Mme Alexandra Borchio Fontimp. Les personnes qui souhaitent exercer des missions de sécurité privée ne peuvent décemment être connues des services pour des actes de rébellion ou d’outrage aux forces de l’ordre.

Cet amendement vise donc à corriger cette incohérence. Il est en effet impensable pour nos forces de l’ordre que des agents de sécurité privée puissent avoir été condamnés pour des actes répréhensibles à leur égard.

Plus qu’une interdiction de bon sens, cet amendement tend à imposer une juste limite à l’accès aux missions de sécurité, publique ou privée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission n’a pas été convaincue par la démarche consistant à inscrire dans la loi une liste d’infractions incompatibles avec l’exercice des métiers de la sécurité privée.

Elle a préféré conserver le système actuel, qui laisse au Cnaps le soin d’apprécier si l’infraction est compatible ou non avec l’exercice de ces métiers. Il serait, en effet, étrange d’inscrire dans la loi une interdiction attachée à cette infraction de rébellion ou outrage, sans viser explicitement des infractions encore plus graves, d’homicide ou de viol, par exemple.

Chers collègues, je vous invite en outre à être cohérents avec l’amendement que nous venons de rejeter.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. J’entends bien l’argumentaire de notre rapporteur, mais j’avoue avoir hésité à voter l’amendement du Gouvernement, car nous avons besoin de certitudes sur l’histoire personnelle des personnes concernées. J’ai finalement suivi le rapporteur.

En revanche, il faut montrer un signe avec cet amendement. Nous pourrons en reparler au moment de la commission mixte paritaire ; je présente donc mes regrets à notre rapporteur, mais je considère qu’il est important de renvoyer ce sujet à la CMP.

Je voterai donc cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, je me permets de vous indiquer que, en mettant aux voix l’amendement précédent, vous n’avez pas appelé ceux qui souhaitaient s’abstenir. C’était mon cas, et je n’ai pu voter. Pourriez-vous vous assurer de prendre en compte ces votes, s’il vous plaît ?

Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre demande.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Je souhaite répondre à notre collègue Philippe Mouiller.

Certains font des comparaisons entre le régime de la sécurité privée et le droit de la fonction publique, en particulier en ce qui concerne le mode de recrutement des policiers nationaux. Il ne faudrait pas, toutefois, que l’on en vienne à créer des mécanismes automatiques plus drastiques dans le domaine de la sécurité privée qu’en matière de recrutement des fonctionnaires de police.

Si nous avions adopté ici une logique d’automatisme, en considérant que toute infraction inscrite au bulletin n° 2 devait entraîner ipso facto l’interdiction d’exercer ce métier, nous aurions pu faire de même s’agissant de beaucoup d’autres domaines de la vie économique du pays, y compris dans la fonction publique.

Si telle est votre logique, elle nous conduirait beaucoup plus loin que le simple vote de l’amendement que nous avons déjà rejeté ; l’amendement en discussion est plus symbolique, puisqu’il vise une infraction spécifique, non un mécanisme général.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 109, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. La nouvelle rédaction de cet article, issue de la commission des lois, réduit la durée de détention d’un titre de séjour de cinq ans à trois ans pour les ressortissants étrangers souhaitant exercer une fonction de sécurité privée.

Elle supprime également la condition imposée aux ressortissants étrangers souhaitant exercer cette activité de surveillance de justifier d’une connaissance des valeurs de la République, et la remplace par un apprentissage des principes de la République, à destination de l’ensemble des agents de sécurité privée.

Si la commission des lois a tenté, par ces nouvelles dispositions, d’améliorer le texte, ces dernières ne sont, pour autant, pas acceptables pour nous.

Le présent amendement a pour objet de supprimer le conditionnement de la délivrance de la carte professionnelle d’agent de sécurité privée à un ressortissant étranger à un titre de séjour d’une antériorité de plus de trois ans, comme, pour l’ensemble des agents de sécurité privée, à une connaissance des principes de la République.

La première condition peut constituer une discrimination fondée sur la nationalité, contraire aux engagements internationaux pris par la France ; la seconde est superfétatoire à l’exercice de la profession d’agent de sécurité privée.

Mme la présidente. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Notre collègue Esther Benbassa vient d’avancer une argumentation qui nous est commune, et je souhaite aller vers ce sur quoi nous achoppons. Il est vrai que nous sommes passés de cinq à trois ans de possession de titre, mais comment justifie-t-on de choisir trois, quatre, cinq, deux ans, voire une seule année ?

Vous le savez bien, monsieur le ministre de l’intérieur, le code de la sécurité intérieure dispose actuellement que la simple possession d’un titre ouvre droit à l’exercice de la fonction.

J’ai suivi les échanges à l’Assemblée nationale : les raisons avancées étaient liées au problème du contrôle des antécédents judiciaires, qui ne serait pas aisé en dehors de l’Union européenne. Il faut entendre cet argument. Dès lors, toutefois, pour éviter cet écueil, créons les conditions pour renforcer les contrôles et donnons-nous les moyens de les opérer en dehors de l’Union européenne !

Ensuite, s’agissant des problèmes légaux auxquels nous nous exposerions, la Défenseure des droits souligne : « En posant une telle condition en matière d’emploi, exigible des seuls étrangers, ces modifications législatives sont susceptibles de constituer une discrimination fondée sur la nationalité contraire aux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques et sociaux, à la convention n° 111 de l’Organisation internationale du travail. »

Pour résumer notre état d’esprit, nous considérons qu’il faut rétablir le droit de travailler de toutes ces personnes, à partir du moment où elles ont fourni ce justificatif.

Nous ne voyons pas pourquoi ou comment l’on pourrait imposer des critères de durée – trois ans, quatre ans, deux ans, un an et demi… – et nous ne comprenons pas à quoi cela pourrait correspondre.

Enfin, s’il faut faire des contrôles en dehors de l’Union européenne, faisons-les !

Mme Laurence Cohen. Très bien !

Mme la présidente. L’amendement n° 368, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 14

Remplacer la référence :

L. 121-1

par la référence :

L. 233-1

La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Une nouvelle version du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le Ceseda, entre en vigueur le 1er mai prochain, ce qui implique de mettre à jour la référence figurant à l’article 10 de la présente proposition de loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 275 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 14

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

deux

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Dans la même veine que les dispositions précédentes, le présent amendement vise à modifier l’article 10 en réduisant la durée de détention d’un titre de séjour de trois à deux ans pour l’étranger souhaitant exercer une fonction de sécurité privée.

La commission des lois a ramené ce délai de cinq à trois ans, ce qui représente une avancée. Il n’en demeure pas moins que, à nos yeux, ce délai demeure excessif.

D’une part, ainsi que le souligne la Défenseure des droits, « en posant une telle condition en matière d’emploi, exigible des seuls étrangers, ces modifications législatives sont susceptibles de constituer une discrimination fondée sur la nationalité contraire aux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques et sociaux, à la convention n° 111 de l’Organisation internationale du travail ».

D’autre part, les fonctions de sécurité privée sont l’un des vecteurs d’intégration des étrangers sur le marché du travail français. Une durée de deux ans semble, dès lors, suffisante et, surtout, proportionnée à l’objectif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 109, présenté par Mme Benbassa, je me suis expliqué à plusieurs reprises devant la commission sur la durée de trois ans de présence régulière sur le territoire national. Cette durée est issue d’un amendement de compromis entre une absence de délai, ce qui nous paraît trop court, et cinq ans, délai qui nous paraît trop long, porté par M. Durain.

Cela permet de trouver un équilibre, alors que nous essayons de réglementer le secteur. Sans méconnaître les arguments avancés par Mme la Défenseure des droits, une telle durée nous paraît plus sécurisée et plus acceptable.

Par ailleurs, je suis en désaccord radical avec vous sur la notion d’apprentissage des principes de la République. Il nous est d’abord apparu préférable de faire référence aux « principes » de la République, plutôt qu’à ses « valeurs », qui nous a semblé être une notion plus difficile à définir ; nous l’avons inscrit dans la formation initiale prévue pour les agents de sécurité privée. Cela s’adresse donc à tous les agents, nationaux ou travailleurs étrangers.

Il nous a semblé préférable de procéder ainsi, en impliquant l’ensemble de la profession. Il est utile que ces jeunes agents, qui sont amenés à avoir des contacts avec le grand public et avec des autorités, soient en mesure de maîtriser les rudiments des principes de notre fonctionnement républicain.

S’agissant de l’amendement n° 76 rectifié, visant à supprimer l’exigence de trois années de présence régulière sur le territoire, je rappelle que cette durée est issue d’un amendement de compromis au sein de la commission auquel, personnellement, je tiens beaucoup.

Enfin, l’amendement n° 275 rectifié, visant à fixer cette durée à deux ans, est également contraire à la position de la commission.

L’avis de la commission est donc défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je commence par l’amendement de coordination juridique déposé par M. le rapporteur. Si je comprends son souhait, l’avis sera toutefois défavorable.

Le nouveau Ceseda entrera en vigueur le 1er mai 2021 ; j’ai d’ailleurs défendu ce matin en conseil des ministres l’une de ses grandes parties. Nous n’avons pas de désaccord sur le fond, mais il me semble un peu prématuré d’adopter cet amendement.

En revanche, je suis très défavorable sur le fond aux amendements qui visent à réduire ou à supprimer la condition des trois ans de présence régulière. Le Gouvernement considère déjà que passer de cinq à trois ans n’était pas souhaitable, mais il se résout à suivre la commission des lois du Sénat.

Il faut du temps pour s’assurer de l’honorabilité des personnes qui se trouvent sur notre sol et qui ne sont pas de nationalité française. La consultation des fichiers de police, l’échange de documents avec les pays étrangers prennent parfois de longs mois. Trois ans, c’est pour nous une durée encore sécurisante ; une durée moins longue nous semblerait trop limitée.

Permettez d’ajouter un mot sur les expressions que j’ai entendues dans la bouche de certains parlementaires. On a le sentiment qu’être français ou ne pas l’être, c’est pareil. Avec le Gouvernement, je considère, quant à moi, qu’être français confère effectivement des droits supplémentaires, différents de ceux dont jouissent ceux qui n’ont pas la nationalité française. C’est assez logique : à défaut, ce ne serait pas la peine de la demander !

Il existe, bien sûr, un principe de non-discrimination dans les traités internationaux, nous le comprenons très bien, mais il est heureux que le droit international reconnaisse aussi le principe de nationalité des citoyens d’une Nation. À défaut, il n’y aurait aucun intérêt, en effet, à distinguer dans le droit les nationaux de ceux qui ne le sont pas.

À ce titre, contrairement à ce que l’on a pu entendre, s’agissant notamment de la critique de Mme la Défenseure des droits, le Gouvernement a légitimement le droit de proposer des différences entre ses nationaux et les autres. Ces derniers ont évidemment accès au travail, lorsqu’ils sont présents régulièrement sur le territoire national, mais il n’y a pas de honte à indiquer que l’on peut jouir de droits particuliers si l’on est Français.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les quatre amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Je formulerai une remarque à l’attention de M. le ministre : je ne vois ni pourquoi les étrangers auraient moins de droits (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), ni quels seraient les droits supplémentaires des Français.

M. Gérald Darmanin, ministre. Parce qu’ils ne sont pas Français, tout simplement !

Mme Esther Benbassa. Certes, mais ils sont probablement de futurs Français. Vous utilisez une expression qui me semble un peu gênante… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Loïc Hervé, rapporteur. On ne va pas se lancer maintenant dans un cours de droit constitutionnel…

Mme Esther Benbassa. Monsieur le rapporteur, cela peut ne pas vous plaire, mais j’ai encore le droit de m’exprimer !

M. Loïc Hervé, rapporteur. Mais bien sûr !

Mme Esther Benbassa. J’aimerais d’ailleurs que vous m’expliquiez la différence que vous faites entre les « valeurs » et les « principes » de la République.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Elle est pourtant assez claire !

Mme Esther Benbassa. Je ne la vois pas. J’attends votre réponse, car, savez-vous, je suis encore capable de réfléchir.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Ma chère collègue, ce n’est pas le lieu d’entamer un débat sémantique. Le projet de loi confortant le respect des principes de la République, qui est présentement devant la commission, nous offrira le loisir de discuter de la différence entre valeurs et principes.

À mon sens, la notion de principes est juridiquement plus robuste que celle de valeurs, laquelle se rattache plutôt à un catéchisme. La notion de principes me semble, quant à elle, liée à un corpus de textes juridiques. (Mme Françoise Gatel approuve.)

La différence est de cet ordre : l’une est plus philosophique, plus évanescente, l’autre est plus juridique, faisant référence aux principes généraux du droit et aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Je ne vais pas m’engager ce soir dans une discussion de droit constitutionnel, mais, à mon sens, le mot « principes » correspond mieux à notre rôle de législateurs. La commission des lois est très attentive à utiliser des mots correspondant à des réalités tangibles. En l’espèce, le mot « principes » me paraît beaucoup plus adapté.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Il est toujours difficile d’être vigilant face aux parades des uns et des autres dans ces débats, mais en l’occurrence, monsieur le ministre, vous avez essayé de détourner l’objet des amendements. Vous nous avez fait dire ce que nous n’avions pas dit, et cela peut déboucher sur des incompréhensions ou des dérapages.

D’ailleurs, si vous le faites ici, dans l’hémicycle, vous le faites aussi dans des émissions télévisées à l’occasion de faux duels, cela arrive… On peut tous se tromper de mots.

La question que nous vous posions n’est pas de savoir si la nationalité française et la nationalité étrangère étaient à égalité sur tous les principes républicains ; je partage la moitié de ce que dit le rapporteur à ce sujet.

Nous vous demandions pourquoi le code de sécurité intérieure dispose aujourd’hui que la simple possession d’un titre ouvre droit à l’exercice de la fonction. Il ne s’agit pas de savoir si l’on met à égalité, dans une démarche fusionnelle, nationalité française et nationalité étrangère. Mais pourquoi ce qui est vrai aujourd’hui devrait être caduc demain ?

Écoutez nos arguments. J’en ai avancé un, au moins : je comprends qu’il y ait des difficultés pour mener les contrôles concernant les ressortissants de pays non européens. Je vous ai dit qu’il fallait trouver un mode d’organisation pour les multiplier. Débattons donc avec des arguments rigoureux, au lieu de dévier vers d’autres sujets, qui pourraient donner lieu à des glissements.

Mme Laurence Cohen. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, je me suis expliqué. Vous n’avez pas souhaité entendre mon argument, mais connaître l’honorabilité d’un étranger présent sur le sol national, savoir si cette personne n’a pas été condamnée dans son pays, cela ne se fait pas automatiquement.

On met de longues semaines, parfois de longs mois – il m’est même arrivé de constater que cela avait pris de longues années –, pour savoir si la personne qui concourt à telle ou telle fonction a, ou non, dans son pays, un casier judiciaire ou un passé criminel, ou a fait l’objet d’une radicalisation – nous en parlerons tout à l’heure si vous le souhaitez.

Tous les états civils ne sont pas tenus comme le nôtre, tous les systèmes judiciaires ne sont pas identiques au nôtre. Nous avons donc besoin de ce temps-là pour déterminer l’honorabilité de ces personnes, s’agissant des questions de sécurité privée. C’est un défaut de la loi de la République que de ne pas l’avoir prévu avant aujourd’hui.

J’ai donc répondu à votre argument, mais Mme Benbassa elle-même a repris la parole pour indiquer qu’elle ne voyait pas la différence entre les nationaux et les étrangers. Bien sûr qu’il y a des différences, à commencer par le droit de vote ou par la possibilité d’être fonctionnaire de la République !

Mesdames, messieurs les parlementaires, vous avez souhaité vous-mêmes, ou vos prédécesseurs ont souhaité, que la charge que vous exercez soit réservée aux nationaux.

Heureusement qu’il y a une différence entre les gens qui sont de nationalité française et ceux qui ne le sont pas ! La préférence nationale, que nous combattons, consisterait, par exemple, à interdire l’accès à ces emplois aux étrangers. Tel n’est pas notre intention ; nous permettons à tout le monde d’avoir accès à ces postes, mais nous devons nous assurer de l’honorabilité des postulants.

Pour les Français, cela peut se faire très vite, parce que notre système judiciaire le permet. Pour les étrangers, ce n’est pas le cas ; c’est la raison pour laquelle cette disposition a été introduite dans le texte. Cela n’a rien de discriminatoire.

Je vous fais remarquer, et ce n’est en rien un glissement, que nous n’avons manifestement pas la même conception de ce qu’est l’identité ou la nationalité. Comme ministre de la République, je ne puis laisser dire qu’être étranger ou français, c’est la même chose.

Il y a des Français, il y a des étrangers, ils sont égaux en droit, évidemment. Toutefois, le Gouvernement de la République est légitime à souligner que la nationalité française apporte des droits particuliers, ainsi, sans doute, que des devoirs. Si tel n’était pas le cas, pourquoi tant de gens aimeraient-ils avoir la nationalité française ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 109.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 368.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 275 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 199 rectifié bis, présenté par MM. Marie, J. Bigot, Bourgi, Cardon, Jacquin, P. Joly et Kerrouche, Mmes Lepage et Lubin et MM. Stanzione, Tissot et Todeschini, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après le mot :

sécurité

insérer les mots :

qui implique des contacts prolongés avec des publics

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Pardonnez-moi de prolonger quelque peu le débat sur ce sujet, mais je n’ai pas reçu de réponse à la question que je posais, et je souhaiterais que vous leviez une incertitude, monsieur le ministre.

Au sein de l’Union européenne, l’un des principes gravés dans le marbre est celui de la libre circulation des personnes. Or, dans le cadre de la directive relative aux travailleurs détachés, un certain nombre d’entreprises installées sur le sol français peuvent répondre à des appels d’offres lancés par des personnes de droit public – ce sera certainement le cas pour les grandes manifestations sportives que j’évoquais précédemment –, tout en faisant appel à des sociétés d’autres pays européens. La condition de la maîtrise de la langue française sera-t-elle imposée aux salariés de ces sociétés sous-traitantes, en contradiction avec les règles européennes en vigueur ?

Par ailleurs, la maîtrise de la langue française est-elle absolument indispensable dans tous les métiers de la sécurité privée, notamment quand une partie des missions consiste à rester derrière un écran et visionner des images ou à faire du gardiennage statique ?

J’ai déposé le présent amendement afin de restreindre la condition de maîtrise de la langue française pour les ressortissants étrangers, qu’ils soient issus d’un pays membre de l’Union européenne ou non, aux seules activités qui impliquent des contacts prolongés avec le public. En effet, pour les autres activités privées de sécurité, je considère qu’il n’est pas nécessaire de maîtriser notre langue.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Il nous paraît indispensable d’avoir une bonne maîtrise de la langue française pour exercer un métier de la sécurité, non seulement pour communiquer avec le public, mais aussi pour comprendre les consignes de l’encadrement ou donner l’alerte auprès de la police et de la gendarmerie en cas de problème.

Il serait donc très imprudent, comme le proposent les auteurs de cet amendement, de réserver l’exigence de maîtrise du français aux seuls agents qui sont en contact prolongé avec le public. J’estime au contraire que l’ensemble des agents de sécurité privée doivent maîtriser les rudiments, et même davantage que les rudiments, de notre belle langue. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, il est tout à fait essentiel, pour un agent de sécurité privée, de connaître et de maîtriser la langue française.

En effet, ces agents sont souvent les primo-intervenants : en cas de problème, ce sont eux qui alertent la police, les pompiers ou le chef d’entreprise. Je saluais hier, à la tribune, l’agent de sécurité qui était posté à l’entrée du Stade de France et a empêché le terroriste d’y entrer ; il aurait pu être conduit à prévenir d’autres intervenants, comme peuvent l’être les agents qui sont derrière un écran ou qui effectuent du gardiennage statique. Il me paraît donc normal que tout agent de sécurité privée maîtrise la langue française.

Je ne vois aucune incompatibilité entre une telle disposition et les traités communautaires. Par définition, la libre circulation n’empêche pas qu’un certain nombre de conditions nationales soient requises – et c’est heureux –, telles que la maîtrise de la langue ou le respect des règles internes. C’est ce qu’on appelle la subsidiarité.

J’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 199 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10, modifié.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés
Article 11 bis

Article 11

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 227 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 336 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À la fin du 2° des articles L. 612-7 et L. 622-7 du code de la sécurité intérieure, les mots : « , pour des motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions » sont supprimés.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 227.

Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous souhaitons rétablir l’article 11 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. En effet, il nous paraît plutôt sain de conditionner l’obtention d’un agrément de dirigeant à l’absence de condamnation pour motif incompatible avec l’exercice de ces fonctions. Un tel agrément nous semble même nécessaire, dans le sens où il permet d’encadrer un secteur pourvu de prérogatives grandissantes en matière de sécurité publique.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 336.