M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à la fin de la semaine dernière, la présidente de l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, a avoué organiser des réunions réservées aux personnes de couleur.

L’UNEF a donc désormais comme critère la couleur de peau dans ces réunions dites « racisées », mais pas « racistes » !

Hélas, ce syndicat n’en est pas à un coup d’essai. En 2019, il a tenté d’empêcher une représentation de la pièce d’Eschyle et a considéré l’émotion ressentie par les Français lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris comme « un délire de petit blanc ».

M. Bruno Sido. C’est honteux !

M. Jérôme Bascher. On pourrait parler aussi de la récente affaire de l’Institut d’études politiques de Grenoble.

Aujourd’hui, l’arsenal juridique français permet de sanctionner toutes les formes de discriminations, particulièrement lorsqu’elles se fondent sur l’origine et la couleur de la peau. Le délit de provocation à la discrimination existe. Pourquoi n’y faites-vous pas référence ? Qu’attendez-vous pour simplement appeler à l’application de la loi pénale ?

Au-delà de l’action judiciaire, chaque année, l’UNEF perçoit une subvention de 600 000 euros de l’État. Aussi, l’État doit-il continuer à financer l’organisation de réunions « racisées » ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Monsieur le sénateur Bascher, les réunions que vous avez mentionnées sont inacceptables, et je les condamne.

Pourquoi sont-elles inacceptables ? Parce qu’elles trahissent les valeurs fondamentales de notre République, des valeurs que nous défendons tous ici. L’une des valeurs longtemps défendues par l’UNEF elle-même est l’universalisme ; je regrette qu’une partie de cette organisation semble manifestement s’en éloigner, au travers de ces réunions.

M. Bruno Retailleau. Alors, agissez !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Pourquoi sont-elles regrettables ? Parce qu’elles sont contraires à l’objectif même qu’elles prétendent viser : la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

La lutte contre le racisme et l’antisémitisme – je suis sûr que nous sommes tous d’accord sur ce point – est l’affaire de tous. Par conséquent, oui, je condamne ces réunions et, oui, je regrette qu’au moins une partie des membres de l’UNEF cède à ces dérives.

Vous savez sans doute que ces réunions se tenaient apparemment à l’extérieur des universités, dans la sphère privée. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous le savez comme moi, il est facile d’en appeler à la loi, mais le terrain sur lequel nous devons nous placer, avant toute chose, c’est vraiment celui des valeurs.

Nous devons donc demander à l’UNEF de clarifier ses positions et ses valeurs. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Il faut une loi pénale !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Ce sont les étudiants qui jugent de cela, et ils le feront, notamment dans les urnes. Nous avons besoin de corps intermédiaires. L’UNEF est aujourd’hui la deuxième organisation représentative des étudiants en France. Nous devons donc nous préoccuper des valeurs que l’UNEF porte.

Nous avons besoin de l’engagement de tous les étudiants pour proposer des solutions.

Nous avons besoin de corps intermédiaires pour définir avec eux quelles réponses sont les meilleures, mais nous devons aussi leur rappeler que l’universalisme n’est pas réservé aux livres d’histoire. C’est une valeur moderne, utile, exigeante : une valeur qui fait la grandeur de notre nation.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.

M. Jérôme Bascher. J’avais déjà interrogé le Gouvernement il y a trois ans sur la candidate vice-présidente voilée de l’UNEF. Le Gouvernement, à l’époque, avait répondu qu’il ferait tout pour défendre les valeurs de la République.

Soit vous n’avez rien fait, soit votre discours performatif est tout aussi efficace que pour lutter contre le covid ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Comme dirait le ministre de l’intérieur, votre réponse est un peu molle ! Quid des 600 000 euros d’aide de l’État et d’une possible action judiciaire ? Vous n’avez pas répondu sur ces points.

L’UNEF est aujourd’hui à l’opposé des valeurs françaises. Ne laissons pas le pire du monde anglo-saxon nous envahir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

tensions diplomatiques avec la chine

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

« Petite frappe », « hyène furieuse », voilà le langage fleuri utilisé par l’ambassade de Chine pour qualifier le chercheur Antoine Bondaz, à la suite de son rapport Taïwan, une puissance diplomatique à part entière.

Parallèlement, cette ambassade a adressé une lettre à notre groupe sénatorial d’échanges et d’études avec Taïwan. L’ambassadeur de Chine Lu Shaye s’est fermement opposé au déplacement de sénateurs français à Taïwan et a menacé ceux qui s’y rendraient.

Comme l’an dernier, à la suite d’outrances similaires, le ministre a de nouveau convoqué ce triste diplomate, dont les saillies donnent une bien piteuse image de la Chine, le grand pays avec lequel nous aimerions avoir d’autres relations. Il a eu raison d’agir avec fermeté.

La France et le Sénat ne reçoivent pas de consignes du parti communiste chinois. Pour mener le combat idéologique majeur qui nous oppose à la Chine, l’Europe ne peut qu’être unie, nous disiez-vous en octobre dernier.

Grâce aux médias, le monde découvre peu à peu avec effroi l’emprise de la dictature du régime de Pékin sur tout le peuple chinois, avec l’aide des nouvelles technologies.

Lundi dernier, pour la première fois depuis la répression de Tiananmen, l’Union européenne a imposé des sanctions aux Chinois ayant commis de graves atteintes aux droits de l’homme au Xinjiang contre la minorité musulmane ouïgoure.

En réponse, la Chine a sanctionné dix parlementaires européens et des entités de l’Union européenne.

Lors de la réunion qui s’est tenue hier entre le ministre et ses homologues européens à Bruxelles, M. Le Drian a-t-il envisagé de prendre de nouvelles dispositions vis-à-vis de Pékin ? Pense-t-il que les conditions sont réunies pour ratifier l’accord commercial de l’Union européenne avec la Chine ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de lattractivité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Olivier Cadic, Jean-Yves Le Drian est retenu par des réunions au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN.

En ce qui concerne l’ambassadeur de Chine, j’ai été, comme vous, monsieur le sénateur, et comme tous nos concitoyens, profondément choqué par ses récents propos et par sa conduite.

Je rappelle devant vous l’évidence : les parlementaires français décident librement de leurs projets de déplacement et de leurs contacts.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Franck Riester, ministre délégué. Ses propos inacceptables ont valu à M. Lu Shaye d’être convoqué hier matin au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, comme vous l’avez rappelé.

M. Christian Cambon. Il n’est pas venu !

M. Franck Riester, ministre délégué. Il a été sommé de prendre la mesure de la gravité de la situation.

Les polémiques publiques, les tentatives d’intimidation, l’insulte et l’invective contre les élus de la République, les institutions académiques, les chercheurs, les médias et, plus largement, la société civile : tout cela n’est pas tolérable dans notre République et n’a absolument pas sa place dans les relations entre la France et la Chine.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Franck Riester, ministre délégué. Pour ce qui concerne les mesures annoncées par la Chine en réponse aux sanctions européennes auxquelles vous avez fait référence, notamment à l’encontre de membres du Parlement européen ou des parlements nationaux, comme le député européen Raphaël Glucksmann, de chercheurs et de diplomates, nous les avons fermement et fortement condamnées.

J’en profite pour souligner, comme vous l’avez fait, que c’est la première fois depuis trente ans que l’Union européenne adopte des sanctions à l’encontre de la Chine.

Cette décision historique est légitime et nécessaire. Il a été solennellement demandé à l’ambassadeur de Chine de rapporter à Pékin que ce n’est pas en attaquant ceux qui ont dénoncé les violations commises ou en s’en prenant à la liberté académique, à la liberté d’expression et aux libertés démocratiques fondamentales que la Chine répondra aux préoccupations légitimes exprimées sur la situation des droits de l’homme au Xinjiang.

S’agissant de nos relations commerciales, la Chine est un partenaire économique incontournable à l’échelle mondiale, mais nos relations ne doivent ni se faire au détriment de nos principes, de nos valeurs et du modèle de société que nous défendons, ni être exemptes de réciprocité.

En ce qui concerne spécifiquement l’accord d’investissement entre l’Union européenne et la Chine, les derniers développements, qui sont graves – je pense notamment aux sanctions contre les parlementaires européens –, nous confortent dans notre volonté d’être très fermes sur nos exigences, notamment s’agissant du travail forcé, lors des discussions à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.

M. Olivier Cadic. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Dans son communiqué, le ministère chinois des affaires étrangères a annoncé que les dix ressortissants de l’Union européenne sanctionnés et leurs familles sont dorénavant interdits d’entrée dans la partie continentale de la Chine et dans les régions administratives spéciales de Hong Kong et Macao.

En omettant de citer Taïwan, tout le monde peut constater que Pékin reconnaît implicitement la souveraineté de Taïwan sur son territoire. Rien ne devrait donc plus s’opposer à ce que Taïwan siège au sein de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, et d’Interpol ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. André Gattolin. Bravo !

situation des travailleurs des plateformes numériques

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail, mes chers collègues, le 4 juin dernier, le Sénat a rejeté la proposition de loi que j’ai déposée avec mon collègue Fabien Gay et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste et qui portait sur le statut des travailleurs des plateformes numériques de travail.

Cette proposition de loi visait à appliquer le droit social à la relation de travail unissant ces plateformes, telles qu’Uber ou Deliveroo, et leurs travailleurs qui sont dits « indépendants », alors qu’ils sont soumis à leur management algorithmique.

L’intégration dans le livre VII du code du travail que nous proposions leur permettait d’accéder à la protection du salariat, tout en renforçant la demande d’une autonomie collective – je parle bien d’autonomie, et non d’indépendance – des travailleurs.

En dépit de notre main tendue à votre gouvernement et à tous les groupes de cette assemblée, la droite a voté contre et le groupe socialiste s’est abstenu.

Pourtant, les décisions de justice qui se multiplient en Europe nous donnent raison, que ce soit aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, et même en France ! Toutes confirment notre position : la requalification en salariat fait foi.

Je vous le demande donc, monsieur le secrétaire d’État : allez-vous enfin confirmer le statut de salariés de ces travailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre du travail, de lemploi et de linsertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Savoldelli, les plateformes de mise en relation offrent, il est vrai, des possibilités d’emploi et des services qui sont de plus en plus utilisés et demandés par nos concitoyens depuis quelques années.

En cette période de crise sanitaire, nous savons qu’elles permettent aux restaurateurs de développer massivement leur offre de livraison à domicile, ce qui peut compenser pour partie les difficultés auxquelles ils font face.

Il est cependant nécessaire que ces nouvelles formes d’emploi ne se développent pas au détriment des conditions de travail et de rémunération des travailleurs indépendants qui y ont recours.

Le Gouvernement est convaincu, comme vous,…

M. Pascal Savoldelli. Moins que nous !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. … et sans doute comme l’immense majorité des sénateurs, que seul un dialogue structuré entre les plateformes et les représentants légitimes des travailleurs indépendants permettra de rééquilibrer la relation commerciale en faveur de meilleures conditions de travail. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

La loi d’orientation des mobilités habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur les modalités de représentation des travailleurs indépendants des plateformes et les conditions d’exercice de cette représentation.

Le Premier ministre a chargé l’ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Yves Frouin, d’une mission visant à préciser ces modalités de représentation. Son rapport a été remis en décembre de l’année dernière. Élisabeth Borne a, par la suite, confié à trois personnalités qualifiées la responsabilité de mener les travaux de rédaction du projet d’ordonnance, en concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des plateformes et des travailleurs indépendants de ces plateformes.

Ces travaux ont été menés en tout début d’année, et les préconisations présentées au groupe des partenaires sociaux le 12 mars dernier. Nous avançons ! Le projet d’ordonnance sera prochainement soumis à l’examen du Conseil d’État, en vue d’une adoption par le conseil des ministres au mois d’avril. Son ambition est de rendre effective la représentation, donc de permettre le dialogue social dans la durée avec ces travailleurs de plateforme.

Je crois, monsieur le sénateur, que nous pourrions au moins nous retrouver sur cet objectif de représentativité et de discussion équilibrée au sein de ce nouveau type d’entreprise.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas répondu ! Vous avez évoqué le rééquilibrage des relations commerciales et une ordonnance sur le dialogue social. Moi, je vous parle, pour les livreurs des plateformes, du code du travail ! (Lorateur brandit un exemplaire dudit code.) Je ne parle que de cela, et pas d’autre chose !

Les voyez-vous, ces livreurs qui apportent des burgers et qui, ensuite, cherchent comment ils pourraient s’alimenter… Voulez-vous d’une telle « uberisation » de la société ?

Vous méprisez les décisions de justice qui sont rendues dans toute l’Europe, vous n’écoutez pas nos propositions et vous nous vendez votre autosatisfaction teintée de moralité en proposant une usine à gaz avec tous ces textes…

Heureusement que, en politique, certains font preuve de courage et de volonté. Je voudrais saluer la ministre espagnole, Mme Yolanda Díaz, qui est communiste. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Tout s’explique !

M. Philippe Dallier. Il en reste donc !

M. Pascal Savoldelli. Eh oui ! Son pays a décidé de donner un statut de salarié aux travailleurs des plateformes, avec lesquels cette proposition a été travaillée.

M. le président. Il faut conclure.

M. Pascal Savoldelli. Appliquons le droit du travail aux travailleurs des plateformes ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

situation des petits commerces et éligibilité au fonds de solidarité

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Ma question s’adressait à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

Fermeture, ouverture, refermeture : les commerçants voient les décisions gouvernementales se succéder comme autant de coups de massue. Ils n’en peuvent plus : ils n’ont plus de réserves et de fonds propres, ils ont des stocks sur les bras et leurs fournisseurs et leurs banques sur le dos. Leur colère monte.

Que sont finalement les produits de première nécessité ? Le choix devient absurde. Comment expliquer à un petit commerçant respectant les gestes barrières et accueillant ses clients les uns après les autres qu’il est plus contaminant qu’un magasin de bricolage ?

Comment expliquer à une esthéticienne qu’elle doit fermer son salon de beauté quand un coiffeur a le droit d’ouvrir ?

Les commerçants, comme les Français, sont prêts à faire des efforts. Mais le Gouvernement doit leur parler clairement, sinon quel sens donner à leur sacrifice ? Vos décisions doivent être logiques et, surtout, équitables.

Nous vous attendons aussi sur la question des oubliés du fonds de solidarité.

Pourquoi les entrepreneurs qui ont repris un fonds de commerce existant sous statut de holding n’ont-ils aucune aide ? Pourquoi les bars-épiceries n’ont-ils pas une indemnisation suffisante ? Vous avez été saisi de plusieurs questions relatives au fonds d’indemnisation il y a quelques mois, et l’on attend encore les réponses.

Il est urgent d’apporter ces réponses, sinon ce sera le dépôt de bilan ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Christian Cambon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la présidente Gruny, je veux tout d’abord souligner que les restrictions d’ouverture ou, pour être plus explicite, les obligations de fermeture qui s’imposent aux commerçants sont applicables dans la plupart des pays européens. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

La distinction entre les commerces que l’on qualifie « d’essentiels » ou « de première nécessité » et les autres – au fond, peu importe le vocabulaire – répond uniquement à des préoccupations sanitaires. Cette décision ne cache nulle volonté de stigmatiser une catégorie de commerçants plutôt qu’une autre, nulle volonté de favoriser une catégorie de commerçants plutôt qu’une autre : nous voulons freiner l’épidémie.

Puisque le Premier ministre l’évoque régulièrement, j’en viens donc directement à la question de l’indemnisation. Le fonds de solidarité, que nous avons mis en place au mois de mars 2020, a d’ores et déjà accompagné 2 millions d’entreprises ; jusqu’à présent, nous avons décaissé 20 milliards d’euros de soutien auprès des entreprises.

Nous sommes le pays européen qui indemnise le plus fortement les indépendants, les commerçants et les entreprises fermées : c’est un motif de fierté que nous devons revendiquer, car nous avons le devoir de les accompagner.

Nous avons modifié le fonds de solidarité à dix-sept reprises, pour répondre au plus grand nombre de situations possibles. Nous avons notamment apporté des changements pour tenir compte, après un examen au cas par cas, des commerces qui font de la multiactivité.

Nous avons veillé à ce que les codes NAF, pour nomenclature d’activité française, et APE, pour activité principale exercée, ne soient pas des critères discriminants pour l’accès au fonds de solidarité, à tel point que 15 % des entreprises aidées n’ont pas de code APE justifiant de leur éligibilité – nous tenons compte de la réalité de leur activité.

Nous avons fait en sorte de prendre en charge les entreprises qui ont des coûts fixes particulièrement élevés. Après des discussions importantes avec la Commission européenne, le décret a permis de mettre en place une prise en charge à partir du 31 mars prochain.

Nous devons encore travailler sur deux questions : celle des stocks, que vous avez évoquée, et celle des commerces qui ont été repris et pour lesquels nous n’avons pas de référentiel en matière d’activité passée, puisqu’ils n’existaient pas ou existaient sous une autre forme. Nous avançons sur ces sujets.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je puis vous assurer, madame la présidente Gruny, que les modifications que nous avons apportées, associées à la réactivité des services de la direction générale des finances publiques, permettent d’accompagner les commerçants et de faire face à la situation.

Nous travaillons aussi avec la Banque de France pour faciliter les conditions de remboursement du prêt garanti par l’État…

M. le président. Il faut conclure.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. … et faire en sorte que cela ne soit pas un obstacle à la reprise et à la réouverture de l’activité des commerces. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre, il faut commencer par assumer ses décisions : on est en confinement ou on ne l’est pas. Les commerçants, comme les Français en général, ont besoin de voir les choses clairement, d’avoir un cap, des objectifs et de la visibilité.

Là, nous n’en avons pas ! Nous avons même l’impression qu’il n’y a ni pilote dans l’avion ni capitaine dans le bateau – ou alors c’est le Titanic ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Ou alors il y a plusieurs pilotes !

Mme Pascale Gruny. Même le ministre Alain Griset ne savait pas répondre sur le tri qui avait été opéré entre les commerces : franchement, c’est grave !

Je vous le dis sincèrement, aujourd’hui les commerçants, comme beaucoup de Français, n’en peuvent plus. Ils ont le moral à zéro.

Moi, ce qui m’inquiète, c’est de savoir où vous allez acheter votre veste pour les prochaines élections. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

décision de la turquie de quitter la convention d’istanbul contre les violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Claudine Lepage. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

La décision de la Turquie de quitter la convention d’Istanbul, premier traité international à fixer des normes juridiquement contraignantes pour prévenir les violences sexistes et obliger les gouvernements à se doter d’une législation réprimant la violence domestique, ainsi que le viol conjugal et la mutilation génitale féminine, a été un véritable choc.

Cette décision, prise en catimini par simple décret du président Erdogan, est d’autant plus choquante qu’elle intervient quelques jours seulement après le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.

Nos pensées et notre solidarité vont aux milliers de personnes qui ont eu le courage de manifester dans plusieurs villes turques contre cette décision brutale, ainsi qu’aux femmes turques, de plus en plus victimes de violences.

On estime en effet que, en 2020, quelque 300 femmes turques ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, un chiffre en constante augmentation ces dernières années.

Après avoir muselé l’opposition et s’être attaqué aux Kurdes, qui sont pourtant en première ligne face à Daech, le président Erdogan commet cette énième provocation à quelques jours seulement du Conseil européen, ce qui appelle une réaction forte.

L’Europe ne peut en effet rester silencieuse ou se contenter de simples communiqués face à une décision qui, de fait, encourage les féminicides.

Aussi, quelles mesures fortes compte prendre notre pays pour mettre fin à la dérive autoritaire de la Turquie ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de lattractivité. Madame la sénatrice Claudine Lepage, comme l’ont indiqué Jean-Yves Le Drian, Elisabeth Moreno et Clément Beaune samedi dernier, avec beaucoup de force, ainsi que les ministres des affaires étrangères de l’Union européennne lors du Conseil des affaires étrangères de lundi dernier, nous déplorons la décision des autorités turques de se retirer de la convention du Conseil de l’Europe dite « d’Istanbul », relative à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Vous l’avez dit avec beaucoup de justesse, madame la sénatrice, ce retrait affectera particulièrement et en tout premier lieu les femmes turques, auxquelles la France a exprimé toute sa solidarité, alors même que, comme vous l’avez rappelé, ce pays connaît un grand nombre de féminicides, d’ailleurs en forte augmentation.

Cette décision est d’autant plus regrettable que la convention d’Istanbul représente l’instrument international le plus abouti en matière de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et, plus largement, contre les violences faites aux femmes.

La France rappelle à ce titre qu’elle continuera de promouvoir et d’encourager l’universalisation de la convention d’Istanbul. La lutte contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles demeure au cœur de nos priorités de politique étrangère.

En outre, cette décision marque de nouveau une régression en matière de respect des droits de l’homme en Turquie, qui est d’autant plus symbolique que ce pays avait été le premier pays à ratifier la convention en 2011.

D’une façon générale, nous restons très vigilants sur la situation des droits de l’homme et du système judiciaire en Turquie. Les autorités turques ne peuvent pas dire vouloir se rapprocher de l’Union européenne et, en même temps, s’en éloigner sur le plan de l’État de droit et du respect des libertés fondamentales.

À n’en pas douter, ce sujet sera évoqué demain ou après-demain par le Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

sécurité