M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Permettez-moi de revenir sur l’obligation vaccinale, à la suite des propos de M. le rapporteur, afin de préciser l’état d’esprit qui est le nôtre dans cette partie de l’hémicycle.

Pour nous, la vaccination obligatoire, c’est non pas une demande de mesures techniques, mais l’exigence d’une réponse politique. Nous estimons, au stade où nous en sommes de la pandémie, que l’État ainsi que le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, n’ont pas à faire supporter à chaque individu le poids de la vaccination ou de la non-vaccination. Il appartient au Gouvernement de prendre ses responsabilités.

Votre modèle de société est celui du Président de la République : vous considérez que, pour trouver un boulot comme pour se faire vacciner, il suffit de traverser la rue ! Ce n’est pas notre modèle de société.

Dans le nôtre, c’est l’État qui met en œuvre une politique de santé publique au profit de toute la Nation et qui en porte la totale responsabilité, y compris devant la représentation nationale. Or c’est ce qui vous fait peur, monsieur le secrétaire d’État : vous avez peur, si l’obligation vaccinale était imposée demain par l’État, d’être obligé de rendre des comptes sur ce que vous êtes en mesure de faire et de ne pas faire !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Pour ma part, je ne voterai pas ces amendements de suppression.

Je ne suis absolument pas défavorable à la vaccination obligatoire pour tous ni fermée à la discussion sur ce sujet. En revanche, je pense qu’elle n’est pas applicable et contrôlable. Si on rencontre des difficultés pour contrôler le passe sanitaire, je ne vois pas comment on pourra vérifier que tout le monde aura été vacciné.

On l’a bien vu, la vaccination volontaire a connu il y a quelques semaines un important ralentissement. Des mesures sont aujourd’hui absolument nécessaires et urgentes pour la stimuler de nouveau. L’intervention du Président de la République a fait réagir plus de 3 millions de personnes.

Le passe sanitaire n’est probablement pas parfait, on peut certainement l’amender, et c’est ce que nous allons faire, mais il ne s’oppose en rien aux mesures d’incitation, au fait d’aller vers les populations – les agents sur le terrain le font –, à la pédagogie – le conseil de l’Ordre des médecins a un rôle à jouer à cet égard. Le passe sanitaire complète simplement ces mesures afin d’accélérer la campagne de vaccination.

Je suis convaincue que ne rien faire ou instaurer un nouveau confinement ne sont pas des solutions. Il est absolument nécessaire de changer de braquet face à la nouvelle vague qui arrive et face au nouveau variant, que l’on sait tous très contagieux.

Sachons aussi admettre, et je pense que c’est important de le dire, que nous aurons encore à gérer d’autres incertitudes ou d’autres vérités. Ce que l’on décide aujourd’hui devra éventuellement être modulé demain. Cette crise nous en apprend effectivement tous les jours. Si le passe sanitaire n’est pas la solution unique ou parfaite, il me semble qu’il est une solution équilibrée et indispensable.

Contrairement à ce que j’ai entendu dire, la vaccination ne doit pas viser à protéger uniquement les personnes âgées et les plus fragiles. Elle doit permettre une immunité collective. Pour cela, les jeunes doivent également être vaccinés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Nombre d’entre nous ont déploré l’absence au banc du Gouvernement du ministre des solidarités et de la santé, M. Véran. Mais finalement, c’est comme s’il était là : notre rapporteur a parfaitement résumé la philosophie du Gouvernement en défendant le passe sanitaire et l’absence de perspective en termes d’obligation vaccinale.

Il me semble nécessaire de refuser l’improvisation permanente. Le moment est venu de réfléchir à une perspective de sécurité sanitaire pour l’ensemble des Français, en soulignant notre conviction de l’obtenir par la vaccination universelle. Il faut désormais travailler à moyen et long terme au lieu d’improviser systématiquement. Souvenez-vous : il y a deux semaines, on enlevait le masque… Voilà où nous en sommes aujourd’hui !

Si nous voulons inspirer confiance aux Français, il est temps de sortir de l’improvisation permanente et de marquer des lignes. Il faut affirmer que le vaccin protège et que la vaccination doit être universelle. Nous ne pouvons pas, sans perspective à long terme, accepter que les Français soient pris au piège. Nous ne pouvons pas leur imposer un passe sanitaire du jour au lendemain tout simplement parce que l’on refuse de leur donner des perspectives à long terme.

La petite lâcheté du Président de la République et du Gouvernement, qui consiste à refuser d’instaurer l’obligation vaccinale, conduit à réduire la liberté des Français, à diviser nos concitoyens en catégories et à faire surveiller les uns par les autres. C’est pire, pour la liberté, que ce qu’il faudrait assumer : une belle perspective d’immunité collective dans la solidarité.

Faute de perspective claire, nous ne pouvons être d’accord, monsieur le rapporteur, avec la philosophie dont vous nous avez fait part, qui est en totale cohérence avec celle du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Tout d’abord, personne ne nie la violence de la pandémie, qui a déjà emporté plus de 100 000 de nos compatriotes. Nous sommes pour la vaccination, qui est un progrès scientifique énorme. Il faut davantage informer nos concitoyens pour qu’ils se vaccinent afin de se protéger et de protéger les autres. Nous condamnons avec la plus grande fermeté tous ceux qui font courir des rumeurs ou colportent des thèses complotistes.

Cependant, nous pensons que le passe sanitaire est un élément politique infantilisant. Les Français ont pourtant le sens des responsabilités. Ils ont respecté le confinement et le couvre-feu, ils ont porté le masque, même si on leur avait dit auparavant qu’il ne servait à rien, ils se sont fait tester quand les tests ont été disponibles. Et quand ils sont testés positifs, vous savez quoi ? Ils s’isolent ! Depuis que la vaccination est ouverte, vous savez quoi ? Ils se font vacciner !

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit qu’il restait encore 12 millions de nos compatriotes à vacciner. Continuons donc de les inciter à le faire et menons des actions de proximité. À bien y regarder, la carte vaccinale est la même que celle des inégalités sociales et d’accès aux soins. Il faut donc continuer de travailler dans la proximité !

Le passe sanitaire n’est pas un élément technique, il est extrêmement politique. Il est révélateur, en réalité, de la société dans laquelle nous voulons vivre. Cela a été dit, il est attentatoire aux libertés publiques et instaure un contrôle social assez inédit.

J’ai entendu hier quelqu’un exprimer un point de vue que je ne partage pas – c’est le propre d’un débat – : nous pourrions rogner aujourd’hui quelques-unes de nos libertés pour retrouver la liberté totale demain. Moi, je pense que si nous rognons quelques libertés, nous ne les retrouverons pas. En effet, toutes les dispositions dérogatoires que nous votons – toutes ! – sont ensuite inscrites dans le droit commun.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, on voit qu’il y aura des trous dans la raquette si l’on instaure le passe sanitaire sans prévoir de contrôle d’identité. Mais, à l’inverse, si l’on exige un contrôle d’identité lors de la présentation du passe, cela signifie que, demain, chacun sera officier de police judiciaire. Ce n’est pas la société dans laquelle nous voulons vivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. La plupart des sénateurs centristes voteront contre la suppression du passe sanitaire.

Peut-on supprimer le passe sanitaire ? Oui, si la vaccination générale est rendue obligatoire. Celle-ci est-elle possible ? Oui probablement, à moyen terme, mais pas dans l’urgence. Plusieurs mois seront encore nécessaires.

Comme de nombreux intervenants précédents, nous considérons que, à terme, la vaccination générale obligatoire est la seule solution, du fait que, à l’évidence, la maladie est installée pour longtemps dans nos vies. Dans ces conditions, nous ne voyons pas d’autre solution que le passe sanitaire, du moins dans l’immédiat.

Pour autant, le Sénat oublie-t-il son rôle de garant des libertés en s’adressant à tous nos concitoyens ? Non ! Le texte qui nous est soumis n’est pas le texte du Gouvernement. Le texte de la commission subordonne l’instauration du passe sanitaire à la reconnaissance de l’état d’urgence. Nous ne sommes plus dans une situation permanente de sortie de crise ; nous demandons donc que les choses soient appelées par leur nom. Nous sommes dans une situation d’urgence, ce qui signifie que le passe sanitaire s’inscrit forcément dans une situation d’exception.

Je précise que le Gouvernement ne nous a pas facilité les choses. Au mois de mai, il nous a parlé d’un passe sanitaire le temps d’un été, en ayant objectivement banalisé l’état d’urgence. Je rappelle en effet que nous en sommes tout de même au quatorzième exercice de ce type depuis 2015 ! Notre groupe n’est pas loin de penser la même chose que M. Fabien Gay et de considérer qu’il existe un risque de banalisation.

Pour les centristes, le « oui » au passe sanitaire est un « oui » à contrecœur, dans une situation d’exception et sous la surveillance du Parlement jusqu’au 31 octobre, avec une évaluation continue. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je voterai ces amendements de suppression.

Je tiens à dire ici de manière lucide que je suis pour l’obligation vaccinale et contre le passe sanitaire tel qu’il nous est soumis, dans l’économie qui est la sienne. Je suis pour une vaccination obligatoire, planifiée, progressive, universelle et – je le dis – gratuite.

Aujourd’hui, nous le savons tous, onze vaccins sont obligatoires. Certains vaccins sont obligatoires pour se rendre en Guyane, d’autres encore pour aller en Afrique. L’État a même l’obligation d’avoir un stock de vaccins antivarioliques ou antituberculeux. L’obligation vaccinale n’est donc pas une nouveauté et elle est très encadrée.

Je reste persuadé, comme beaucoup d’autres de ce côté de l’hémicycle, que le seul instrument de nature à préserver et la liberté et la protection de la santé, qui est une exigence constitutionnelle, c’est l’obligation vaccinale. De même, je suis persuadé, contrairement à ceux qui disent que ce n’est pas faisable dans l’immédiat, qu’il est parfaitement possible au cours des deux mois à venir de concilier les mesures que nous connaissons, probablement en les améliorant, avec l’obligation vaccinale. Bien entendu, des sanctions doivent être prévues.

En disant cela, je le sais, je prends un risque chez moi, mais telles sont mes convictions personnelles après avoir longuement étudié la question. Aujourd’hui, 75 % de mes compatriotes d’outre-mer ne sont pas vaccinés. Je ne veux pas les forcer à se faire vacciner, mais sachant que la maladie est là pour longtemps, que nous connaîtrons encore peut-être de nombreux variants, il n’y a qu’une solution, et vous y viendrez tôt ou tard – ce n’est qu’une question de calendrier – : l’obligation vaccinale.

J’assume parfaitement cette position. C’est la raison pour laquelle je voterai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Nous devons faire preuve d’humilité. Il n’y a pas ceux qui ont la solution – le passe sanitaire – et les autres. Nous avons tous mené des réflexions dans nos groupes respectifs et travaillé sur des propositions. Un certain nombre d’amendements, hélas, ont été déclarés irrecevables. Il est donc difficile de faire des propositions. Il n’y a pas ceux qui ont des solutions et trouvent des moyens d’agir, et les autres ! Ce n’est pas ainsi que l’on doit raisonner.

Le texte tel qu’il résulte des travaux de la commission représente une évolution par rapport au texte initial du Gouvernement, mais il prévoit toujours des contrôles d’identité par des personnes dont ce n’est pas le métier. Ce n’est pas acceptable. Les sanctions prévues sont toujours disproportionnées et posent problème en termes de droit du travail. Surtout, on le voit, la mise en place du passe sanitaire, tel qu’il est envisagé, ne fonctionne pas et crée de terribles divisions.

Pour ma part, je crois véritablement à la responsabilité individuelle. Il faut réfléchir à la bonne manière d’expliquer les choses, de faire de la pédagogie et de toucher au plus près les gens, notamment les personnes fragiles, les plus éloignées, les plus défavorisées. C’est de cette manière qu’il faut avancer.

On parle de vaccination obligatoire. Qui dit obligation, dit, bien sûr, contraintes et contrôle. Mais si contrôle il doit y avoir, il doit être effectué par les forces de l’ordre, c’est-à-dire par des personnes habilitées. On ne peut transiger sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. En voulant faire de la pandémie un sujet politique et non sanitaire, le Gouvernement a brouillé les messages.

Malgré cela, on l’a dit, nos concitoyens ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités. Aujourd’hui cependant, c’est vrai, ils s’interrogent et ils doutent. Oui, il faut prendre des mesures, c’est évident. Je rappelle pour la énième fois que nous sommes favorables à la vaccination du plus grand nombre possible de nos concitoyens. Mais pour ma part, comme pour une grande partie des membres de mon groupe, je ne suis pas pour la vaccination obligatoire.

Aujourd’hui, il y a le feu au lac et, pour l’éteindre, vous nous proposez des mesures qui portent des coups sévères à notre droit. L’instauration d’un passe sanitaire soulève des problèmes juridiques et éthiques d’une très grande gravité. Notre droit pourrait ne pas en sortir indemne. Si les libertés fondamentales peuvent être désactivées en période de crise sanitaire, c’est donc, mes chers collègues, qu’elles ne sont plus fondamentales.

L’histoire de ces dernières décennies, notamment de ces dernières années, démontre que la tendance est à la généralisation et à la pérennisation des mesures restrictives de libertés. Ces mesures, que l’on envisageait provisoires, sont ensuite entrées dans notre droit positif. Qui nous dit qu’il n’en sera pas de même demain ?

M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.

M. Sébastien Meurant. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez parlé des variants, notamment du variant breton, lequel était indétectable, très dangereux mais heureusement peu contaminant.

La seule chose que nous savons, c’est que nous ne savons pas : nous ne savons ni quand, ni comment est apparu ce virus – s’il est naturel ou s’il a été fabriqué –, ni quand il disparaîtra.

La grippe de Hong Kong est apparue en juillet 1968, elle a disparu en décembre 1970. Avec le recul, nous savons comment le gouvernement et la société de l’époque ont géré cette crise sanitaire majeure.

Ce qui est sûr, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous n’avez pas été capables d’apaiser l’angoisse du peuple français. Pis, vous l’avez alimentée par vos déclarations contradictoires et vos prises de position successives. Tel est le reproche qu’on peut vous adresser.

Au mois d’avril 2021, M. le garde des sceaux déclarait que les prisonniers n’étaient pas des cobayes.

Comme l’a souligné M. Savoldelli, les vaccins sont en phase de test. (Marques de dénégation au banc des commissions.) Certains réclament l’obligation vaccinale. Pourriez-vous m’indiquer un seul pays en Europe ou dans le monde qui ait pris une telle décision ?

Jusqu’à présent, un vaccin, comme tout médicament, devait relever d’un consentement libre et éclairé. Cette maladie fait des morts. Nous savons qu’il y a une surmortalité à partir de 65 ans et une forte surmortalité au-delà de 80 ans, ainsi que chez les personnes obèses.

Mettons donc le paquet sur l’incitation vaccinale à destination des personnes à risque, et posons la question de la liberté des jeunes et des enfants ! Car vous ignorez les conséquences d’une vaccination de ces derniers. Pour preuve, vous ne savez pas si le vaccin sera efficace, s’il aura muté, s’il faudra une troisième injection… D’ailleurs, aujourd’hui, les personnes hospitalisées en Israël et au Royaume-Uni sont vaccinées. Le vaccin protège certainement, mais on observe une recrudescence du virus chez les personnes vaccinées.

Avec de telles mesures, vous condamnez nombre de nos concitoyens à la mort sociale ! En plus, c’est inapplicable en droit. Il y a là un vrai problème en termes de libertés publiques et d’application des règles !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nos débats sont très regardés. Nous sommes nombreux à être confrontés à un conflit de loyauté car, à la fois, très hostiles au passe sanitaire et très reconnaissants envers la commission pour son travail de réécriture. Le texte transmis par l’Assemblée nationale était – il faut bien le dire – tout à fait bancal. Nous devons donc faire un choix ; ce n’est pas Le Choix de Sophie, mais cela y ressemble un peu !

Monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous nous communiquer au cours du débat les éléments chiffrés relatifs au stock de vaccins disponibles, ainsi qu’aux flux, c’est-à-dire aux commandes, afin que nous soyons éclairés ? En cas d’adoption du passe sanitaire, le minimum serait tout de même de nous informer du nombre de vaccins à la disposition de nos concitoyens.

Il y a d’autres problèmes. Le portail système d’information national de dépistage (SI-DEP), qui donne les résultats et le QR code – il vaut passe sanitaire –, a écrasé tous les résultats datant de plus de trois mois. Dès lors, les personnes testées positives voilà plus de trois mois et moins de six mois n’ont pas droit au passe sanitaire ou au QR code. Il faudra donc peut-être prolonger le délai pendant lequel le SI-DEP peut conserver les données pour qu’elles y aient droit.

Monsieur le secrétaire d’État, l’ensemble des dispositions qui lient le passe sanitaire à des mesures de licenciements sont tout à fait inacceptables ! La commission des lois les a réécrites, tout comme la commission des affaires sociales a prévu des modifications s’agissant des sanctions pour faux et usage de faux.

Le texte issu des travaux de nos deux commissions mérite vraiment d’être examiné. C’est pourquoi, même si c’est à contrecœur, je ne voterai pas les amendements de suppression de l’article 1er.

En revanche, ma décision finale dépendra du sort qui sera réservé au texte de nos commissions et de ce qui sortira de la réunion de la commission mixte paritaire. J’espère que les députés écouteront le travail du Sénat. Compte tenu des conditions dans lesquelles notre Haute Assemblée a dû examiner ce texte – tout le monde les connaît et les a évoquées –, je pense que son travail mérite vraiment le respect.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Je le rappelle, la version de l’article 1er dont nous sommes saisis a été largement amendée et réécrite par la commission ; ce n’est plus le texte du Gouvernement.

Nous souhaitons aboutir à un autre équilibre pour concilier les obligations sanitaires, que nous déplorons de devoir mettre en œuvre, et le respect des libertés. Le Sénat est vraiment, me semble-t-il, dans ce rôle. Ainsi que M. le rapporteur l’a souligné, les dispositions que la commission a proposées offrent de meilleures garanties. La volonté du Sénat est de trouver des solutions pour mieux assurer le respect des libertés dans un contexte évidemment contraint par la réalité sanitaire.

Nous faisons à regret le choix du passe sanitaire. Nous ne voyons pas comment l’obligation vaccinale pourrait constituer une meilleure solution à court terme. Certes, le moment où ce sera la bonne mesure à prendre viendra sans doute. Mais, à ce stade, elle paraît difficile à mettre en œuvre. Comment le contrôle s’effectuerait-il ? Il susciterait vraisemblablement autant de réactions, voire plus, que le contrôle du passe sanitaire. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.)

Par conséquent, avec un certain nombre de collègues du groupe, je propose que nous ayons le débat sur les aménagements juridiques très forts proposés par la commission. Le texte qui sortira du Sénat répondra mieux à la vision des libertés publiques que nous partageons tous. Les apports de la commission, notamment un cadre juridique beaucoup plus clair des garanties de délai et de revoyure et l’obligation pour le Gouvernement de fournir des éléments de manière hebdomadaire, concourent en effet à un meilleur exercice de nos libertés.

Par conséquent, je souhaite que nous n’adoptions pas les amendements de suppression de l’article 1er.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Même si c’est la commission des lois qui est saisie au fond sur l’article 1er, je souhaite rappeler, en tant que présidente de la commission des affaires sociales, quelques éléments de contexte.

On peut refaire l’histoire. On peut adresser des critiques au Gouvernement. D’ailleurs, la commission d’enquête dont j’étais rapporteure en a formulées. Le moment de dresser le bilan viendra.

Mais nous sommes aujourd’hui face à une épidémie qui flambe, avec un variant, nous dit-on, très contaminant puisque sa charge virale est très importante. Comme nous le voyons en Vendée, dans le département de notre collègue Bruno Retailleau, les contaminations sont en effet très fortes. Pour l’instant, le variant semble être moins létal, mais l’avenir dira si c’est le cas ou si celui-ci provoque des formes encore plus graves.

À mes yeux, l’urgence est de freiner la circulation du virus. La vaccination est une solution ; il faut l’accélérer. Mais, entre aujourd’hui et le moment où nous aurons atteint un seuil satisfaisant de vaccination, nous devons freiner la circulation. Et même si je le regrette – il est vrai que cela soulève des difficultés, notamment en impliquant un changement dans les comportements –, le passe sanitaire me semble être la seule solution à ce stade. Au demeurant, avec les modifications introduites en commission des lois par M. le rapporteur Philippe Bas, le dispositif me convient parfaitement.

Balayons certaines images fausses. Non, le virus ne touche pas seulement les vieux et les gros ! Des jeunes aussi sont concernés. Et quand on attrape le covid, on ne sait pas quel sera l’avenir. Le professeur Pittet nous disait ne souhaiter à personne de l’attraper, compte tenu des incertitudes quant à l’avenir. Il existe des covid longs avec des conséquences très fortes chez des personnes jeunes.

Faisons donc en sorte que nos compatriotes ne soient pas contaminés. Nous verrons bien comment la vaccination se déroulera, mais l’objectif premier est bien d’éviter les contaminations et les covid longs avec des complications que l’on ignore chez les jeunes. Ces derniers sont peut-être moins touchés du point de vue des statistiques, mais quand cela tombe sur votre fils, votre petit-fils ou votre conjoint, vous ne voyez plus les choses de la même manière !

Je suis donc résolument hostile à la suppression du passe sanitaire. Il est vrai que l’on a demandé beaucoup d’efforts aux Français depuis un an. Ils peuvent encore en faire pendant quelques mois. Devoir présenter un passe sanitaire – cela suppose de faire des tests quand on n’est pas vacciné –, ce n’est peut-être pas très agréable, mais finir en réanimation l’est encore moins ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. Je comprends et partage l’angoisse des Français. Pourquoi braquer les femmes enceintes, comme cela a été fait à l’Assemblée nationale ? Pourquoi ne pas prendre des mesures claires et précises à destination des personnes les plus à risque, même si je sais que le virus peut toucher tout le monde ?

Je remercie la commission d’avoir proposé des solutions à la fois sages et cohérentes.

Je suis aussi très surprise de voir qu’il n’y a pas de mesures globales de santé publique nous permettant, à la fois, de gérer cette crise et de prévoir les autres. Comment ne pas s’interroger sur le fait que nous n’ayons avancé ni sur le dossier vaccinal ni sur la question des allergies ? Pourquoi de telles informations ne figurent-elles toujours pas sur la carte vitale ? Pourquoi n’avons-nous pas anticipé cela ? Pourquoi n’avons-nous pas « profité » de la crise pour adopter de telles dispositions ?

Les mesures relatives aux licenciements sont totalement inacceptables ; il n’est pas possible d’en arriver là. Les conditions dans lesquelles le Parlement est amené à travailler le sont tout autant. Nous aurons passé nos mandats à discuter de restrictions des libertés !

En 1965, les Compagnons de la Libération François Jacob, André Lwoff et Jacques Monod ont reçu le prix Nobel, parce qu’ils avaient inventé l’ARN messager. Comment, au pays de Pasteur, a-t-on pu rater l’épopée vaccinale auprès des Français ? Elle aurait pu nous rassembler, d’autant que la question transcende les clivages politiques. Et il est normal de s’interroger quant à la protection des libertés.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les dispositions adoptées par la commission des lois sont sages, équilibrées, et garantissent la préservation des libertés. En l’absence du ministre de la santé, pouvez-vous prendre l’engagement que les députés, titulaires du pouvoir de dernier mot, se rallieront en commission mixte paritaire au travail effectué ici ? Encore une fois, ces questions transcendent les clivages politiques.

Il y a aujourd’hui des manifestations dans toute la France, car les Français s’inquiètent. Et vous avez renforcé leurs inquiétudes en ne répondant ni à leurs questions ni à celles que nous vous avons posées, par exemple sur les flux de vaccination.

Nous voulons tous sortir par le haut de cette crise. Mais cela dépend aussi de vos réponses et de votre comportement à l’égard de la représentation nationale ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Avec une grande majorité des membres de mon groupe, nous soutiendrons le travail de réécriture du texte effectué par les commissions.

Considérons véritablement la situation d’urgence à laquelle nous sommes confrontés. Ainsi que je l’indiquais hier soir, nous sommes face à un virus particulièrement retors, qui a une faculté adaptative immense. Il est en train de compenser le rétrécissement de sa cible – une partie de celle-ci, parce qu’elle est vaccinée, lui échappe – par une contagiosité énorme. Ainsi que Mme la présidente de la commission des affaires sociales vient de le rappeler, le nouveau variant a une charge virale mille fois supérieure. Cela se traduit déjà par une augmentation de 70 % des hospitalisations en France en une semaine. Le risque est réel.

Il y a dans notre pays, à l’heure actuelle, à peu près 4 millions de personnes fragiles. Or 20 % des plus de 80 ans, 10 % des plus de 70 ans, et pratiquement le tiers des personnes très vulnérables plus jeunes ne sont pas vaccinés. Il y aura des morts et des covid longs. Près de 10 % des personnes touchées subissent des covid longs, avec des souffrances énormes.

Face à une telle situation, que faut-il faire ? Ne rien faire ? Reconfiner ?