Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission applaudit également.)

M. René-Paul Savary. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, s’il me revient d’intervenir au nom du groupe Les Républicains sur ces deux propositions de loi, c’est avant tout en tant que président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat.

Je suis, vous vous en doutez, particulièrement sensible aux volets de ces textes relatifs aux pouvoirs de contrôle du Parlement, qui portent, je le rappelle, sur plus de 500 milliards d’euros de dépenses publiques.

Dans cette optique, je soutiens la création de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, mesure qui figurait d’ailleurs dans la proposition de loi organique que M. le rapporteur, Mme la présidente de la commission et moi-même avons cosignée.

En effet, reconnaissons que l’examen de l’exécution des lois de financement de la sécurité sociale est aujourd’hui bien trop tardif. Le fait de disposer à l’avenir d’un rendez-vous spécifique, à la fin du mois de juin ou au plus tard en juillet, permettra au Parlement d’examiner en temps utile les documents annexés aux futures lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, d’effectuer les auditions nécessaires et, au bout du compte, de se prononcer au moment de son vote de manière éclairée.

Mais, au-delà des Lacss, je tiens aussi à apporter mon soutien aux ajouts importants adoptés par la commission des affaires sociales en matière de contrôle, notamment sur l’initiative de son rapporteur.

Je pense à la mention expresse de l’évaluation des effets financiers de l’évolution des dispositions législatives encadrant des prestations sociales parmi les renseignements d’ordre financier et administratif que les commissions des affaires sociales sont en droit de demander et, surtout, d’obtenir aux termes de l’article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale.

Je pense aussi à l’obligation de répondre aux commissions des affaires sociales dans un format exploitable, comme l’a d’ailleurs demandé la commission des finances lors de la discussion du texte que nous avons précédemment examiné. Un tel détail peut certes paraître trivial de prime abord, mais il est en fait décisif.

Comme l’a souligné Jean-Marie Vanlerenberghe dans son rapport, « un tableau reprographié ou un document en format PDF non cliquable n’offrent pas les mêmes capacités d’analyse qu’un tableur exploitable », compte tenu en particulier des délais d’examen très contraints des textes financiers. J’espère, madame la ministre, que ces apports subsisteront après la première lecture au Sénat et, au-delà, à l’issue de la navette.

Enfin, j’aurai l’occasion de défendre un amendement tendant à supprimer l’introduction dans la loi organique du Printemps de l’évaluation qu’organisent chaque année nos collègues députés. Cette position – j’y reviendrai plus en détail lors de la présentation de cet amendement – est cohérente avec les votes du Sénat et de sa commission des finances sur le texte réformant la loi organique relative aux lois de finances. S’il n’y a pas de Printemps dans la loi organique relative aux lois de finances, il n’y a pas lieu d’en inscrire un dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Je tenais, en tant que président de la Mecss, à souligner le caractère surprenant, pour ne pas dire peu élégant, de la démarche. Je me demande quelle serait la réaction des députés si nous introduisions dans le texte des procédures propres au Sénat !

Nous sommes favorables à une évaluation annuelle plutôt qu’à une évaluation saisonnière. C’est ainsi que nous travaillons dans le cadre de la Mecss et vous comprendrez que nous y soyons particulièrement attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui deux textes relatifs aux lois de financement de la sécurité sociale.

Certains se sont étonnés, voire émus – je l’ai entendu – que cette proposition de loi organique ne soit pas seulement un texte technique. Mais, mes chers collègues, qu’y a-t-il de plus politique que les rôles respectifs du Gouvernement et du Parlement dans la gestion de la moitié de nos dépenses publiques ? Nous nous situons en réalité au cœur de nos missions.

L’examen de ces textes me donne l’occasion, alors que j’occupe depuis peu les fonctions de rapporteure générale de la commission des affaires sociales, de rappeler, aux côtés de la présidente Catherine Deroche, le souci qu’a notre commission de faire de la loi de financement de la sécurité sociale, cette loi financière devenue incontournable, un réel outil de pilotage de nos politiques sociales.

Certains dénoncent de manière caricaturale un affront fait aux partenaires sociaux, une mise à mal du paritarisme, voire une étatisation scandaleuse des politiques sociales. Notre commission, pour sa part, a fait le choix d’un travail sérieux et équilibré. À cet égard, je tiens à saluer la persévérance et la sagesse de Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de ces textes, dont on connaît l’attachement au paritarisme.

Il est temps d’arrêter de voir en l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale une prude discussion sur des assurances sociales qui fonctionneraient d’elles-mêmes, de regarder la sécurité sociale comme un monument statique depuis 1945, tel un Arc de triomphe dissimulé sous un voile pudique.

Nous devons tirer les enseignements des évolutions de la sécurité sociale, de la structure de ses recettes comme de la construction de ses dépenses. De même, nous devons tenir compte du rôle d’opérateur de l’État qu’elle assume depuis peu, mais de manière de plus en plus nette, avec l’assurance maladie ou encore les caisses d’allocations familiales (CAF).

Il nous faut aussi constater que le poids de la dette sociale ne nous permet pas de nous exonérer de nos responsabilités. Puisque la sécurité sociale a changé, les lois de financement de la sécurité sociale doivent elles aussi changer dans leur forme, dans ce qu’elles permettent au Gouvernement également.

Nous revendiquons cette proposition de loi organique : elle constitue une rénovation nécessaire du cadre des lois de financement de la sécurité sociale et un renforcement de leur rôle de pilotage des politiques et des dépenses sociales. Pilotage : j’ose le mot ! J’estime en effet qu’il est trop facile de penser que, sous prétexte qu’une politique est sociale, elle ne peut faire l’objet d’arbitrages, être évaluée financièrement, voire recalibrée. J’estime aussi que l’existence des projets de loi de financement de la sécurité sociale a consacré le rôle du Parlement en la matière.

Si la révision constitutionnelle de 1996 a créé les lois de financement de la sécurité sociale en les distinguant des lois de finances à l’article 34 de la Constitution, il n’y a aucune ambiguïté sur l’intention du constituant. Certains veulent voir dans ce texte une vague constatation de dépenses presque extérieures au Parlement. C’est une erreur et c’est se méprendre sur la mission que nous confie la Constitution.

Je ne peux pas, en tant que rapporteure générale, considérer que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne constitue pas une forme d’autorisation parlementaire de la dépense publique, que les votes qui sont les nôtres sur les tableaux d’équilibre et sur chacun des objectifs de dépense sont dénués de toute normativité.

Je vous regarde aussi, madame la ministre, en disant cela : les lois de financement de la sécurité sociale offrent une extrême souplesse en matière de gestion des crédits publics. Nous le savons et le Gouvernement le revendique comme un avantage opérationnel.

Mais ne confondons pas souplesse et laxité. Je le dis clairement ici : ce n’est pas parce que la sécurité sociale, et non l’État, verse des crédits à un opérateur que celui-ci doit disposer du jour au lendemain d’un guichet ouvert, sans contrôle du Parlement. Pour le dire de façon plus triviale, ce n’est pas open bar !

Ayant constaté le changement de gestion de la sécurité sociale et l’inadaptation du régime budgétaire à cette évolution, la commission a souhaité actualiser la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle j’évoquerai ici, parmi les apports de notre commission au texte transmis par l’Assemblée nationale, un axe qui me paraît essentiel, ce que nous avons appelé les « clauses de retour devant le Parlement ».

Madame la ministre, l’approche retenue par le Gouvernement sur les lois de financement de la sécurité sociale lors de l’année 2020 nous a surpris et marqués. Alors que quatre collectifs budgétaires ont été discutés au Parlement, aucun projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale n’a été déposé. Aucun ! N’était-ce pourtant pas nécessaire ? Soyons sérieux !

Un relèvement du plafond d’emprunt de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) de 39 à 95 milliards d’euros, un choc considérable de recettes dû à l’activité partielle, une augmentation majeure et nécessaire des dépenses de santé pour faire face à la pandémie : tous ces sujets, pris individuellement, auraient pu justifier l’examen d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Le Parlement siégeait durant la crise et notre commission des affaires sociales réclamait un tel texte. Pourtant, M. le ministre Dussopt nous l’a dit et répété : le Gouvernement n’a pas déposé de collectif social, car il estimait que la loi organique ne l’y contraignait pas. C’est sur ce point que nous divergeons profondément. Certes, le droit ne l’y obligeait pas, mais la situation financière de la sécurité sociale rendait cet exercice politiquement et démocratiquement incontournable.

Trois clauses de retour devant le Parlement sont ainsi inscrites dans la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles visent un même objectif : ne pas dessaisir chaque année le Parlement de la gestion de la sécurité sociale une fois que la loi de financement de la sécurité sociale a été adoptée.

La première clause concerne le plafond d’emprunt de l’Acoss : nous ne nous satisfaisons pas d’une simple information lors de son relèvement. Nous souhaitons que les décrets soient pris après avis de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau. La deuxième clause concerne les objectifs de dépense, et particulièrement l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam. Je le dis ici : le dispositif retenu ne bride en aucune façon les capacités d’action du Gouvernement en temps de crise. Il lui impose seulement de recueillir l’avis du Parlement sur les dépenses qu’il entend faire au-delà des montants votés par celui-ci. Cela nous semble être le minimum.

La troisième clause concerne plus particulièrement les périodes de crise et découle d’un amendement dont je suis l’auteure. Ainsi, en cas de rupture des équilibres financiers votés, à défaut d’un collectif social, le Gouvernement devra à tout le moins présenter au Parlement un rapport détaillant les raisons des dérapages financiers et actualisant les prévisions en matière de crédits votés. Surtout, car notre position est celle de parlementaires souhaitant assumer leurs responsabilités, les commissions des affaires sociales devront se prononcer sur les orientations proposées par le Gouvernement.

Cette proposition de loi est donc un texte soucieux des droits du Parlement : devons-nous nous en excuser ? Je pense fondamentalement que, en période calme comme en temps de crise, il est démocratiquement sain pour un Gouvernement de devoir se confronter au Parlement.

Enfin, permettez-moi d’être directe avec ceux qui s’étonnent que le texte vise l’équilibre des comptes sociaux : comment assurer la pérennité de la sécurité sociale en n’ayant pour seul horizon que le transfert régulier de déficits à la Cades ? Comment donner confiance aux jeunes générations alors qu’elles s’entendent dire que leurs pensions de retraite ne sont pas garanties ou, plus concrètement, que nous leur transmettons avec la dette sociale la facture de nos propres feuilles de soins ?

Je crois en la sécurité sociale, à son rôle dans notre pays : elle est le ciment de la cohésion nationale et un instrument de solidarité. Je crois aussi à sa fonction d’amortisseur social en temps de crise économique. C’est justement parce que je crois en notre modèle social que je considère que son équilibre financier est le gage de sa soutenabilité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Véronique Guillotin et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons assez tardivement aujourd’hui, à l’heure où la sécurité sociale connaît un déficit historique, l’examen de deux textes, dont l’un est proche de la proposition de loi organique tendant à renforcer le pilotage financier de la sécurité sociale et à garantir la soutenabilité des comptes sociaux, déposée en mars 2021 par Jean-Marie Vanlerenberghe, alors rapporteur général, la présidente Catherine Deroche et son prédécesseur Alain Milon, ainsi que l’ensemble des rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce texte était plus ambitieux, comme l’a rappelé Jean-Marie Vanlerenberghe, que celui qui nous est aujourd’hui soumis.

Si j’interviens ici au nom du groupe Les Républicains, je le fais aussi en tant que rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie.

Cette proposition de loi organique est importante, car elle encadre les modalités d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale mais, surtout, les moyens à la disposition du Parlement pour autoriser et suivre l’exécution des dépenses sociales.

Pour ce qui est des dépenses d’assurance maladie, j’estime que le temps est venu de tirer les conséquences des évolutions de notre système d’assurance obligatoire.

L’évolution des recettes de cette branche – avec la fin des cotisations salariales pour la maladie et le poids majeur de la contribution sociale généralisée –, le changement profond de la logique assurantielle qui prévalait avec la protection universelle maladie (PUMa), ainsi que le financement des agences sanitaires par l’assurance maladie après la débudgétisation de Santé publique France, nous obligent à reconsidérer la construction de l’Ondam et le contrôle du Parlement sur celui-ci.

Qu’on le regrette ou que l’on s’en félicite, ces réformes successives ont fait de la Caisse nationale de l’assurance maladie non plus une caisse gérée paritairement et dont la mission principale est le versement de prestations légales aux assurés, mais bien un opérateur de l’État pour la mise en œuvre de sa politique de santé.

La sécurité sociale d’aujourd’hui est-elle toujours celle qui a été pensée en 1945 ? Sauf à ne pas vouloir honnêtement le reconnaître, force est de constater que l’Ondam mélange aujourd’hui, sous un même régime budgétaire, des dépenses d’assurance sociale et des dépenses d’intervention. Cela peut constituer un atout, particulièrement pour le Gouvernement, en termes de facilité de gestion. Soit ! Mais ce confort tout relatif n’a pas été conçu par le législateur comme une dispense d’autorisation parlementaire de la dépense, sous prétexte que sa finalité est sanitaire.

Soyons clairs : fallait-il acheter des masques et des respirateurs en urgence ? Évidemment oui ! Aurait-on pu demander au Parlement d’ouvrir une ligne de crédits ou, à tout le moins, le consulter plutôt que de procéder par arrêté ministériel ? Bien sûr ! Devait-on augmenter les soignants à l’issue de la crise sanitaire ? Oui ! Pouvait-on au préalable demander au Parlement d’approuver une dépense pérenne de plusieurs milliards d’euros ? Oui également, c’est son rôle constitutionnel.

Surtout, comment admettre que, alors que le Gouvernement a annoncé en juin dernier un dépassement de l’Ondam de près de 10 milliards d’euros par rapport au montant voté en décembre, nous devions attendre cette année encore le mois d’octobre pour en discuter dans cette assemblée ? Doit-on encore se satisfaire, une fois par an, de votes jugés non contraignants sur des sous-objectifs, dont deux d’entre eux avoisinent tout de même les 100 milliards d’euros, et ce sans marge d’action pour les parlementaires ?

Dans notre démocratie, ce n’est pas parce que la sécurité sociale paie que le Gouvernement doit décider seul ! Ce n’est pas le sens de l’histoire et, surtout, tel n’était pas l’intention du constituant de 1996 lorsqu’il a créé les lois de financement de la sécurité sociale.

Madame la ministre, les rapports sur le devenir de l’Ondam et le pilotage des dépenses d’assurance maladie se succèdent et le parfait outil n’est certainement pas encore disponible. Mais où sont aujourd’hui vos propositions en la matière ? La commission des affaires sociales du Sénat, elle, a fait des propositions dans ce texte et j’y souscris pleinement.

Elle suggère notamment de fixer des conditions pour relever certains sous-objectifs. Il s’agit d’introduire de la souplesse donc, mais également d’imposer le regard du Parlement : permettez-nous de l’exiger !

Chacun partage l’attachement de la Nation à l’hôpital ; beaucoup dénoncent des financements insuffisants. Nous demandons de pouvoir mieux les suivre, d’évaluer les besoins supplémentaires et le montant des dotations d’intérêt général.

Tout le monde reconnaît la fonction stratégique de certaines agences sanitaires : nous demandons à pouvoir suivre plus finement l’exécution de leurs dépenses.

L’assurance maladie est un poste de dépenses majeur ; c’est surtout l’incarnation d’une politique publique essentielle, dont nous voulons débattre au Parlement. Tel est l’objet de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission applaudit également.)

M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en examinant ces propositions de loi, nous devons garder à l’esprit les enjeux des lois de financement de la sécurité sociale. Je rappelle que le budget des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse représente plus de 550 milliards d’euros.

En outre, le contexte dans lequel nous examinons ces textes est singulier : jamais la sécurité sociale n’a connu une détérioration aussi brutale et rapide de ses comptes.

Depuis 2017, les modifications des relations financières entre l’État et la sécurité sociale ont notamment été symbolisées par la non-compensation par l’État de certaines exonérations de cotisations ou baisses des prélèvements sociaux. Il en découle des pertes de recettes évaluées à environ 5 milliards d’euros pour 2019 par le Haut Conseil du financement de la protection sociale.

De ce fait, la sécurité sociale s’est trouvée, début 2020, en situation de fragilité et exposée de manière inédite à tout choc exogène. Nous connaissons la suite : la crise sanitaire est survenue et, avec elle, la très forte dégradation des comptes sociaux.

La sécurité sociale fait partie intégrante de l’identité même de notre pays. Les Français y sont attachés. Laisser filer les déficits revient à la mettre en péril. L’État ne peut en faire une variable d’ajustement de sa gestion des finances publiques.

J’en viens au fond des textes pour soutenir deux propositions adoptées par la commission des affaires sociales, sur l’initiative de son rapporteur Jean-Marie Vanlerenberghe, dont je salue le travail.

En premier lieu, j’approuve la mise en place d’une règle d’or. L’idée d’éviter que, à l’issue de la crise actuelle, de nouvelles dettes se forment pour la sécurité sociale va tout à fait dans le bon sens. Le système proposé permettrait par exemple d’autoriser des déficits sur une année, mais imposerait de rattraper les pertes au cours des années suivantes. Un tel dispositif permettrait de garder une certaine souplesse en laissant la possibilité de reconnaître des « circonstances exceptionnelles » et de déroger à la règle.

Il nous semble que le Gouvernement ne peut qu’accepter cette proposition puisque, lui-même, dans le projet de loi instituant un système universel de retraite, prévoyait une nouvelle gouvernance pour le pilotage financier du futur système.

Avec la création d’une règle d’or, les comptes devraient nécessairement être à l’équilibre sur une période de cinq ans, quitte à prendre des mesures d’économie pour y parvenir.

En second lieu, nous soutenons la proposition du rapporteur d’élargir le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale en y incluant les dépenses d’assurance chômage. Les recettes, les dépenses et le solde du régime feraient ainsi l’objet d’un article distinct et le Parlement pourrait voter des mesures ayant une incidence financière sur le régime d’assurance chômage.

Certains parlent d’étatisation. S’il s’agit bien d’une recentralisation du pilotage financier du régime d’assurance chômage, force est de constater que le processus a déjà débuté depuis plusieurs années.

Depuis 2018, en effet, le Gouvernement transmet aux partenaires sociaux un document de cadrage, qui sert en quelque sorte de base de travail pour la négociation. Comme nous l’avons vu en 2019, le Gouvernement peut refuser un accord interprofessionnel et fixer lui-même, par voie réglementaire, les règles inhérentes au système d’assurance chômage.

Cette situation n’est pas pleinement satisfaisante. Le Gouvernement y tient une place prééminente et dispose d’une sorte de « pouvoir du dernier mot », qui écarte à la fois le travail des syndicats et du Parlement. Prévoir un vote de la représentation nationale dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale nous paraît donc particulièrement indiqué.

La même logique prévaut en matière de financement, avec le remplacement des contributions salariales d’assurance chômage par une fraction de CSG et la compensation des allègements généraux sur les contributions des employeurs. Comme nous le dénonçons souvent à cette tribune, il s’agit d’une « bercysation » de la sécurité sociale, contraire à l’esprit même du paritarisme de gestion assis sur les contributions sociales.

La réforme proposée est importante, bienvenue, et mérite que notre assemblée la vote très largement.

Au-delà de ces mesures, nous partageons la volonté d’améliorer l’information et d’étendre les moyens de contrôle du Parlement. Le groupe Les Républicains apportera donc son soutien aux propositions de loi telles que la commission les a modifiées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Vous m’avez interrogée, monsieur le rapporteur, sur le calendrier proposé. La proposition de loi organique entraînera évidemment une amélioration des conditions de travail du Parlement, vous vous en doutez bien. À titre d’exemple, l’alignement des calendriers du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale aurait permis de gagner deux journées cette année. En tant que présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente, vous savez combien cela compte.

Vous avez aussi évoqué le contrôle du Parlement ou les dépassements de budget de la sécurité sociale : on peut entendre votre proposition sur le plafond d’emprunt de l’Acoss ; la mise en œuvre d’un contrôle différencié entre sous-objectifs de l’Ondam nous semble en revanche un peu plus risquée, car elle renforcerait les antagonismes entre ces sous-objectifs.

Enfin, certains orateurs ont parlé de politique d’austérité, notamment en matière de santé. Je me contenterai de citer quelques chiffres : nous consacrerons 12,5 milliards d’euros au Ségur de la santé et 3,5 milliards d’euros de crédits supplémentaires à l’autonomie. Enfin, les dépenses de crise prévues en 2021 s’élèvent à 15 milliards d’euros. Il me semble donc que l’on peut difficilement parler de politique d’austérité !

Mme la présidente. La discussion générale commune est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.