M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 9 octobre 1962, dans ces murs, le président du Sénat Gaston Monnerville fustigeait « la confusion des pouvoirs […] au profit d’un seul » à propos du projet de loi relatif à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Il regrettait « la réunion en une seule main, sur une seule tête » de tous les pouvoirs.

Le temps ne lui a-t-il pas donné raison ? On peut légitimement se poser cette question. Le parlementarisme, que le constituant de 1958 a voulu rationaliser, le sera d’autant plus après cette réforme et avec la pratique de la Constitution qu’auront les successeurs du général de Gaulle.

Nous, parlementaires, en sommes les premiers témoins, pour ne pas dire les premières victimes.

Conscients de ce constat, les membres du RDSE ont déposé voilà quelques semaines la proposition de loi tendant à reconnaître aux membres de l’Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir, devenue proposition de loi visant à renforcer le contrôle par le Parlement de l’application des lois, après son adoption en première lecture par le Sénat. En permettant aux présidents des deux assemblées, ainsi qu’à ceux des commissions permanentes et aux présidents de groupe de saisir le Conseil d’État pour obtenir la publication d’instruments d’application manquants, ce texte contribue à ouvrir un droit nouveau en matière de suivi d’application des lois.

La proposition de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans sa continuité, en ce qu’elle vise à redonner au Parlement des prérogatives dans le contrôle de la loi et de sa mise en œuvre. Ce sont le même esprit et la même volonté de toujours renforcer les droits du Parlement qui ont guidé Jean-Pierre Sueur. Qu’il en soit remercié. Je salue son travail tout comme celui du rapporteur, Philippe Bas, qui ont permis d’aboutir à un texte équilibré et consensuel.

Cette proposition de loi constitutionnelle fait suite aux décisions des 28 mai et 3 juillet 2020 du Conseil constitutionnel jugeant qu’une ordonnance non ratifiée pouvait acquérir rétroactivement valeur législative à compter de la fin du délai d’habilitation, à condition que le projet de loi de ratification ait été déposé dans le délai imparti. En conséquence, le dépôt d’un projet de ratification donnerait automatiquement valeur législative à une ordonnance, laquelle, de fait, ne pourrait donc plus faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.

L’inscription à l’article 38 de la Constitution du principe selon lequel seule la ratification expresse des ordonnances de ce type est susceptible de leur conférer une valeur législative est donc bienvenue. Elle intervient dans un contexte où le recours aux ordonnances est toujours plus important, le nombre d’ordonnances prises en quinze ans ayant été multiplié par sept, preuve, s’il en fallait, de la volonté des exécutifs de tous bords de s’affranchir du débat parlementaire.

Aussi, les garde-fous apportés par la commission sont très utiles. Je pense au fait d’imposer que le domaine d’habilitation soit défini avec précision afin que le Conseil constitutionnel puisse mieux le contrôler, à la limitation à douze mois du délai d’habilitation ou encore au fait de prévoir la caducité de l’ordonnance en cas de non-ratification dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de celle-ci.

Je l’ai souligné récemment : sous la présente législature, les ordonnances sont davantage ratifiées que sous les gouvernements précédents. Reste que ce ne sera peut-être pas toujours le cas.

Gouverner, c’est prévoir : il importe donc d’inscrire dans notre loi fondamentale la nécessité d’une ratification expresse. Certes, cela ouvre une voie au recours, mais, au fond, cela permet au Parlement de faire ce pour quoi il est élu, c’est-à-dire contrôler l’action du Gouvernement et la mise en œuvre de la loi.

Vous l’aurez compris, pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera à l’unanimité cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Esther Benbassa et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte revêt le caractère d’un rappel à l’ordre, puisqu’il réaffirme les bases de notre État de droit, bâti sur la séparation des pouvoirs.

Par un revirement de jurisprudence tout à fait incompréhensible, le Conseil constitutionnel s’arroge la compétence pour examiner par voie de QPC les dispositions des ordonnances non ratifiées intervenant dans le domaine de la loi, une fois expiré le délai d’habilitation.

Il est donc nécessaire d’encadrer plus strictement le régime du recours aux ordonnances.

Selon un rapport de la direction de la séance du Sénat, le Gouvernement a largement recouru à l’article 38 de la Constitution ces dernières années. À la date du 30 juin 2021, le Parlement lui a accordé 309 habilitations à légiférer par ordonnances. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, la ratification de ces dernières doit être expresse. Cette exigence est primordiale. L’inscription à l’ordre du jour du Parlement et un vote du législateur écartent alors toute ratification implicite. Toutefois, seules 55 ordonnances publiées au cours du mandat actuel ont été ratifiées.

Tant qu’une ordonnance n’était pas ratifiée, ses dispositions intervenant dans le domaine législatif avaient valeur réglementaire (M. Alain Richard fait un geste de dénégation.) et le Conseil constitutionnel, conformément à l’article 61-1 de la Constitution, ne pouvait exercer de contrôle. Celui-ci vient toutefois de rompre avec cette tradition juridique : sa décision présente un fort risque de substitution de fait du pouvoir exécutif au pouvoir législatif, elle vient amoindrir le rôle du Parlement, qui, je le rappelle, est élu par le peuple souverain. Une telle décision contrevient au principe même de la séparation des pouvoirs.

Je remercie la commission d’avoir mené un véritable travail de réflexion, ainsi que M. Sueur, qui est l’auteur de cette proposition de loi constitutionnelle. Ce texte est essentiel pour le bon fonctionnement de notre démocratie. Le recours excessif aux ordonnances fragilise le Parlement. Ce qui est censé être exceptionnel ne doit pas devenir la norme. Nous devons à tout prix rappeler à l’exécutif à qui appartient le domaine législatif pour ne pas laisser de place au doute.

Je voterai ce texte. (Mme Martine Filleul ainsi que MM. Benarroche, Sueur et Wattebled applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette discussion s’inscrit parfaitement dans le débat politique du moment, marqué par le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire et par le refus de l’exécutif de laisser au Parlement la place que lui reconnaît l’esprit de la Constitution.

Je le rappelle, deux décisions du Conseil constitutionnel des 28 mai et 3 juillet 2020 sont venues percuter le bon fonctionnement de notre démocratie, non seulement selon le groupe SER, mais aussi, visiblement, selon la plupart des membres du Sénat. Avec ces décisions, les ordonnances acquièrent de fait automatiquement valeur législative, dès lors que serait écoulé le délai de ratification inscrit dans la loi d’habilitation.

Rappelons que, jusqu’à présent, les dispositions d’une ordonnance n’étaient considérées comme législatives qu’à compter de l’adoption par le législateur d’une loi de ratification.

Rappelons également que les termes de l’article 38 de la Constitution sont clairs : les ordonnances « ne peuvent être ratifiées que de manière expresse ». C’est bien cette formulation que nous voulons aujourd’hui réaffirmer avec cette proposition de loi constitutionnelle, non pas au nom d’un « c’était mieux avant », mais au nom des droits du Parlement, au nom de la séparation des pouvoirs, au nom des principes de notre République.

Ce revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel est d’autant plus inquiétant au regard de l’utilisation abusive que fait votre gouvernement des ordonnances, monsieur le garde des sceaux. Bien sûr, il y a toujours eu des ordonnances, mais jamais dans ces proportions, jamais de manière aussi systématique !

La crise sanitaire ne saurait seule servir de prétexte. Le rapporteur l’a rappelé, 318 ordonnances – je dis bien 318 ! – ont été prises depuis le début du quinquennat, soit une hausse de 89 % par rapport au quinquennat Sarkozy au même stade.

C’est incontestable, nous assistons à une banalisation du recours aux ordonnances : entre 1984 et 2007, 14 ordonnances ont été publiées chaque année, 30 entre 2007 et 2012, 54 entre 2012 et 2017, 64 depuis 2017.

Aujourd’hui, le Gouvernement ne se préoccupe même plus de savoir si ces ordonnances sont ou seront ratifiées par le Parlement. Il a été rappelé que 21 % des ordonnances publiées avaient été ratifiées depuis le début de la législature, contre 62 % lors du précédent quinquennat. Il faut être honnête, dans l’immense majorité des cas, elles ne le seront pas.

Or il ne s’agit pas de textes mineurs. Nous parlons de la destruction de la haute fonction publique d’État (M. le rapporteur sexclame.) – je savais que j’allais éveiller l’intérêt de Philippe Bas… (Sourires.) –, de la privatisation de la SNCF ou de la transformation de nos entreprises.

Le Gouvernement ne s’en cache même plus, puisque, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, la ministre de la transformation et de la fonction publiques, le 6 octobre dernier, nous répondait sans sourciller que l’ordonnance portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État ne méritait pas une ratification parlementaire, donc un débat.

Dans les faits, la substitution du pouvoir exécutif au pouvoir législatif devient la conception de l’équilibre des pouvoirs du gouvernement actuel.

L’examen du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, dont le Sénat aura ce soir de nouveau à connaître avec bonheur, en est l’exemple le plus caricatural. Non seulement les députés de la majorité se sont contentés, en séance publique comme en commission mixte paritaire, d’être les porte-voix du Gouvernement, mais ils sont allés – j’appelle sur ce point l’attention du Sénat, en particulier celle du rapporteur – jusqu’à étendre par amendement, encore cette nuit, l’habilitation à légiférer par ordonnances. (Mme Nathalie Goulet sexclame.) On peut d’ailleurs questionner la constitutionnalité de cet amendement qui aurait dû être présenté par le Gouvernement, mais nous aurons la réponse, puisque des saisines du Conseil constitutionnel sont prévues.

Sur un texte qui porte autant atteinte aux droits du Parlement, cette énième traduction de la volonté des députés de la majorité de se dessaisir au profit de l’exécutif est inquiétante. L’utilisation sans commune mesure des ordonnances par ce gouvernement, le refus même d’en débattre lors de leur ratification – il n’est qu’à rappeler l’attitude de Mme de Montchalin – ne sont pas des éléments isolés dans sa façon de prendre des décisions.

Selon nous, cela s’inscrit totalement dans un mode de gouvernance qui a vocation à décider sans les représentants du peuple. Cela s’est encore traduit quand le Président de la République a annoncé, le 18 octobre dernier, vouloir réformer le droit d’amendement pour le limiter et l’encadrer. Il en va également ainsi avec la généralisation de la procédure d’urgence, dite « accélérée », qui prive systématiquement nos assemblées d’une lecture qui serait bénéfique pour la fabrique de la loi.

Devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, le Président de la République avait souhaité que les relations entre le Gouvernement et le Parlement soient marquées par « un esprit de dialogue et d’écoute ». Il y a loin de la coupe aux lèvres : désormais, les intentions du Président de la République sont tout autres !

Je cite souvent à cette tribune cet extrait tiré de De lesprit des lois de Montesquieu : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » Jamais cette citation n’aura autant résonné avec l’actualité.

Montesquieu disait également que « les princes qui ont voulu se rendre despotiques ont toujours commencé par réunir en leur personne toutes les magistratures ». C’est bien ce contre quoi nous essayons de lutter aujourd’hui avec cette proposition de loi constitutionnelle, qui vise tout simplement à restaurer le cœur même du fonctionnement démocratique.

Rien ne justifie que le Parlement soit privé de sa capacité d’agir. Nous refusons cette conception du rôle des parlementaires ; ce texte a vocation à l’exprimer.

C’est à l’exécutif que la question est désormais posée, mais votre intervention, monsieur le garde des sceaux, nous confirme que vous n’avez pas l’intention de nous suivre dans cette voie. C’est grave ! (Applaudissements sur toutes les travées, à lexception de celles du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes dans un débat sur la critique de l’usage des ordonnances. C’est un grand classique des alternances politiques !

Tous ceux qui ont fait usage des ordonnances et qui ont à ce titre essuyé des critiqués se révèlent de valeureux défenseurs des droits du Parlement une fois qu’ils sont dans une autre position institutionnelle.

M. Philippe Bas, rapporteur. L’inverse est également vrai !

M. Alain Richard. Selon moi, cette proposition de loi constitutionnelle part d’une analyse erronée des décisions du Conseil constitutionnel. La place des ordonnances dans la hiérarchie des normes a dès l’origine été au niveau législatif. La Constitution prévoit expressément que, dès l’instant où le délai d’habilitation est expiré, ces textes ne peuvent plus être modifiés que par une loi. Cela signifie que n’importe quelle disposition réglementaire prise par la suite doit respecter le contenu de ces textes – ils sont donc bien législatifs.

La seule modification intervenue avec cette jurisprudence du Conseil constitutionnel concerne le contentieux de ces actes, qui sera dorénavant partagé entre le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, ce dernier pouvant, dès la fin de l’habilitation, se prononcer sur la conformité des ordonnances aux droits et libertés garantis par la Constitution dans le cadre d’une QPC.

Cette analyse erronée est de surcroît appuyée par des chiffres sur le « volume » des ordonnances que je souhaite discuter. Pour rendre compte de l’importance du recours à ces actes délégués, il n’est à mon sens pas pertinent de compter texte par texte. On ne peut pas comparer une ordonnance de 3 articles avec une loi de 200 articles.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner ici, sans aucun impact malheureusement, Légifrance organise désormais un décompte des textes législatifs et réglementaires par nombre de mots, ce qui permet d’en mesurer l’importance réelle. Je trouve regrettable que nous continuions à recenser le nombre de textes, alors qu’ils sont d’importance très différente.

M. Jean-Pierre Sueur. La SNCF, c’était important !

M. Alain Richard. Il résulte deux conséquences fâcheuses de ces erreurs dans l’analyse initiale.

Tout d’abord, il est préconisé une modification du mécanisme de l’habilitation et de son délai, alors qu’ils ne posent aucun problème. Les habilitations sont déjà délibérées très en détail et de manière très encadrée par le Parlement. Nous y prenons les uns et les autres toute notre part. De surcroît, comme l’a à juste titre indiqué M. le garde des sceaux, les délais nécessaires, notamment pour la codification – j’en parle directement, puisque j’y participe –, peuvent être très différents selon que l’on part de rien ou de textes déjà constitués.

Ensuite, cette proposition de loi constitutionnelle méconnaît les principes de la ratification. Vous faites erreur, mes chers collègues : la réforme de 2008 de la Constitution n’a jamais prévu que la ratification était obligatoire. Jamais !

M. Jean-Pierre Sueur. Elle parle de ratification expresse !

M. Alain Richard. Elle a seulement précisé qu’elle ne pouvait pas être implicite. Cela veut dire que, même sans ratification, les ordonnances entrent en vigueur et qu’elles peuvent être ensuite modifiées de différentes façons.

Cette proposition de loi constitutionnelle est pour moi totalement artificielle. S’il n’y a pas beaucoup de ratifications, nous savons tous pourquoi : le calendrier parlementaire est trop chargé !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Voilà !

M. Alain Richard. Nous avons cependant bien d’autres moyens de revenir sur le contenu d’une ordonnance et de la faire évoluer : amendements, propositions de loi. Pourtant, chacun peut constater le très faible nombre d’occasions où ces voies ont été utilisées. Mme Goulet en a rappelé une tout à l’heure ; j’ajouterai la proposition de loi socialiste relative à l’ordonnance de réforme de la haute administration, que je trouve tout à fait justifiée, visant à appeler à la ratification si le Gouvernement n’a pas inscrit un projet de loi en ce sens à l’ordre du jour. Ces moyens existent, et le fait que nous les utilisions si rarement montre que le contenu des ordonnances ne pose pas de problèmes de fond aux parlementaires. Si tel était le cas, ils agiraient en conséquence.

Pour conclure, je dirai que nous avons là un débat certes stimulant, mais mal orienté. Je pense donc qu’il vaut mieux en rester là. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bravo !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi constitutionnelle garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l’état de droit en cas de législation par ordonnance

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l'État de droit en cas de législation par ordonnance
Articles 2 et 3

Article 1er

L’article 38 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « , pour l’exécution de son programme, » sont supprimés ;

b) Après le mot : « limité », sont insérés les mots : « qui ne peut excéder douze mois à compter de la promulgation de la loi d’habilitation » ;

2° Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« La loi d’habilitation se rattache à l’exécution du programme ou de la déclaration de politique générale mentionnés à l’article 49. L’habilitation peut aussi intervenir en cas d’urgence caractérisée, ainsi que pour codifier à droit constant des dispositions législatives ou adapter des lois dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73.

« La loi d’habilitation définit avec précision le domaine d’intervention, l’objet et la finalité des mesures que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances. » ;

3° À la deuxième phrase du deuxième alinéa, après le mot : « caduques », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « en l’absence de ratification expresse par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. » ;

4° Le début du dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les ordonnances n’acquièrent valeur législative qu’à compter de leur ratification expresse. Jusqu’à cette ratification, elles conservent valeur réglementaire et ne peuvent être regardées comme des dispositions législatives au sens de l’article 61-1. Toutefois, à l’expiration… (le reste sans changement). »

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Sueur et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° Après le mot : « caduques », la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « en l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. » ;

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Défavorable, par cohérence.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’est pas dans mes intentions de prolonger nos travaux, mais je tiens à signaler à M. le garde des sceaux que j’ai relevé dans son propos quelques problèmes relatifs à ce que j’appelle l’« éthique de la citation ».

Voyez-vous, monsieur le garde des sceaux, dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi constitutionnelle, qui compte une dizaine de pages, j’ai pris soin de rappeler la position du Conseil constitutionnel, puis d’y répondre. Or voici que vous introduisez par les mots « Vous l’aviez vous-même souligné, monsieur Sueur » la citation que j’ai faite des arguments du Conseil constitutionnel, laissant entendre qu’ils étaient miens. À l’évidence, on peut très bien faire dire à un texte le contraire de ce qu’il énonce !

Je tenais à apporter cette précision pour la bonne interprétation du débat. Je me suis efforcé de construire une argumentation ; naturellement, monsieur le garde des sceaux, en extraire un morceau ne saurait recouper l’ensemble…

Cela étant, au nom de mon groupe et en mon nom personnel, je remercie très chaleureusement tous les membres de notre assemblée qui ont pris part à l’examen de ce texte. La plupart d’entre eux – certes, ils n’ont pas été unanimes –…

M. Jean-Pierre Sueur. … ont approuvé cette démarche.

Alors que, voilà quelques semaines, Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques n’a rien répondu à nos arguments en la matière, je veux croire, monsieur le garde des sceaux, qu’il sera cette fois difficile pour le Gouvernement de ne pas entendre ce que dit le Sénat et de ne pas en tirer de conclusions.

Toujours est-il que, à la suite de M. le rapporteur, de M. Le Rudulier et d’autres de nos collègues, je considère qu’il est important que nous sachions nous unir au sein de la Haute Assemblée, au-delà des divergences légitimes qui nous séparent, dès lors qu’il s’agit de défendre une certaine idée des institutions, des droits du Parlement et, par conséquent, de l’esprit républicain.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l'État de droit en cas de législation par ordonnance
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles 2 et 3

(Supprimés)

Vote sur l’ensemble

Articles 2 et 3
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l’État de droit en cas de législation par ordonnance.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 21 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 322
Contre 22

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur toutes les travées, sauf sur celles du groupe RDPI.)

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures trente-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)