M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, la ministre de la culture vous prie de bien vouloir excuser son absence aujourd’hui et m’a demandé de vous répondre.

Les mégalithes sont, après les grottes ornées, les plus anciens monuments historiques de France. Le dolmen de Saint-Paul a fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques dès 1889, ce qui montre son intérêt patrimonial majeur. Je me réjouis de l’intérêt que vous-même et le maire de Sainte-Cécile-du-Cayrou portez à ce monument.

Les dispositions du code du patrimoine fixent le régime juridique applicable au titre des monuments historiques et de l’archéologie. Ce dolmen étant classé au titre des monuments historiques, le propriétaire a l’obligation d’assurer les travaux d’entretien, de réparation et de conservation. Il peut, pour ce faire, solliciter l’aide financière de la DRAC territorialement compétente. Par ailleurs, les services régionaux de l’archéologie pourront prescrire la réalisation préalable d’une opération archéologique en lien avec le projet de restauration.

Le propriétaire n’a en revanche aucune obligation de permettre ou de faciliter l’accès du public au monument. Cette décision lui appartient, le dolmen étant situé sur une propriété privée.

Des échanges sont toutefois en cours entre la DRAC Occitanie, les collectivités territoriales et le propriétaire pour intégrer et mettre en valeur le dolmen de Saint-Paul dans un parcours de randonnée actuellement à l’étude.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

M. Philippe Bonnecarrère. Le maire de la commune prendra acte de ces indications. Je pense qu’il souhaitera savoir s’il existe une obligation de mettre en œuvre un programme de restauration sur le fondement d’une décision publique ou si cela suppose une décision du particulier.

Peut-être peut-on regretter, même si l’on comprend bien qu’il s’agit d’une propriété privée, que le propriétaire ne soit pas soumis au moins à une obligation d’accès visuel ? La notion d’accès physique est évidente : chacun peut interdire ou non l’accès à sa propriété. Sur l’aspect visuel, je serai plus prudent. J’espère que la réglementation pourra évoluer un jour sur ce point.

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour une mise au point au sujet d’un vote.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, lors du scrutin n° 1 du 6 octobre 2021 sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi tendant à permettre l’examen par le parlement de la ratification de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État, M. Jean-Louis Lagourgue souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

Candidatures à des commissions mixtes paritaires

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique et de la proposition relative aux lois de financement de la sécurité sociale ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

6

Les droits des personnes en situation de handicap sont-ils effectifs et respectés ?

Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur le thème : « Les droits des personnes en situation de handicap sont-ils effectifs et respectés ? »

Dans le débat, la parole est à Mme Laurence Cohen pour le groupe auteur de la demande.

Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Cathy Apourceau-Poly en raison de problèmes de transport. Cette intervention sera donc à deux voix !

À la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, le Sénat a inscrit à l’ordre du jour ce débat sur les droits des personnes en situation de handicap. Il nous a semblé important et utile d’avoir, à six mois de l’élection présidentielle et des élections législatives, une discussion dans notre Haute Assemblée sur l’effectivité et le respect des droits des personnes en situation de handicap.

Nous aurons, le 12 octobre prochain, l’occasion d’aborder une nouvelle fois la question de l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et de débattre avec le Gouvernement de la nature de cette allocation. L’AAH est-elle un revenu minimum de subsistance octroyé par l’État, calculé selon le foyer familial, ou une véritable prestation sociale de compensation du handicap individualisée, selon la situation propre du demandeur ? Pour notre part, la réponse est évidemment la seconde.

Sans la déconjugalisation, que nous sommes nombreuses et nombreux ici à soutenir, il est impossible de sortir d’une situation de dépendance. En effet, notre société enferme en particulier les femmes en situation de handicap qui vivent en couple : 75 % d’entre elles se sentent dépendantes de leur conjoint. De surcroît, on estime que 34 % des femmes en situation de handicap en France ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire ou d’un ex-partenaire.

Tout en abordant la question des aides financières, notre objectif est donc de mener une réflexion globale sur les personnes en situation de handicap, en partant de leurs droits et de leur mise en œuvre effective au quotidien. En effet, la crise sanitaire a mis à rude épreuve notre système de protection sociale. Selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, elle a exacerbé les inégalités des publics vulnérables, tels que les personnes en situation de handicap.

Avant toute chose, il faut rappeler qu’il y a, d’un côté, le handicap et, de l’autre, la personne en situation de handicap. Il ne faut pas les confondre. En France, une personne sur quatre souffre d’une incapacité, d’une limitation d’activité ou d’un handicap.

En ratifiant en 2010 la convention relative aux droits des personnes handicapées, la France s’est engagée, sur le plan international, à sortir d’une approche catégorielle du handicap, fondée sur de simples dispositifs en faveur des personnes en situation de handicap.

Le 14 septembre 2021, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies a rendu son rapport sur la mise en œuvre, par la France, de la convention relative aux droits des personnes handicapées. Il a fortement critiqué le système actuel, qui prévoit des réponses isolées pour les personnes concernées et perpétue la méprise selon laquelle les personnes handicapées seraient objets de soins et non pas sujets de droit.

Il est donc indispensable de changer d’approche et de cesser d’estimer que la personne en situation de handicap a des besoins et qu’il faut lui apporter une aide : il faut considérer qu’elle a des droits et qu’ils doivent être rendus effectifs.

L’ONU estime que la France adopte un modèle médical et des approches paternalistes du handicap, qui nuisent à la bonne application des droits des personnes handicapées. L’approche des personnes en situation de handicap ne doit plus être fondée sur leur état de santé. Ces personnes doivent au contraire être considérées comme des sujets de droit : elles ont droit à l’éducation, à un logement, à un travail, aux loisirs, à une vie familiale et sexuelle, à l’accès à la santé et aux transports.

Notre société doit repenser son approche du handicap dans notre pays. Pourtant, la France avait fait un premier pas en ce sens lors de l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi reconnaissait pour la première fois la responsabilité de l’environnement dans la production du handicap et traitait de la compensation, par le biais de prestations ou de services, en posant le principe de l’accessibilité à tout, pour toutes et tous.

Malheureusement, depuis 2005, les gouvernements successifs ont été incapables de tenir les engagements inscrits dans la loi. Si des avancées ont pu avoir lieu, nous sommes encore très loin d’une société inclusive. Il suffit de constater l’absence de publication de certains décrets pour se convaincre que l’accessibilité à l’école, à l’emploi ou aux bâtiments publics n’a été que partiellement mise en œuvre.

Christel Prado, présidente de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), posait justement la question dans un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de 2014 de l’opportunité de concevoir une société où les biens et services sont accessibles à toutes et à tous et où toutes les citoyennes et tous les citoyens peuvent faire valoir leurs capacités en exerçant leurs droits fondamentaux.

Dans un rapport du mois d’août, la Défenseure des droits a, elle aussi, fait état d’un bilan contrasté s’agissant de l’effectivité des droits des personnes en situation de handicap. Ainsi, en 2020, le handicap est, pour la quatrième année consécutive, le premier motif de saisine de la Défenseure des droits en matière de discrimination, ce motif représentant 21 % des réclamations.

Pendant la crise de la covid-19, les personnes en situation de handicap et leurs proches ont subi, comme souvent dans leur quotidien, hélas ! l’absence d’aide, de soutien et de répit.

Face à ces constats alarmants, construire une société inclusive et solidaire s’impose, c’est-à-dire une société qui reconnaisse à chaque personne des droits humains inaliénables et universels – civils, politiques, économiques, sociaux, culturels – et s’assure de la réalité de ces droits et de leur mise en œuvre effective dans la vie quotidienne.

Une telle société suppose des politiques d’aménagement et de développement durable qui prennent mieux en compte l’empreinte sociale, économique et environnementale, des politiques qui combattent les préjugés et les discriminations, qui s’opposent à toute logique d’exclusion et d’injustice sociale, qui garantissent et défendent la participation sociale de chacune et chacun, quelles que soient ses capacités. Il s’agit d’affirmer que chaque personne a sa place et doit respecter celle des autres.

En matière de droit à l’éducation, les enfants et les jeunes en situation de handicap sont particulièrement concernés par cette école qui ne s’adapte pas. Il est temps de prendre les mesures nécessaires pour aller vers une éducation véritablement inclusive et émancipatrice, respectueuse des droits humains. Les enfants et jeunes en situation de handicap connaissent de nombreux décrochages et ruptures de parcours, dus à l’inadaptation de la pédagogie.

Des moyens financiers et du personnel d’encadrement formé sont nécessaires pour garantir la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire. Il faut rendre accessibles tous les lieux d’accueil, d’activités et d’enseignement, mais également former et soutenir les professionnels de l’éducation et de l’enseignement. Il faut enfin soutenir des structures adaptées, car tous les enfants en situation de handicap ne peuvent intégrer une école dite « ordinaire ».

En matière de droit au travail et à la formation, notre pays connaît un terrible retard. Est-il concevable que, en Île-de-France, Pôle emploi ne dispose que d’une seule personne référente sur ces questions ? Pour favoriser l’accompagnement en milieu ordinaire, des moyens supplémentaires doivent être apportés pour recruter et former des conseillers. Je rappelle que, en plus des contraintes budgétaires, le nombre de places disponibles en établissements ou services d’aide par le travail (ÉSAT) est gelé depuis 2013.

En matière d’accessibilité, les retards dans la mise en œuvre des normes, y compris dans les transports publics, doivent être rattrapés au plus vite, afin que ce droit soit enfin effectif.

En matière de droit au logement, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies a lui-même signalé les reculs dans le droit français consécutifs à l’adoption de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN). Il recommande « d’abroger les dispositions de la loi réduisant le seuil des exigences en matière d’accessibilité pour le logement neuf ».

En conclusion, la personne en situation de handicap est aujourd’hui considérée non pas comme un sujet de droit, mais comme une personne ayant des incapacités. C’est ce paradigme qu’il convient de changer en adaptant notre législation.

Je terminerai en citant cette phrase de Gabriel Garcia Marquez : « J’ai appris qu’un homme n’a le droit d’en regarder un autre de haut que pour l’aider à se lever. »

Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous entendiez, dans mon propos et lors du débat qui va suivre, les exigences des personnes en situation de handicap et que vous puissiez faire mieux dans les six mois à venir. Je souhaite enfin que ce débat permette de faire avancer les droits de ces millions de femmes et d’hommes qui n’aspirent qu’à une seule chose : le respect. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe CRCE d’avoir pris l’initiative de ce débat sur les droits des personnes en situation de handicap. Cet échange offre l’occasion d’examiner les recommandations du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU (CDPH), qui a auditionné la France sur l’application de la convention relative aux droits des personnes handicapées ratifiée en 2010.

Si nous ne partageons pas la vision caricaturale présentée par le CDPH sur les établissements français accompagnant des personnes en situation de handicap, certaines recommandations vont dans le bon sens : renforcer l’accessibilité des maisons pour femmes handicapées victimes de violences, prévenir le risque de suicide des personnes autistes ou en situation de handicap psychique, limiter les disparités territoriales dans l’accès aux droits, notamment en matière d’accessibilité numérique. Plus largement, nous devons renforcer les dispositifs de protection des adultes vulnérables contre toute forme de maltraitance, allant de la négligence aux violences actives.

D’après les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne âgée sur six a été victime de maltraitance dans son environnement, qu’il soit familial ou institutionnel. Seulement un cas sur vingt-quatre fait l’objet d’un signalement. Le handicap est un facteur qui aggrave ce risque.

La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) fait clairement état dans son rapport publié en juillet 2020 d’une surexposition des personnes handicapées aux violences physiques, verbales ou sexuelles. Les femmes en situation de handicap sont deux fois plus souvent agressées à domicile ou près de chez elles, souvent par une personne de leur entourage. Le rapport sénatorial de la délégation aux droits des femmes publié en octobre 2019 décrit une situation alarmante pour les femmes autistes, dont 90 % seraient victimes de violences sexuelles.

L’accès aux soins des personnes autistes se révèle parfois difficile. D’après les experts, de nombreuses personnes autistes ou Asperger, en particulier des femmes, mettent en place un mécanisme de camouflage social pour des raisons d’acceptation sociale et professionnelle. Si cette stratégie de dissimulation leur permet de ne pas être identifiées comme des personnes autistes et ainsi d’éviter une forme de stigmatisation, cela se fait bien souvent au détriment de l’accompagnement et du soutien dont elles auraient besoin.

Ce mécanisme d’adaptation, qui concerne davantage les femmes, expliquerait pourquoi les hommes sont trois à quatre fois plus nombreux à être diagnostiqués autistes. Il faudrait, pour renforcer l’accès aux soins de ces personnes, adapter les outils diagnostiques à l’existence d’une spécificité féminine de l’autisme et du syndrome d’Asperger, moins visible et moins détectée.

Nous savons que les personnes autistes sont particulièrement vulnérables au harcèlement, à la dépression et au suicide. Selon une étude publiée en 2014, deux personnes autistes sur trois déclarent avoir envisagé de se suicider. Ces chiffres sont extrêmement préoccupants. C’est pourquoi l’accompagnement de ces personnes trop souvent isolées est indispensable.

Nous saluons la généralisation, annoncée par le Gouvernement, à la suite des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, du remboursement des consultations de psychologue ou de psychothérapeute. Il s’agit d’une avancée importante pour améliorer l’accès à la santé de nombreuses personnes vulnérables, dont celles qui sont atteintes d’un handicap.

J’espère que ce débat et les discussions qui se tiendront dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 contribueront, par l’attention qu’ils suscitent et les actions qu’ils permettront de mettre en œuvre, à améliorer l’accès des personnes handicapées à leurs droits, au premier rang desquels figure le droit à la santé.

« Dans ma civilisation, celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit, […] car nul ne souhaite entendre son propre écho. » Ces mots d’Antoine de Saint-Exupéry traduisent notre vision du handicap et plus largement de la société à laquelle nous aspirons. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans une interview qu’elle a donnée en 2018, Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, affirmait : « Les personnes handicapées ne seront plus des objets de soin, mais des sujets de droit ».

Pensez-vous, madame la secrétaire d’État, que cela soit réellement le cas en 2021 ? Les droits des personnes handicapées sont-ils pleinement effectifs aujourd’hui ?

Pour le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, qui a publié ses conclusions portant sur l’application par la France de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, il semblerait que non.

Selon ce rapport sévère et inquiétant, « le modèle du handicap basé sur les droits de l’homme n’a pas été intégré dans la législation ni la réglementation nationales », pas plus qu’il n’est « devenu partie intégrante de la conscience politique et professionnelle » en France.

Malgré la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » du pays dit des droits de l’homme, les personnes en situation de handicap sont laissées de côté, a affirmé Jonas Ruskus, rapporteur de ce Comité.

De toute évidence, il y a eu des avancées ces dernières années, notamment pour inscrire la question du handicap à l’agenda politique et bâtir une société plus inclusive. Des progrès sont à noter.

Depuis la grande loi sur le handicap de 2005, de nombreuses mesures ont été annoncées par les différents gouvernements.

Je pense par exemple à la modification du code du travail obligeant les employeurs à prendre des mesures d’aménagement raisonnables et assimilant le refus d’obtempérer en la matière à une discrimination fondée sur le handicap.

Je pense aussi à la loi d’orientation destinée à favoriser l’autonomie des personnes handicapées et à la stratégie pour l’emploi des personnes en situation de handicap.

En mars dernier, contre l’avis du Gouvernement, le Sénat a voté en faveur de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Comment justifier la réduction du montant de l’allocation d’une personne en situation de handicap pour la seule raison qu’elle se mette en couple ? C’est une injustice ! La démarche du Sénat répondait surtout à une attente sociétale profonde en faveur d’une plus grande autonomie financière au sein du couple.

Il y a aussi la cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à la perte d’autonomie : confirmée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, sa mise en place est toutefois inaboutie.

Ces mesures vont dans le bon sens, mais ne constituent pas toujours des engagements forts…

Dans les faits, qu’en est-il réellement des droits des handicapés en matière d’éducation, de cadre de vie, d’accessibilité, de droit à la vie, d’égalité, de non-discrimination ou encore de participation à la vie politique et publique ?

Le Comité onusien retient trois points de vigilance sur lesquels la France doit évoluer : le placement systématique en institution des personnes handicapées ; les traitements médicaux sous contrainte, notamment chez les personnes ayant un handicap psychosocial ; le dépistage génétique prénatal des déficiences fœtales, notamment de la trisomie 21, basé sur des stéréotypes négatifs à l’encontre des personnes handicapées et entraînant leur dévalorisation.

Le rejet prénatal des personnes porteuses de trisomie 21 se poursuit tout au long de leur vie. C’est ainsi que le Comité onusien reproche à la France le départ de personnes handicapées vers la Belgique – elles sont contraintes de s’exiler, faute de solutions dans notre pays.

Si nous n’accueillons pas pleinement la différence et la fragilité, alors les personnes handicapées n’auront jamais les mêmes droits que les autres. Elles ont besoin d’aide afin de prendre toute leur place dans la société.

C’est une révolution culturelle qu’il faut mener pour faire émerger cette société plus inclusive et faire changer le regard sur le handicap. L’accueil de la fragilité est le premier critère de notre humanisation.

Prenons l’exemple de l’école. Le droit à l’éducation est garanti par l’article 24 de la convention relative aux droits des personnes handicapées. L’école est essentielle pour les enfants : ils y sont instruits et y apprennent les règles de la vie en collectivité. Pourtant, de trop nombreux élèves ne sont plus accompagnés, faute de moyens financiers et d’une pénurie d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) – je le constate dans mon département.

L’ONU dénonce ainsi le manque d’aménagements raisonnables pour répondre aux exigences éducatives, particulièrement pour les enfants autistes.

Le sujet de l’éducation est primordial, il faut agir !

Il en est de même concernant l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Aujourd’hui, le taux de chômage des actifs handicapés atteint 19 %. Les entreprises préfèrent payer une contribution plutôt que de respecter le quota ; ce n’est pas acceptable ! Nous devons favoriser la rencontre entre l’entreprise et la personne handicapée. Cela constitue bien souvent un choc positif pour l’entreprise, fabrique de la solidarité et accompagne les personnes handicapées vers l’indépendance.

Dans le champ de la simplification administrative, l’Association départementale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales de la Mayenne, mon département, m’a alerté sur le fait que la numérisation des administrations constitue un risque d’exclusion pour les personnes en situation de handicap.

Les démarches auprès des administrations sont parfois complexes et des difficultés existent pour certains dossiers. La non-fourniture d’un document ou l’incompréhension sur une demande peut entraîner des suspensions de droits pour les personnes handicapées.

J’attire par ailleurs votre attention sur le projet de simplification de l’accès aux droits des personnes en situation de handicap par une centralisation des informations. L’articulation entre la communauté 360 et son guichet unique, la plateforme de répit pour les aidants et la maison départementale de l’autonomie apportera-t-elle la simplification attendue ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Guillaume Chevrollier. Le chemin est encore long pour atteindre une société dite inclusive. Trois conditions doivent être remplies : l’accessibilité des services, notamment aux services numériques ; des ressources et des moyens ; une gamme de services d’accompagnement pour les personnes handicapées.

Madame la secrétaire d’État, quelles réponses le Gouvernement entend-il apporter aux observations formulées par le Comité onusien ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 12 millions de personnes sont touchées par un handicap en France. La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis de réelles avancées, mais c’était il y a plus de quinze ans maintenant… Il nous faut encore faire des progrès en matière d’égal accès aux droits des personnes handicapées et tendre davantage vers l’objectif d’une société réellement inclusive.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a voulu ce débat pour que, sur toutes les travées de cet hémicycle, des propositions soient faites afin d’améliorer concrètement la vie des personnes en situation de handicap tout au long de leur vie.

Dès la porte d’entrée que constituent les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui doivent assurer la reconnaissance du handicap, la prise en charge et l’accompagnement de la personne, les choses coincent : en moyenne, les MDPH mettent quatre mois et douze jours pour répondre à une demande de prestation. Ces délais peuvent même quadrupler dans certains départements !

Nous faisons là face à un problème structurel, qui nécessite sans doute que les départements, compétents en matière d’action sociale, soient mieux dotés financièrement pour répondre à des demandes en augmentation croissante.

De même, l’ensemble des collectivités locales devraient être accompagnées et bénéficier d’un vaste plan leur permettant de concrétiser plus rapidement la mise en accessibilité de leurs structures, transports ou services.

Selon l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (Unapei), il manquerait entre 45 000 et 50 000 places dans les structures médico-sociales. De nombreux enfants sont concernés et ne bénéficient pas toujours des solutions éducatives qu’ils attendent, de même que de jeunes adultes, qui doivent rester, du fait de l’amendement Creton, dans des structures mal adaptées à leur âge.

Les personnes handicapées vieillissantes sont également concernées. C’est un sujet à part entière, particulièrement pour celles qui ne peuvent plus bénéficier du soutien de leurs parents disparus. J’insiste sur ce problème, qui plonge de nombreuses familles dans l’inquiétude et auquel il est apporté trop peu de réponses : nos anciens, qu’ils soient handicapés ou non, doivent pouvoir vieillir dignement et bénéficier de l’accompagnement qui leur est dû par la société.

Plutôt que de garantir un nombre de places suffisant, vous développez des services annexes comme la RAPT, le PAG et maintenant le PCPE, autant d’acronymes qui sont incompréhensibles pour les familles, mais qui ne masquent pas l’absence criante de structures adaptées !

La situation est identique dans les ÉSAT – ma collègue Laurence Cohen l’a évoquée –, où des tensions existent sur le nombre de places, notamment depuis 2013, aucune place n’ayant été créée depuis lors. Environ 2 000 jeunes qui devraient relever d’un tel établissement sont ainsi maintenus en institut médico-éducatif (IME) ou en institut médico-professionnel (IMPro), toujours au titre de l’amendement Creton.

En ce qui concerne la construction de logements accessibles, nous continuons de proposer de revenir sur les reculs de la loi ÉLAN, tant les besoins liés au handicap, mais aussi au vieillissement, plaident pour accroître leur nombre.

J’en viens à la scolarisation des enfants et au scandale qui demeure dans certaines académies : la non-prise en compte des élèves relevant des unités localisées pour l’inclusion scolaire, les classes ULIS, dans les effectifs des établissements scolaires. C’est non seulement inhumain, mais en plus, cela a un effet sur le taux d’encadrement, alors même que ces élèves devraient bénéficier d’un accompagnement renforcé.

Pour sécuriser le parcours des élèves en situation de handicap, trois principaux leviers doivent être actionnés selon nous : il faut professionnaliser les AESH et les « déprécariser », renforcer la formation des enseignants et élaborer un véritable partenariat entre l’école et le médico-social.

Pour conclure, permettez-moi de revenir sur un sujet d’actualité : le refus du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, de reconnaître l’autonomie des personnes bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, refus qui touche particulièrement les femmes. Les femmes qui vivent en couple se sentent à 75 % dépendantes de leur conjoint. La déconjugalisation doit être adoptée ; nous sommes nombreux ici à le dire, comme les personnes concernées et les acteurs de l’accompagnement du handicap. Cette légitime revendication doit être entendue. Soyez sûre, madame la secrétaire d’État, que la mobilisation ne faiblira pas sur ce sujet !

L’accès aux droits fondamentaux doit être effectif dans tous les secteurs de la vie quotidienne – logement, transport, scolarité, formation, emploi, culture, sport. Je n’ai pu esquisser ici que quelques-unes des pistes de travail sur lesquelles nous souhaitons que tout le monde se penche. (Applaudissements.)