M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 56.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement de suppression est la suite logique des nombreuses prises de parole qui ont précédé l’examen de cet article.

Le choix de l’extension du passe sanitaire aux actes de la vie quotidienne des Françaises et des Français est révélateur d’une politique sanitaire axée sur la contrainte et la surveillance généralisées. Il impose un contrôle social de tous par tous et comporte un fort risque de fracture de notre société.

Ce dispositif porte atteinte à notre État de droit sur de nombreux points.

D’abord, imposer un passe sanitaire à tous les Français dans des délais qui ne leur permettront pas de se conformer aux nouvelles exigences est très problématique. C’est leur faire payer le défaut d’anticipation…

Sur le plan de l’accès aux données personnelles, le passe sanitaire généralisé impose de montrer un justificatif médical pour la grande majorité des actes de la vie quotidienne. Les données médicales et d’identité seraient ainsi consultables et consultées par tous, ce qui est contraire à l’éthique et à notre vivre-ensemble.

Les commerçants, restaurateurs et personnes travaillant dans les activités de loisir n’ont pas pour mission de procéder à la surveillance de la population. Il y a ainsi de forts risques de troubles à l’ordre public car ces derniers, non formés à cette mission de contrôle, ne détiennent pas les pouvoirs de coercition de la police et de la gendarmerie. Ce contrôle s’avère, en outre, impossible à mettre en place en pratique.

L’instauration d’un tel passe sanitaire présente, de fait, un véritable risque au regard des violations des libertés individuelles – liberté d’aller et venir, respect de la vie privée et familiale – et introduirait des ruptures d’égalité entre les citoyens.

Les aménagements des rapporteurs en commission et l’instauration de deux régimes de passe sanitaire modulables en fonction de la situation sanitaire des différents territoires contribueraient à accroître l’illisibilité pour la population, qui déjà ne comprend plus guère les règles. Les Françaises et les Français ne pourront comprendre avec clarté des règles sanitaires applicables dans un territoire concerné par l’état d’urgence sanitaire et pas dans un autre, en régime de sortie.

Une telle politique semble contre-productive, mais je n’ai pas le temps de développer ce point.

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires dénonce avec force les nombreuses incohérences et le caractère liberticide de ces mesures.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il proposera, en lieu et place de l’extension du passe sanitaire, une série de mesures incitatives fortes pour développer la stratégie vaccinale, selon les préconisations de l’OMS – convaincre, et non contraindre –, et reposant sur l’appel à la responsabilité individuelle et collective pour atteindre au plus tôt l’immunité collective, que nous visons tous, par la vaccination.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 110.

M. Stéphane Ravier. Dans ce débat, personne ne parle des suppressions de lits d’hôpitaux, de l’interdiction pour les médecins de soigner, du dénigrement des traitements – la mise au ban du professeur Raoult en est le parfait exemple –, du refus d’un programme de recherche en vue de trouver un traitement, ou encore du contrôle aux frontières. On préfère nous imposer de manière déguisée la solution unique de la vaccination obligatoire dès l’âge de 12 ans, sans possibilité de recours en cas d’effets secondaires, sans transparence sur la fabrication des vaccins, pas plus que sur les contrats aux montants pharaoniques qui en découlent.

Le passe sanitaire, c’est la solution de facilité que vous avez trouvée face à une situation complexe. Vous nous mettez de force et collectivement le doigt dans l’engrenage de l’identification numérique, qui nous mène vers un régime inspiré par le Parti communiste chinois ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Roger Karoutchi ironise.) Quand on voit la puissance des menaces du cyberespionnage ces derniers jours, comment consentir à prendre de tels risques ?

Nous refusons le piège du passe sanitaire. Les irresponsables, ce ne sont pas les Français qui usent de leur liberté, mais l’Union européenne, qui couvre les laboratoires en cas d’effets secondaires, et nos dirigeants, qui font un chantage à l’obligation dissimulée derrière un passe sanitaire ultracontraignant. L’exemple d’Israël, sur le point de se résigner à un nouveau confinement, devrait offrir un vaccin d’humilité aux vaccinolâtres et aux donneurs de leçons : 60 % des nouveaux contaminés en Israël sont vaccinés !

J’ai entendu le chef de la majorité de droite au Sénat, notre collègue Retailleau, dire que nous n’aurions le choix qu’entre le passe sanitaire et le confinement. Je suis persuadé qu’il se trompe, et je suis convaincu que nous aurons les deux : et le passe sanitaire, et le confinement.

M. Stéphane Ravier. Quant aux membres du Gouvernement, ils ont tous juré la main sur le cœur, il y a quelques semaines, qu’il n’y aurait pas d’obligation vaccinale. Aujourd’hui, empreints de la même conviction, ils affirment le contraire ! Les mêmes qui se refusent à stigmatiser, ficher et traquer les ennemis de la France s’apprêtent à faire entrer de force la France tout entière dans un état de contrôle total, avec les discriminations et les restrictions de liberté qui en découlent.

Il y a donc un laxisme à deux vitesses, et une fermeté à deux vitesses. Le Gouvernement a choisi ses ennemis ; la liberté, l’égalité et la fraternité sont confisquées.

Par cet amendement, je m’oppose à toutes ces mesures de domestication étatique, pharmaceutique et « gafamique » imposées par ce texte. Nous n’acceptons ni de nous faire dicter notre comportement…

M. le président. Merci de conclure !

M. Stéphane Ravier. … ni de nous laisser infantiliser. (Cest fini ! sur les travées des groupes CRCE et SER.)

C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 133.

M. Loïc Hervé. Quand on défend les libertés publiques, il faut accepter trois choses : être minoritaire, avoir raison trop tôt et mener un combat de long terme.

Voter la suppression de l’article 1er, c’est mettre un coup d’arrêt à cette fausse bonne idée qu’est le passe sanitaire et à son extension. Ce passe sanitaire pose des questions de principe considérables et des questions d’applicabilité qui ne sont pas moindres, comme cela a déjà été évoqué par un certain nombre de nos collègues. Pour certains, c’est un nouvel accommodement raisonnable, un nouveau mal nécessaire.

Mes chers collègues, où cela nous emmène-t-il ? À la vaccination obligatoire à l’automne ?

M. Vincent Segouin. Mais oui ! C’est la seule solution !

M. Loïc Hervé. À accepter un nouveau confinement ? À subir les trois dispositifs en même temps ?

L’évolution de la situation sanitaire ne justifie pas, monsieur le secrétaire d’État, madame la ministre, de remettre en cause les engagements que vous avez pris ici même, au nom du Gouvernement, il y a seulement deux mois.

Mes chers collègues, le passe sanitaire que nous votons aujourd’hui, nous risquons de l’avoir pendant des mois ou des années.

J’ajoute que votre collègue, Gérald Darmanin, a évoqué la situation du terrorisme dans notre pays. Au moment même où le ministre de l’intérieur écrit aux préfets pour leur dire que la situation est extrêmement périlleuse, que des menaces importantes pèsent sur la personne du Président de la République, sur lui-même, sur des responsables politiques, et que nous sommes dans une période où un attentat est peut-être imminent, vous allez prendre la décision de faire procéder à des contrôles d’identité par des policiers et des gendarmes dans des restaurants pour savoir si les Français ont, ou n’ont pas, leur passe sanitaire : CQFD !

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour présenter l’amendement n° 168.

Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à supprimer l’ensemble de l’article 1er, dont les fondements reposent sur une volonté politique d’étendre de façon disproportionnée les contraintes liées à la détention du passe sanitaire, avec un risque de diviser et de fracturer bien plus encore notre pays déjà durement éprouvé depuis le début de la pandémie. Dans ce contexte de défiance généralisée, il convient de convaincre et non de contraindre.

Or l’article prévoit d’organiser une société dans laquelle les citoyens se contrôleront les uns les autres et devront constamment justifier de leur état de santé sous peine d’amende. Je suis personnellement favorable à la vaccination, mais contre l’obligation, qui n’est ni moralement, ni éthiquement, ni démocratiquement acceptable.

En outre, cet article prévoit la prolongation du régime transitoire de sortie jusqu’au 31 décembre 2021, ainsi que la prolongation de l’état d’urgence sanitaire en Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion, sans tenir compte des véritables problèmes de ces territoires aux niveaux social, sanitaire, mais surtout économique, au moment où l’État renonce à certaines aides ou y contribue très faiblement.

Compte tenu de la situation sociale visible, quoique peut-être incomplètement montrée par certains de vos médias, je suis défavorable à une obligation portant sur un vaccin expérimental.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 184.

Mme Laurence Cohen. Dans mon intervention sur l’article, j’ai déjà développé un certain nombre d’arguments pour rejeter cet article 1er et ce passe sanitaire, qui serait la seule alternative sous peine de confinement. Je souhaite ajouter un certain nombre d’idées, en pointant notamment les incohérences du dispositif.

Par exemple, une personne qui aurait enclenché le parcours vaccinal début juin et respecté le calendrier d’ouverture par âges pourrait se trouver exclue des lieux de vie sociale et culturelle en raison des délais entre les deux doses, et des sept jours d’attente pour obtenir son certificat une fois la seconde injection faite. C’est aberrant !

Par ailleurs, pourquoi exiger un passe sanitaire dans un TGV, alors que le professeur Antoine Flahault nous a affirmé, lors d’une table ronde organisée le 4 mars dernier par la mission commune d’information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités, que les TGV et les avions étaient les espaces les plus sûrs, tout en laissant une liberté totale dans le RER et métros bondés en Île-de-France ? Je ne vois là que de l’incohérence… (M. Roger Karoutchi opine.)

Finalement, vous faites porter la responsabilité de la gestion de cette crise à nos concitoyennes et concitoyens en les contraignant, en les infantilisant.

Mais quelle est la politique que vous menez pour combattre les inégalités sociales de santé ? Quelle politique conduisez-vous pour aller vers les populations qui habitent dans les territoires oubliés de la République ? Quels moyens développez-vous pour remettre à flot la médecine scolaire, ou la médecine du travail, qui est complètement mise à bas ? Voilà un certain nombre de questions auxquelles vous ne répondez pas !

Alors que nous sommes dans une situation extrêmement grave et qu’il faut une vaccination massive, nous savons pertinemment les uns et les autres que les moyens alloués à l’hôpital public sont en deçà des enjeux. En pleine pandémie, il y a encore eu, hélas, des fermetures de lits. Tout cela n’est pas évoqué dans votre projet de loi, et cet article 1er va, au contraire, accentuer les fractures sociales et économiques. C’est pourquoi nous le rejetons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le président, on ne peut sans cesse opposer efficacité sanitaire et respect des libertés publiques.

On ne peut pas avoir le respect absolu des libertés publiques dans le cadre de la sécurité sanitaire ; on ne peut pas régler la crise sanitaire sans admettre un changement de comportement qui exige une part de contrainte. Nous l’avons fait constamment depuis le début de la crise sanitaire.

Puisqu’on ne peut pas opposer liberté et sécurité sanitaire, il faut réussir à les combiner. A-t-on trouvé la bonne mesure ? Nous, commission des lois, nous ne le pensons pas s’agissant du texte du Gouvernement, tel qu’il a été trop légèrement amendé par l’Assemblée nationale. Nous avons donc fait notre propre texte, en déplaçant l’équilibre pour le renforcer, mais aussi avec le souci d’améliorer l’efficacité sanitaire du dispositif en même temps que nous renforcions le plus possible les garanties de respect de nos libertés.

Mes chers collègues, peut-on tout simplement laisser les choses en l’état ? Je ne le crois pas. La vérité, c’est que nous sommes confrontés à une flambée de l’épidémie, et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit d’un variant du covid-19 dont on nous répète que sa charge virale est mille fois supérieure ! Avec un postillon, vous obtenez le même résultat, en termes de contamination, qu’avec mille naguère. Ce n’est pas une plaisanterie, tout de même ! Je crois donc qu’on ne peut pas ne rien faire.

J’entends bien que personne ne prétend qu’on peut ne rien faire… Mais beaucoup disent qu’il y a des alternatives. Je leur réponds qu’ils ont raison, mais qu’il faut mesurer la pertinence de ces alternatives.

La première serait de renforcer le port du masque, l’usage du gel hydroalcoolique, le recours au télétravail, la possibilité de fermer des ERP où la contamination est favorisée par une trop grande promiscuité entre les personnes présentes, et de voir ensuite ce qui se passera. Or, mes chers collègues, tous ces instruments sont déjà en application ! Et s’ils ont montré leurs limites, croyez-vous que du jour au lendemain, dans cette situation d’urgence, ces limites vont pouvoir être dépassées ? Pour ma part, je crois qu’il faut faire plus.

Nous aurions certes la possibilité de décider, pour éviter la discrimination entre ceux qui ne contamineront pas et ceux qui contamineront, un confinement : tous les Français à égalité ! Oui, nous Français, nous aimons l’égalité. Mais voulons-nous vraiment le confinement ? Je n’ai entendu personne le recommander. Peut-être qu’il faudra y venir, mais si nous avons une chance de l’éviter en prenant des mesures qui pourraient être efficaces, alors, je vous le dis, tentons plutôt cette chance-là !

On me dit aussi : « L’alternative, bon sang mais c’est bien sûr, c’est la vaccination obligatoire ! » Oui, mais regardons comment dans les trois semaines qui viennent, c’est-à-dire au moment de cette flambée, on peut lui donner un coup d’arrêt par cette vaccination obligatoire. Si l’un d’entre vous a la recette pour utiliser celle-ci comme une alternative à d’autres mesures de contrainte en vue d’enrayer l’épidémie, qu’il me le dise et qu’il le dise au Gouvernement, parce que tout le monde sera très heureux de l’appliquer !

Je ne sais pas comment, dans les prochaines semaines, nous pourrions arrêter la flambée de l’épidémie par la vaccination obligatoire. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Cela ne disqualifie pas définitivement une mesure d’obligation pour la vaccination, certes, mais cela la rend impossible comme instrument alternatif à des mesures de freinage du développement de la crise sanitaire que nous connaissons depuis trois semaines.

Reste maintenant l’appréciation de la mesure d’extension du passe sanitaire. Pensons-nous qu’elle apportera la solution à tous les problèmes ? Je n’arrive pas à le penser.

Mme Sylvie Robert et M. Loïc Hervé. Et alors ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Je sais bien qu’il y a des lignes de fuite.

Ainsi, dans les établissements où l’on peut recevoir 80 personnes, on en recevra 49, mais la promiscuité de ces 49 personnes sera la même que si elles étaient 80…

Ainsi, des jeunes de 25 ou 30 ans ne parviendront pas à se résoudre à respecter le passe sanitaire, et sur le littoral français pendant la période des vacances, il y aura des regroupements contaminants.

Je ne vous présenterai jamais l’extension du passe sanitaire comme un absolu, comme la panacée ou la martingale parfaite. Mais je considère qu’aucun des instruments que nous avons utilisés jusqu’alors n’a été la martingale parfaite. Et ces martingales imparfaites ont tout de même fonctionné trois fois : le confinement, qui avait aussi des lignes de fuite, a pourtant permis de casser à trois reprises l’épidémie.

Essayons donc de casser avec cette martingale imparfaite l’épidémie, avant de passer à autre chose s’il le fallait. J’espère bien que nous serons efficaces. Je ne crois pas que ce soit en mettant des policiers et des gendarmes devant chaque ERP, dans les festivals, dans les cinémas, que nous réglerons le problème.

Je crois en revanche qu’il faut que nous soyons, dans notre cohésion, responsables du message que nous adressons aux Français, et qui est le suivant : « Respectez les règles qui vont être posées, ne cherchez pas à les contourner ! Ces règles, vous en êtes les dépositaires. Ce n’est pas par la peur du gendarme que nous vous demandons d’éviter la multiplication des contaminations, c’est par la conscience de votre responsabilité et de votre intérêt individuel à vous protéger. »

Mme Éliane Assassi. C’est bien le problème…

M. Philippe Bas, rapporteur. Nous devons accepter, au travers de la rédaction que j’ai eu l’honneur de faire approuver par la commission des lois, de tenter notre chance pour éviter le pire, en faisant en sorte que ce passe sanitaire soit dans la mesure du possible, à la fois, le plus efficace pour la santé et le plus respectueux des droits individuels et des libertés.

C’est tout le sens de la rédaction que nous avons adoptée. C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de rejeter les amendements de suppression qui vous sont soumis. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je rappelle qu’au travers de plusieurs vagues successives la pandémie a fait 100 000 morts dans notre pays, lequel se situe au cent trente-sixième rang mondial en nombre de morts par habitant. C’est bien la preuve que nous n’avons pas su mieux gérer la crise que d’autres, au contraire. Nous devons donc tenir compte de cette triste expérience et prendre un certain nombre de dispositions.

Nous avons auditionné le professeur Delfraissy hier : il nous a indiqué que la situation allait perdurer encore longtemps. Nous devons donc véritablement réfléchir à toutes les solutions, par anticipation.

On ne sait pas ce que va devenir ce virus. En revanche, on sait que la vaccination est efficace à 95 %. En conséquence, il faut faire en sorte d’avoir le taux de vaccination le plus élevé possible, monsieur le secrétaire d’État.

Le risque existe effectivement que le virus mute. Il est aujourd’hui plus contagieux, mais il pourrait devenir, en cas de nouvelle mutation, plus pathogène et entraîner une létalité beaucoup plus importante. Je le répète, il faut donc prendre des mesures dès à présent et essayer d’anticiper.

Il existe également un risque d’échappement immunitaire, auquel cas il ne servirait à rien de rendre le vaccin obligatoire. On ne peut pas ne pas envisager cette hypothèse. Il faut dès à présent imaginer l’inimaginable !

En cas d’échappement immunitaire, il faudrait modifier le vaccin. Nous entrerions alors dans un cycle de vaccination au moins annuel. Il faut donc nous préparer à la vaccination pour tous. Cela me paraît important.

On ne peut pas dire que, puisque le virus change sans arrêt, on ne peut rien prévoir. Si ! Il faut tout prévoir, compte tenu des évolutions possibles du virus.

En attendant, le passe sanitaire est une solution parmi d’autres. Il faut évaluer le rapport entre le bénéfice individuel et le risque collectif. Nous devons également disposer des moyens modernes, notamment numériques. C’est votre spécialité, monsieur le secrétaire d’État.

M. Loïc Hervé. Cela n’a pas été un succès !

M. René-Paul Savary. On sait très bien qu’on peut empiéter sur la liberté numérique pour permettre une plus grande liberté physique et réduire les confinements.

En conséquence, dans la perspective de cette triste quatrième vague, je voterai en faveur du passe sanitaire tel qu’il a été proposé et amendé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. En réalité, il n’y a pas de bonne solution, parce que vous arrivez trop tard.

M. Roger Karoutchi. En tant que corapporteur, avec Jean-Michel Arnaud, de la mission d’information de notre noble assemblée, présidée par Bernard Jomier, et destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités, permettez-moi de vous dire que nous avions alerté dès la fin du mois de mai les autorités publiques sur le risque d’aggravation considérable de la pandémie en France en raison du variant delta. Nous avions alors demandé quelles mesures le Gouvernement envisageait de prendre, mais nous n’avons reçu quasiment aucune réponse.

M. Fabien Gay. Il y a deux mois !

M. Roger Karoutchi. Alors que nous étions tous très pessimistes – surtout moi ! (Sourires) –, on nous a dit que les choses ne se passeraient pas comme nous le craignions. Résultat des courses : nous avons perdu plus d’un mois ! Le 12 juillet, l’épidémie avait déjà pris une telle ampleur dans le pays qu’il a fallu prendre des mesures qui, comme l’a excellemment dit le rapporteur, n’étaient ni populaires ni réellement très déterminantes.

Pour ma part, je suis plutôt favorable à la vaccination, mais je suis très réservé sur le passe sanitaire tel qu’il nous est proposé par le Gouvernement. Comme celui-ci a traîné, comme il n’a pas agi rapidement – il gère cette crise au fil de l’eau depuis dix-huit mois –, en pratique, il est au pied du mur et ne trouve pas d’autre solution qu’un système extrêmement contraignant pour les libertés.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu du travail effectué par les commissions, au Sénat et à l’Assemblée nationale – surtout au Sénat, moins à l’Assemblée ! (Sourires.) –, je ne comprends toujours pas pourquoi les ministres de ce gouvernement ne veulent pas davantage travailler avec le Parlement.

M. Pierre Ouzoulias. Mais bien sûr !

M. Roger Karoutchi. Je ne comprends toujours pas pourquoi, alors que nous traversons une crise sanitaire aussi dure pour tous, le Gouvernement a la prétention de tout savoir et pourquoi il ne discute pas réellement avec le Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

Je vais suivre la commission, mais, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, dans ces périodes extrêmement difficiles, que le Gouvernement fasse preuve d’un peu de modestie, d’un peu moins d’arrogance et qu’il dialogue un peu plus avec les élus de la Nation ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. À ce stade du débat, je pense que tout le monde aura compris le sens de l’amendement de suppression de l’article 1er que mes collègues et moi-même avons déposé. Il est en réalité le corollaire de notre proposition d’instaurer une obligation vaccinale. Nous ne souhaitons pas qu’aucune mesure – obligation vaccinale ou contrainte quelconque – ne soit prise ; je tenais à le dire en préambule.

Je ne comprends toujours pas pourquoi le Gouvernement a choisi de monter ce mécano bancal qu’est le passe sanitaire. Tous nos débats seront l’occasion de mesurer à quel point il est bancal. Pourquoi instaurer l’obligation vaccinale pour les soignants, mais non pour les policiers ou les personnels des crèches ? À chaque étape de l’examen des articles, nous nous rendrons compte que ce passe ne fonctionne pas.

Je ne vois qu’une seule explication, c’est que le Gouvernement n’assume pas l’obligation vaccinale. Franchement, cela m’étonne. S’il fallait retenir une seule phrase pour résumer ce quinquennat, ce serait : « J’assume ! »

Le Président de la République assume tout. Benalla ? Il assume ! La mise en examen et le maintien en fonctions du garde des sceaux ? Il assume ! La baisse des APL ? Il assume ! La baisse des indemnités chômage ? Il assume ! En fait, il assume tout, sauf de prendre la mesure qu’il faudrait prendre à cet instant : l’obligation vaccinale.

Monsieur le rapporteur, pour nous, l’obligation vaccinale n’est pas une alternative au passe sanitaire. Elle est le fondement sur lequel s’appuieraient ensuite toutes les autres mesures visant à limiter la circulation du virus, comme les incitations à se faire vacciner et, le cas échéant, les sanctions.

Nous avons l’habitude de dire qu’il n’y a pas de règles sans sanctions. Or, ici, il nous est proposé un dispositif incroyable : la sanction sans règle ! Les contraintes et les restrictions liées au passe sanitaire ne sont pas des sanctions au sens juridique du terme. Ce sont des impossibilités de faire, des limitations de déplacement.

Je le répète : pour nous, l’obligation vaccinale est le fondement sur lequel bâtir une politique limitant l’accès à certains endroits. En revanche, nous sommes contre les licenciements pour cause réelle et sérieuse en cas de défaut de vaccination – nous en reparlerons ultérieurement.

Aujourd’hui, nous sommes pour l’obligation vaccinale, ce qui justifie l’amendement dont nous discutons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. On doit juger le passe sanitaire à l’aune de son utilité, comme l’a dit Philippe Bas, c’est-à-dire en prenant en compte les risques qu’il fait peser sur les libertés individuelles, mais aussi ses conséquences en pratique.

On va d’abord viser les personnes vaccinées : les titulaires d’un passe sanitaire pourront avoir accès à un certain nombre d’endroits, lesquels deviendront des lieux sains, où le virus se propagerait moins. Or ce sont les personnes qui ne sont pas vaccinées qui prendront des risques, pas celles qui le sont.

Quel risque une personne vaccinée prend-elle à déjeuner avec une personne non vaccinée ? Le risque est pour la personne non vaccinée ! (M. le secrétaire d’État se montre dubitatif.)

Par ailleurs, comment peut-on imaginer interdire toute vie sociale aux personnes non vaccinées, mais aussi à celles qui n’auront reçu qu’une seule dose ? Ces deux types de personnes sont en effet placés dans la même catégorie. Il y aura forcément des regroupements de personnes non vaccinées dans la sphère privée. Les contaminations se feront donc non pas dans les ERP dont la liste figure dans le projet de loi, mais dans d’autres endroits. C’est là un véritable motif d’interrogation.

Nous reviendrons ultérieurement sur le sort des personnes n’ayant reçu qu’une seule dose. Alors qu’elles sont engagées dans le processus vaccinal, elles devront attendre d’avoir reçu leur seconde dose, plus quelques jours, pour avoir droit au sésame leur permettant de retrouver la liberté. Le dispositif pose des problèmes d’égalité et de praticité.

M. le rapporteur a posé la question des alternatives. Pour moi, l’urgence absolue en termes de santé publique, c’est de vacciner rapidement les personnes âgées et celles qui ont des comorbidités, non les adolescents et les enfants ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Valérie Boyer, M. Sébastien Meurant, Mme Raymonde Poncet Monge et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)