Mme le président. La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, donner une famille à un enfant qui en est privé, quelle qu’en soit la raison : voilà un objectif qui ne peut que rassembler les parlementaires et recueillir l’engouement, si ce n’est l’assentiment, des acteurs œuvrant pour la protection de l’enfance.

S’il est urgent de faciliter les adoptions, il faut aussi que le désir d’avoir un enfant se plie au principe de l’intérêt supérieur de ce dernier.

Malgré les désaccords qui ont pu perdurer au cours de la navette parlementaire, la protection de l’enfant a été au cœur de nos débats. Plusieurs mesures vont dans le bon sens.

Ne peut être qu’encensée l’extension de l’adoption conjointe par un couple non marié, qui adapte enfin notre droit à la diversité et à l’évolution des cellules familiales. De même, prendre en compte une durée de vie commune plutôt qu’une durée de mariage correspondra mieux à la réalité des couples actuels, le mariage ne garantissant pas plus de stabilité ou de sécurité que le concubinage.

La préparation à la parentalité des futurs adoptants va également dans le sens de l’intérêt de l’enfant. La généralisation, dans tous les départements, de l’obligation de formation au profit des membres du conseil de famille était très attendue. De manière générale, toute aide à la parentalité, moment compliqué pour tous les parents, adoptants ou non, ne peut être que bénéfique.

Enfin, nous apportons tout notre soutien à l’amélioration du statut des pupilles de l’État.

En ce qui concerne l’interdiction de l’accueil direct d’enfants en France par les OAA, il n’est pas certain que cette mesure ne vienne pas freiner les adoptions.

Je tiens à saluer l’esprit constructif de la commission des lois, qui a consenti de nombreuses concessions, comme Mme le rapporteur l’a rappelé. Nous nous opposons néanmoins à la suppression de l’article 9 bis visant à établir la filiation de la mère d’intention dans le cas d’une AMP réalisée à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi relative à la bioéthique. Nous soutiendrons donc l’amendement du Gouvernement.

Il est incontestablement dans l’intérêt de l’enfant que la deuxième personne puisse l’adopter, y compris si la mère biologique s’y oppose. Même si elle n’a pas porté l’enfant, elle dispose le plus souvent d’un vécu commun avec ce dernier, dans le cadre d’un projet familial conçu à deux. Des conflits entre adultes n’ont à avoir de répercussions ni sur la filiation, qui constitue un acte social, ni sur les liens affectifs.

Cette disposition reste encadrée, puisque son application requiert une opposition de la mère biologique « sans motif légitime ». Il reviendra au juge de statuer au cas par cas, dans l’intérêt de l’enfant. Faisons-lui confiance !

Dans son rapport public thématique intitulé La protection de lenfance – Une politique inadaptée au temps de lenfant, publié en 2020, la Cour des comptes dénonçait l’empilement des délais qui se cumulent en matière de protection de l’enfance. Elle exprimait notamment ce regret : « Dans les faits, et bien que les outils existent, le devenir à long terme de l’enfant protégé est donc rarement pris en compte en France, où la priorité est celle du maintien des liens avec les parents à tout prix. »

Finalement, il s’agit plus d’un texte d’ajustement que d’une réforme globale qui aurait permis d’accélérer la prise en charge de ces nombreux enfants privés d’un cadre de développement affectif sécurisant et stable, dont la vie est en suspens et qui caressent des années durant l’espoir d’intégrer une famille.

Le parcours du combattant des adoptants ne sera pas plus allégé, laissant les enfants dans une longue période d’incertitude. Pour que l’enfant puisse être adopté, encore faut-il qu’il soit adoptable.

Certes, il ne faut pas précipiter les choses en toutes circonstances, mais il n’est pas inutile de les simplifier lorsque les conditions sont réunies. Surtout, il convient de consacrer à cette politique les moyens qu’elle mérite.

La proposition de loi entendait favoriser le recours à l’adoption comme outil de protection de l’enfance. Y parviendra-t-elle ? S’il est permis d’en douter, les quelques avancées contenues dans la proposition de loi conduiront très certainement le groupe RDSE à la voter, en fonction toutefois du sort qui sera réservé à l’article 9 bis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, donner une famille à un enfant lorsque son projet de vie correspond à l’adoption, tel est l’objectif de cette proposition de loi. Ce texte a fait l’objet d’un important travail au cours de la navette parlementaire, qui doit être souligné.

Je remplace ce soir Laurence Harribey, empêchée pour raisons de santé, qui a porté la parole des socialistes au cours de cette navette parlementaire. Je la salue et lui souhaite un prompt rétablissement.

Chaque année, 950 enfants sont adoptés dans notre pays. C’est peu, alors que l’on compte 2 700 pupilles de l’État et 14 000 agréments accordés à des familles pour accueillir et élever un enfant.

Par conséquent, cette proposition de loi tente d’apporter des réponses à cette situation humainement difficile.

Sur ce point, le texte contient plusieurs avancées que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain tient à saluer.

Au stade de la première lecture, nous avions regretté l’absence de vision globale sur la protection de l’enfance, trois textes ayant été discutés en même temps sur le sujet au Parlement. Laurence Harribey, Laurence Rossignol et moi-même avions souligné qu’avant de légiférer il aurait été bienvenu de faire le bilan de la mise en œuvre du droit existant, en particulier de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance, comme des dispositions de la loi de 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État, dont les premiers mineurs bénéficiaires accèdent cette année à la majorité.

En revanche, nous avions salué dans ce texte une mesure phare que nous avons portée et défendue, à savoir l’élargissement de l’adoption aux personnes liées par un PACS ou en concubinage, qui a été approuvé par la commission des lois après un débat nourri.

L’ouverture du droit à l’adoption pour les couples pacsés ou en concubinage accompagne les évolutions de notre société, prenant acte, en quelque sorte, qu’il existe non pas un seul modèle familial, mais des familles plurielles, qui ont pour dessein la stabilité et la protection des enfants. Ainsi, l’exclusion de certaines familles de la possibilité d’adopter en raison de leur composition ou de leur statut conjugal n’existera plus sur le plan légal. C’est tant mieux.

Nous mesurons toutefois, avec les familles homoparentales, le chemin qui reste à parcourir dans certaines mentalités, dans certains cénacles, chez certains membres des conseils de famille pour accompagner cette avancée. Là encore, la promulgation de la loi ne saurait à elle seule réaliser ce progrès. L’État devra s’assurer de son application et de l’absence de comportements discriminatoires.

Un autre point du texte nous paraît important : l’idée de valoriser l’adoption simple pour permettre aux enfants adoptés de conserver le lien d’origine de leur filiation ainsi que leurs droits au sein de leur famille biologique.

De même, il nous paraît important de veiller à ce que le consentement des familles qui confient leur enfant soit éclairé.

Sur cet aspect, la rédaction proposée renforce les parents biologiques : ces derniers ont désormais la possibilité d’être accompagnés de la personne de leur choix afin de consentir à l’adoption, le consentement étant toujours recueilli par procès-verbal.

Je considère qu’il s’agit d’un acte protecteur pour l’enfant ainsi remis à l’aide sociale à l’enfance afin d’être admis en qualité de pupille.

Apportons à ce consentement ainsi renforcé toute la considération qu’il mérite. C’est un acte d’amour et de protection envers l’enfant, un acte d’autant plus difficile et grave qu’il s’incarne dans le cadre d’une séparation.

Au-delà de ces points d’accord, un point de désaccord majeur demeure avec la majorité de l’Assemblée nationale : celui du rétrécissement de l’activité des OAA.

Nous défendons la possibilité pour les familles de conserver une alternative à l’aide sociale à l’enfance pour confier leur enfant à l’adoption, en maintenant la possibilité pour les OAA de recueillir un enfant en France en vue de l’adoption.

Pour ceux qui doutent, rappelons que l’activité des OAA s’exerce dans notre pays sous le double contrôle des services départementaux et du juge des tutelles. Plutôt que d’interdire cette activité, il convient sans doute d’exercer un contrôle effectif sur les associations en question.

In fine, indépendamment des quelques amendements que nous proposons, qui relèvent plus de la clarification que de questions de fond, nous souscrivons au plus grand nombre des dispositions de ce texte. Elles sont parfois techniques, mais leur portée humaine est forte et elles répondent aux attentes de notre société, des enfants et des familles.

Pour ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à Mme Marie Evrard.

Mme Marie Evrard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’associe à cette intervention mon collègue Xavier Iacovelli.

Nous voici de nouveau réunis pour examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi de notre collègue députée Monique Limon visant à réformer l’adoption.

Fruit d’un travail transpartisan, ce texte répond à des objectifs que nous partageons pleinement : sécuriser le recours à l’adoption, avec le souci de donner une famille à l’enfant, et non l’inverse, renforcer également le statut de pupille de l’État, en partant de l’intérêt supérieur de l’enfant.

En première lecture, le texte a fait l’objet de modifications importantes de la part de notre rapporteur, dix articles ayant été supprimés.

Nos débats ont toutefois permis de conserver certaines avancées importantes du texte, notamment l’ouverture de l’adoption plénière aux concubins et aux couples pacsés, le principe d’un écart d’âge maximum de 50 ans entre l’adoptant et l’adopté, le renforcement de la formation et de la préparation des membres des conseils de famille et des candidats à l’adoption, l’amélioration de la prise en compte de la situation de l’enfant.

Nous avons également pu rétablir en séance, dans un objectif de sécurisation, l’interdiction des adoptions internationales individuelles.

Si la commission mixte paritaire a échoué, les travaux de nos deux assemblées en nouvelle lecture ont permis des compromis que je souhaite saluer.

La commission des lois a conservé un nombre important de dispositions réintroduites par l’Assemblée nationale. Celles-ci permettent de répondre aux objectifs du texte et sont pour certaines le fruit de rédactions de compromis que notre groupe a défendues en première lecture.

Je pense à l’extension des possibilités d’adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans, essentielle pour favoriser l’adoption des pupilles de l’État et des enfants déclarés délaissés.

Je pense également au meilleur encadrement de la délivrance des autorisations aux OAA pour l’adoption internationale, cohérent avec les objectifs de sécurisation et de prévention des pratiques illicites. Nous nous en félicitons.

Je pense, enfin, à l’interdiction explicite de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs, tout en ménageant une dérogation conforme à l’intérêt de l’adopté.

Je veux ici saluer l’esprit de consensus qui a guidé les travaux de notre rapporteur dans cette nouvelle lecture.

Au-delà des clivages qui traversent cet hémicycle, notre objectif commun est de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant et de sécuriser le recours à l’adoption.

Certes, des points de désaccord persistent.

C’est le cas de la suppression du dispositif transitoire d’établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’AMP à l’étranger par un couple de femmes, alors même que celui-ci permet de garantir l’intérêt de l’enfant en permettant de sécuriser sa filiation.

De même, la faculté pour les OAA de recueillir des enfants pour l’adoption nationale comporte à notre sens un risque de dérives et s’inscrit en décalage avec l’objectif de renforcement du statut protecteur de pupille.

Malgré ces nuances, ce texte contient de belles avancées qui permettront de mieux prendre en compte la situation de l’enfant et de sécuriser les parcours. C’est pourquoi notre groupe le votera.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, nous constatons malheureusement que très peu d’enfants sont adoptés en France. Les chiffres sont parlants.

Au 31 décembre 2019, plus de 10 000 agréments étaient en cours de validité, mais 706 pupilles de l’État seulement sur les 3 248 recensés ont été adoptés. Trop d’enfants sont encore laissés sur le bord du chemin menant à l’adoption. Ce constat nous montre l’urgente nécessité de combler les lacunes juridiques de notre droit positif.

La proposition de loi que nous examinons ce soir en nouvelle lecture a pour objectif de refonder le modèle de l’adoption afin de permettre à chaque enfant de trouver le projet de vie le plus adapté et le plus sécurisant pour lui.

À cet égard, je souhaite exprimer deux regrets au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

En premier lieu, nous touchons, avec ce texte, à un sujet majeur et extrêmement sensible. Une initiative du Gouvernement par le dépôt d’un projet de loi aurait été préférable à une proposition de loi qui nous prive d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

En second lieu, nous ne sommes pas parvenus à un texte de compromis lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Celle-ci a achoppé sur une seule disposition : l’article 9 bis.

Au cours de l’examen du texte en commission en nouvelle lecture, le Sénat est revenu avec pertinence sur certaines mesures problématiques adoptées par nos collègues députés. Je pense tout d’abord aux conditions d’âge et de vie commune s’imposant aux couples candidats à l’adoption, figurant à l’article 2.

Sur ce point, le Sénat s’était unanimement positionné, en première lecture, en faveur du maintien du droit en vigueur. Or l’Assemblée nationale a rétabli, en nouvelle lecture, l’assouplissement de la durée de la communauté de vie, de deux à un an, et la diminution de l’âge requis pour adopter, de 28 ans à 26 ans. Cette évolution voulue par nos collègues députés ne nous semble pas réaliste et ne répond à aucune demande des associations.

J’en viens à l’intervention des organismes autorisés pour l’adoption, mentionnée à l’article 11 bis.

L’Assemblée nationale a rétabli, en nouvelle lecture, l’interdiction faite à ces organismes de recueillir des enfants en France en vue de l’adoption, souhaitant conférer ainsi un monopole à l’aide sociale à l’enfance. Nous ne partageons pas cette position. Bien au contraire, ces organismes constituent une alternative intéressante à l’ASE. Leur activité est encadrée et bénéfique pour tous. Là encore, nous préférons nous en tenir au droit en vigueur.

Enfin, je veux aborder la disposition à l’origine de l’échec de la commission mixte paritaire : l’article 9 bis, qui tend à régler les situations dans lesquelles la mère qui a accouché refuse « sans motif légitime » de faire une reconnaissance conjointe rétroactive pour établir la filiation de la mère d’intention. Il donne la possibilité à celle-ci de demander à adopter l’enfant dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi.

Or l’appréciation du « motif légitime », trop floue, est source d’insécurité juridique. Cet article semble finalement n’avoir pour objectif que de régler un litige entre adultes, sans prendre en considération l’intérêt de l’enfant.

Avant de conclure, je tiens à saluer la qualité des travaux et l’implication tout au long des débats de Mme le rapporteur, Muriel Jourda.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas une option, c’est une exigence universelle !

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte, qui a fait l’objet d’un remarquable travail de réécriture en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis, ce soir, pour examiner en nouvelle lecture cette proposition de loi visant à réformer l’adoption. Ce texte, qualifié de décevant par les acteurs de la protection de l’enfance, apparaît à certains égards dogmatique, alors même que le sujet, tout le monde en convient, est très sensible, voire parfois douloureux, pour bon nombre d’enfants et de familles.

Toutefois, la commission s’est efforcée de l’examiner, à chacune de ses lectures, sans jamais perdre de vue l’intérêt supérieur de l’enfant, et avec la ferme volonté de s’en tenir à une vision purement réaliste, en s’appuyant notamment sur les retours des associations et des acteurs de la protection de l’enfance.

C’est dans cet état d’esprit que nous avons souhaité maintenir le droit en vigueur à propos des critères requis pour qu’un couple puisse entamer la procédure d’adoption. En effet, il nous est apparu que l’assouplissement de ces critères voulu par l’Assemblée nationale s’affranchissait complètement de la réalité des situations des familles qui souhaitaient adopter.

Avec ce même pragmatisme, la commission vous propose également de maintenir la possibilité pour les organismes agréés d’accueillir des enfants en vue d’une adoption. Sur ce sujet si délicat, qui concerne le devenir de plusieurs milliers d’enfants, il est en effet souhaitable, et même essentiel, de maintenir une autre solution que l’aide sociale à l’enfance, tout en reconnaissant que ces organismes ne peuvent être exemptés d’un contrôle strict mené par les services départementaux et le juge des tutelles.

La commission a voulu aussi rétablir dans le texte le consentement à l’adoption des parents confiant à l’aide sociale à l’enfance leur enfant en vue de son admission au statut de pupille de l’État.

Je n’y reviendrai pas en détail, car je voudrais insister sur un autre point, qui a déjà été évoqué. J’ai été étonné, voire choqué, disons-le, que le Gouvernement se permette de demander la possibilité de légiférer par ordonnances sur un sujet aussi sensible. Le texte actuel n’est-il pas une vraie occasion de débat et de réforme ? Si le Gouvernement souhaite aborder d’autres modifications de la législation s’agissant de l’adoption, pourquoi ne pas les présenter, de la manière la plus transparente possible, dans le cadre de l’examen de ce texte ?

J’ai été choqué, mais pas étonné, puisque cette méthode est révélatrice de l’état d’esprit d’un Gouvernement qui fait vraiment tout son possible pour s’affranchir des débats parlementaires, pourtant au cœur de l’équilibre de nos institutions. À cet égard, je ne peux que m’associer à la position de notre rapporteur, Muriel Jourda, et de notre collègue Laurence Harribey.

Enfin, j’en viens à un des motifs de l’échec de la commission mixte paritaire. Dans le cas d’une PMA réalisée à l’étranger avant la loi relative à la bioéthique de 2021, l’Assemblée nationale a souhaité permettre l’adoption de l’enfant par la mère d’intention, y compris quand la mère biologique « s’y oppose sans motif légitime ».

Au-delà du caractère assez flou de la notion de motif légitime, cela ne revient-il pas tout simplement à priver la mère biologique de son droit au consentement à l’adoption ? Cette disposition ne concerne d’ailleurs pas directement l’enfant, puisqu’il s’agit d’un litige entre deux personnes adultes. C’est à ces deux titres que la commission des lois a réitéré sa ferme intention de supprimer cette disposition qu’elle juge inadaptée, dans la mesure où elle n’a pas pour objectif premier l’intérêt supérieur de l’enfant.

Pour conclure, mes chers collègues, j’y insiste, notre groupe restera ferme sur les apports de la commission des lois, dont certains font l’objet d’un large consensus, nourri par l’attachement général à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avions eu l’occasion de le dire en première lecture, ce texte, s’il comporte quelques avancées, demeure cependant largement décevant.

Je commence par les avancées, étant quelqu’un de positif.

Bien sûr, nous saluons l’ouverture aux couples en concubinage et pacsés du droit à l’adoption, lequel ne sera plus réservé aux seuls couples mariés et aux personnes célibataires. C’est la fin d’une discrimination fondée sur rien d’autre qu’une vision traditionaliste de la famille, sans rapport réel avec l’intérêt de l’enfant, l’équilibre affectif et psychologique d’un enfant étant évidemment sans lien avec statut marital de ses parents.

D’autres articles ouvrent l’adoption plénière à des enfants de plus de 15 ans, qui étaient privés jusqu’à présent de cette possibilité. Il était temps de reconnaître ce droit à ces enfants, marqués par des parcours de vie hachés, parfois très difficiles.

Enfin, le renforcement des droits des pupilles de l’État constitue une mesure importante pour les droits de l’enfant. Seulement 706 enfants sur 3 248 bénéficiant de ce statut ont été adoptés, plus de trois enfants sur quatre se retrouvant sans solution.

Ce texte est néanmoins insuffisant à plusieurs égards : pas d’amélioration de la situation des enfants placés à l’aide sociale à l’enfance ; pas d’avancée sur l’accès aux origines des enfants nés dans le secret et admis de ce fait au statut de pupille de l’État ; silence également sur l’adoption internationale et ses pratiques illicites, même si je me réjouis des annonces faites par M. le secrétaire d’État un peu plus tôt.

Je voudrais terminer sur un point de la position du Sénat que, vous vous en doutez, je ne comprends vraiment pas. Il s’agit de la suppression en commission de l’article 9 bis, introduit par l’Assemblée nationale, et qui permet l’adoption, dans le cas d’une PMA effectuée à l’étranger, par la mère d’intention de l’enfant, si la mère qui a accouché s’y oppose sans motif légitime. Ce dispositif est évidemment protecteur pour l’enfant, et ce pour une raison très simple : un enfant ne devrait pas se voir privé d’un parent simplement à cause des conditions dans lesquelles ses parents se sont séparés. C’est un dispositif de surcroît nécessaire pour corriger un problème né d’une discrimination désormais légalement réparée : seules les lesbiennes peuvent aujourd’hui se retrouver dans ce genre de cas.

Imaginez une seconde ce refus appliqué aux couples hétérosexuels : franchement, qui, ici, pourrait s’opposer à ce qu’un père puisse être reconnu comme tel simplement parce que la mère, dont il s’est séparé avant la naissance, n’y consent pas ?

Vous nous dites que nous sommes dogmatiques, mais c’est plutôt l’inverse : c’est bien le refus de cette disposition, qui, à mon sens, est totalement dogmatique ! En effet, elle ne priverait que des couples de lesbiennes et leurs enfants de ce droit. Surtout, cette disposition est quand même très encadrée, l’article 9 bis disposant que « le juge prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige ».

On s’est donc opposé à une disposition prévoyant que l’intérêt de l’enfant primait et qu’un juge le faisait passer avant les affaires du couple, causant ainsi l’échec d’une commission mixte paritaire… Et c’est nous qui serions dogmatiques ? Honnêtement, je ne vous suis pas.

En ce qui nous concerne, au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, pas d’ambiguïté, nous voterons l’amendement du Gouvernement demandant le rétablissement de l’article 9 bis.

Vous l’aurez compris, nous sommes globalement déçus par le texte, mais, afin de rendre concrètes les quelques avancées qu’il contient, nous voterons néanmoins en sa faveur en fonction du sort qui sera réservé à l’article 9 bis.

Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer par saluer le travail et la présentation faits par Mme le rapporteur. Ce texte et l’enjeu qu’il représente méritaient une telle énergie, notamment pour mettre en avant les apports du Sénat.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de regarder ce texte à travers le prisme subjectif de mon expérience de dix-sept années passées dans un conseil départemental – conseil général à l’époque –, où, bien évidemment, nous abordions les dossiers relatifs à l’ASE et à l’adoption avec une détermination farouche, tant ils étaient importants pour l’avenir de ces enfants.

À cet instant, je voudrais avoir une pensée pour tous les personnels de l’ASE, qui font un travail extraordinaire, avec beaucoup d’abnégation, pour permettre à ces enfants, bien souvent, d’avoir une nouvelle vie, mais aussi avec la frustration, toujours présente, de ne pas pouvoir garantir des issues satisfaisantes aux dossiers dont ils sont responsables.

On reprochait bien des choses à ce monde de l’adoption et de l’aide sociale à l’enfance : trop de formalisme administratif, trop d’attente, trop de déceptions, trop de lenteur, et même un coût excessif, quand il fallait parler d’adoption internationale. Et l’enfant dans tout cela, me direz-vous ?

Finalement, on voit bien que c’est un parcours de souffrance, qui concerne les uns et les autres, et c’est pour cette raison qu’il est important de revoir le texte de 1966. Le rapport Limon-Imbert a ici toute sa valeur. Vous m’autoriserez d’insister naturellement sur le travail que notre collègue Corinne Imbert a fourni pour ce rapport, dont plusieurs points ont été repris par l’Assemblée nationale dans le texte qui nous rassemble ce soir.

S’il y a des progrès dans ce projet de loi, et la généralisation de l’adoption simple en est un, je crois que tout le monde ressent de la déception. J’ai fait partie de ces élus qui se sont beaucoup interrogés quand le Président de la République a nommé un secrétaire d’État à la protection de l’enfance : comment se fait-il que, sur une politique qui relève à 100 % des compétences des conseils départementaux, un ministre de tutelle vienne superviser l’action des élus locaux ?

Et puis, finalement, je l’ai dit publiquement et en commission, j’ai envie de saluer votre engagement. Ce que vous avez fait dans votre ministère a montré toute votre volonté sur ce sujet difficile. Pour autant, ce soir, je fais partie de ceux qui ressentent de la déception, parce que je m’attendais à un projet de loi et non pas à une proposition de loi. On aurait vu une véritable envie, un véritable courage, une véritable audace de la part du Gouvernement à présenter un projet de loi, ouvrant un grand débat comme le Sénat les aime.

Bien sûr, je suis partisan d’ouvrir tous les champs du possible. Tant mieux si l’on ouvre aujourd’hui la possibilité aux couples non mariés d’être candidats à l’adoption si c’est pour offrir à l’enfant une nouvelle vie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)