Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat. J’essaierai de répondre aussi complètement que possible sans être trop long, contrairement à mes mauvaises habitudes. Si nécessaire, madame la présidente, vous me rappellerez à l’ordre… J’aborderai les différents sujets dans l’ordre dans lequel ils ont été évoqués, en croisant les thèmes qui se sont « entrechoqués » dans les différentes interventions.

La question du Brexit a été soulevée à plusieurs reprises, notamment par M. le vice-président Allizard. Oui, nous sommes prêts à envisager des mesures de rétorsion, ce qu’on appelle pudiquement des mesures de compensation ! Elles sont prévues par l’accord. Le vice-président de la Commission chargé du dossier de manière transversale, qui a succédé à Michel Barnier dans le suivi de cette négociation après la mise en place de l’accord, Maros Sefcovic, échange en ce moment même avec le ministre britannique David Frost ; il lui fera part, conformément au sens des messages que nous avons fait passer, de cette option.

Il est fort utile, j’y insiste, que cet accord de commerce et de coopération ait été ratifié par le Parlement européen voilà quelques semaines. Auparavant, étant seulement provisoirement applicable, il ne nous était pas permis juridiquement de réagir en adoptant des mesures de rétorsion, possibilité qui nous est désormais offerte, non pas directement, mais selon des procédures définies. Dès lors qu’un contentieux est engagé, comme c’est le cas, nous pouvons dans l’intervalle mettre en place ce type de mesure. Si nous devions constater une mauvaise volonté du côté britannique dans certains domaines – on l’a vu avec la question de la pêche, on tend à le constater sur le protocole nord-irlandais –, nous pourrions activer cette option, prévue, avec d’autres, par l’accord pour nous protéger. Certes, nous n’agirons pas à la légère, mais nous ne l’excluons certainement pas.

M. le rapporteur général, avec d’autres, a évoqué le plan de relance, la révision des règles budgétaires et d’autres questions qui sont intrinsèquement liées.

Il a fallu dix mois – cela a été rappelé – pour mettre complètement en œuvre le plan de relance. Je le redis, le moment du décaissement arrive, puisque l’émission de dettes, étape très importante, commence ce mois-ci, les premiers versements, pour la France comme pour les autres pays, intervenant à compter du mois de juillet. Auditionné en commission, j’avais dit espérer une ratification complète pour la fin du mois de mai. Nous y sommes.

Je dirai quelques mots des prochaines étapes.

Le plan national de relance et de résilience français, comme ceux de la plupart des États membres, a déjà été soumis à nos partenaires et à la Commission européenne pour échanges. C’est probablement entre le 15 et le 20 juin que celle-ci donnera un avis – favorable, je l’escompte bien – sur ce plan pour que, une fois les opérations d’émission de dettes réalisées, nous puissions commencer à percevoir ces fonds.

L’urgence est de réaliser le plus rapidement possible ces opérations de décaissement. Ce plan est d’ampleur : 750 milliards d’euros, 400 milliards d’euros de subventions, dont plus de 40 milliards d’euros pour la France.

Pour être très clair – le ministre de l’économie a eu l’occasion de le dire également –, ce n’est pas le plan de relance lui-même qu’il faut rediscuter : le cas échéant, nous rouvririons de longues et complexes négociations, cependant que nous avons encore plusieurs centaines de milliards d’euros à dépenser et à investir. En revanche, comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice Lavarde, c’est sur ce point précis que l’Europe pourrait décrocher par rapport aux États-Unis, et non pas au regard des mesures de soutien d’urgence que nous avons mises en place depuis 2020 – et que le Parlement a approuvées –, telles que le chômage partiel, le fonds de solidarité, etc., non plus qu’au regard de la phase de relance immédiate de cette année et des deux prochaines années – le plan de relance européen s’étale sur trois ans. De fait, sans un effort supplémentaire de l’Europe, nos investissements dans les nouvelles technologies d’avenir, les semi-conducteurs, les microprocesseurs, le spatial et, probablement, la recherche médicale pourraient être inférieurs à ceux des États-Unis.

Ce débat, qui sera sans doute ouvert à la fin de l’année, sera en partie traité au cours de la présidence française de l’Union européenne. Un accord devra être conclu entre la France et les autorités allemandes issues des élections du mois de septembre. C’est aussi cela qu’a évoqué le commissaire Paolo Gentiloni.

Ce débat ne doit pas être déconnecté du débat relatif aux règles budgétaires, dont l’intérêt en soi, si je puis dire, n’est pas de savoir ce que doit être « la boîte à outils ». La question est de savoir comment on encadre nos finances publiques dans une zone monétaire commune, comment on dégage des capacités d’investissement dans les technologies d’avenir sans mettre en danger la soutenabilité de nos dettes, comment on révise le pacte de stabilité à cette aune. Par conséquent, le débat sur une capacité commune d’investissement et le débat sur les règles budgétaires sont un seul et même débat. L’aborder seulement sous l’un ou l’autre de ces deux angles serait sans doute une erreur politique et économique : nous devons traiter ensemble à la fois la question de notre capacité d’investissement, au-delà du plan de relance, probablement sur une décennie, et la question des règles budgétaires communes.

S’agissant des ressources propres, sujet abordé à plusieurs reprises en lien avec celui de la relance, des propositions législatives seront formulées dès cet été par la Commission européenne, conformément à la feuille de route définie à la fin de l’année dernière : d’une part, sur ce qu’on appelle parfois la taxe carbone aux frontières ou le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières – ce n’est pas à proprement parler une taxe – ; d’autre part, sur la fameuse taxe numérique.

En lien avec les questions évoquées ce week-end lors du G7, je veux dire un mot de la taxe numérique.

Le débat sur la taxation des seuls GAFA – les grandes entreprises du numérique – devra sans doute être d’une nature nouvelle puisque, pour le dire d’un mot, il s’est élargi autour des deux fameux piliers négociés au sein de l’OCDE. Si c’est finalement la négociation sur l’imposition minimale qui a progressé le plus rapidement, monsieur le sénateur Laurent, ce n’est pas parce que les Américains ont été leaders, mais parce qu’ils s’y sont ralliés. L’accord du G7 n’est qu’un point de départ ; il devra aboutir cet été à l’OCDE, sans doute au mois de juillet. Par la suite, il faudra transposer ces principes internationaux fixés dans ce cadre dans des textes législatifs européens et nationaux. L’Europe devra alors sans doute élargir ses propositions législatives pour traduire ces principes d’imposition minimale, sans se limiter aux entreprises du numérique, même si les GAFA en font partie.

Pour le dire clairement, si accord international il y a – ce que nous souhaitons –, la proposition européenne devra en traduire les principes dans les faits, sans être contradictoire avec celui-ci ou passer à côté. C’est ce à quoi nous veillerons, et nous sommes en discussion à ce sujet avec la Commission européenne.

Ce qui prendra sans doute la forme d’une proposition fiscale de ressources budgétaires supplémentaires propres affectées au remboursement du plan de relance dépassera – je le souhaite – le seul secteur du numérique. C’est ce à quoi doit travailler l’Europe pour être en ligne avec ces négociations internationales.

Je veux dire quelques mots sur la conditionnalité imposée par le plan de relance pour le versement des fonds européens au respect de l’État de droit – et c’est tant mieux –, règle que, avec d’autres, vous avez rappelée, monsieur le président Rapin. Il faut en effet que la Commission accélère dans la finalisation de ses lignes directrices, mais, sans attendre la décision de la Cour de justice de l’Union européenne sur la conformité de ce règlement aux traités européens, celle-ci a commencé à instruire la façon dont seront dépensés les premiers euros du budget européen 2021-2027 et, bientôt, ceux du plan de relance. Il n’y a pas eu de temps perdu dans la procédure.

De même, pour éviter tout risque de confusion, j’indique que, depuis le 1er janvier 2021, l’emploi des fonds issus du nouveau budget européen est soumis à ce mécanisme de vérification du respect de l’État de droit, qui peut donc s’appliquer de manière rétroactive. Par conséquent, l’impunité ne sera pas la règle pendant ces six mois d’instruction administrative et judiciaire.

La question de la covid et les brevets ont été évoqués à plusieurs reprises. Là aussi, soyons concrets et dépassons les polémiques : l’objectif de faire du vaccin un bien public mondial est, me semble-t-il, très largement partagé. En la matière, nous devons faire preuve de fierté en tant qu’Européens et en tant que Français – même si je dissocie le débat partisan français du débat plus large que nous devons avoir sur cette question. En effet, c’est bien l’Europe, notamment grâce à la France, mais pas seulement, qui, par différentes initiatives, a œuvré pour concrétiser depuis un an cette notion de bien public mondial. Cela nous oblige à court terme – et ce n’est pas de la charité ; c’est de la solidarité – à donner aux pays qui en ont besoin des doses de vaccin.

Il faudra certainement en venir à lever les brevets et développer les capacités de production, j’y reviendrai dans un instant, mais, aujourd’hui – je maintiens ce que j’ai dit à plusieurs reprises –, la solution n’est pas là : si nous voulons cibler notamment les publics prioritaires, par exemple les soignants, tout particulièrement en Afrique, nous n’y parviendrons pas en procédant à des dons de vaccin, même s’il n’y a là rien de honteux, mais en levant les interdictions à l’export. Voilà la première mesure à mettre en place ! Nous espérons bien que les Américains le feront, ainsi que nous le leur demandons.

On a reproché à l’Europe une forme de naïveté lorsqu’elle a décidé, dans le cadre de l’initiative solidarité Covax, d’exporter – majoritairement sous forme de dons – des doses de vaccin. Or elle a ainsi amorcé la pompe de la solidarité internationale.

Première étape, donc : donnons des doses de vaccin et levons les interdictions d’export.

Deuxième étape : recourons à des solutions pragmatiques. Ce point fait l’objet, en ce moment, de discussions entre l’OMC et l’OMS en particulier. Le Président de la République a été très clair à ce sujet lors de son déplacement en Afrique du Sud : nous sommes ouverts à toutes les options – transfert de technologies, augmentation des capacités de production. D’ailleurs, la France et l’Europe soutiennent financièrement des initiatives en Afrique du Sud, au Sénégal, en faveur de cette montée en puissance de la production de vaccins.

Ces solutions très concrètes doivent s’inspirer de celles qui ont été mises en place dans la lutte contre le VIH. Par exemple, le mécanisme des licences obligatoires – qui ne s’apparente pas exactement à une levée des brevets – oblige les laboratoires à donner ou à vendre une licence d’exploitation à tout pays qui en ferait la demande, sans qu’ils puissent y faire obstacle.

Troisième étape, qui prendra plus de temps, il faut le dire : la possible levée des brevets. En l’espèce, je n’emploierai qu’une formule, celle qu’a utilisée le Président de la République : aucun élément ni aucune règle de propriété intellectuelle ne sera un obstacle au développement des vaccins. Comme l’a elle-même déclaré la secrétaire au commerce américaine, la discussion que le Président Biden a voulu engager sur cette levée des brevets prendra au moins six mois. Dans cette attente, on ne peut exclure les autres mesures de solidarité : levée des interdictions d’export, licences obligatoires, le cas échéant, puis, possiblement, si cela est utile, levée des brevets.

Certains pays européens y sont encore hostiles – tel n’est pas le cas de la France. Nous pousserons dans cette direction, tout en lançant d’autres initiatives entre-temps.

Je m’aperçois que je suis déjà trop long. Je vais donc dire brièvement un mot sur la politique agricole commune, évoquée par MM. les sénateurs Menonville et Duplomb, sujet sur lequel le ministre de l’agriculture aura l’occasion de revenir.

D’abord, je ne peux pas laisser dire qu’on a laissé sacrifier le budget de la PAC. Certes, on peut débattre de son montant en euros courants et en euros constants, mais ce que perçoit chaque agriculteur doit être apprécié en euros courants – c’est ce qui se retrouve sur son compte en banque ou dans sa poche. Évidemment, il faut prendre en compte l’inflation et l’évolution du pouvoir d’achat. Le taux d’inflation qu’avait retenu la Commission dans ses hypothèses s’est révélé au final bien supérieur à ce qu’il a été en réalité ; par conséquent, le fameux chiffre de 9 % de baisse du budget de la PAC doit être relativisé. En dépit de quelques « sursauts » de l’inflation, celle-ci est aujourd’hui quasi nulle. Donc, bien malin celui qui peut chiffrer exactement l’évolution du budget de la PAC en tenant compte de l’inflation.

C’est toujours ainsi que nous avons raisonné. Peut-être aurait-il été possible d’aller encore plus loin, mais voyons ce qui a été fait : la Commission européenne avait proposé de réduire le budget de la PAC de 15 milliards d’euros sonnants et trébuchants. Or, en euros courants, nous avons remonté la pente et dépassé, en prenant en compte les fonds du plan de relance relevant du deuxième pilier, en euros courants, son niveau de 2014-2020. Cet effort doit être souligné. C’est non pas à la suite des déclarations de la France que la Commission avait proposé de baisser le budget de la PAC ; au contraire, c’est grâce aux efforts de notre pays qu’elle a pu être préservée, notamment les paiements directs à nos agriculteurs.

Ensuite, même si je ne vais pas revenir en détail sur les flexibilités qui sont offertes, je veux tout de même en dire un mot. Tout n’est pas parfait probablement, et le ministre de l’agriculture y travaille, mais, s’agissant des fameux écorégimes, l’idée est de fixer des règles européennes communes, afin que, in fine, le Parlement européen et Conseil s’entendent sur un seuil probable de 25 %. Il est important de souligner leur caractère obligatoire, ce qui est un progrès significatif même si tous les problèmes de concurrence interne ne s’en trouveront pas réglés : ainsi, les règles environnementales applicables en France devront être respectées par tous.

Malheureusement, je ne dispose pas du temps nécessaire pour entrer dans le détail de ces éléments, mais je voulais rappeler ces deux aspects très importants de la nouvelle PAC.

Monsieur le sénateur Fernique, vous avez évoqué un changement de logiciel. Sans entrer dans la polémique, je ne peux pas laisser dire que l’Europe, la France en particulier, est restée à la traîne au sujet de la fiscalité internationale. Les deux piliers OCDE – imposition minimale et taxation des multinationales, notamment du numérique – ont été introduits dans la négociation par la France et l’Allemagne, d’abord, mais aussi par l’Italie et l’Espagne. À cet égard, je vous renvoie aux tribunes publiées par Olaf Scholz et Bruno Le Maire en particulier.

Les Américains, certes à l’époque de l’administration précédente, étaient contre ! C’est toujours celui qui déverrouille la porte qu’il a lui-même verrouillée qui donne l’impression d’ouvrir celle-ci ! Mais enfin, ce n’est tout de même pas nous qui avons posé le verrou au départ ! Au-delà de nos appartenances partisanes, reconnaissons collectivement que ces sujets ont été portés par l’Europe. Or, à l’époque de l’ancienne administration américaine, il était chimérique d’imaginer un consensus international sur un taux de taxation minimum de 12,5 %.

Alors que le taux d’imposition de la France va s’établir à 25 %, on comprend bien qu’il n’est pas dans notre intérêt de pousser en faveur d’un taux harmonisé minimum trop bas. Au contraire, il est de notre intérêt à la fois moral et pour des raisons de compétitivité que ce taux soit fixé à un niveau aussi haut que possible.

Il ne doit y avoir aucun doute sur la détermination de la France et de l’Europe en la matière.

Monsieur le sénateur Gattolin, je crois avoir répondu sur la question d’un second plan de relance et sur la question des investissements.

S’agissant du pass sanitaire, évoqué à plusieurs reprises, je veux tordre le cou à une idée : il n’existe pas deux pass. En revanche, le pass français et le pass européen reposent sur des bases juridiques différentes.

Le premier, selon les règles votées au Parlement, est encadré légalement, a une durée de vie limitée, jusqu’au 30 septembre, et est exigible pour certaines activités seulement, tout autre usage étant illégal. C’est clair ! Et il ne pourra être prolongé ou voir son champ étendu sans approbation parlementaire !

La base juridique du second, le pass européen, procède d’un règlement européen d’application directe.

Dans un souci de simplicité, ces deux pass sont dotés d’un même QR code, qu’il soit dématérialisé ou imprimé sur une feuille de papier. Dès le 21 juin, d’ailleurs, le format français, que certains ont déjà dans leur application TousAntiCovid, sera converti en un format européen pour des questions de reconnaissance et d’interopérabilité.

Pour être très précis, madame la sénatrice Lavarde, le pass européen repose sur une base juridique valable jusqu’à l’été 2022. Je partage votre avis : il ne faut pas le tuer par avance, peut-être sera-t-il encore utile pour circuler ou pour harmoniser un certain nombre d’activités à l’échelle de l’Europe indépendamment de nos activités sociales chez nous, voyages ou autres. Sa durée de vie est limitée, parce que le Parlement européen et le Parlement français ont voulu qu’il soit encadré ; si sa durée de validité devait être prolongée, il faudrait alors une autorisation parlementaire.

Madame la sénatrice Harribey, vous avez évoqué l’urgence sociale. Effectivement, les plans nationaux de résilience et de relance excluent toute mesure de ciblage social stricto sensu – ils contiennent des mesures de ciblage environnemental et numérique. Néanmoins, le plan français contient une part sociale très importante. Ainsi, c’est grâce à celui-ci qu’est financé en partie le plan « 1 jeune, 1 solution ».

De même, je ne veux pas qu’on oublie cet outil européen moins connu, mais très important, qu’est le mécanisme SURE, destiné à soutenir financièrement les assurances chômage des pays européens et qui a déjà décaissé plus de 100 milliards d’euros. Dix-neuf pays ont déjà bénéficié de ce complément des plans de relance – peut-être la France y recourra-t-elle à terme.

Je conclurai mon propos en évoquant les questions migratoires, dont différents aspects ont été abordés.

Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté : Frontex est une réponse européenne parmi d’autres – même si toutes n’en sont pas au même stade d’avancement – face à la crise migratoire. Je le dis sans scrupule et sans état d’âme : c’est un instrument de protection commune de nos frontières. Les effectifs de cette agence croissent. Certes, elle est confrontée à des difficultés, à des tensions, des remarques ou des critiques sont formulées sur son management, sur l’exécution de son mandat, sur quelques opérations, mais ne confondons pas tout : que le management de Frontex doive être exemplaire, que le Parlement européen en particulier contrôle son conseil administration, où les États membres sont représentés, son action et vérifie que les opérations de police aux frontières sont conformes aux règles internationales et respectent les droits humains, c’est une évidence. Si des manquements étaient constatés, nous les condamnerions.

Partant, il ne faudrait pas que ce débat dérive vers la remise en cause du rôle même de Frontex, à savoir la police aux frontières. Oui, Frontex doit assurer cette fonction de police européenne aux frontières ! Ce n’est pas une association, ce n’est pas une organisation non gouvernementale – lesquelles exercent d’autres missions – : c’est une organisation de police européenne aux frontières, mission nécessaire. Nous vérifions évidemment chaque fois que celle-ci s’exerce dans le respect des règles juridiques et des personnes.

Quant au pacte sur la migration et l’asile, monsieur le sénateur Pellevat, je n’exclus pas l’idée qu’il en soit débattu sous la présidence française. Nous ferons le point à l’issue de la présidence slovène. Néanmoins, et sans qu’il y ait là contradiction, nous devrons trouver pour l’été des solutions qui passeront sans doute par une rediscussion de l’accord de La Valette, conclu avec un certain nombre de pays méditerranéens – pas seulement, puisque l’Allemagne y est associée –, le but étant de venir en aide à des pays de première entrée tels que l’Italie.

Je rappelle que, depuis 2018, la France est le pays qui a accueilli dans ce cadre le plus grand nombre de migrants réfugiés ou pouvant prétendre à un tel statut aux termes des règles de répartition fixées par l’Europe. Pour autant, par le biais de Frontex ou au moyen d’autres dispositifs de contrôle aux frontières, nos partenaires doivent assumer leurs responsabilités et obligations minimales, en particulier l’enregistrement des personnes qui ont été secourues.

La France apportera son concours en matière de solidarité et de responsabilité.

Cet accord de La Valette, auquel seuls quelques pays sont parties prenantes, ne peut être qu’une forme de rustine provisoire, j’en conviens. Mais, je le répète, l’urgence, avant l’été, c’est de le rediscuter avant de reprendre les négociations du pacte sur la migration et l’asile dans son ensemble.

Monsieur le sénateur Pellevat, vous avez également abordé la situation des frontaliers au regard des tests. C’est une question importante sur laquelle il ne doit y avoir aucune ambiguïté : les mesures que l’Allemagne avait mises en œuvre à l’égard des Mosellans – je cite ce cas, même s’il ne concerne pas le département que vous évoquiez – sont aujourd’hui levées. Dès demain, et c’est une nouveauté, nous allons reconnaître les tests antigéniques pour tous les frontaliers amenés à se déplacer entre nos pays. Pour les déplacements frontaliers du quotidien – travail, courses, rendez-vous médicaux ou familiaux, etc. –, les dérogations existantes demeurent, à savoir l’exception des trente kilomètres et des vingt-quatre heures. Si la situation sanitaire s’améliore encore, nous pourrons – c’est notre souhait – assouplir encore ces dérogations : nous devons faciliter la vie des frontaliers de la Suisse, du Luxembourg et de l’Allemagne en particulier.

S’agissant de la gratuité des tests, que nous pratiquons, il n’existe pas malheureusement de principe général européen en la matière, aucune règle juridique ne permettant de l’imposer aux différents États membres. Lors de la mise en place du certificat sanitaire européen, il a été demandé que ces tests soient d’un « prix abordable » – je reprends les termes utilisés par le Parlement européen. À ce jour, la France compte parmi les deux pays européens où ils sont gratuits. C’est généreux, il faut le reconnaître et le souligner ; c’est aussi une question de sécurité sanitaire, car personne ne doit s’interdire de pratiquer un test pour des raisons financières. Cela irait à l’encontre de notre objectif de protection collective de la société. C’est pour cette raison que nous maintenons ce principe de gratuité.

Madame la sénatrice Lavarde, la situation au Liban n’est pas à l’ordre du jour du Conseil européen, mais elle le sera à celui du conseil Affaires étrangères, auquel participera Jean-Yves Le Drian, le 21 juin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Monsieur le président, vous m’avez fait signe que vous souhaitiez raccourcir votre intervention. Vous n’êtes pas responsable du temps qu’a pris ce débat ; ne vous brimez pas !

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Je vous remercie de votre sollicitude, madame la présidente, mais, rassurez-vous, considérant qu’une conclusion n’est pas forcément une synthèse, je ne reviendrai pas dans le détail de tous ces débats intéressants.

Monsieur le secrétaire d’État, voilà deux ans, nous craignions avec angoisse l’après-Brexit. Aujourd’hui, c’est avec une même angoisse – teintée d’espoir, cette fois-ci – que nous craignons l’après-covid, au niveau européen en tout cas. Vous nous avez exposé toutes les mesures qui ont été prises. Néanmoins, à la suite des interventions de mes différents collègues, je voudrais vous faire passer deux messages.

S’agissant de l’agriculture, Laurent Duplomb a fait le point sur la PAC, cependant que Pascal Allizard a abordé la question de la pêche, que je me suis interdit d’évoquer. Il est essentiel de revoir ces deux politiques européennes intégrées, qui ont été parmi les premières à être mises en place. Peut-être faut-il justement profiter de ces périodes de l’après-Brexit et de l’après-covid pour envisager le futur.

S’agissant de la politique migratoire, vous nous avez parlé de la mission de Frontex, gardien aux frontières pour empêcher les gens d’entrer sur le territoire européen. Demain, peut-être, entrera-t-il aussi dans ses missions de les empêcher d’en sortir.

Dans les Hauts-de-France – vous avez sans doute reçu des messages d’alerte importants à ce sujet –, on voit se reconstituer très progressivement, jusqu’en Normandie, de nouveaux camps. On peut s’attendre, dans les semaines qui viennent, avec le retour des beaux jours, à ce que tous ces gens, poussés en ce sens par des passeurs, tentent de rejoindre le Royaume-Uni, ces traversées s’avérant de plus en plus dramatiques. C’est là un sujet qui relève pleinement de l’Europe.

Vous avez parlé du pacte migratoire, mais peut-être devrions-nous, en appui des forces de police et de gendarmerie qui n’en peuvent plus d’assurer ces missions de surveillance des migrants tentant d’emprunter ces voies maritimes, solliciter l’aide de Frontex, ce qui serait pour l’agence une mission sans doute nouvelle. Frontex en a les moyens, sans compter que l’Europe pourra peut-être lui en donner encore davantage demain pour ce faire.

Je tiens ces propos en cette journée mondiale de l’océan…

Monsieur le secrétaire d’État, avec l’ensemble de mes nombreux collègues, qui ont fait part de leur intérêt pour ces sujets européens, je vous remercie d’avoir passé ce temps avec nous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 24 et 25 juin 2021.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)