compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à Charles Revet, ancien sénateur

M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec émotion que nous avons appris le décès, hier mardi, de notre ancien collègue Charles Revet, qui fut sénateur de la Seine-Maritime de 1995 à 2019. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)

Maire de Turretot, son village natal, pendant trente-six ans, président du conseil général de la Seine-Maritime, cet agriculteur fut un défenseur passionné de cette terre du pays de Caux. Charles Revet fut un acteur majeur de la vie démocratique de son département. Il consacra son énergie, notamment, au rétablissement de la liaison transmanche Dieppe-Newhaven.

Élu plusieurs fois député de la Seine-Maritime, cet homme de foi et de conviction devint sénateur en 1995. Membre du groupe des Républicains indépendants, puis du groupe UMP et du groupe Les Républicains, il est toujours resté fidèle à son idéal humaniste.

Pendant vingt-quatre années passées à nos côtés, Charles Revet a éclairé notre assemblée, la commission des affaires économiques et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, dont il fut vice-président, par sa connaissance des dossiers agricoles, maritimes et d’aménagement du territoire.

Son sens politique conjugué à son sens de l’humour et à sa gentillesse a marqué tous ceux qui ont eu la chance, et j’en étais, de travailler à ses côtés.

En juin 2013, président du groupe de spiritualité du Sénat et président du groupe France-Saint-Siège, il avait emmené une cinquantaine de nos collègues, de toutes convictions religieuses, au Vatican. Il était resté très marqué par sa rencontre avec le pape François, désigné quelques mois plus tôt.

En 2018, il avait écrit un livre intitulé La France périclite et pourtant. Le « et pourtant » était pour lui essentiel. Au-delà de son inquiétude pour notre pays, il évoquait, comme dans la parabole, « ses talents » pour se redresser. C’était l’une de ses dernières contributions à une Nation qu’il a servie pendant plus de cinquante ans.

Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille, à ses proches, au président et aux membres du groupe Les Républicains auquel il a appartenu, ainsi qu’à ses collègues et anciens collègues de la Seine-Maritime, auxquels il était resté très attaché ; j’ai ainsi le souvenir d’une assemblée des maires en sa présence, à laquelle j’avais participé juste avant la pandémie de covid. J’ai une pensée particulière pour son épouse et ses filles.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous propose d’observer un instant de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, observent une minute de silence.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif à observer, au cours de nos échanges, le respect des uns et des autres et celui du temps de parole.

Je ne doute pas que nous aurons le plaisir de retrouver M. le Premier ministre lors de la prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement. Nous pensons à lui !

gestion de la crise migratoire (i)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Il y a une semaine, vingt-sept personnes trouvaient la mort en tentant de traverser le détroit du Pas-de-Calais pour rejoindre le Royaume-Uni. Après le temps légitime de l’émotion et du recueillement vient désormais celui des actes, afin de ne plus laisser « la Manche devenir un cimetière », comme l’a déclaré le Président de la République.

Au-delà des circonstances de ce drame, c’est bien toute la gestion de notre politique migratoire qui pose aujourd’hui question, en particulier en lien avec notre voisin britannique depuis le Brexit, avec, en toile de fond, le sort en suspens de populations très fragiles, qui restent irrésistiblement attirées par le rêve d’une vie meilleure outre-Manche ou chez nous.

Il y a donc urgence.

Oui, les réseaux mafieux de passeurs ont une responsabilité dans la multiplication des tentatives de traversée. Mais le verrouillage de la frontière autour de Calais depuis l’accord du Touquet en est aussi une cause structurelle.

Les migrants ne doivent pas devenir les victimes de nos arbitrages politiques.

Pour notre part, nous pensons que la solution doit d’abord être gérée par la solidarité européenne. Mais elle ne peut s’extraire d’une réflexion plus large sur notre politique migratoire, au regard des tendances de long terme de notre démographie.

Comment parler aujourd’hui de façon crédible de réindustrialisation si la main-d’œuvre venait à manquer ? Comment garantir la pérennité de notre modèle social si notre économie ne peut plus le financer ?

Hier, le Panthéon accueillait une migrante, Joséphine Baker, qui a su rendre à la France ce qu’elle lui avait donné et plus encore.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir une politique migratoire plus juste et plus humaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, tout d’abord, je veux redire au nom du Gouvernement – et je l’imagine, en notre nom à tous – notre émotion et, bien sûr, notre colère face au drame qui s’est déroulé au large de Calais le 24 novembre dernier. Beaucoup de vos collègues vont poser des questions sur cette crise migratoire, et je leur répondrai bien évidemment. Mais puisque vous avez prononcé ce mot d’introduction, je tenais à m’associer à vos propos.

Dans tous les pays, l’immigration est quelque chose de normal. Elle n’est ni une chance ni une malchance pour un pays ; elle est un fait.

Nous devons pouvoir accueillir sur notre sol les personnes qui y viennent pour diverses raisons, ce que notre droit reconnaît depuis des temps très anciens, au moins depuis que la République française est une démocratie.

L’accès au droit d’asile veut dire non pas que l’on accepte tout le monde, mais que chaque demande est étudiée dans les meilleures conditions possible.

Nous avons encore beaucoup de travail à faire, monsieur le sénateur, pour que l’accueil des personnes sur le territoire national ait lieu dans des conditions de parfaite humanité. Le Président de la République a demandé que les délais soient réduits ; nous y procédons. Faut-il agir encore davantage en ce sens ? Oui !

Notre pays a besoin aussi, comme tous les pays du monde – en tout cas ceux d’Europe –, de l’immigration de travail. Il faut réviser, sans doute, la liste des métiers concernés, mieux accueillir les personnes en matière de logement, peut-être établir avec elles un contrat plus clair, et il faut que le patronat les rémunère davantage. Oui, nous devons évidemment faire cela, comme l’ont proposé un certain nombre de penseurs et d’économistes.

En contrepartie – il me faut aller très rapidement, monsieur le sénateur –, nous devons pouvoir dire que nous ne voulons pas accueillir un certain nombre de personnes sur notre sol.

Bien sûr, nous devons encore améliorer la façon dont nous reconduisons ceux auxquels nous n’accordons pas le droit d’asile en France ou le droit de travailler dans notre pays, ou bien ceux dont nous jugeons que le comportement ou les valeurs ne sont pas compatibles avec la République.

C’est un travail très difficile, et je peux vous assurer que, loin des pulsions et des réflexes, le Gouvernement est dans la réflexion et dans l’action. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour la réplique.

M. Bernard Fialaire. Merci, monsieur le ministre, de votre réponse. Sincèrement, le plus bel hommage que l’on peut rendre à Joséphine Baker aujourd’hui est bien de traiter avec humanité ce problème dramatique, à la suite de l’épisode qui s’est déroulé il y a huit jours exactement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)

gestion de la crise migratoire (ii)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, cela a été dit, vingt-sept personnes sont mortes en mer au large de Calais.

Vingt-sept personnes : des enfants, des hommes, des femmes, comme Maryam Nuri Mohamed Amin, jeune kurde irakienne de 24 ans, qui tentait de rejoindre son fiancé au Royaume-Uni.

Vingt-sept personnes sont mortes : il est de notre devoir collectif qu’un tel drame ne se produise plus.

De quoi sont-elles mortes ? D’un étau mortel : d’un côté, la militarisation grandissante de nos frontières ; de l’autre, l’avidité des passeurs qui en profitent.

Monsieur le ministre, vous pouvez ériger autant de murs, de barbelés, déployer autant d’avions et de moyens de surveillance que vous le désirez, la détresse, le chaos climatique ou l’oppression continueront de faire se déplacer des hommes et des femmes vers un avenir meilleur. Votre politique fait la fortune des groupes de passeurs. Plus haut sera le mur, plus chère sera l’échelle qu’ils vendront.

Ce naufrage doit être considéré comme le drame de trop. Il nous fait honte, comme nous fait honte, parfois, votre politique quotidienne à l’égard des exilés. Les images des tentes lacérées par des forces de l’ordre ou leurs prestataires nous rappellent quotidiennement la réalité de l’attitude de ce gouvernement vis-à-vis des migrants.

Votre réponse à ce drame est désormais de déployer Frontex dans la Manche. Après avoir investi des centaines de millions d’euros en Méditerranée pour empêcher les exilés d’entrer en Europe, vous souhaitez déployer des forces pour les empêcher de sortir d’Europe !

Monsieur le ministre, quand allez-vous mettre fin à cette surenchère militaire, aux actes de maltraitance, et enfin travailler à une politique d’accueil digne ainsi qu’à la création de voies légales et sûres de passage ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Martine Filleul et M. Jean-Luc Fichet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, ce drame ne justifie pas toutes les contrevérités !

Depuis le 1er janvier de cette année, les policiers et les gendarmes ont sauvé, au péril de leur vie, 7 800 migrants : pour cela, ils sont entrés dans l’eau, dans des conditions extrêmement difficiles.

Quand nous empêchons des migrants de traverser la Manche, nous les interpellons non pas pour les mettre en prison, mais pour les empêcher de prendre la mer sur des embarcations de fortune, précisément pour éviter que de tels drames ne se produisent.

Monsieur le sénateur, faites attention que la bonne conscience ne conduise pas, justement, à ces drames que nous constatons !

Depuis le 1er janvier, nous distribuons, grâce aux contribuables français, 2 200 repas par jour. C’est l’honneur de la France que de le faire, et cela représente 4 millions d’euros.

Depuis le 1er janvier, nous avons relogé 14 400 migrants, partout sur le territoire national ; vous les voyez, parfois, dans vos territoires. Cela représente 20 millions d’euros et c’est, là encore, l’honneur de la France.

Je constate que, dans votre question, comme dans celle de votre collègue Mme Benbassa, laquelle disait que les passeurs n’étaient pas importants, vous n’avez pas un mot pour qualifier ceux-ci de criminels, ce qu’ils sont véritablement !

Le problème, c’est que ces migrants ne veulent pas rester en France. Nous proposons l’asile à ces personnes. Or – tous les élus du Nord-Pas-de-Calais vous le diront – moins de 3 % des 2 000 migrants qui se trouvent aujourd’hui à Dunkerque et à Calais demandent l’asile en France. Tous les autres, qui sont éligibles à plus de 60 % au droit d’asile, veulent aller en Angleterre.

Pourquoi n’attaquez-vous pas le patronat anglais, qui profite de cette « armée de réserve » ? Car, en Grande-Bretagne, on peut travailler sans avoir de pièce d’identité et payer des impôts !

Pourquoi ne regardez-vous pas la situation de l’autre côté de la Manche ? En Grande-Bretagne, seules 30 000 demandes d’asile sont déposées, alors que 1,2 million de clandestins se trouvent dans le pays.

Tandis que la France fait un travail humanitaire, l’insulter et insulter les forces de l’ordre n’est pas à l’honneur de la représentation nationale ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour la réplique.

M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre, comme à votre habitude, vous n’êtes responsable de rien !

Puisque vous aimez les chiffres, je vais vous en donner trois : 97 % des expulsions de lieux de vie n’ont pas été suivies de mise à l’abri ; dix-huit ONG de solidarité ont signé une tribune aujourd’hui pour vous exhorter à changer de politique, et notamment à mettre en place des routes sûres pour l’immigration légale ; enfin, vingt-huit, c’est le nombre de jours de grève de la faim suivis par un prêtre pour dénoncer votre politique.

En réalité, vous menez une politique irresponsable, inhumaine et criminelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Tout en nuances…

situation de l’entreprise sam à viviez (i)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

M. Alain Marc. Madame la ministre chargée de l’industrie, la SAM, entreprise du bassin de Decazeville à Viviez, fabrique des moteurs pour Renault. Or le tribunal de commerce de Toulouse vient de prononcer sa liquidation, jetant ainsi 333 employés au chômage.

Ce bassin industriel, qui comptait 38 000 habitants il y a cinquante ans, n’en a plus que 18 000 aujourd’hui. Cette perte d’emplois est considérable pour ce petit bassin économique.

Au-delà des drames humains qui seront la conséquence de cette décision, comment comprendre la décision de Renault de permettre la délocalisation d’une entreprise dans un pays étranger, probablement la Roumanie, au moment où tout le monde a conscience qu’il faut réindustrialiser notre pays ?

Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer ce que compte faire le Gouvernement dans les prochaines semaines ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Monsieur le sénateur Marc, j’aimerais, pour commencer, avoir un mot personnel aux salariés de la SAM, dont j’ai rencontré à de nombreuses reprises les représentants : le choc est terrible ; vous avez l’impression que votre monde s’effondre ; vous n’êtes pas responsables de la situation ; ni la qualité de votre travail ni votre engagement ne sont en cause, et vous nous trouverez – vous me trouverez – toujours à vos côtés.

Depuis maintenant deux ans, avec Bruno Le Maire, avec Carole Delga, présidente de la région Occitanie, avec Arnaud Viala, président du département de l’Aveyron, ainsi qu’avec les parlementaires et les élus du territoire, nous avons cherché un repreneur.

Depuis deux ans, l’État a mobilisé tous les outils pour éviter la liquidation judiciaire de l’entreprise et rendre possible cette recherche de repreneur. Notre responsabilité collective est maintenant de donner un avenir aux salariés et au site de Decazeville.

C’est ce que nous faisons en demandant à Renault de proposer un accompagnement financier et social exemplaire.

C’est aussi ce que nous faisons, avec Élisabeth Borne, en mobilisant le fonds Fonderie, dédié spécifiquement aux aspects sociaux de la transformation du secteur automobile et de la filière fonderie. Ce fonds accompagne les salariés dans leur rebond professionnel, en proposant des financements renforcés pour la formation, la mobilité, l’aide à la création d’entreprise, en vue de leur donner cet avenir professionnel.

C’est ce que nous faisons, par ailleurs, en mobilisant le dispositif Choc industriel, visant à implanter de l’emploi industriel sur le territoire de Decazeville. Nous l’avons lancé il y a quelques semaines et nous sommes aujourd’hui en contact avec plusieurs entreprises susceptibles de créer de l’emploi.

C’est ce que nous faisons, enfin, en accompagnant deux projets qui, je l’espère – mais je ne fais pas de promesses à ce stade –, pourraient s’implanter à Decazeville, permettant justement de renverser la vapeur et de créer de l’emploi sur ce site industriel très important. (MM. François Patriat et Frédéric Marchand applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.

M. Alain Marc. Il y a tout de même un paradoxe, madame la ministre.

Tout d’abord, la procureure de Toulouse peut infirmer le jugement du président du tribunal de commerce et exiger la prolongation de l’activité.

Ensuite, l’État va donner des milliards d’euros pour le secteur automobile. Au sein de Renault, vous le savez, l’État dispose d’une minorité de blocage. Vous avez encore le pouvoir de faire en sorte que Renault continue à donner du travail à la SAM !

Enfin, tout le monde en sera d’accord sur ces travées, vous professez vouloir réindustrialiser la France et la réarmer économiquement. On ne comprend donc ni cette décision ni votre inaction !

Alors que vous avez ce pouvoir, vous prenez acte de votre impuissance. J’espère qu’il ne s’agit pas de votre part de duplicité… Ce que vous nous dites est extrêmement grave.

Il faudra tout de même un jour mettre en cohérence ces paroles et ces actes, si l’on veut réindustrialiser la France. Il faut vraiment sauver la SAM ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

situation en outre-mer

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, aux Antilles, la situation se dégrade et le lien national se distend. La crise sanitaire a exacerbé des problèmes de fond : coupures d’eau potable, chômage endémique des jeunes, vie chère, baisse démographique, excès d’emplois publics, scandale du chlordécone.

La crise en outre-mer est aussi politique et démocratique.

La première priorité, c’est le rétablissement de l’ordre public par l’État grâce à un soutien total à nos forces de l’ordre. En effet, ce sont des pharmacies, des bureaux de poste et des cabinets médicaux qui sont pillés. Les autorités locales doivent faire front commun avec l’État pour condamner sans réserve les violences.

La seconde priorité, c’est de juguler la pandémie et de permettre l’accès aux soins et aux vaccins.

Par ailleurs, il faut absolument rétablir un dialogue de confiance avec les forces vives des Antilles et trouver des solutions structurelles pour revitaliser durablement les territoires ultramarins, auxquels nous sommes profondément attachés.

La somme des diversités des outre-mer fait notre culture nationale et notre fierté. Nous devons refonder les termes d’une relation plus équilibrée et plus partenariale. Cela ne se règle pas par une visite ministérielle express trois semaines après le début de la crise, ou à la veille de l’élection présidentielle.

Aussi, quelle est la stratégie du Gouvernement pour nos outre-mer ? Quelles actions concrètes pour améliorer le quotidien de nos compatriotes ultramarins, qui méritent respect et reconnaissance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Chevrollier, je vous prie d’excuser le ministre Sébastien Lecornu : vous le savez, il est en ce moment même en train de discuter avec les élus de la Guadeloupe et de la Martinique ainsi qu’avec M. le Premier ministre en visioconférence. Il m’a chargé de le suppléer, et j’espère que la réponse que je vais vous apporter vous conviendra.

Nous vous remercions d’abord des propos que vous venez de tenir, lesquels témoignent d’une solidarité avec les forces de l’ordre, tant celles qui étaient sur place que celles que nous avons envoyées – cinq unités de force mobile (UFM) pour chacune des deux îles et, comme vous l’avez certainement vu, des unités d’élite du RAID et du GIGN – afin de rétablir l’ordre public.

Au bout de huit jours, le rétablissement de l’ordre public a fortement progressé sur les deux îles. Nous déplorons cependant une cinquantaine de policiers et de gendarmes blessés, dont un grièvement, et plus de 150 interpellations.

L’ordre républicain a donc été réaffirmé. Je le redis, je vous remercie de votre soutien, car tous ceux qui ont pris la parole sur cette question très importante pour la Guadeloupe et la Martinique n’ont pas fait comme vous.

Rétablir l’ordre public, c’est justement ce qu’a voulu faire le ministre des outre-mer en se rendant sur place : d’abord, en veillant à ne pas empêcher les forces de l’ordre de faire leur travail dans des conditions difficiles ; mais aussi, dans le cadre de ses rencontres avec une partie des forces vives, en opposant une fin de non-recevoir à des demandes d’entretien de délégations qui n’acceptaient pas, au préalable, de condamner la violence, les pillages et les tirs sur des policiers, des gendarmes et des journalistes.

Il ne faut pas, je le pense, discuter avec ceux qui sont manifestement des ennemis de la République. Avec tous les autres, le dialogue est évidemment ouvert, et c’est ce à quoi s’emploie le ministre.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la crise sanitaire : nous rappelons que 1 300 soignants ont été envoyés depuis la métropole en Martinique et en Guadeloupe et que, rien que pour la Guadeloupe, 1,5 milliard d’euros ont été versés pour apporter un soutien économique dans le cadre de la crise du covid.

Nous avons pris des dispositions extrêmement dures – il faut bien l’avouer –, mais courageuses : 1 400 soignants ont été suspendus car ils ne voulaient pas être vaccinés.

Il n’y a pas de raison que les métropolitains soit mieux vaccinés, mieux pris en charge et mieux protégés que nos compatriotes des Antilles. Céder sur ce point aurait été une preuve de faiblesse et de lâcheté.

Il faut bien sûr continuer à faire ce travail institutionnel, économique, social. Le ministre des outre-mer, sur la demande du Président de la République, a ouvert un cycle de concertations et de discussions. Il retournera aux Antilles, où il a ouvert des voies dans les domaines économique et institutionnel. Travaillez avec nous pour donner de l’avenir à ces territoires français ! (MM. François Patriat et Bernard Buis applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, votre collègue des outre-mer a parlé d’autonomie à une semaine du référendum sur la Nouvelle-Calédonie, qui fait planer une menace d’indépendance. Cette proposition inattendue est inadaptée et ambiguë. Travaillons plutôt sur la différenciation territoriale, comme le propose le Sénat !

Avec les enjeux considérables qu’ils représentent – stratégie indo-pacifique, économie bleue, richesse de la biodiversité –, nos outre-mer méritent un débat de fond, dans un contexte apaisé. Construisons avec eux leur avenir dans la République française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Jocelyne Guidez et Évelyne Perrot applaudissent également.)

continuité des soins dans les établissements hospitaliers

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question porte sur la continuité des soins dans les hôpitaux publics et s’adresse à Mme la ministre chargée de l’autonomie.

Le statut de clinicien hospitalier, issu de la loi HPST de 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, visait à compenser la perte d’attractivité des hôpitaux publics pour les emplois difficiles à pourvoir. Ce dispositif visait déjà à l’époque à lutter contre les recours abusifs à des mercenaires et à répondre avec pragmatisme au taux de vacance de 20 % constaté dans les hôpitaux.

Le Gouvernement a décidé, madame la ministre, de supprimer cette possibilité de recrutement par contrat à compter du 1er janvier prochain. Cette suppression sèche du statut de clinicien hospitalier, alors même que le taux de vacance a doublé, voire triplé, dans certains services à la fin de 2021 par rapport à 2009, met en grand péril la continuité des soins des services hospitaliers, notamment dans les hôpitaux dits périphériques, situés dans des territoires désertés par la médecine libérale et souvent victimes d’une surmortalité et d’une moindre consommation des soins liées à l’isolement.

Comment justifiez-vous cette décision, qui, en pleine crise, vient fragiliser encore les services subsistants, privant les hôpitaux publics de professionnels qualifiés ? Surtout, quelles alternatives proposez-vous pour garantir la continuité des soins dans ces hôpitaux publics confrontés à la menace d’une cinquième vague, et alors que les soignants épuisés croulent sous les heures supplémentaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Fabien Genet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, les tensions à l’hôpital sont réelles et ont été amplifiées par la concomitance des épidémies de covid, avec la cinquième vague, et de virus hivernaux.

Pour autant, ne disons pas – de grâce ! – que tout va mal. Il est nécessaire d’objectiver la situation : c’est ce que nous faisons avec l’ouverture d’une enquête sur les tensions RH et le capacitaire dans les établissements de santé, dont les résultats seront rendus publics dans les prochains jours.

Au vu de l’urgence, nous maintenons ce qui a permis aux hospitaliers de tenir jusqu’à présent, c’est-à-dire la majoration des heures supplémentaires et du temps de travail additionnel jusqu’en janvier 2022, et la possibilité d’un cumul emploi-retraite. Nous sommes particulièrement attentifs aux tensions dans les services d’urgence, de pédiatrie et de maternité. Nous avons demandé aux agences régionales de santé (ARS) de mobiliser leurs cellules territoriales de suivi et d’activer une nécessaire solidarité territoriale, avec le concours des établissements privés et des libéraux, en utilisant les libertés en termes d’organisation des services permises par la loi Rist (loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification).

Par ailleurs, nous réformons l’intérim médical, en deux temps. Des travaux préparatoires sont ouverts depuis un mois : une cartographie de la situation actuelle sera dressée et l’organisation de l’accompagnement dans les territoires, consacrée. Puis, dès que possible en 2022, nous appliquerons la réforme avec un contrôle a priori par le comptable public du respect du plafond réglementaire.

La réponse pérenne que nous apportons s’appuie aussi sur un effort sans précédent pour accroître l’attractivité des métiers et des infrastructures hospitalières, avec près de 30 milliards d’euros du Ségur. Le Gouvernement est donc pleinement au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)