.

Celle-ci doit être respectée, mais la première des libertés de nos concitoyens, c’est d’être en sécurité. Comment voulez-vous vivre, agir, être au Parlement, si vous avez le sentiment de ne pas être en sûreté, d’être menacé, de ne pas être suffisamment serein pour travailler, pour avoir une vie de famille ?

Oui, ce texte apporte des éléments supplémentaires ; il y en aura d’autres, bien sûr, monsieur le ministre. Personne ne se fait d’illusion, il ne s’agit pas du texte définitif sur la sécurité, parce que l’on ne sait pas comment la délinquance et les agressions contre la République vont évoluer dans les années à venir. Elles seront peut-être plus brutales, peut-être – qui sait ? – moins. Si tel devait être le cas, nous pourrions alors élaborer un texte contenant un peu plus d’éléments de liberté.

Aujourd’hui, cependant, la société française est fracturée, elle est menacée, elle en a marre, elle a le sentiment de ne plus être respectée par celles et ceux qui croient toujours pouvoir échapper à la police et à la justice.

Il faut renverser la charge de l’inquiétude : il faut que les citoyens qui vivent normalement dans un cadre légal soient en sûreté avec la police et la gendarmerie, et que les délinquants, les agresseurs, les Blacks Blocs soient ceux qui se sentent vraiment menacés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Mme le président. La discussion générale est close.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés
Discussion générale (suite)

3

Rappel au règlement

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 36 alinéa 3, au titre de l’article 29 bis, concernant l’ordre du jour de notre assemblée et la bonne tenue de nos débats.

Nous entamons cette après-midi l’examen d’une proposition de loi nécessitant un travail sérieux, en ce qu’elle vient bousculer nos libertés fondamentales. Dans le même temps, la commission des lois examinera demain matin plus de 400 amendements déposés sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République.

La même commission est saisie au fond pour deux textes consécutifs, ce qui représente une charge de travail extrêmement lourde pour tout le monde : les parlementaires, leurs équipes, les groupes et l’administration. Cela nuit à la qualité du travail législatif, dont le Sénat se fait pourtant une fierté.

De surcroît, nos débats vont se croiser, puisque nous examinerons le fameux article 24 en séance et, parallèlement, en commission, l’article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République, tous deux relatifs à la diffusion d’informations ou d’images concernant les dépositaires de l’autorité publique.

Nous comprenons que le Gouvernement souhaite tenir son agenda chargé avant la fin du quinquennat, mais cela ne peut se faire au détriment de la qualité du travail parlementaire. Je souhaite donc attirer votre attention, madame la présidente, mes chers collègues, sur la nécessité de garantir cette qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

4

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés
Article 1er

Sécurité globale

Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme le président. Nous reprenons l’examen de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la sécurité globale

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX POLICES MUNICIPALES

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux prérogatives des polices municipales et rurales

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés
Demande de réserve

Article 1er

I. – À titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur des mesures d’application prévues au présent article et au plus tard le 30 juin 2021, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre employant au moins quinze agents de police municipale ou gardes champêtres, dont au moins un directeur de police municipale ou un chef de service de police municipale, peuvent demander à ce que leurs agents de police municipale et gardes champêtres exercent les compétences de police judiciaire mentionnées aux II à VI.

Les communes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 512-1 du code de la sécurité intérieure employant en commun au moins quinze agents de police municipale ou gardes champêtres, dont au moins un directeur de police municipale ou un chef de service de police municipale, peuvent également demander conjointement à ce que leurs agents de police municipale et gardes champêtres exercent les compétences de police judiciaire mentionnées aux II à VI du présent article.

La candidature d’une commune à cette expérimentation est présentée par le maire, après délibération du conseil municipal. La candidature d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est présentée par le président de l’établissement public, et porte sur le territoire des seules communes dont le maire et le conseil municipal ont préalablement exprimé leur accord à la mise en place de l’expérimentation.

Dans les conditions définies par décret en Conseil d’État, un arrêté conjoint des ministres de l’intérieur et de la justice détermine les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre autorisés à mettre en œuvre l’expérimentation au regard de l’organisation de la coopération locale entre les services de police municipale, les forces de sécurité de l’État et le procureur de la République et de l’évaluation de la convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État prévue à l’article L. 512-4 du code de la sécurité intérieure.

Un décret détermine les obligations de formation complémentaire s’imposant aux agents de police municipale et aux gardes champêtres exerçant les compétences de police judiciaire mentionnées aux II à VI du présent article pendant la première année de mise en œuvre de l’expérimentation.

Au plus tard neuf mois avant le terme de l’expérimentation, les communes et établissements publics concernés remettent au Gouvernement un rapport d’évaluation. Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation générale de la mise en œuvre de l’expérimentation, auquel sont annexés les rapports d’évaluation communaux et intercommunaux, au plus tard six mois avant son terme. Un décret fixe les critères d’évaluation de l’expérimentation communs à toutes les communes et établissements publics concernés aux fins de la remise d’un rapport au Gouvernement.

À la moitié de la durée fixée pour l’expérimentation, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport présentant les communes et établissements publics participant à l’expérimentation ainsi qu’une évaluation intermédiaire de l’expérimentation. Les observations des collectivités territoriales et établissements publics participant à l’expérimentation sont annexées au rapport.

II. – Par dérogation au second alinéa de l’article 21-2 du code de procédure pénale, les agents de police municipale et les gardes champêtres adressent sans délai leurs rapports et procès-verbaux simultanément au maire et, par l’intermédiaire des directeurs de police municipale ou des chefs de service de police municipale dûment habilités, au procureur de la République.

Une copie de ces documents est adressée sans délai aux officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents.

III. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 325-1-1 du code de la route, en cas de constatation d’un délit ou d’une contravention de la cinquième classe prévus par le même code ou le code pénal pour lesquels la peine de confiscation du véhicule est encourue, le directeur de police municipale ou le chef de service de police municipale dûment habilité, peut, avec l’autorisation préalable du procureur de la République donnée par tout moyen, faire procéder à l’immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule.

IV. – (Supprimé)

V. – Sous l’autorité du directeur de police municipale ou du chef de service de police municipale, les agents de police municipale et les gardes champêtres peuvent constater par procès-verbal, dès lors qu’ils sont commis sur le territoire communal et qu’ils ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête, les délits prévus :

1° À l’article 446-1 du code pénal ;

2° Au premier alinéa du I de l’article L. 221-2 du code de la route ;

2° bis (nouveau) À l’article L. 236-1 du même code ;

3° À l’article L. 324-2 dudit code ;

3° bis À l’article L. 412-1 du même code ;

4° Au premier alinéa de l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation ;

5° (Supprimé)

6° À l’article 226-4 du code pénal, lorsqu’ils concernent un local appartenant à une personne publique ;

7° À l’article 322-4-1 du même code, lorsque le terrain appartient à une personne publique ;

8° À l’article 322-1 dudit code ;

9° Au 3° des articles L. 317-8 et L. 317-9 du code de la sécurité intérieure.

Ils peuvent également constater par procès-verbal, lorsqu’elles sont commises sur le territoire communal et qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête, les contraventions relatives aux débits de boissons, à la lutte contre l’alcoolisme, à la répression de l’ivresse publique et à la protection des mineurs mentionnées au titre V du livre III de la troisième partie du code de la santé publique et dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État.

VI. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 78-6 du code de procédure pénale et à l’article L. 522-4 du code de la sécurité intérieure, les agents de police municipale et les gardes champêtres sont habilités à relever l’identité des auteurs des délits que la loi les autorise à constater, aux fins d’en dresser procès-verbal. Les procès-verbaux qu’ils établissent peuvent également comporter les déclarations spontanées des personnes faisant l’objet du relevé d’identité.

Si l’auteur refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, le second alinéa de l’article 78-6 du code de procédure pénale s’applique.

VI bis. – Par dérogation au 2° du I de l’article L. 451-1-1 et au deuxième alinéa de l’article L. 451-1-2 du code des assurances, lorsque les agents de police municipale ou les gardes champêtres en font la demande dans le cadre de leur mission de contrôle de l’obligation d’assurance de responsabilité civile automobile, l’organisme d’information leur indique si le véhicule contrôlé répond à l’obligation d’assurance prévue au chapitre Ier du titre Ier du livre II du même code ou s’il bénéficie de l’exonération prévue à l’article L. 211-1 dudit code.

VII. – Les directeurs de police municipale et les chefs de service de police municipale doivent, pour transmettre au procureur de la République les rapports et procès-verbaux établis par les agents de police municipale et procéder à l’immobilisation d’un véhicule, en application des II et III, y être habilités personnellement en vertu d’une décision du procureur général près la cour d’appel dans le ressort duquel est affecté le fonctionnaire, après avoir suivi une formation et satisfait à un examen technique selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État.

La décision d’habilitation est valable pour toute la durée de ses fonctions, y compris en cas de changement d’affectation dans un service de police municipale d’une autre commune ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre autorisé à mettre en œuvre l’expérimentation en application du I au sein du ressort d’une même cour d’appel.

Les conditions d’octroi, de retrait et de suspension pour une durée déterminée de l’habilitation prévue au deuxième alinéa du présent VII sont fixées par décret en Conseil d’État.

Dans le mois qui suit la notification de la décision de suspension ou de retrait de l’habilitation, l’agent concerné peut demander au procureur général de rapporter cette décision. Le procureur général statue dans un délai d’un mois. À défaut, son silence vaut rejet de la demande.

Dans un délai d’un mois à compter du rejet de la demande, l’agent concerné peut former un recours devant la commission prévue à l’article 16-2 du code de procédure pénale. La procédure applicable devant cette commission est celle prévue à l’article 16-3 du même code.

Sans préjudice de l’autorité hiérarchique exercée par le maire, dans l’exercice des missions prévues au présent VII, les directeurs de police municipale et les chefs de service de police municipale sont placés sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction du siège de leur fonction dans les conditions prévues aux articles 224 à 230 du code de procédure pénale.

VIII (nouveau). – Les agents de police municipale et les gardes champêtres exerçant les compétences de police judiciaire mentionnées aux II et IV à VI bis du présent article et qui sont mis à disposition d’une ou plusieurs communes dans les conditions prévues aux articles L. 512-1, L. 512-2 et L. 522-2 du code de la sécurité intérieure sont placés en permanence sous l’autorité du directeur ou du chef de service de police municipale.

IX (nouveau). – La convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État prévue à l’article L. 512-4 du code de la sécurité intérieure détermine les conditions dans lesquelles les compétences de police judiciaire mentionnées aux II à VI du présent article sont mises en œuvre.

Mme le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, sur l’article.

M. Rémy Pointereau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer l’excellent travail de la commission des lois, qui permet un encadrement plus rigoureux de l’expérimentation des nouvelles attributions judiciaires des agents de police municipale.

Cet encadrement correspond aux recommandations qui figurent dans le rapport que j’ai réalisé avec notre collègue Corinne Féret, relatif à l’ancrage territorial de la sécurité intérieure et qui a été présenté le 28 janvier dernier devant la délégation aux collectivités territoriales.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons été témoins des préoccupations des élus locaux. Les maires sont soucieux de contribuer à l’émergence d’un véritable continuum de sécurité, mais ne veulent pas servir de palliatif au désengagement de l’État. Ils redoutent que l’élargissement expérimental des compétences de la police municipale ne s’apparente à une substitution entre celle-ci et les forces étatiques. Les amendements adoptés en commission à l’article 1er réduisent le risque de voir peser sur les communes, à terme, de nouvelles charges non compensées, au mépris de l’article 72-2 de la Constitution.

Ainsi cet article 1er partage-t-il l’esprit de notre rapport, lequel appelait à accepter avec vigilance l’expérimentation des nouvelles compétences des polices municipales. Les maires doivent rester libres de définir la doctrine d’emploi de leur police municipale, dans une logique de souplesse, faisant confiance à « l’intelligence territoriale ». D’ailleurs, M. François Baroin, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), à qui nous avons remis ce document, nous l’a confirmé.

Aussi, et conformément à l’une des conclusions de ce travail, il nous semble qu’il convient de préciser le champ de l’évaluation intermédiaire prévue par la commission des lois du Sénat. Tel est l’enjeu de l’amendement que nous avons déposé à cet article. Au-delà du sort qui lui sera réservé et pour l’ensemble des raisons précitées, je voterai l’article 1er tel que modifié par notre assemblée. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, sur l’article.

Mme Brigitte Micouleau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite insister sur l’importance de la simplification des procédures, notamment forfaitisées, particulièrement en ce qui concerne les contraventions. Les policiers municipaux en sont le plus souvent exclus : ils sont donc contraints de rédiger leurs écrits sur papier, ce qui ralentit le traitement procédural et engorge les services judiciaires, sans compter que le montant des contraventions n’est souvent pas dissuasif.

En 2011, la Cour des comptes indiquait que les polices municipales étaient souvent plus présentes sur le terrain que la police nationale, sans pour autant opposer les unes à l’autre. La montée en effectif des polices municipales en France conduit à augmenter significativement l’activité contraventionnelle, ce qui emporte un impact réel sur les services de l’officier du ministère public.

Par ailleurs, les infractions aux arrêtés du maire – contraventions de première classe, jusqu’à 38 euros – ne sont pas forfaitisées. Elles nécessitent donc, là aussi, un traitement lourd et coûteux, alors même qu’elles représentent une grande partie de l’activité contraventionnelle.

La faiblesse du montant des amendes, l’absence de dématérialisation et de forfaitisation génèrent donc beaucoup de déchet, ce qui obère en même temps l’action publique et les politiques locales de sécurité conduites par les maires.

Les possibilités procédurales n’étant pas en adéquation avec l’impact humain de la police municipale, il paraît important de modifier l’article R. 48-1 du code de procédure pénale, en le complétant de la liste des infractions actuellement relevées par les agents de police municipale, lesquelles méritent une amende forfaitisée.

Monsieur le ministre, les maires sont en attente des arrêtés que vous pourriez prendre en ce sens.

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Cher collègue Karoutchi, je vous ai bien écouté et vous avez raison : il n’est pas question d’un sentiment, mais plus certainement d’un ras-le-bol. Au quotidien, je rencontre les habitants de la vallée de l’Ondaine, dans mon département ; j’étais hier dans le département voisin du Rhône, à la rencontre des habitants de la ville de Vénissieux et de ses élus. Dans toutes ces communes, dont certaines, pas toutes, sont dirigées par des majorités communistes, il y a des policiers municipaux.

Notre intervention sur cet article ne nous conduira donc pas à nous opposer, par principe, à un fait qui existe et qui est devenu une réalité, pour répondre en partie à ce ras-le-bol du quotidien. Ma collègue Éliane Assassi pourra en dire de même s’agissant du département de la Seine-Saint-Denis.

Outre ce ras-le-bol face à l’insécurité, se fait jour le sentiment, chez ces femmes et ces hommes qui habitent dans ces territoires, que certains ont qualifiés de perdus, mais que nous considérons comme oubliés, que cette mission régalienne de l’État, supposée venir à leurs côtés pour leur assurer une tranquillité au quotidien, n’est pas exercée, qu’elle est absente.

Monsieur le ministre, vous avez reçu de nombreux courriers d’élus locaux, de parlementaires, qui vous ont alerté sur la baisse des effectifs. Les deux dernières lois de finances ont introduit quelques corrections en ce sens, mais vous savez comme nous que les effectifs sont encore insuffisants dans nombre de nos commissariats pour répondre à cette problématique du quotidien et à ce ras-le-bol que vivent les habitants des quartiers populaires.

Cet article 1er propose, outre l’expérimentation, sur laquelle je ne reviens pas car nous aurons très certainement l’occasion d’en reparler, de déléguer un peu plus encore aux polices municipales la mission régalienne de l’officier de police judiciaire. Nous nous y opposons parce que, demain, à force de se décharger sur la police municipale, ce sont les commissariats qui vont être réduits et disparaître encore plus de nos quartiers.

Mme le président. Merci de conclure, ma chère collègue.

Mme Cécile Cukierman. Ce sentiment d’insécurité et l’insécurité au quotidien elle-même s’en trouveront donc renforcés.

Mme le président. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.

M. Patrick Kanner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’illusion que l’État central est capable de prendre en charge toutes les facettes de la sécurité s’est largement dissipée, y compris dans l’esprit de nos concitoyens.

Nous ne discutons pas ici de la création de la police municipale : elle existe ; de même, cela fait longtemps qu’ont émergé les acteurs de la sécurité privée : c’est un constat. Cela répond à une demande sociale de protection élargie, toujours plus insistante de la part de nos concitoyens qui vivent, non, en effet, monsieur Karoutchi, dans un climat d’insécurité, mais bien, dans certains secteurs, dans une insécurité croissante.

Nous assumons que l’État délègue à des acteurs locaux la gestion de tâches relevant de l’idée de proximité, mais je voudrais citer à mon tour le rapport de Corinne Féret et de Rémy Pointereau : « [L’]extension de la compétence de la police municipale peut être perçue par certains élus locaux comme une forme de désengagement de l’État, alors que la sécurité est une mission régalienne qui lui incombe prioritairement. » Je ne peux que saluer cette conclusion.

Nous souhaitons, mes chers collègues, que les polices municipales soient des partenaires fiables de nos forces de l’ordre. Élargir leur champ d’intervention n’apparaît pas d’emblée comme une mauvaise chose, je vous le concède, mais nous souhaitons plus de garanties sur l’encadrement de cette extension ; nous demandons que soit mis en place un contrôle, celui de la commission consultative des polices municipales, condition sine qua non pour maintenir un lien de confiance entre la population et sa police municipale.

Nous souhaitons également que le champ des actions déléguées relève bien de l’action de proximité. C’est pourquoi l’extension des pouvoirs de la police municipale doit être circonscrite aux actions qui relèvent traditionnellement de la police de la tranquillité, de la police de proximité.

Mes chers collègues, dans le cadre de la discussion de cet article 1er, nous serons également attentifs à ce que nos polices ne tombent pas dans une logique concurrentielle et s’inscrivent bien dans un partage des rôles.

De ce point de vue, permettez-moi de citer un avis récent de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, daté du 11 février : « La CNCDH déplore, […], l’attribution croissante de missions de police judiciaire à la police municipale. Cette tendance ne va pas dans le sens d’une pacification des rapports entre la police et la population, et ne peut qu’encourager un désengagement de l’État et de la police nationale au profit d’agents chargés de mettre en œuvre les priorités de certains élus locaux, particulièrement sensibles aux enjeux électoraux. »

Voilà les réserves que nous mettrons en avant en défendant nos amendements, afin de permettre un juste partage des rôles entre la police nationale et la police municipale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)