Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

1. Procès-verbal

2. Souhaits de bienvenue à une nouvelle sénatrice

3. Questions d’actualité au Gouvernement

faible augmentation des salaires par rapport à l’inflation

Mme Mélanie Vogel ; Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

situation en iran

M. Joël Guerriau ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Joël Guerriau.

port de signes religieux dans les compétitions sportives

M. Michel Savin ; Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports ; M. Michel Savin.

impact du prix de l’énergie sur les collectivités locales

Mme Daphné Ract-Madoux ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; Mme Daphné Ract-Madoux.

suppressions de postes et carte scolaire

Mme Marie-Noëlle Lienemann ; Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; Mme Marie-Noëlle Lienemann.

« one ocean summit »

Mme Nadège Havet ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.

politique du gouvernement en matière de logement

Mme Viviane Artigalas ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Viviane Artigalas.

publication des décrets d’application de la loi climat et résilience

Mme Maryse Carrère ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.

règles de campagne électorale

M. Jean-Marc Boyer ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; M. Jean-Marc Boyer.

privatisation du secteur de la santé

Mme Émilienne Poumirol ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Émilienne Poumirol.

violences contre les élus

M. Jean-Raymond Hugonet ; M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.

élevage pastoral et prédateurs

M. Philippe Folliot ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Philippe Folliot.

trajectoires des finances publiques

M. Jérôme Bascher ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Jérôme Bascher.

politique du gouvernement vis-à-vis des entreprises

Mme Isabelle Briquet ; Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable ; Mme Isabelle Briquet.

loi égalim 2 et crise porcine

M. Laurent Somon ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Laurent Somon.

notices rouges d’interpol

M. Loïc Hervé ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Loïc Hervé.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre

4. Candidature à une éventuelle commission mixte paritaire

5. Protection des lanceurs d’alerte et rôle du défenseur des droits. – Adoption définitive des conclusions modifiées de commissions mixtes paritaires sur une proposition de loi et une proposition de loi organique

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement

proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Article 6

Amendement n° 1 de la commission. – Réservé.

proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du défenseur des droits en matière de signalement d’alerte

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Article 1er bis

Amendement n° 1 du Gouvernement. – Réservé.

Vote sur l’ensemble

M. Ludovic Haye

M. Alain Marc

Mme Nadine Bellurot

M. Guillaume Gontard

M. Éric Bocquet

Mme Nathalie Goulet

Mme Guylène Pantel

Mme Esther Benbassa

M. Jérôme Durain

Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.

Adoption définitive, par scrutin public n° 100, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.

Suspension et reprise de la séance

6. Démocratisation du sport. – Rejet en nouvelle lecture d’une proposition de loi

Discussion générale :

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports

M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture

Rappels au règlement

Mme Nathalie Goulet

Mme Jacqueline Eustache-Brinio

Mme Françoise Férat

Discussion générale (suite)

M. Dany Wattebled

M. Stéphane Piednoir

M. Thomas Dossus

Mme Céline Brulin

M. Claude Kern

M. Éric Gold

M. Jean-Jacques Lozach

M. Didier Rambaud

M. Jean-Raymond Hugonet

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion n° 7 de la commission. – M. Michel Savin, rapporteur ; M. Thomas Dossus ; Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée ; M. Dany Wattebled ; Mme Béatrice Gosselin ; Mme Céline Brulin ; M. Bernard Fialaire ; M. Jean-Jacques Lozach ; Mme Jocelyne Guidez ; M. Michel Savin, rapporteur. – Adoption, par scrutin public n° 101, de la motion entraînant le rejet de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance

7. Communication relative à une commission mixte paritaire

8. Renforcement du droit à l’avortement. – Rejet en nouvelle lecture d’une proposition de loi

Discussion générale :

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Alain Milon

Mme Mélanie Vogel

Mme Laurence Cohen

M. Olivier Henno

M. Stéphane Artano

Mme Esther Benbassa

Mme Émilienne Poumirol

M. Xavier Iacovelli

M. Daniel Chasseing

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion n° 1 de la commission. – Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée ; Mme Laurence Cohen ; Mme Nadège Havet ; Mme Pascale Gruny. – Adoption, par scrutin public n° 102, de la motion entraînant le rejet de la proposition de loi.

9. Ordre du jour

Nomination d’un membre d’une éventuelle commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à une nouvelle sénatrice

M. le président. Je tiens à saluer la présence de Mme Daphné Ract-Madoux, sénatrice de l’Essonne. Au nom du Sénat tout entier, je vous souhaite la bienvenue, ma chère collègue ! (Applaudissements.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres et le respect du temps de parole.

faible augmentation des salaires par rapport à l’inflation

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Selon les derniers chiffres qui ont été publiés, la progression des salaires en France sera cette année plus faible que l’inflation. Pour le dire simplement, les Françaises et les Français – ou du moins 99 % d’entre eux, les plus pauvres en premiers… – sont en train de s’appauvrir.

En même temps, les profits des grandes entreprises explosent : 137 milliards d’euros pour les entreprises du CAC 40 en 2021. En vingt ans, les dividendes distribués à leurs actionnaires ont augmenté de 269 %.

Est-ce un hasard ? Une fatalité ? Est-ce hors du champ de l’action politique ? Pas du tout. C’est le résultat, implacable et mécanique, d’une politique. Une politique qui encourage la concentration des richesses et fait le choix, conscient, de ne pas se donner les moyens de les redistribuer.

S’il y a bien un domaine où on ne peut pas faire du « en même temps », c’est la justice sociale. C’est mathématique, il n’y a pas d’argent magique. On ne peut pas enrichir les plus riches et, en même temps, redistribuer les richesses. Ce n’est pas possible.

Donc il faut faire un choix. Et ce choix, le Gouvernement l’a fait.

Vous nous dites que vous ne pouvez rien faire pour les salaires, mais supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, vous pouviez le faire… La flat tax, vous pouviez le faire… Baisser l’impôt des sociétés, vous pouviez le faire… Baisser les APL (aides personnalisées au logement), vous pouviez le faire… Baisser les allocations chômage, vous pouviez le faire…

Et pour la justice sociale ? Décider une hausse réelle du SMIC n’est pas possible… C’est possible en Allemagne, en Espagne et même au Royaume-Uni, qui a pourtant un gouvernement ultralibéral ; mais en France, non…

Conditionner les milliards d’euros d’aides publiques, ce n’est pas possible. Le RSA (revenu de solidarité active) pour les jeunes, ce n’est pas bien… Le revenu citoyen, non plus… Un bonus-malus fiscal écologique, ce n’est pas possible…

La vérité, c’est que tout cela est tout à fait possible ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est possible, si on choisit la justice sociale et le partage des richesses.

M. Stéphane Piednoir. N’importe quoi !

Mme Mélanie Vogel. Madame la ministre, ma question est la suivante : pourriez-vous simplement assumer devant la représentation nationale le fait que, si les salaires ne progressent pas, c’est dû, non pas à la fatalité ou à la malchance, mais au résultat de choix politiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. Madame la sénatrice Mélanie Vogel, le Gouvernement est très attentif à la préservation du pouvoir d’achat des Français (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.), alors que, partout dans le monde, la flambée des prix de l’énergie et l’inflation sont une source d’inquiétude.

Face à cette situation, nous avons pris très tôt un ensemble de mesures pour protéger les Français. Je pense à l’aide exceptionnelle de 100 euros pour les près de 6 millions de bénéficiaires du chèque énergie, à la mise en place d’un bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité, à l’indemnité inflation, qui bénéficie à près de 40 millions de Français, ou encore, plus récemment, à l’augmentation de 10 % du barème des indemnités kilométriques. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Je rappelle que l’ensemble de ces mesures représente près de 15 milliards d’euros.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Dans le même temps, les branches professionnelles et les entreprises doivent entendre les attentes des salariés concernant le pouvoir d’achat. C’est pour cette raison que, depuis l’automne, j’ai engagé un important travail avec la quarantaine de branches professionnelles dont les minima conventionnels sont inférieurs au SMIC.

Je rappelle d’ailleurs que nous sommes l’un des seuls pays au monde qui disposent d’un mécanisme de revalorisation automatique du SMIC et que celui-ci a permis une augmentation de 3,1 % au cours des derniers mois. (Murmures sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. Guy Benarroche. On ne s’en est pas rendu compte !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Un tiers des branches que je viens d’évoquer a d’ores et déjà conclu un accord. Je pense notamment au secteur des hôtels, cafés et restaurants, qui a revalorisé de 16 % en moyenne sa grille salariale. Une bonne moitié de ces branches est encore en train de négocier. Bien évidemment, je suivrai avec attention ces négociations.

J’invite également les entreprises à se saisir de tous les outils de partage de la valeur. Je pense en particulier à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, que nous avons prolongée jusqu’au 31 mars 2022 – elle a d’ores et déjà bénéficié à près de 4 millions de salariés au cours de l’année 2021. (Nouveaux murmures sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme Éliane Assassi. Tout va bien, alors ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Pour conclure, madame la sénatrice, je voudrais vous dire que le meilleur outil pour protéger le pouvoir d’achat, c’est la croissance et l’emploi !

M. Guy Benarroche. Quelle croissance ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Avec plus de 500 000 demandeurs d’emploi en moins au cours de l’année 2021, je pense que nous sommes sur la bonne voie ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

situation en iran

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Joël Guerriau. Dans moins d’un mois, l’Iran pourrait disposer des matériaux radioactifs nécessaires à l’arme nucléaire. Les crises ne manquent pas en ce début d’année, du Mali à l’Afghanistan, en passant par l’Ukraine. Elles nous rappellent que la diplomatie est essentielle.

En 2015, après sept années de travail, un accord sur le nucléaire avait été signé ; la France en était l’un des huit signataires. Cet accord permettait la surveillance du programme nucléaire iranien. En contrepartie, l’Iran était réintégré dans la communauté internationale. En renouant avec les échanges internationaux, le pays s’ouvrait et les tensions dans cette région s’apaisaient.

La France fut le premier pays visité par les autorités iraniennes et nos échanges furent particulièrement prometteurs sur le plan économique.

En 2018, nous avons déploré le retrait unilatéral des États-Unis et le retour des sanctions économiques, qui ont eu une double conséquence : d’une part, l’accélération du programme nucléaire iranien ; d’autre part, pour les vingt-cinq prochaines années, un engagement de coopération militaire et économique entre Pékin et Téhéran.

Le 8 février s’ouvrait un nouveau cycle de négociations afin d’éviter que l’Iran ne se dote du feu nucléaire. Le temps presse ; chaque jour qui passe, l’Iran se rapproche de sa bombe.

Monsieur le ministre, avons-nous de bonnes raisons d’espérer que les négociations aboutissent ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – M. Jérôme Bascher applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Joël Guerriau, vous avez raison de rappeler l’importance, l’enjeu, que représentent les négociations qui se sont rouvertes pour un nouveau cycle à Vienne il y a maintenant deux mois et demi, après un autre cycle de plusieurs mois. C’est un travail diplomatique harassant et je voudrais en profiter pour saluer nos diplomates qui sont à l’œuvre pour préserver nos intérêts et ceux de l’Europe.

Nous arrivons, vous l’avez dit, à l’heure de vérité. Si l’on veut que l’Iran respecte ses engagements en matière de non-prolifération, qu’en échange les États-Unis lèvent les sanctions, que des bénéfices en soient tirés, il faut de la substance. Plus le temps passe et plus l’Iran accélère ses procédures nucléaires, moins il y a d’intérêt pour les parties à rejoindre le JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action – plan d’action global commun).

Nous en sommes aujourd’hui à un point de bascule. Ce n’est pas une question de semaines, monsieur le sénateur, c’est une question de jours !

Nous avons trouvé, entre les membres de ce qu’on appelle les E3 – la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France –, la Chine, la Russie et les États-Unis, un point de convergence suffisamment significatif pour permettre un accord. Et je dois vous dire, monsieur le sénateur, qu’un accord est à portée de main.

Nous avons maintenant besoin que les Iraniens prennent une décision politique. Le choix qui se présente aujourd’hui à eux est très clair : soit ils déclenchent dans les jours à venir une crise grave – on pourrait s’en passer ! –, soit ils acceptent cet accord, qui respecte les intérêts de toutes les parties, singulièrement ceux de l’Iran. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, nous devons tirer des leçons de ce qui s’est passé. C’est la rupture unilatérale de l’accord par les États-Unis en 2018 qui nous a mis dans cette situation. On peut d’ailleurs faire un lien avec la décision américaine, là aussi unilatérale, de quitter l’Afghanistan.

Nous devons nous interroger sur cette manière de procéder et cela doit nous amener à tout faire pour que l’Europe ait une stratégie indépendante, qui nous permette de nous affirmer afin d’éviter de revivre la situation que nous connaissons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Martin Lévrier et Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)

port de signes religieux dans les compétitions sportives

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

M. Michel Savin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Dans quelques heures, le Sénat va débattre de nouveau de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France. Le Sénat a beaucoup amélioré ce texte, mais nous avons un point de désaccord majeur : la place de la laïcité dans le sport. Les députés de La République en Marche et votre gouvernement pratiquent sur ce sujet l’ambiguïté, le flou et le « en même temps », cher au Président de la République.

M. François Patriat. N’importe quoi !

M. Michel Savin. Pouvez-vous cet après-midi, monsieur le Premier ministre, nous sortir du brouillard ? En effet, ces derniers jours, plusieurs membres du Gouvernement ont pris la parole sur le sujet ; mais quelle cacophonie !

Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a déclaré que les hijabeuses avaient « le droit de porter un voile lors des compétitions sportives ».

Mme Schiappa a été tout aussi claire, mais pour dire exactement l’inverse : « Luttons contre l’islamisme radical ; le prosélytisme n’a pas sa place dans le sport. »

Et je ne parle pas de M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance, qui dit tout et son contraire sur le sujet.

En un mot, mesdames, messieurs les ministres, nous sommes dans une « obscure clarté » : l’incohérence gouvernementale s’affiche au grand jour, on n’y comprend plus rien, on ne sait plus qui croire !

Monsieur le Premier ministre, vous êtes chargé de la cohérence gouvernementale. C’est à vous qu’il revient d’arbitrer. Dites-nous clairement et simplement quelle est la position officielle du Gouvernement : doit-on continuer en France à appliquer la Charte olympique ou doit-on s’en affranchir ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Herzog ainsi que MM. Olivier Cigolotti, Yves Détraigne et Claude Kern applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des sports. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports. Monsieur le sénateur Savin, je vous ai répondu ici même point par point, à l’occasion de l’examen en première lecture de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, sur l’action du Gouvernement contre le séparatisme dans le sport. J’aurai de nouveau l’occasion de le faire tout à l’heure, puisque ce texte sera examiné cet après-midi par le Sénat en nouvelle lecture.

J’invite d’ailleurs tous les sénateurs et toutes les sénatrices de votre groupe qui sont intéressés par le sport à rester dans l’hémicycle pour que chacun voie bien la différence qui peut exister entre une obsession et une motivation réelle pour le sport ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Qu’est-ce que c’est que cette leçon ?

M. Arnaud Bazin. Et les ministres ?

M. Jérôme Bascher. Où sont-ils ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Devant la représentation nationale et le public présent ou qui nous regarde, je veux rappeler que, dans le sport comme dans la sphère publique, le principe de laïcité s’applique à toutes et à tous. Cette question a été débattue et tranchée par le Parlement il y a six mois.

Le Gouvernement et moi-même entendons lutter très fermement contre le communautarisme et la radicalisation dans le sport. Nous sommes les premiers à avoir pris des mesures pour nous y attaquer réellement.

M. Stéphane Piednoir. On le saurait…

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Ainsi, dans la loi confortant le respect des principes de la République, nous avons imposé un contrat d’engagement républicain à toutes les fédérations sportives (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Ça, c’est du sérieux !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. … et renforcé leurs obligations dans le cadre du contrat de délégation qui les lie à mon ministère.

Nous avons fixé des obligations nouvelles en matière de signalement, de formation et de sensibilisation aux risques de rupture du pacte républicain.

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous ne répondez pas à la question ! Quelle est la position du Gouvernement sur le voile dans le sport ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Dans cette loi, nous avons décidé que les préfets pourraient retirer l’agrément à une association sportive, si elle ne respecte pas les valeurs de la République.

Nous avons aussi permis le retrait des subventions aux associations sportives qui ne respectent pas la loi de la République.

Il fallait du courage et ce gouvernement en a eu ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Et nous poursuivrons une action résolue en la matière jusqu’à la dernière minute de ce mandat. (M. Roger Karoutchi sesclaffe.)

Monsieur le sénateur Savin, je suis triste pour vous. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est nous qui sommes tristes pour vous !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je suis triste pour M. Kern, pour Mme Billon, pour M. Lozach, pour Mme Brulin, pour M. Bacchi ou pour M. Dossus, des sénateurs qui sont réellement passionnés de sport. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Notre passion, c’est la République !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je suis déçue, parce que les grands pontes de votre parti vous ont imposé de balayer d’un revers de main les avancées contenues dans la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Vous n’avez pas eu le courage d’aller au bout et je vous le montrerai tout à l’heure. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe GEST.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous n’avez pas répondu à la question !

M. Jean-François Husson. C’est consternant !

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.

M. Michel Savin. Tout d’abord, je voudrais remercier le Premier ministre pour sa réponse… (Sourires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Silence coupable !

M. Michel Savin. Madame la ministre, vous peinez à répondre ! Vous n’avez pas d’arguments.

M. Michel Savin. Vous évoquez la loi confortant le respect des principes de la République. Or vous savez pertinemment que cette loi ne résout rien sur ce sujet. Rien !

Voix sur les travées du groupe SER. Vous l’avez pourtant votée !

M. Michel Savin. En refusant d’inscrire clairement dans la loi, comme le Sénat l’avait demandé, le respect de la Charte olympique dans les compétitions sportives, ce gouvernement passe par pertes et profits la lutte contre le communautarisme dans le sport.

Votre position est ambiguë, pour ne pas dire lâche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle illustre les cinq dernières années.

M. le président. Il faut conclure !

M. Michel Savin. Une présidence bavarde, mais dans l’incapacité d’agir et de réformer le pays ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.)

impact du prix de l’énergie sur les collectivités locales

M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux, pour le groupe Union Centriste. C’est sa première intervention au sein de notre hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE, INDEP et RDPI.)

Mme Daphné Ract-Madoux. Ma question, à laquelle j’associe notre collègue Christine Herzog, s’adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics. Elle porte sur la facture énergétique des collectivités locales et, plus globalement, sur la préservation des ressources des collectivités.

Monsieur le ministre, lorsque notre collègue Jean-Michel Arnaud vous avait interrogé sur ce sujet le 5 janvier dernier, vous aviez dégainé l’arme du bouclier tarifaire… C’est-à-dire, principalement, la baisse temporaire de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) à partir du 1er février.

Cette modulation de la taxe devrait limiter à 4 % l’augmentation de la facture énergétique pour les collectivités. Nous ne pouvons que saluer le fait qu’elle soit prolongée jusqu’à la fin de l’année 2022.

La première partie de ma question est très concrète : on a pu observer jusqu’ici des hausses de 30 % à 300 % des factures énergétiques des communes. Quand la modulation de la TICFE se traduira-t-elle dans les factures ?

Plus globalement, monsieur le ministre, vous vous êtes déclaré très attaché à la préservation des ressources des collectivités. Pour y parvenir, vous avez fait valoir pour 2022 une augmentation de 3,4 % des recettes de taxe foncière en raison de leur indexation sur l’inflation. On peut cependant douter que cela couvre réellement les surcoûts auxquels vont devoir faire face les communes.

Sachant que l’impact de la crise sanitaire sur le bloc communal n’a jamais été totalement compensé, on peut craindre une véritable érosion des finances locales malgré le bouclier tarifaire énergétique.

Monsieur le ministre, avez-vous précisément évalué l’impact, en recettes et en dépenses, de l’inflation sur les collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Ract-Madoux, permettez-moi tout d’abord, puisque c’est la première fois que je réponds à l’une de vos questions, de vous souhaiter la bienvenue dans cet hémicycle et de vous féliciter pour votre accession au Sénat, même si cette accession survient après le décès tragique d’Olivier Léonhardt, dont nous saluons la mémoire.

Vous nous interrogez sur les conséquences de la crise de l’énergie sur les comptes des collectivités locales. J’ai eu l’occasion de répondre à l’un de vos collègues.

Je rappelle d’abord que la baisse de la TICFE bénéficie aux collectivités pour la part de la consommation qui n’est pas liée à une activité commerciale. Le bouclier tarifaire bénéficie, dans le cadre du tarif réglementé, aux collectivités qui ont un budget de fonctionnement inférieur à 2 millions d’euros ou qui ont moins de 10 postes en équivalents temps plein. Nous estimons que ce bouclier tarifaire va bénéficier aux collectivités pour un montant d’environ 400 millions d’euros.

Dans le même temps, les collectivités locales vont bénéficier, comme tous les consommateurs, de la modération des prix liée à l’augmentation du volume de la production réalisée au titre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), comme nous l’avons demandé à EDF. Cela permet de diminuer la facture et nous faisons partie des pays qui limitent le plus l’augmentation de la facture d’énergie, quelle que soit l’énergie et que ce soit pour les ménages, les collectivités ou les entreprises.

Vous nous interrogez plus largement sur la situation financière des collectivités locales. Je voudrais répondre en quelques points.

Tout d’abord, l’augmentation de 3,4 % que vous avez évoquée concerne les recettes fiscales. Il s’agit uniquement en réalité de la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives en application des formules décidées dans le cadre de la loi de finances pour 2018.

Votre question me permet ensuite de rappeler – je crois que c’est utile – que, depuis le début du quinquennat, nous avons maintenu l’enveloppe globale…

Mme Sophie Primas. « Globale », en effet…

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. … de la dotation globale de fonctionnement et des dotations d’investissement. Nous avons apporté des aides supplémentaires à l’investissement pendant la période de crise.

Nous sommes aussi le seul pays à avoir mis en place un filet de sécurité pour les collectivités, permettant de garantir les recettes fiscales et domaniales au niveau de celles qui ont été perçues durant la période 2017-2019.

Ces décisions donnent des résultats : aujourd’hui, l’épargne brute des collectivités est à la hausse, comme leurs investissements et leurs capacités de financement. Alors même que l’État a eu à subir un déficit majeur – il est passé de 2 % en 2018 à 9 % en 2020 et était encore proche de 7 % en 2021 –, les comptes des collectivités locales sont à l’équilibre et même légèrement excédentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux, pour la réplique.

Mme Daphné Ract-Madoux. Je vous remercie pour cette réponse, monsieur le ministre. L’évolution globale de l’inflation peut être difficile à appréhender, notamment pour l’énergie, mais gardons à l’esprit que la meilleure énergie reste celle qu’on ne consomme pas – en la matière, il faut que l’État soit stratège ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

suppressions de postes et carte scolaire

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Le Gouvernement va supprimer à la rentrée 440 postes d’enseignant en collège et lycée. Cela va détériorer davantage la qualité de la scolarité, tout particulièrement dans les zones prioritaires.

Depuis le début du quinquennat, alors que le nombre d’élèves a augmenté dans le secondaire, le Gouvernement a supprimé 7 900 postes, soit l’équivalent de 166 collèges.

Toujours le même discours : « On peut faire mieux avec moins ! » Vous l’avez dit pour l’hôpital et on en voit les effets… Vous appliquez la même logique pour les collèges et les lycées, et nous constatons les dégradations : suppressions de cours en demi-groupes, non-remplacements généralisés…

Vous prétendez que ces suppressions auraient été compensées par des heures supplémentaires. Ce n’est pas vrai : 20 % à 30 % de ces heures supplémentaires ne sont en fait pas réalisées et cela accroît les inégalités.

Votre autre prétexte, c’est d’avoir privilégié le primaire. Or la lutte contre l’échec scolaire exige d’agir tout au long de la scolarité et, en plus, vous fermez cette année un nombre important de classes en primaire. Où est la priorité ?

Ce que vous appelez vos réformes a détérioré le service public de l’éducation nationale, a découragé les enseignants et – hélas ! – une partie de notre jeunesse.

Alors, allez-vous suspendre ces suppressions de postes et ces fermetures de classes ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de lengagement. Je vous retrouve sur un point, madame la sénatrice Lienemann : la lutte contre les inégalités se passe à l’école.

Mais aujourd’hui, nous constatons une baisse de la démographie : 67 000 élèves de moins au premier degré, 66 000 de moins au second degré. Cette donnée aurait pu nous amener, en théorie, à fermer 4 000 classes, mais en réalité le solde entre les fermetures et les ouvertures est nul.

Pour renforcer l’éducation de nos jeunes, nous assumons le fait d’investir encore davantage dans le premier degré, un âge où les inégalités sont démultipliées, en particulier lorsque les parents ne peuvent pas aider. C’est aussi pour cette raison que nous avons renforcé l’éducation périscolaire et extrascolaire et réuni le Grenelle de l’éducation, qui a notamment permis de mieux accompagner les professeurs.

L’investissement que nous avons décidé au profit de l’école a été important, puisque les crédits ont augmenté de 13 %. Le budget de l’éducation nationale, 57 milliards d’euros en 2022, est ainsi le premier budget de l’État.

De fait, les taux d’encadrement ont augmenté, notamment avec la mise en œuvre du dédoublement des classes en CP et CE1 ou avec le plafonnement des classes à 24 élèves.

Alors même que nous constatons une baisse démographique, je le disais, il n’y a pas eu de diminution du nombre de postes dans le second degré. Nous avons au total recruté l’équivalent de 27 000 emplois à temps plein, notamment en accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Dans le même temps, la crise a obligé les enseignants à s’investir encore davantage, si bien que le Premier ministre et Jean-Michel Blanquer ont annoncé le recrutement de 3 300 contractuels supplémentaires et le recours aux listes complémentaires dans le premier degré.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, nous voulons une éducation plus forte au bénéfice de l’ensemble des enfants et sur tous les territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour la réplique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le Gouvernement a l’habitude de nous noyer sous des chiffres, inexacts la plupart du temps… On ne peut plus vous croire, madame la secrétaire d’État !

Le 2 mars 2021, M. Blanquer déclarait sur France Inter : « Il est exact que les suppressions de postes ne peuvent pas éternellement se réaliser dans le secondaire ; c’est ce sur quoi je travaille pour le budget 2022. » Et il supprime des postes au budget 2022 !

On ne peut plus faire confiance au Gouvernement ou à M. Macron pour relever le défi éducatif qui se pose à la France. Pourtant, nous le devons à notre jeunesse pour son avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, GEST et Les Républicains.)

« one ocean summit »

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Ma question s’adresse à Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

« Conscients que la place de l’océan dans l’agenda politique international n’est pas aujourd’hui à la mesure de son rôle dans les équilibres planétaires, qu’ils soient climatiques, environnementaux ou sociaux, les dirigeants rassemblés à Brest se sont engagés à œuvrer pour mettre un point d’arrêt à la dégradation de l’océan. » C’est ce qu’a rappelé le Président de la République, vendredi dernier, en clôture du premier Sommet mondial consacré aux océans.

Une délégation sénatoriale et de nombreux parlementaires étaient présents auprès des cent pays qui étaient également au rendez-vous. De la pollution plastique à la décarbonation du transport maritime, en passant par la surpêche, toutes les problématiques ont été abordées.

Des mesures fortes ont été annoncées, afin de protéger la biodiversité et les ressources de nos océans à tous les endroits du globe : des pôles à la haute mer, de nos côtes métropolitaines à la Polynésie, qui s’est d’ailleurs engagée à créer un réseau d’aires marines protégées d’au moins 500 000 kilomètres carrés.

Notre collègue sénateur Teva Rohfritsch, présent lors du sommet, a défendu cette orientation. J’en profite pour saluer les travaux relatifs aux fonds marins, qu’il mène actuellement au Sénat.

Le Sommet mondial des océans s’inscrivait également, nous le savons, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ; il s’agissait de faire de notre continent le chef de file pour un traité de la haute mer. Ce texte fondamental est négocié sous l’égide de l’ONU depuis 2018, mais les discussions ont malheureusement été ralenties par la pandémie.

Madame la secrétaire d’État, quelles sont les grandes orientations à l’issue de ces trois jours dans le Finistère ? Quel rôle la présidence française du Conseil de l’Union européenne joue-t-elle dans la mise en œuvre de ce traité tant attendu ? Sommes-nous aujourd’hui proches d’un texte commun, qui nous permettra collectivement de protéger ces eaux internationales, « celles qui sont trop souvent une zone de non-droit écologique », comme l’a rappelé le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Havet, je vous remercie de me permettre de dresser un premier bilan du « One Ocean Summit », qui a rassemblé et mobilisé des délégués de nombreux États, souvent représentés au plus haut niveau avec la présence de plusieurs chefs d’État et de gouvernement, mais aussi les plus grands experts scientifiques et les représentants d’organisations environnementales.

Le calendrier était tout à fait particulier.

Le congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la COP26 sur le climat et la COP15 sur la diversité biologique ont eu lieu en 2021.

La France assure en ce moment la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Nous sommes dans l’attente d’un traité sur les plastiques élaboré dans le cadre de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement et du traité, en cours de négociation, sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale – ce traité est souvent appelé par son acronyme anglais BBNJ, pour Biodiversity Beyond National Jurisdiction.

La Conférence sur les océans qui aura lieu à Lisbonne évoquera la question de l’objectif de développement durable 14 (ODD 14) relatif à la vie aquatique.

Le One Ocean Summit s’est réuni à Brest en présence de délégués de cent pays couvrant tous les bassins maritimes et représentant plus de la moitié des zones économiques exclusives du monde.

Notre détermination était forte pour protéger les océans qui souffrent du réchauffement climatique – il est notamment responsable de leur acidification –, des pollutions, en particulier de celles provenant des plastiques, du transport maritime, de la surpêche ou encore de la pêche illicite, alors même qu’ils constituent une réponse aux grands défis environnementaux et économiques auxquels nous faisons face.

Lors de ce sommet, nous avons parlé de la protection des océans, l’objectif à l’échelon international que nous défendons étant de parvenir à protéger 30 % des océans à l’horizon 2030.

Le Président de la République a d’ailleurs annoncé que la France a atteint et même dépassé cet objectif en ce début d’année 2022, grâce notamment à l’extension de la réserve naturelle des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et à l’engagement de la Polynésie française, que je tiens à saluer, de créer un réseau d’aires marines protégées d’au moins 500 000 kilomètres carrés. J’en remercie le sénateur Teva Rohfritsch.

Nous avons également pris des engagements pour lutter contre la pollution plastique, une mobilisation très forte ayant eu lieu en amont de la négociation du traité sur les plastiques.

En tant que vice-présidente de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement, vous pouvez compter sur moi pour porter la plus haute ambition dans ces négociations, au nom de la France et de l’Europe.

Nous avons également abordé la question des décharges littorales. La France, par la voix du Président de la République, a annoncé le traitement de ces décharges à fort risque de relargage dans les océans. Nous aurons dès 2022 les crédits nécessaires pour nettoyer les trois premières décharges qui ont été identifiées comme prioritaires. Il s’agit de celles de Dollemard, de Fouras et de l’Anse Charpentier en Martinique. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le traité BBNJ est en cours de négociation.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Dans ce cadre, vous pouvez constater la mobilisation de la France, véritable chef de file de la protection des océans. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

politique du gouvernement en matière de logement

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Madame la secrétaire d’État, l’on vous a déjà alertée sur le fait que le bouclier énergétique instauré par le Gouvernement ne fonctionne pas pour les logements chauffés collectivement au gaz ou raccordés à des réseaux de chauffage urbain. De très nombreux copropriétaires et locataires de logements sociaux sont donc exclus du dispositif. Leur facture énergétique va être extrêmement lourde.

Au mois de septembre, pour rassurer les Français, vous avez annoncé un blocage du prix du gaz pendant au moins tout l’hiver. Or de nombreux ménages modestes sont malgré tout confrontés à la flambée des prix de l’énergie.

Comment avez-vous pu concevoir un bouclier tarifaire qui exclut une grande partie des Français les plus vulnérables ?

Les bailleurs sociaux, déjà malmenés par le Gouvernement du fait de la réduction de loyer de solidarité (RLS), vont de nouveau être confrontés à une fragilisation de leurs locataires, au risque de devoir suspendre des investissements, comme les travaux de rénovation énergétique.

Madame la secrétaire d’État, vous avez indiqué que plusieurs pistes étaient à l’étude. Très concrètement, que comptez-vous faire pour répondre à ce problème particulier et dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité – pour deux minutes !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Je m’attacherai à respecter mon temps de parole, monsieur le président.

Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice Artigalas.

Nous avons effectivement mis en place un dispositif dans l’urgence, le bouclier tarifaire, pour faire face à des hausses de prix très importantes. Il nous a fallu réagir de façon rapide et massive. Nous avons depuis constaté qu’il allait nous falloir trouver des réponses spécifiques et plus fines pour les occupants des logements sociaux ou des résidences alimentées par des réseaux de chaleur.

Je vous confirme que ce travail est en cours, comme je l’ai indiqué il y a quelques jours. Nous discutons avec les principaux acteurs, avec les parties prenantes afin de trouver des réponses spécifiques, en écho aux mesures que nous avons déjà mises en place.

Je pense au chèque énergie complémentaire de 100 euros envoyé aux 6 millions de foyers modestes, qui ont déjà bénéficié au printemps d’un chèque énergie d’un montant de 150 euros en moyenne.

L’action massive qu’a constituée l’instauration du bouclier tarifaire a permis d’éviter la hausse de 66 % qui était à craindre du prix du gaz, notamment.

Une prime inflation de 100 euros, vous le savez, a été versée à 38 millions de Français.

L’État déploie ainsi 15 milliards d’euros pour accompagner les ménages, les protéger contre les hausses des prix de l’énergie et ainsi préserver leur pouvoir d’achat.

Par ailleurs, outre ces réponses d’urgence, nous menons des actions structurelles. Je pense à MaPrimeRénov’, cet outil de rénovation permettant de réduire la facture énergétique de ses bénéficiaires.

Je vous indique que nous ferons des annonces pour ces publics spécifiques dans les prochains jours. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Encore une fois, madame la secrétaire d’État, vous tardez à donner des réponses, à mettre en place des mesures concrètes pour résoudre ce problème très particulier. Vous m’avez répondu une fois de plus à côté ! Cela montre de quelle façon vous traitez les dossiers qui ont un impact concret sur la vie des Français.

Pourtant, il existe des solutions pour résoudre cette injustice. La Commission de régulation de l’énergie recommande, depuis le mois d’octobre déjà, une baisse de la fiscalité sur le gaz, au moins temporairement.

Il est également possible d’agir de façon très ciblée en augmentant le forfait charges des aides personnalisées au logement (APL) et le chèque énergie, de façon différenciée.

Madame la secrétaire d’État, ce sont les plus précaires qui se retrouvent en difficulté face à la flambée des prix de l’énergie : les locataires des HLM, mais aussi les habitants des territoires ruraux. Pour ces derniers, la voiture est un outil indispensable pour travailler. Or ils sont obligés de passer à la pompe plus souvent que d’autres.

Malgré vos effets d’annonce sur le pouvoir d’achat, la situation des ménages modestes ne semble toujours pas être la priorité du Gouvernement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

publication des décrets d’application de la loi climat et résilience

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE et sur des travées du groupe UC.)

Mme Maryse Carrère. Madame la secrétaire d’État Bérangère Abba, adoptée en première lecture le 29 juin 2021 sur ces travées et promulguée le 22 août 2021, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, suscite localement de nombreuses craintes et interrogations concernant l’objectif de zéro artificialisation nette des sols.

En effet, la loi prévoit : « Afin d’atteindre l’objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la […] loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace […] soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date. »

Toutefois, dans les territoires la réalité est tout autre.

Comment concilier cet objectif et les impératifs de nos vies quotidiennes en matière de logement, d’emploi, de transport, de développement économique ou encore de rénovation urbaine ? Ce qui est demandé relève purement et simplement de l’impossible.

À titre d’exemple, dans la communauté d’agglomération de Tarbes-Lourdes-Pyrénées, si la loi était brutalement appliquée, il resterait aujourd’hui juste de quoi satisfaire les besoins en matière de développement économique.

Sur le fondement de ce constat, comment expliquer aux quatre-vingt-six communes de l’agglomération qu’elles ne pourront plus accueillir de nouvelles populations, faute de pouvoir construire ? Ce problème se pose à l’identique dans l’ensemble des départements de France.

C’est d’autant plus problématique que les élus sont confrontés à l’absence de publication des décrets d’application, alors que la réduction de la consommation des espaces naturels agricoles était censée être entérinée après une conférence des schémas de cohérence territoriale (SCoT) à l’échelle régionale, dans les six mois suivant la promulgation de la loi.

Madame la secrétaire d’État, comptez-vous prolonger ce délai, comme cela vous a été demandé, ce qui permettrait une meilleure préparation territoire par territoire ?

Pouvez-vous également mettre fin au flou actuel dans lequel se trouvent les territoires concernés et nous indiquer dans quels délais seront publiés les principaux décrets d’application de la loi Climat et résilience ?

Enfin, est-il prévu de pouvoir appliquer cette loi et son article 47 de manière véritablement différenciée, afin d’atteindre les objectifs de non-artificialisation des sols sans pour autant freiner le développement des territoires, notamment les plus ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – Mmes Martine Berthet et Frédérique Puissat, MM. Gérard Longuet et Franck Menonville applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Carrère, 3,5 millions d’hectares sont artificialisés aujourd’hui en France. Nous savons combien il est important de réduire cette artificialisation, voire de désartificialiser les sols par endroits. Un dispositif équilibré a été trouvé au cours des débats parlementaires et a fait l’objet de larges discussions ces derniers mois.

Sachant que 5 % des communes sont responsables de quasiment 40 % de la consommation d’espaces, il était absolument impératif de réduire le rythme d’artificialisation et de définir ensemble une trajectoire ambitieuse. L’objectif est évidemment non pas de ne plus construire, mais de construire mieux et de mener une réflexion sur cette question à l’échelle d’un territoire. Il faut veiller particulièrement à respecter les terres agricoles et les espaces naturels.

Ce dispositif équilibré, qui vise à réduire l’artificialisation, n’implique pas, je le redis, l’arrêt immédiat de toute artificialisation. Nous devons d’abord nous concentrer sur la construction dense, sur les friches et les terrains déjà artificialisés. Il reste 140 000 hectares mobilisables pour les dix prochaines années, soit 14 000 hectares par an. Nous ne sommes donc pas empêchés. Nous devons simplement trouver une nouvelle dynamique.

Tous les territoires n’ont pas forcément les mêmes besoins ni les mêmes trajectoires d’artificialisation passées, vous l’avez dit. Cela doit être entendu et pris en compte.

C’est pourquoi la réduction de 50 % de la consommation d’espaces est applicable non pas à l’échelon de chaque commune, mais à l’échelon régional. La communauté d’agglomération de Tarbes-Lourdes-Pyrénées n’est donc pas concernée directement en tant que telle. Elle l’est à l’échelle de la région.

Cette loi prévoit également des critères de territorialisation, qui tiennent compte des efforts passés et des besoins de développement. Comme vous nous l’avez demandé, nous avons allongé de six mois le délai dans le projet de loi 3DS, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, afin de permettre aux collectivités de s’organiser et de prévoir cette territorialisation. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.) C’était une attente forte, nous l’avons entendue, dans un calendrier évidemment perturbé par le contexte sanitaire que nous connaissons.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Nous sommes donc tout à fait mobilisés.

Enfin, trois décrets seront présentés au Conseil national d’évaluation des normes le 22 février. D’ici là, nous poursuivrons la concertation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

règles de campagne électorale

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Depuis 1988, la loi assure une parfaite transparence du financement des campagnes électorales et une stricte égalité entre les candidats. Ces règles s’appliquent au cours des six mois précédant l’élection.

Depuis plusieurs semaines, il ne fait aucun doute que M. Macron sera candidat à l’élection présidentielle : les parrainages sont recueillis ; une affiche et un organigramme sont diffusés ; un site de campagne a été créé ; le QG de campagne est loué. Le Président de la République multiplie les déplacements et mène une campagne orchestrée.

Les exemples de mélange des genres entre fonction et campagne présidentielle sont nombreux. Ces mélanges se traduisent par l’utilisation des moyens de l’État pour financer la campagne électorale du président en exercice, au mépris des règles sur le financement des campagnes électorales.

Avec l’argent des Français, les ministres défilent dans nos départements pour y porter la bonne parole, parfois dans des circonscriptions où ils vont eux-mêmes être candidats.

M. Jean-Marc Boyer. Le « en même temps » du président et de ses ministres avec l’argent des Français n’est-il pas contraire aux principes d’égalité entre les candidats et de transparence des moyens financiers mis à leur disposition ? Ne sont-ils pas en train de dépasser les limites de l’acceptable d’un point de vue démocratique et juridique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. La question s’adressait à M. le Premier ministre !

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Boyer, vous semblez considérer dans votre question qu’un président de la République qui fait le choix de consacrer son temps à la gestion des affaires du pays (Vives exclamations sur de nombreuses travées à droite comme à gauche.) plutôt qu’à une possible candidature serait dans une forme d’hypocrisie ou d’ambiguïté.

Je trouve cette critique rétrospective de Nicolas Sarkozy et de Jacques Chirac d’une très grande violence. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Claude Malhuret et Pierre Louault applaudissent également. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) D’une très grande violence !

Je me souviens que, en 2012, on entendait les mêmes mots dans l’opposition de l’époque. Ma prédécesseure, alors porte-parole du gouvernement, défendait la légitimité du président Sarkozy à agir jusqu’au bout de son mandat. Alors qu’elle est aujourd’hui votre candidate à l’élection présidentielle, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Véronique Guillotin applaudit également. – Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER), je ne doute pas qu’elle ait aujourd’hui le même avis sur la question.

Mme Sophie Primas. Je croyais que c’était le nouveau monde ?

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat. Pour le reste, vous connaissez la loi, les règles, le calendrier, les échéances, lesquels sont tous soumis au contrôle du juge constitutionnel.

La campagne officielle de l’élection présidentielle débutera le 28 mars. (M. Roger Karoutchi se gausse.)

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat. La date limite pour présenter sa candidature est fixée au 4 mars.

M. François Bonhomme. Ne laissez pas passer la date !

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat. Des candidats ont choisi de prendre de l’avance sur ce calendrier officiel. Je n’ai pas de commentaire à faire à ce sujet.

Souffrez que, au moment où notre pays connaît la plus grave crise sanitaire depuis un siècle (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), le Président de la République continue de chercher à éviter ce qui aurait été la plus grave crise économique depuis un siècle.

Alors que la situation est extrêmement tendue aux frontières de l’Europe en Ukraine, alors que nous adaptons notre dispositif au Mali, en lien avec nos partenaires européens, souffrez que nous soyons concentrés sur ces questions plutôt que sur la campagne présidentielle.

Je comprends que le « grand remplacement » et les débats que vous pourriez avoir sur ce sujet vous préoccupent davantage que ces questions (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais nous vous les laissons ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour la réplique.

M. Jean-Marc Boyer. Que le Président de la République puisse gouverner jusqu’au dernier quart d’heure est une chose ; qu’il fasse campagne sans limites avec l’argent du contribuable en est une autre. C’est indécent et condamnable,…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Bravo !

M. Jean-Marc Boyer. … et ce pour deux raisons : parce qu’il utilise les moyens de l’État et parce qu’il est passé du « quoi qu’il en coûte » au « quoi qu’il advienne ». Au total, 43 milliards d’euros ont été promis depuis l’été au mépris de toute rigueur budgétaire ! (M. Julien Bargeton proteste.)

Le président-candidat ne peut pas se cacher plus longtemps derrière la crise sanitaire. Il ne peut pas confisquer le débat, clé de voûte de la démocratie. C’est une question de crédibilité et d’honnêteté vis-à-vis des citoyens. Il faut tomber le masque !

Si les Français ont le droit au débat démocratique, le président-candidat a le devoir de ne pas échapper à son bilan et de débattre avant le premier tour de l’élection, projet contre projet, selon les règles d’égalité, d’équité et de transparence. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Stéphane Piednoir. Très bien !

privatisation du secteur de la santé

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le scandale des Ehpad Orpea, dont nous commençons à peine à percevoir l’ampleur aujourd’hui, met en lumière les dérives de la privatisation des secteurs de la santé et du médico-social.

Dans une tribune parue dans Le Monde le 9 février dernier, François Crémieux, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, alerte sur le risque de rachat par le groupe privé Ramsay Santé des centres de santé actuellement gérés par la Croix-Rouge.

La Croix-Rouge est un acteur du secteur privé dit non lucratif, qui gère partout en France des établissements de santé et des Ehpad. Elle incarne par son histoire une tradition humaniste éloignée de tout intérêt financier. En véritables auxiliaires de l’État, les centres de santé de la Croix-Rouge sont les garants d’une offre de soins accessibles à tous.

Ramsay Santé, issu du rachat et de la fusion de grandes entreprises du secteur de la santé, est le deuxième fournisseur de soins privé en Europe et le premier en France. Pour ce grand groupe à but lucratif, la santé est un investissement, qui doit notamment rapporter des dividendes à ses actionnaires.

Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), les établissements de santé privés sont davantage fréquentés par les catégories sociales les plus aisées.

Face à ces inégalités d’accès à la santé dans notre pays, on ne peut se résoudre à voir des centres de santé associatifs repris par des groupes privés à but lucratif.

Monsieur le ministre, quel modèle de santé voulons-nous en France ? Alors que la crise du covid a mis en lumière les grandes difficultés de nos hôpitaux publics, les secteurs de la santé et du médico-social vont-ils être vendus aux groupes privés ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie pour votre question, madame la sénatrice Émilienne Poumirol. Vous m’interrogez sur le rachat de groupes privés non lucratifs par de grands groupes privés à but lucratif dans le champ du sanitaire et du médico-social. Vous souhaitez savoir ce que j’en pense et si je considère que c’est bien ou non.

Indépendamment de ce que je pense de ce sujet, je rappelle d’abord que la possibilité pour un acteur privé d’en racheter un autre relève du lien contractuel entre eux. L’État n’a pas à intervenir. Même si je voulais empêcher cette vente ou ce rachat, je n’aurais pas la possibilité juridique de le faire.

Ensuite, notre système sanitaire et médico-social repose sur deux jambes : le secteur public et le secteur privé ; l’hôpital et le libéral. La qualité des soins et de l’accueil, la vocation est partout présente chez tous les soignants. Nous nous rejoindrons sur ce point. Les missions se recoupent pour la plupart d’entre elles, même s’il existe des différences entre le secteur privé et le secteur public, qui justifient d’ailleurs des grilles tarifaires distinctes.

Pour ma part, je souhaite que le secteur public et le secteur associatif privé non lucratif gardent toute leur place dans l’offre de soins et dans l’offre médico-sociale sur le territoire français. Je ne me résous pas, je vous le dis en toute franchise, à voir d’immenses groupes privés, portés par des fonds de pension, souvent étrangers, racheter, établissement par établissement, ce qui fait une partie du capital social de notre nation, surtout quand c’est la solidarité nationale qui règle les soins.

C’est pourquoi nous réévaluons, année après année, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le financement des soins, des soignants – nous l’avons fait lors du Ségur de la santé –, afin de maintenir l’attractivité du secteur public.

Le public a de l’avenir dans les secteurs de la santé et du médico-social, le privé non lucratif également. Le privé lucratif a évidemment sa place dans notre offre de soins. Prenons garde toutefois à conserver les équilibres et veillons à donner envie aux secteurs public et associatif de continuer à se déployer dans les territoires. Ce n’est pas l’ancien député de Grenoble qui vous dira le contraire. Les premiers centres publics de santé ont été créés à Grenoble – je n’étais alors pas né ! –, je sais ce que c’est, je connais leur valeur et je les soutiens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, il est intéressant de vous entendre dire que vous souhaitez conserver un équilibre entre le public et le privé et que vous êtes un défenseur du système public, alors que ce n’est pas ce que l’on a constaté au cours des cinq dernières années. Nous assistons à une grande dérive vers le secteur privé, dont le seul objectif est de réaliser des profits.

On sait bien que vous ne pouvez pas empêcher le rachat. En revanche, vous pouvez indiquer une direction et œuvrer en faveur d’un service public de santé efficace.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Émilienne Poumirol. Je regrette que cette dérive vers le privé ne se fasse au détriment des patients et des personnes âgées. La santé n’est pas un secteur marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

violences contre les élus

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.

Le 6 novembre 2019, à l’adresse des magistrats du parquet, vous preniez une circulaire relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif, montrant ainsi votre attachement à la mise en œuvre d’une politique pénale empreinte, selon vos propres termes, de volontarisme, de fermeté et de célérité.

Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage : le 7 septembre 2020, vous preniez une nouvelle circulaire, dans laquelle il était indiqué : « Les élus locaux occupent une place fondamentale dans le fonctionnement de nos institutions et toute atteinte à leur encontre constitue également une atteinte au pacte républicain. »

Pourtant, depuis plusieurs mois, le nombre d’agressions d’élus est toujours très élevé, malgré l’attention particulière que vous avez portée à ces agissements.

Cette observation est juste, monsieur le garde des sceaux, puisque, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, 1 186 élus ont effectivement été pris pour cible au cours des onze premiers mois de 2021, parmi lesquels 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints ont été victimes d’agressions physiques, soit une hausse de 47 % par rapport à 2020.

Dans mon département, l’Essonne, Patrick Rauscher, maire de Saintry-sur-Seine, est une parfaite illustration de ce problème : il subit depuis son élection en 2020 des menaces, des intimidations physiques et des insultes de la part d’individus parfaitement identifiés et défavorablement connus des forces de l’ordre.

Les seules réponses qui lui sont apportées à ce jour sont une litanie de classements sans suite et des patrouilles de gendarmerie composées de deux personnels dans l’impossibilité d’intervenir face à une trentaine d’énergumènes…

Samedi dernier, Patrick Rauscher lançait un appel glaçant : « Je voudrais toutefois, si d’aventure il devait m’arriver malheur, que chacun de vous retienne que je regrette que les détracteurs des valeurs et du fonctionnement de notre République ne soient pas plus inquiétés. »

Ma question est simple, monsieur le garde des sceaux : quand allez-vous passer des circulaires aux actes ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – MM. Hussein Bourgi, Sebastien Pla et Henri Cabanel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Hugonet, s’en prendre à un élu, c’est s’en prendre à la République tout entière.

Vous avez rappelé deux circulaires, que vous m’avez attribuées. Or l’une n’est pas de moi, mais peu importe – j’étais déjà dans votre cœur ! –, j’en assume les termes. L’autre a été prise en septembre 2020.

Ces circulaires appellent les procureurs généraux à plus de sévérité, de rapidité, à une bonne et exacte qualification des faits. Elles appellent également les procureurs à écarter le rappel à la loi, qui a depuis été supprimé.

Quand vais-je passer des mots aux actes ?

Permettez-moi de vous rappeler un certain nombre de choses, car on peut se payer de mots, mais pas de chiffres, parce qu’ils correspondent à une réalité.

Entre 2019 et 2020, monsieur le sénateur, le nombre de condamnations pour menaces a doublé, le taux de prononcés de peines pour menaces est passé de 52 % à 62 % en un an. De même, 80 % des condamnations pour violences ont donné lieu à des peines d’emprisonnement.

Le rappel à la loi, je l’ai dit, mais je le rappelle, a été supprimé. L’avertissement pénal probatoire ne pourra pas s’appliquer à ceux qui exercent des violences contre les élus.

J’ai demandé à tous les parquets de France de mettre en place des lignes réservées, des adresses électroniques pour que les élus puissent immédiatement correspondre avec les parquetiers dès qu’ils rencontrent une difficulté.

Avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et l’Association des maires ruraux de France, nous avons mis en place un groupe de travail, qui réfléchit en ce moment même aux moyens d’améliorer encore la relation entre les élus et les procureurs.

J’ajoute que le texte que j’ai porté prévoit que les peines ne peuvent être réduites quand les violences ont été exercées contre des élus.

Les élus sont une préoccupation permanente pour le garde des sceaux que je suis et pour le ministre de l’intérieur, que j’associe à ma réponse. Mercredi prochain, devant la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que vous présidez, madame la sénatrice Gatel, je décrirai plus précisément l’action du Gouvernement pour lutter contre les menaces et les violences contre les élus. Vous avez raison, monsieur le sénateur Hugonet, elles sont inadmissibles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)

élevage pastoral et prédateurs

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Folliot. La prise de mesures en faveur de la protection d’espèces vulnérables est l’une des pierres angulaires de notre engagement collectif et partagé en faveur de la biodiversité ; nous en conviendrons tous ici.

Madame la secrétaire d’État, il y a un loup dans cette histoire ! (Sourires.) Dans la montagne tarnaise, une centaine d’attaques ont été recensées en un an. Des dizaines et des dizaines de brebis et de veaux ont été tués. La situation est similaire sur l’ensemble du rayon de Roquefort, en Aveyron, dans l’Aude, l’Hérault, la Lozère, mais aussi dans bien d’autres départements de France.

Alors que les estives vont commencer, les éleveurs déplorent le manque de transparence et la lenteur de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui exige un nombre important d’éléments – ADN, empreintes – dans des délais courts. Avant que des mesures ne soient prises, les cheptels sont trop souvent décimés. Les expertises concluent simplement par la mention « loup non écarté », malgré des images de vidéosurveillance et de nombreuses preuves attestant de sa présence.

Il semblerait que certains loups aient des comportements déviants, tuant non pas pour manger, mais simplement pour tuer. Ils sont désormais aperçus en périphérie de nos villages et près des bergeries.

Les éleveurs sont totalement démunis et se retrouvent dans l’incapacité de défendre leurs troupeaux et leur travail. C’est, à terme, dans ces régions, la survie de l’élevage qui est en jeu, mais aussi celle de nombreuses appellations dont nous sommes fiers : agneau de pays, veau du Ségala, roquefort, et j’en passe.

Alors, que comptez-vous faire, madame la secrétaire d’État, pour défendre aujourd’hui ceux qui se retrouvent sans moyen de lutte efficace contre ce fléau ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – M. Alain Richard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité – toujours pour deux minutes !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Folliot, je vous remercie pour cette question.

Nous sommes pleinement aux côtés des agriculteurs et des éleveurs face à ces épisodes douloureux. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes à leurs côtés dans la prévention, puis en cas de prédation.

Plus personne n’ignore les alertes. Nous respectons totalement les éleveurs et leur travail, mais aussi les territoires qui connaissent des difficultés pour restaurer les équilibres entre préservation des espèces, des espaces et des différentes pratiques.

Des solutions existent, tous les budgets n’ont pas encore été consommés. Il nous faut développer des filières de protection, les chiens doivent être aux côtés des éleveurs. Nous disposons d’un dispositif national qui se décline localement. Je sais, pour l’avoir vue dans mon territoire, la réactivité du préfet loup sur les fronts de colonisation.

Le Tarn fait effectivement partie des départements dans lesquels le loup est signalé depuis plusieurs années. L’extension de son aire de répartition exigeait des réponses rapides et ambitieuses.

M. Gérard Longuet. Et efficaces !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. En 2021, l’OFB a identifié quinze attaques. On en dénombre déjà six en 2022. Le préfet du Tarn, en lien avec le préfet loup national, a donc mis en œuvre les dispositions prévues dans ces situations. Une cellule de veille, vous le savez, monsieur le sénateur, a été activée. Les communes concernées sont classées en cercle 2 et cette liste de communes a été élargie ce mois-ci.

Des subventions sont accordées pour l’achat et l’entretien des chiens de protection, des clôtures électrifiées, la réalisation d’une analyse de vulnérabilité. Un accompagnement technique est mis à disposition des éleveurs pour qu’ils puissent se protéger au mieux. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe Les Républicains.)

La direction départementale des territoires a délivré ce jour six autorisations de tirs de défense et une demande est en cours de traitement.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Des mesures de protection sont mises en œuvre et un cadre très précis nous permet d’être aux côtés des éleveurs. Il faut qu’ils s’en saisissent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour la réplique.

M. Philippe Folliot. Madame la secrétaire d’État, l’engrillagement de nos campagnes n’est pas une solution.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Philippe Folliot. Non, les patous qui agressent les randonneurs ne sont pas une solution.

Non, le loup n’est pas une espèce menacée aujourd’hui : il y en a des milliers en France.

Oui, il est maintenant temps d’agir, et d’agir concrètement ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE et Les Républicains.)

trajectoires des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. « Bonne nouvelle : les taux d’intérêt remontent… » : tel est le titre du billet que l’économiste Jean-Marc Daniel a publié aujourd’hui dans un quotidien économique.

C’est vrai que, en théorie, c’est une bonne nouvelle, mais ce n’en est pas une pour la France, compte tenu de l’état de nos finances publiques.

M. Jérôme Bascher. Depuis dix ans, nos déficits ne cessent d’augmenter, que la croissance soit mauvaise ou exceptionnelle – mauvaise ou exceptionnelle ! (Protestations sur les travées du groupe SER, où lon invoque lhéritage de Nicolas Sarkozy.)

Depuis dix ans, l’écart se creuse entre la France et l’Allemagne, comme le souligne la Cour des comptes : l’écart entre nos dettes publiques est passé de quatre à quarante points.

M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’est pas là, mais je remercie Olivier Dussopt de le suppléer. Monsieur le ministre, êtes-vous aussi alarmé par les finances publiques que la Cour des comptes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Bascher, vous m’interrogez sur la situation des finances publiques et, plus précisément, sur leur trajectoire dans les années qui viennent.

Les chiffres dont nous disposons aujourd’hui sont rassurants, surtout à la sortie d’une crise comme celle que nous avons connue. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

MM. François Bonhomme et Cédric Perrin. Ça va bien se passer !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. J’entends les quolibets, j’entends les rires : toujours les mêmes oiseaux de mauvais augure, qui préfèrent les mauvaises nouvelles aux bonnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Moi, j’insiste sur les bonnes nouvelles : une croissance de 7 % et un taux d’emploi que nous n’avons jamais atteint depuis 1969 – nous dénombrons 650 000 créations d’emplois dans le secteur privé. L’investissement, aussi, repart à la hausse. Cette croissance était inattendue. Elle constitue une bonne nouvelle, parce que cela nous permet de réduire les déficits publics plus rapidement que prévu. (M. Martin Lévrier applaudit.) En 2021, le déficit sera de moins de 7 % du PIB…

Mme Sophie Primas. Formidable…

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous avions craint qu’il n’atteigne 8,2 %. Le montant de la dette, dont tout le monde redoutait qu’il dépasse les 120 % du PIB, sera de 113,6 %.

Face à cette situation, notre stratégie…

M. François Bonhomme. Parce qu’il y en a une ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. … repose sur le redressement des comptes publics par la croissance. La croissance, en effet, accroît les recettes et, donc, diminue le déficit. Nous en faisons la démonstration avec ce chiffre de 7 % de croissance…

Mme Sophie Primas. Après –8 % !

M. Cédric Perrin. Oui, l’année dernière !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous percevons ainsi des recettes supplémentaires, ce qui réduit les déficits.

Mais il y a un choix que nous ne faisons pas, c’est celui de la facilité, qui consiste à augmenter les impôts, car cela tue la croissance. J’ai gardé le souvenir, en 2011, Mme Pécresse étant ministre du budget, de 15 milliards d’euros d’augmentations d’impôts : gel du barème de l’impôt sur le revenu, modification des droits de succession, alourdissement de la fiscalité sur les entreprises… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous, les impôts, nous les baissons ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous les baissons de 50 milliards d’euros : la moitié pour les ménages, la moitié pour les entreprises.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Et l’augmentation de la CSG ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Résultat : nous avons le taux de prélèvements obligatoires le plus bas depuis dix ans. Nous aurons ainsi effacé les conséquences des deux chocs fiscaux, celui du budget de 2011 et celui du budget de 2014.

Nous allons créer de la croissance, pousser la croissance, générer des recettes, nous allons retrouver le chemin de la consolidation budgétaire, de la maîtrise de la dette, comme nous l’avons fait de 2007 à 2020.

Mme Sophie Primas. On dirait que vous lisez un prompteur !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Vous semblez avoir oublié une chose, monsieur le sénateur : c’est ce gouvernement, et lui seul, qui, pendant trois ans, a tenu les engagements de la France devant la Commission européenne.

M. le président. Il faut conclure !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous avons en effet ramené le déficit à 3 % du PIB et lancé le redressement des comptes publics. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – Mme Sylvie Vermeillet ainsi que MM. Arnaud de Belenet et Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.

M. Jérôme Bascher. Comme le Président de la République, et à l’image de Talleyrand, vous traversez les régimes. Talleyrand disait : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console. » Pour vous, c’est exactement l’inverse : vous vous consolez en vous regardant ! Or il faut se désoler quand nous nous comparons, car l’Allemagne fait mieux que nous. Pis : la Grèce rembourse au FMI sa dette avec deux ans d’avance ! Le FMI, justement, dit dans un récent rapport que la France est un sujet d’inquiétude, et Rexecode souligne que notre industrie décroche.

Et la France n’a jamais eu d’aussi mauvais chiffres du commerce extérieur. Dans quel état laissez-vous la France ! C’est une honte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)

M. Julien Bargeton. Tout ce qui est excessif est insignifiant.

politique du gouvernement vis-à-vis des entreprises

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Madame la secrétaire d’État, 137 milliards d’euros : ce sont les profits cumulés des entreprises du CAC 40 en 2021, selon l’agence Bloomberg. C’est bien plus qu’en 2019, qui sert d’année de référence, avant la crise sanitaire.

On peut se réjouir de la bonne santé des entreprises françaises. Elles ont été soutenues par les aides de l’État, dont l’opportunité ne saurait être remise en cause pour le maintien de notre tissu de PME. S’il n’est pas interdit aux actionnaires de faire des bénéfices, le montant de ceux-ci pose problème. Il n’est pas acceptable que les 80 milliards d’euros d’aides se retrouvent pour une part si importante dans la poche des actionnaires.

Depuis le début de ce quinquennat, les cadeaux fiscaux succèdent aux allégements fiscaux : suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), instauration d’une flat tax, réduction importante des impôts de production… Nous ne cessons de dénoncer ces mesures, loi de finances après loi de finances. Aucune contrepartie à ces cadeaux n’est demandée aux entreprises, ni sociale ni écologique. Les revalorisations salariales et les investissements en faveur de la transition écologique n’ont pas leur place dans le partage des bénéfices. Aucune régulation n’est annoncée.

Depuis 2017, les écarts de richesse ne cessent de se creuser. Les salariés peinent à terminer le mois, les étudiants ont toujours recours à l’aide alimentaire, les familles s’endettent, la précarité s’installe ; les actionnaires, eux, profitent, avec l’approbation du Gouvernement.

Madame la secrétaire d’État, est-il décent de laisser prospérer ainsi une richesse improductive, alors que le pouvoir d’achat des Français ne cesse de s’éroder et que le chèque de Noël de 100 euros est déjà noyé sous les litres d’essence ? N’est-il pas temps de mettre en place une vraie redistribution des richesses ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de léconomie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un plaisir de vous retrouver. J’ai l’honneur de représenter Bruno Le Maire, retenu à Toulouse, où il se trouve avec le Président de la République pour parler politique spatiale. (Mme Sophie Primas ironise.)

Madame Briquet, vous parlez de cadeaux fiscaux, je vais parler de défense de notre souveraineté, de nos entreprises, et de soutien aux salariés et à l’emploi.

Oui, nous réduisons les impôts de production, dans des proportions historiques. Oui, nous avons baissé le taux de l’impôt sur les sociétés, désormais à 25 %. Oui, nous avons transformé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisses de charges. Oui, nous avons réformé le droit du travail. Oui, nous avons rendu pas moins de 26 milliards d’euros aux entreprises et à peu près autant aux ménages, comme Olivier Dussopt vient de le rappeler.

Pour autant, je ne parle pas là de cadeaux ; je parle d’investissements. Gardons-nous des raccourcis, malgré le peu de temps dont je dispose pour vous répondre. Il est important que nos entreprises profitent de la croissance, qu’elles fassent des bénéfices. Il importe aussi, et je vous remercie de l’avoir dit vous-même, que les actionnaires touchent des retours sur leurs investissements. Cela s’appelle un dividende, et cela rémunère le risque pris en investissant.

Mme Isabelle Briquet. Zéro risque !

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. Je n’oublie jamais que, sans investissement, il n’y a pas d’emploi. Vous parliez de pouvoir d’achat : celui-ci ne saurait augmenter sans investissement.

Vous parliez de cadeaux. Je dirais plutôt que nous avons investi. Au cours de la période difficile que nous avons traversée, pas moins de 240 milliards d’euros ont été consacrés à la protection de nos entreprises, de nos salariés. Vous êtes nombreux à reconnaître de bonne foi que nous pouvons être fiers de ce choix.

Nous avons engagé sur les territoires, à l’heure actuelle, 72 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros prévus par le plan de relance. Pour avoir siégé trois ans à la commission des finances de l’Assemblée nationale, je sais qu’il faut être précis : à ces crédits sont attachées des obligations, et les entreprises ayant bénéficié du plan de relance doivent formuler un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges). C’est l’une des conditions attachées au plan de relance, qui a été adopté par le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.

Mme Isabelle Briquet. Depuis cinq ans, vous prenez le ruissellement comme outil redistributif. Pourtant, force est de constater qu’en cette fin de quinquennat le pouvoir d’achat des Français est à sec et que la cohésion sociale se fissure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Daniel Salmon applaudit également.)

loi égalim 2 et crise porcine

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Monsieur le ministre, à quelques jours du salon de l’agriculture, après quelques semaines de négociations sur la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite loi Égalim 2, les agriculteurs s’interrogent sur les moyens engagés par l’État pour faire en sorte que soient respectés les engagements pour une juste rémunération.

En effet, les difficultés rencontrées, par les producteurs eux-mêmes ou leurs coopératives et les intermédiaires grossistes, dans les négociations avec les transformateurs, et par ces derniers avec les distributeurs, sont inquiétantes. Ces difficultés sont aggravées par un contexte de hausse du prix des matières premières et des énergies, alors même que de nouvelles réglementations ne cessent de s’imposer, notamment dans l’élevage, surtout dans l’élevage porcin. Là, la situation est critique, avec une perte de 25 à 30 euros par porc élevé, soit pour la filière un solde déficitaire de 440 millions d’euros, qui met en péril les exploitations.

Vous parlez beaucoup de souveraineté alimentaire. Quels éléments mettez-vous en œuvre pour que soient respectées les règles d’une juste rémunération des producteurs et de leurs premiers acheteurs intermédiaires, afin de préserver les filières dont l’importance dans les territoires n’est plus à démontrer ? Comment la présidence du Conseil de l’Union européenne nous permet-elle de peser pour organiser une agriculture durable et équitable ?

Enfin, quand publierez-vous les décrets organisant une juste application de l’étiquetage « origine France » ? Des indications confirmant les informations d’origine devront accompagner le drapeau tricolore et faire la promotion de la qualité française, du produire local et du transformer local. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Somon, vous avez posé trois questions auxquelles je vais apporter des éléments de réponse précis.

La première portait sur l’application de la loi Égalim 2.

Pour moi, vous le savez, la rémunération des agriculteurs est la mère des batailles. La loi Égalim 2 doit être strictement appliquée : tolérance zéro contre ceux qui ne la respectent pas ! Depuis le 1er janvier 2022, nous avons ouvert plus de 250 enquêtes. Je le dis de manière très ferme : la main du Gouvernement ne tremblera pas vis-à-vis de toutes celles et tous ceux qui n’appliquent pas la loi Égalim 2. (M. Jean-Claude Tissot sexclame.)

Force est de constater, monsieur le sénateur, qu’il y a beaucoup de politique aujourd’hui derrière certaines questions. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Je me permets donc de souligner, monsieur le sénateur, que la loi Égalim 2 vient simplement corriger une loi délétère, et même mortifère,…

Mme Sophie Primas. Égalim 1 ?

M. Julien Denormandie, ministre. … qui a été votée par votre majorité : je veux parler de la loi de modernisation de l’économie (LME). (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Bernard Fialaire et Pierre Louault applaudissent également.) Nous n’avons donc fait que corriger une erreur politique majeure.

Vous évoquez ensuite la crise porcine.

Nous avons d’ores et déjà mis en place, à la demande du Premier ministre, un plan de 270 millions d’euros, comme nous nous y étions engagés. Sur ces 270 millions d’euros, les 75 premiers millions d’euros ont été débloqués. Au moment où je vous parle, plus de 1 700 dossiers ont été déposés et les premiers versements ont déjà été effectués. De mémoire de sénateur, peu de plans d’urgence ont été déployés avec une telle célérité ! Je m’engage à ce que cela continue ainsi.

Vous parlez enfin du décret sur l’origine des aliments.

J’informe la Haute Assemblée qu’à partir du 1er mars l’origine des viandes devra obligatoirement être indiquée dans toutes les cantines de notre République, afin de favoriser notre élevage, l’élevage français, l’élevage de vos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.

M. Laurent Somon. Monsieur le ministre, les chèques distribués sont des cataplasmes, signes des échecs des politiques menées, en particulier de la politique agricole, dans laquelle la France renonce à favoriser ses atouts et son rayonnement.

Quel cap, quelle ambition, quel projet ce Gouvernement porte-t-il réellement pour notre agriculture, nos cultures et notre élevage ?

En multipliant les contraintes, vous faites le choix de remplacer la charcuterie de terroir par le steak de synthèse. (M. Jean-Marc Boyer applaudit.) Même, les deux fermes à insectes de mon département ont reçu au cours des quatre derniers mois les visites de cinq ministres, pour vanter le plan de relance. Est-ce à dire que vous souhaitez remplacer le porc blanc de l’Ouest au rabais par la larve de mouche soldat noire et la Food Tech ?

Monsieur le ministre, les Français aspirent toujours à habiter les maisons individuelles, y compris à la campagne, n’en déplaise à l’une de vos collègues. Ils ne sont pas désireux d’une alimentation de synthèse. Ils veulent dans leur assiette des produits issus d’une agriculture durable, au service du développement économique local et national. Pour cela, les agriculteurs français sont mobilisés. Encore faut-il qu’on leur permette de rester en vie et qu’on ne les oblige pas à prendre la clé des champs dans un « désert français » : donnez-leur de vraies perspectives ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

notices rouges d’interpol

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, en association avec mon collègue Olivier Cadic, je souhaite vous interroger sur l’émission des notices rouges par Interpol en exécution de mandats d’arrêt internationaux émis par certains pays, et notamment des États totalitaires, qui en font un usage non contrôlé.

Ces notices rouges sont assimilables à de véritables lettres de cachet : peu ou pas motivées, dépourvues de contrôle juridictionnel préalable, elles peuvent être émises au mépris des droits de la défense. Elles servent alors de base à des détentions arbitraires de personnes au statut peu enviable d’otages judiciaires. Organisations non gouvernementales et avocats s’en émeuvent. La France, pays des droits de l’homme et des libertés publiques s’il en est, doit se saisir de ce sujet très grave, concernant un organisme dont le siège est situé sur son territoire, à Lyon.

La presse internationale s’est récemment fait l’écho du sort de notre compatriote Hubert Goutay, homme d’affaires honorablement connu, victime de ce qui semble être l’illustration d’un usage non justifié de cette procédure. Arrêté et détenu depuis octobre 2021 au Maroc, sur la base d’une notice rouge d’Interpol, il est actuellement en attente d’une extradition demandée par la justice du Bénin, pour une affaire sur laquelle il a déjà été entendu dans ce pays.

Monsieur le ministre, ma question est double. Quelle position la France défend-elle face à la multiplication d’arrestations effectuées sur la base de ces notices rouges, qui sont éminemment contestables ? Sans vouloir faire ingérence dans la justice d’États souverains comme le Maroc ou le Bénin, comment la France s’assure-t-elle de la garantie que les droits de ses ressortissants soient totalement respectés ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Bernard Fournier et Gérard Longuet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, comme vous le savez, la compétence territoriale des États pour juger de tous crimes et délits commis sur leur territoire, indépendamment de la nationalité de l’auteur, relève d’un principe général du droit international – vous ne le contestez pas, d’ailleurs.

Vous observez toutefois une tentation croissante chez certains États d’utiliser les outils d’Interpol afin de poursuivre des actions de répression contre certains de leurs opposants réfugiés à l’étranger. Ces pratiques, comme la France a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises, sont absolument inacceptables.

C’est pourquoi, sous notre influence, entre autres, Interpol a établi un certain nombre de garanties et continue à les renforcer, afin de prévenir ce type d’utilisation abusive. Sur l’exemple que vous avez évoqué, vous comprendrez que je ne peux pas m’exprimer ici, mais sachez que je suis bien au courant de cette affaire.

Les notices rouges sont des demandes adressées par un État aux autres membres d’Interpol pour arrêter un individu se trouvant sur leur territoire, généralement avant d’en demander l’extradition.

Pour éviter les dérives, Interpol a mis au point un double filtre. Le premier opère au niveau de l’émission des notices rouges par le secrétariat général, pour éviter des abus d’utilisation, dont certains États ont une longue pratique. Le second intervient en cas de doute : lorsque la demande émane d’un État suscitant des « interrogations » – pour ne pas dire plus –, une commission de contrôle des fichiers d’Interpol, complètement indépendante, procède à un examen approfondi du dispositif demandé.

Notre vigilance est forte aussi sur d’autres secteurs qui sont de la responsabilité d’Interpol. Je pense en particulier aux bases de données répertoriant les documents volés, qui le sont vraiment ou non… Notre détermination est totale sur ce sujet. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. J’aurais aussi bien pu adresser cette question à M. le garde des sceaux, tant ce sujet est crucial dans l’affaire que j’ai évoquée, et dans d’autres. Quel que soit le lieu d’interpellation, ces personnes doivent bénéficier d’un traitement neutre dans l’attente de leur éventuelle extradition. Je vous invite à y prêter tous deux attention, messieurs les ministres. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 23 février prochain, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)

PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Candidature à une éventuelle commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature, en remplacement d’un membre démissionnaire, pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

5

Protection des lanceurs d’alerte et rôle du défenseur des droits

Adoption définitive des conclusions modifiées de commissions mixtes paritaires sur une proposition de loi et une proposition de loi organique

 
 
 

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte (texte de la commission n° 425, rapport n° 424) et de la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte (texte de la commission n° 426, rapport n° 424).

La conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l’objet d’explications de vote communes.

La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous voici au terme de l’examen de ces deux propositions de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte par la transposition de la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.

Les textes soumis à votre vote sont le fruit d’une discussion approfondie et constructive avec mon collègue de l’Assemblée nationale. Chacun a fait l’effort de comprendre les arguments de l’autre et d’accepter les concessions nécessaires à l’élaboration d’un compromis. Nos divergences, d’ailleurs, étaient bien moins grandes que ce que certains ont voulu faire croire.

Le Sénat a unanimement approuvé le principe d’une réforme améliorant le régime actuel de protection des lanceurs d’alerte inscrit dans la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2. Les imperfections de ce régime avaient été relevées notamment par le rapport de nos deux collègues députés, MM. Gauvain et Marleix. Nous avons approuvé l’ensemble des mesures préconisées par ce rapport, c’est-à-dire la suppression du critère lié au désintéressement du lanceur d’alerte, celle de l’obligation d’effectuer d’abord un signalement par la voie interne avant de s’adresser à une autorité externe et le renforcement de l’accompagnement juridique et financier des lanceurs d’alerte.

Par ailleurs, nous avons approuvé, pour l’essentiel, l’option, retenue par l’Assemblée nationale, d’aligner systématiquement le régime de droit français de protection des lanceurs d’alerte sur les règles prévues par la directive.

Nos désaccords portaient principalement sur le choix fait par les députés d’étendre aux personnes morales de droit privé à but non lucratif la protection apportée aux facilitateurs, ce qui constitue une surtransposition. Néanmoins, dans un souci de compromis et parce que notre divergence était d’ordre essentiellement symbolique, nous avons accepté la rédaction de l’Assemblée nationale.

Autre point de dissension : les conditions de divulgation publique des informations.

Notre commission avait à cœur de trouver un juste équilibre entre la protection des lanceurs d’alerte, la garantie des secrets protégés par la loi et la préservation de la réputation des personnes contre les alertes hâtives, infondées ou abusives. Ainsi, nous avions souhaité conserver les conditions prévues par la loi Sapin 2, qui prévoyait que l’alerte ne puisse être lancée qu’afin de parer à un danger grave, imminent et manifeste. Les députés avaient choisi d’assouplir cette dernière condition en reprenant tels quels les termes de la directive.

L’accord trouvé avec l’Assemblée nationale me semble être un bon compromis. Il consiste à maintenir les règles actuelles de la loi Sapin 2 pour la divulgation d’informations obtenues en dehors de tout cadre professionnel et à nous aligner sur la directive pour le reste.

En outre, nous avons eu une discussion assez longue sur une disposition introduite par l’Assemblée nationale et supprimée par le Sénat. Cette disposition prévoyait que le juge, à l’occasion d’une réclamation contre une mesure de représailles ou d’une « procédure bâillon », puisse, après avoir alloué une provision pour frais d’instance ou pour subsides, décider que cette provision resterait définitivement acquise au lanceur d’alerte, quand bien même celui-ci perdrait son procès.

Je continue à penser que cette provision définitive comprend une contradiction dans ses termes mêmes et qu’elle est profondément inéquitable. Je n’ai pas réussi à convaincre le rapporteur de l’Assemblée nationale de l’ineptie de cette disposition, qui sera sans doute censurée à la première occasion par le Conseil constitutionnel.

Dans l’ensemble, malgré quelques motifs d’insatisfaction, je crois que nous sommes parvenus à un résultat équilibré et raisonnable. Grâce au travail de la commission des lois de notre Haute Assemblée, le texte issu de l’Assemblée nationale, pourtant voté à l’unanimité, a été fortement enrichi.

C’est ainsi qu’une procédure commune de recueil et de traitement des signalements pourra être établie pour toutes les sociétés appartenant à un même groupe. Les communes et leurs établissements publics pourront confier la procédure de recueil et de traitement des signalements internes aux centres de gestion. Nous avons complété le code de la défense pour appliquer les dispositions de protection des lanceurs d’alerte aux militaires. Nous avons souhaité transposer in extenso, dans la loi Sapin 2 même, la liste des mesures de représailles, afin de protéger tous les lanceurs d’alerte, quelle que soit leur catégorie professionnelle, et d’assurer une plus grande visibilité d’ensemble. De plus, la question de l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte a été précisée. Ils devront avoir eu connaissance de manière licite de l’information faisant l’objet du signalement ou de la divulgation.

Pour conclure sur un point très positif, je me félicite que notre commission des lois ait donné au Défenseur des droits les moyens d’exercer cette nouvelle mission par la création d’un poste d’adjoint spécialement chargé de l’accompagnement des lanceurs d’alerte. Je tiens à vous remercier, madame la secrétaire d’État, d’avoir levé le gage par amendement, afin que cet adjoint soit rémunéré, à l’instar des autres adjoints au Défenseur des droits.

Ces textes, que je vous invite à adopter, résultent d’un travail approfondi et complémentaire entre les deux chambres, ce qui prouve une fois de plus le bien-fondé du bicamérisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de lengagement. Madame la présidente, madame la rapporteure – chère Catherine Di Folco –, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd’hui, en vue d’une adoption définitive, la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte.

Ces deux textes ont été successivement examinés par l’Assemblée nationale et par le Sénat, selon une procédure accélérée. La commission mixte paritaire, réunie le 1er février, s’est accordée sur un texte, que l’Assemblée nationale a adopté le 8 février. Il vous est donc proposé une adoption définitive, dans les mêmes termes, de ce texte.

Cette réforme, mesdames, messieurs les sénateurs, constitue l’aboutissement d’un travail de coconstruction conduit par le Parlement et le Gouvernement, et d’un dialogue constructif entre les deux chambres. Malgré la grande satisfaction que nous éprouvons à voir ce projet aboutir aujourd’hui, il faut reconnaître qu’un tel résultat était loin d’être acquis d’avance. (Mme le rapporteur le confirme.)

En effet, les questions posées par la législation sur les lanceurs d’alerte représentent un défi complexe. Il faut protéger ceux qui œuvrent au bien commun, sans inciter à des comportements qui pourraient être qualifiés de malhonnêtes ou qui cibleraient délibérément certaines organisations.

Le texte sur les lanceurs d’alerte trouve un équilibre, délicat et précieux, en fixant un cadre pour recueillir efficacement les alertes. Sans encourager les règlements de comptes, il accorde une protection effective aux comportements uniquement vertueux.

Les textes présentés aujourd’hui permettront d’assurer ce juste équilibre avec un très haut degré d’ambition, d’efficacité et de sécurité juridique.

J’aimerais rendre au nom du Gouvernement un sincère et très personnel hommage au travail parlementaire complexe, mais extrêmement fructueux qui a été effectué.

Il est vrai que les deux textes ne partaient pas d’une feuille blanche. De nombreux dispositifs spécifiques permettaient déjà de lancer des alertes. Je pense en particulier à la loi dite Sapin 2. La France connaissait un dispositif d’alerte général ambitieux.

Mais la directive européenne du 23 octobre 2019, adoptée grâce au soutien du Gouvernement, est aujourd’hui un exemple. Elle a fixé de nouveaux objectifs impératifs dans le cadre national.

Les textes, qui s’assurent d’une complète transposition de la directive, vont même au-delà des objectifs européens. Ils permettent de maintenir notre régime d’alerte national à l’avant-garde de la protection des lanceurs d’alerte en Europe, voire dans le monde. Cette réussite est vraiment le fruit du travail du Parlement, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi.

Le texte que l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture était convaincant et ambitieux. Le Sénat a su l’améliorer encore davantage tout en maintenant un cadre normatif complexe et en conservant le souci de la juste transposition des dispositions de la directive.

Madame la rapporteure, grâce à votre travail, à votre écoute et à votre ouverture, de nombreux aspects ont ainsi pu être précisés et renforcés. Je pense, par exemple, à la procédure d’alerte interne, très largement clarifiée.

Le Gouvernement se réjouit donc que la commission mixte paritaire ait su retenir le meilleur du travail de chacune des chambres, et ce dans un délai extrêmement court.

J’aimerais aborder les éléments les plus marquants des deux propositions de loi.

En premier lieu, les deux textes simplifient et améliorent l’accessibilité aux procédures d’alerte. La transposition conduit donc à abandonner la hiérarchie des canaux internes et externes ; vous l’avez rappelé, madame la rapporteure. Le droit français continuera à encourager le recours aux canaux internes, parce que l’alerte est généralement traitée plus efficacement, mais le lanceur d’alerte ne sera plus obligé d’y recourir de manière obligatoire.

En deuxième lieu, la réforme étend la protection au-delà du seul lanceur d’alerte : ses proches, ses collègues, les personnes morales qui lui sont liées et tous ceux qui l’aident au cours de la procédure, c’est-à-dire les « facilitateurs », pourront également en bénéficier. Cette extension offre un véritable cercle de protection autour du lanceur d’alerte et contribue à rompre son isolement.

Le Gouvernement se réjouit que la commission mixte paritaire ait retenu la possibilité pour les personnes morales à but non lucratif d’être considérées comme des facilitateurs.

En troisième lieu, la réforme simplifie le paysage des dispositifs d’alerte. Elle pose un cadre unique et accessible au traitement des alertes en interne, comme auprès des autorités externes.

Grâce aux modifications de la loi organique, le Défenseur des droits pourra également jouer pleinement son rôle de conseil et d’orientation. Sur ce point, comme je m’y étais engagée, je présenterai au nom du Gouvernement un amendement tendant à lever le gage pour sécuriser l’institution d’un adjoint au Défenseur des droits chargé des lanceurs d’alerte, mesure introduite par le Sénat en première lecture dans la proposition de loi organique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la directive européenne ne nous obligeait pas à aller aussi loin ; elle nous imposait simplement une réforme ponctuelle et limitée. Mais votre travail a permis, je crois, d’aboutir à une réforme du dispositif général à la fois cohérente et ambitieuse.

Les propositions de lois organique et ordinaire qui sont en passe d’être adoptées instituent, me semble-t-il, un cadre lisible, apportant une protection effective aux personnes concernées. Surtout, elles précisent et réaffirment clairement le modèle français.

Le Gouvernement y apporte de nouveau tout son soutien.

Mme la présidente. Nous passons à la discussion, dans les textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, de la proposition de loi et de la proposition de loi organique.

Je rappelle qu’en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale les textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble de chacun de ces textes, en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

En conséquence, les votes sur les amendements et sur les articles sont réservés pour chacun de ces deux textes.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi.

 
 
 

proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte

TITRE Ier

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte
Article 2

Article 1er

L’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est ainsi rédigé :

« Art. 6. – I. – Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.

« II. – Les faits, informations et documents, quel que soit leur forme ou leur support, dont la révélation ou la divulgation est interdite par les dispositions relatives au secret de la défense nationale, au secret médical, au secret des délibérations judiciaires, au secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires ou au secret professionnel de l’avocat sont exclus du régime de l’alerte défini au présent chapitre.

« III. – Lorsque sont réunies les conditions d’application d’un dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l’auteur du signalement prévu par la loi ou le règlement ou par un acte de l’Union européenne mentionné dans la partie II de l’annexe à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, le présent chapitre ne s’applique pas.

« Sous réserve de l’article L. 861-3 du code de la sécurité intérieure, lorsqu’une ou plusieurs des mesures prévues aux articles 10-1, 12 et 12-1 de la présente loi sont plus favorables à l’auteur du signalement que celles prévues par un dispositif spécifique mentionné au premier alinéa du présent III, ces mesures s’appliquent. Sous la même réserve, à défaut de mesure équivalente prévue par un tel dispositif spécifique, les articles 13 et 13-1 sont applicables. »

Article 1er
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Article 3

Article 2

Après l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :

« Art. 6-1. – Les articles 10-1, 12 et 12-1 et le II de l’article 13 s’appliquent également, le cas échéant, aux :

« 1° Facilitateurs, entendus comme toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation dans le respect des articles 6 et 8 ;

« 2° Personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte, au sens des mêmes articles 6 et 8, qui risquent de faire l’objet de l’une des mesures mentionnées au I de l’article 10-1 dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ;

« 3° Entités juridiques contrôlées, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, par un lanceur d’alerte au sens des articles 6 et 8 de la présente loi, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel ;

« 4° (Supprimé) ».

TITRE II

PROCÉDURES DE SIGNALEMENT

Article 2
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Article 4

Article 3

I. – Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée est ainsi modifié :

1° Après l’article 7, il est inséré un article 7-1 ainsi rédigé :

« Art. 7-1. – Les lanceurs d’alerte définis au I de l’article 6 bénéficient des protections prévues au présent chapitre :

« 1° Si, ayant eu connaissance des informations concernées dans le cadre de leurs activités professionnelles, ils adressent un signalement interne dans les conditions prévues au I de l’article 8 ;

« 2° S’ils adressent un signalement externe dans les conditions prévues au II du même article 8, après avoir adressé un signalement interne ou directement ;

« 3° S’ils procèdent à une divulgation publique, dans les conditions prévues au III dudit article 8.

« Lorsqu’un signalement ou une divulgation publique a été réalisé de manière anonyme, le lanceur d’alerte dont l’identité est révélée par la suite bénéficie des mêmes protections. Les dispositions des I et II du même article 8 qui imposent d’effectuer un retour d’informations auprès de l’auteur d’un signalement interne ou externe ne sont pas applicables en cas de signalement anonyme. Le 1° du III du même article 8 n’est pas applicable en cas de signalement externe anonyme. » ;

2° L’article 8 est ainsi rédigé :

« Art. 8. – I. – A. – Les personnes physiques mentionnées aux 1° à 5° du présent A qui ont obtenu, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des informations mentionnées au I de l’article 6 et portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée, peuvent signaler ces informations par la voie interne, dans les conditions prévues au B du présent I, notamment lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles.

« Cette faculté appartient :

« 1° Aux membres du personnel, aux personnes dont la relation de travail s’est terminée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette relation, et aux personnes qui se sont portées candidates à un emploi au sein de l’entité concernée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette candidature ;

« 2° Aux actionnaires, aux associés et aux titulaires de droits de vote au sein de l’assemblée générale de l’entité ;

« 3° Aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance ;

« 4° Aux collaborateurs extérieurs et occasionnels ;

« 5° Aux cocontractants de l’entité concernée, à leurs sous-traitants ou, lorsqu’il s’agit de personnes morales, aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants, ainsi qu’aux membres de leur personnel.

« B. – Au sein des entités dans lesquelles il n’existe pas de procédure interne de recueil et de traitement des signalements, les personnes physiques mentionnées aux 1° à 5° du A du présent I peuvent signaler les informations concernées à leur supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent désigné par celui-ci.

« Sont tenues d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, après consultation des instances de dialogue social et dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État :

« 1° Les personnes morales de droit public employant au moins cinquante agents, à l’exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population ;

« 2° Les administrations de l’État ;

« 3° Les personnes morales de droit privé et les entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins cinquante salariés ;

« 4° Toute autre entité relevant du champ d’application des actes de l’Union européenne mentionnés au B de la partie I et à la partie II de l’annexe à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.

« Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent B définit notamment les garanties d’indépendance et d’impartialité de cette procédure et les délais du retour d’informations fait à l’auteur du signalement, dans les conditions prévues par la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 précitée. Il détermine les modalités de clôture des signalements et de collecte et de conservation des données ainsi que les conditions dans lesquelles le recueil des signalements peut être confié à un tiers.

« Les entités mentionnées au 3° du présent B employant moins de deux cent cinquante salariés peuvent mettre en commun leurs procédures de recueil et de traitement des signalements, dans le respect des conditions prévues par le décret mentionné au deuxième alinéa du présent B. Il en va de même des communes et de leurs établissements publics mentionnés au 1° employant moins de deux cent cinquante agents.

« Les communes et leurs établissements publics membres d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale peuvent confier à celui-ci le recueil et le traitement des signalements internes dans les conditions prévues à l’article L. 452-43-1 du code général de la fonction publique, quel que soit le nombre de leurs agents.

« C. – La procédure de recueil et de traitement des signalements peut être commune à plusieurs ou à l’ensemble des sociétés d’un groupe, selon des modalités fixées par décret. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles des informations relatives à un signalement effectué au sein de l’une des sociétés d’un groupe peuvent être transmises à une autre de ses sociétés, en vue d’assurer ou de compléter leur traitement.

« II. – Tout lanceur d’alerte, défini au I de l’article 6, peut également adresser un signalement externe, soit après avoir effectué un signalement interne dans les conditions prévues au I du présent article, soit directement :

« 1° À l’autorité compétente parmi celles désignées par le décret prévu au sixième alinéa du présent II ;

« 2° Au Défenseur des droits, qui l’oriente vers la ou les autorités les mieux à même d’en connaître ;

« 3° À l’autorité judiciaire ;

« 4° À une institution, à un organe ou à un organisme de l’Union européenne compétent pour recueillir des informations sur des violations relevant du champ d’application de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 précitée.

« Un décret en Conseil d’État dresse la liste des autorités mentionnées au 1° du présent II, choisies parmi les autorités administratives, les autorités publiques indépendantes, les autorités administratives indépendantes, les ordres professionnels et les personnes morales chargées d’une mission de service public pour recueillir et traiter les signalements relevant de leur champ de compétence. Ce décret fixe les garanties d’indépendance et d’impartialité de la procédure et les délais du retour d’informations réalisé par ces autorités auprès des auteurs des signalements externes, dans les conditions prévues par la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 précitée. Il précise également les modalités de clôture des signalements, les conditions d’évaluation des procédures et les obligations de formation des personnes concernées.

« Les autorités mentionnées au 1° du présent II rendent compte annuellement de leur action au Défenseur des droits. Elles lui communiquent les informations nécessaires à l’élaboration du rapport prévu à l’avant-dernier alinéa du II de l’article 36 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. La nature de ces informations est précisée par décret en Conseil d’État.

« Lorsqu’une autorité externe saisie d’un signalement estime que celui-ci ne relève pas de sa compétence ou qu’il concerne également la compétence d’autres autorités, elle le transmet à l’autorité externe compétente ou au Défenseur des droits, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise également les conditions dans lesquelles les autorités externes peuvent échanger des informations en vue de traiter le signalement.

« III. – Les protections prévues au présent chapitre bénéficient à tout lanceur d’alerte, défini au I de l’article 6 de la présente loi, qui divulgue publiquement des informations mentionnées au même I :

« 1° Après avoir effectué un signalement externe, précédé ou non d’un signalement interne, sans qu’aucune mesure appropriée ait été prise en réponse à ce signalement à l’expiration du délai du retour d’informations mentionné au sixième alinéa du II du présent article ou, lorsqu’une autorité mentionnée aux 2° à 4° du même II a été saisie, à l’expiration d’un délai fixé par décret en Conseil d’État ;

« 2° En cas de danger grave et imminent ;

« 3° Ou lorsque la saisine de l’une des autorités compétentes mentionnées aux 1° à 4° dudit II ferait encourir à son auteur un risque de représailles ou qu’elle ne permettrait pas de remédier efficacement à l’objet de la divulgation, en raison des circonstances particulières de l’affaire, notamment si des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou si l’auteur du signalement a des motifs sérieux de penser que l’autorité peut être en conflit d’intérêts, en collusion avec l’auteur des faits ou impliquée dans ces faits.

« Par dérogation au 2° du présent III, les protections mentionnées au premier alinéa du présent III bénéficient à tout lanceur d’alerte, défini au I de l’article 6, qui divulgue publiquement des informations obtenues dans le cadre de ses activités professionnelles en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible.

« Les 2° et 3° et l’avant-dernier alinéa du présent III ne s’appliquent pas lorsque la divulgation publique porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationales. »

II. – Après l’article L. 452-43 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique, il est inséré un article L. 452-43-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 452-43-1. – Les centres de gestion peuvent mettre en place, pour le compte des communes et de leurs établissements publics qui en font la demande, la procédure de recueil et de traitement des signalements prévue au deuxième alinéa du B du I de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

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Article 3
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Article 4 bis

Article 4

L’article 9 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– après le mot : « recueillir », sont insérés les mots : « et traiter » ;

– après le mot : « celui-ci », sont insérés les mots : « et de tout tiers mentionné dans le signalement » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec le consentement de celui-ci. Ils peuvent toutefois être communiqués à l’autorité judiciaire, dans le cas où les personnes chargées du recueil ou du traitement des signalements sont tenues de dénoncer les faits à celle-ci. Le lanceur d’alerte en est alors informé, à moins que cette information ne risque de compromettre la procédure judiciaire. Des explications écrites sont jointes à cette information. » ;

2° Il est ajouté un III ainsi rédigé :

« III. – Les signalements ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent, en tenant compte des délais d’éventuelles enquêtes complémentaires. Des données relatives aux signalements peuvent toutefois être conservées au-delà de cette durée, à la condition que les personnes physiques concernées n’y soient ni identifiées, ni identifiables.

« Lorsqu’elles font l’objet d’un traitement, les données à caractère personnel relatives à des signalements sont conservées dans le respect du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données). »

Article 4
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Article 5

Article 4 bis

(Supprimé)

TITRE III

MESURES RENFORÇANT LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE

Article 4 bis
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Article 6

Article 5

I. – Après l’article 10 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :

« Art. 10-1. – I A. – Les personnes ayant signalé ou divulgué publiquement des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique dès lors qu’elles avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu’elles y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.

« Les personnes ayant signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux mêmes articles 6 et 8 bénéficient de l’irresponsabilité pénale prévue à l’article 122-9 du code pénal.

« I. – Les personnes auxquelles sont applicables l’article L. 1121-2 du code du travail, l’article L. 135-4 du code général de la fonction publique ou le IV de l’article L. 4122-4 du code de la défense ne peuvent faire l’objet, à titre de représailles, ni des mesures qui sont mentionnées aux même articles, ni des mesures de représailles mentionnées aux 11° et 13° à 15° du présent I, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la présente loi.

« Dans les mêmes conditions, les personnes autres que celles mentionnées au premier alinéa du présent I ne peuvent faire l’objet de mesures de représailles, ni de menaces ou de tentatives de recourir à ces mesures, notamment sous les formes suivantes :

« 1° Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes ;

« 2° Rétrogradation ou refus de promotion ;

« 3° Transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail ;

« 4° Suspension de la formation ;

« 5° Évaluation de performance ou attestation de travail négative ;

« 6° Mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ;

« 7° Coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme ;

« 8° Discrimination, traitement désavantageux ou injuste ;

« 9° Non-conversion d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ;

« 10° Non-renouvellement ou résiliation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat temporaire ;

« 11° Préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur un service de communication au public en ligne, ou pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu ;

« 12° Mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir dans le secteur ou la branche d’activité ;

« 13° Résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services ;

« 14° Annulation d’une licence ou d’un permis ;

« 15° Orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical.

« Tout acte ou décision pris en méconnaissance du présent I est nul de plein droit.

« II. – A. – En cas de recours contre une mesure de représailles mentionnée au I, dès lors que le demandeur présente des éléments de fait qui permettent de supposer qu’il a signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est dûment justifiée. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

« Dans les mêmes conditions, le demandeur peut demander au juge de lui allouer, à la charge de l’autre partie, une provision pour frais de l’instance en fonction de la situation économique respective des parties et du coût prévisible de la procédure ou, lorsque sa situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique, une provision visant à couvrir ses subsides. Le juge statue à bref délai.

« Le juge peut décider, à tout moment de la procédure, que cette provision est définitivement acquise.

« B. – Au cours d’une instance civile ou pénale, lorsque le défendeur ou le prévenu présente des éléments de fait qui permettent de supposer qu’il a signalé ou divulgué publiquement des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 et que la procédure engagée contre lui vise à entraver son signalement ou sa divulgation publique, il peut demander au juge de lui allouer, à la charge du demandeur ou de la partie civile, une provision pour frais de l’instance en fonction de la situation économique respective des parties et du coût prévisible de la procédure ou, lorsque sa situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique, une provision visant à couvrir ses subsides. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Il statue à bref délai.

« Le juge peut décider, à tout moment de la procédure, que cette provision est définitivement acquise.

« III à V. – (Supprimés) » ;

II. – L’article 122-9 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le mot : « procédures » est remplacé par le mot : « conditions » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« N’est pas non plus pénalement responsable le lanceur d’alerte qui soustrait, détourne ou recèle les documents ou tout autre support contenant les informations dont il a eu connaissance de manière licite et qu’il signale ou divulgue dans les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article.

« Le présent article est également applicable au complice de ces infractions. »

Article 5
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Article 7

Article 6

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° A Le chapitre unique du titre II du livre Ier de la première partie est complété par un article L. 1121-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1121-2. – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ni faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat, ni de toute autre mesure mentionnée au I de l’article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la même loi. » ;

1° L’article L. 1132-3-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1132-3-3. – Aucune personne ayant témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont elle a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou ayant relaté de tels faits ne peut faire l’objet des mesures mentionnées à l’article L. 1121-2.

« Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

2° À l’article L. 1132-4, après le mot : « chapitre », est insérée la référence : « ou du I de l’article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique » ;

3° L’article L. 1152-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1152-2. – Aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l’objet des mesures mentionnées à l’article L. 1121-2.

« Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

4° (Supprimé)

5° L’article L. 1153-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-2. – Aucune personne ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel définis à l’article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article L. 1153-1, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés, ou ayant, de bonne foi, témoigné de faits de harcèlement sexuel ou relaté de tels faits ne peut faire l’objet des mesures mentionnées à l’article L. 1121-2.

« Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

5° bis L’article L. 1153-3 est abrogé ;

5° ter À l’article L. 1153-4, la référence : « à L. 1153-3 » est remplacée par la référence : « et L. 1153-2 » ;

6° et 7° (Supprimés)

8° Le début du premier alinéa de l’article L. 4133-1 est ainsi rédigé : « Sans préjudice du droit de recourir, si les conditions en sont remplies, au dispositif de signalement ou de divulgation publique prévu au chapitre II du titre Ier de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, le travailleur alerte… (le reste sans changement). » ;

9° Le début du premier alinéa de l’article L. 4133-2 est ainsi rédigé : « Sans préjudice du droit de recourir, si les conditions en sont remplies, au dispositif de signalement ou de divulgation publique prévu au chapitre II du titre Ier de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, le représentant du personnel au comité social et économique qui constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser un risque grave… (le reste sans changement). » ;

10° L’article L. 4133-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4133-3. – Les personnes mentionnées à l’article L. 4133-1 ne peuvent pas faire l’objet des mesures mentionnées à l’article L. 1121-2. Elles bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

11° Après la référence : « L. 4133-2 », la fin de l’article L. 4133-4 est supprimée.

II. – Le code général de la fonction publique, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique, est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de l’article L. 9, la référence : « et III » est remplacée par les références : « , III et V » ;

2° L’article L. 131-12 est ainsi rédigé :

« Art. L. 131-12. – Aucun agent public ne peut faire l’objet de mesures mentionnées au premier alinéa de l’article L. 135-4 pour avoir :

« 1° Subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés aux articles L. 131-1 à L. 131-3 du présent code ;

« 2° Formulé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter ces principes ;

« 3° De bonne foi, témoigné d’agissements contraires à ces principes ou relaté de tels agissements.

« Dans les cas prévus aux 1° à 3° du présent article, les agents publics bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

3° L’article L. 133-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 133-3. – Aucun agent public ne peut faire l’objet de mesures mentionnées au premier alinéa de l’article L. 135-4 pour avoir :

« 1° Subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel mentionnés à l’article L. 133-1 du présent code, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article L. 133-1, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés, ou de harcèlement moral mentionnés à l’article L. 133-2 ;

« 2° Formulé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ;

« 3° De bonne foi, relaté ou témoigné de tels faits.

« Dans les cas prévus aux 1° à 3° du présent article, les agents publics bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

4° L’article L. 135-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 135-1. – Un agent public signale aux autorités judiciaires des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions conformément à l’article L. 121-11. Il peut signaler les mêmes faits aux autorités administratives. » ;

5° L’article L. 135-2 est abrogé ;

6° L’article L. 135-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 135-3. – Un agent public peut signaler à l’une des autorités hiérarchiques dont il relève des faits susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts au sens de l’article L. 121-5 dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

« Il peut également témoigner de tels faits auprès du référent déontologue prévu à l’article L. 124-2. » ;

7° L’article L. 135-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 135-4. – Aucun agent public ne peut faire l’objet d’une mesure concernant le recrutement, la titularisation, la radiation des cadres, la rémunération, la formation, l’appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, le reclassement, la promotion, l’affectation, les horaires de travail ou la mutation, ni de toute autre mesure mentionnée aux 11° et 13° à 15° du I de l’article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, ni de menaces ou de tentatives de recourir à celles-ci pour avoir :

« 1° Effectué un signalement ou une divulgation publique dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la même loi ;

« 2° Signalé ou témoigné des faits mentionnés aux articles L. 135-1 et L. 135-3 du présent code.

« Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent article, les agents publics bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée. » ;

8° (Supprimé)

9° Au début de la section 2 du même chapitre V, il est ajouté un article L. 135-5-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 135-5-2. – Aucun agent public ne doit subir des atteintes volontaires à son intégrité physique, des actes de violence, des menaces ou tout autre acte d’intimidation.

« Aucun agent public ne peut faire l’objet de mesures mentionnées au premier alinéa de l’article L. 135-4 pour avoir :

« 1° Subi ou refusé de subir les actes mentionnés au premier alinéa du présent article ;

« 2° Exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces actes ;

« 3° De bonne foi, relaté ou témoigné de tels actes.

« Dans les cas prévus aux 1° à 3° du présent article, les agents publics bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

« Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent public ayant procédé ou enjoint de procéder aux actes définis au même premier alinéa. »

III. – Le titre II du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense est ainsi modifié :

1° L’article L. 4122-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4122-4. – I. – (Supprimé)

« II. – Un militaire signale aux autorités judiciaires des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions conformément au second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale. Il peut signaler les mêmes faits aux autorités administratives.

« III. – Un militaire peut signaler à l’une des autorités hiérarchiques dont il relève des faits susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts, au sens de l’article L. 4122-3, dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Il peut également témoigner de tels faits auprès du référent déontologue compétent mentionné à l’article L. 4122-10.

« IV. – Un militaire ne peut faire l’objet d’aucune mesure concernant le recrutement, la formation, la titularisation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation, la mutation, la rémunération, la reconversion, la radiation des cadres ou des contrôles, ni de toute autre mesure mentionnée aux 11° et 13° à 15° du I de l’article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, ni de menaces ou de tentatives de recourir à celles-ci, pour avoir :

« 1° Effectué un signalement ou une divulgation publique dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée ;

« 2° Signalé ou témoigné des faits mentionnés aux I et II du présent article.

« Les mesures de changement de lieu de travail et de modification des horaires de travail ne sont pas comprises parmi les mesures interdites en application du premier alinéa du présent IV.

« Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent IV, les militaires bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée.

« V. – Le militaire qui signale, témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts de mauvaise foi ou de tout fait susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires ou relate de tels faits avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal. » ;

2° Au second alinéa de l’article L. 4122-10, les mots : « rapporteur général de la commission de déontologie des militaires » sont remplacés par les mots : « référent ministériel déontologue et alerte » ;

3° Les cinq derniers alinéas de l’article L. 4123-10-1 sont ainsi rédigés :

« Aucun militaire ne peut faire l’objet de mesures mentionnées au premier alinéa du IV de l’article L. 4122-4, à l’exception de celles mentionnées à l’avant-dernier alinéa du même IV, pour avoir :

« a) Subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas du présent article, y compris, dans le cas mentionné au 1°, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés ;

« b) Formulé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ;

« c) De bonne foi, relaté ou témoigné de tels faits.

« Dans les cas prévus aux a à c du présent article, les militaires bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

4° Les deuxième à cinquième alinéas de l’article L. 4123-10-2 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Aucun militaire ne peut faire l’objet de mesures mentionnées au premier alinéa du IV de l’article L. 4122-4, à l’exception de celles mentionnées à l’avant-dernier alinéa du même IV, pour avoir :

« a) Subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral mentionnés au premier alinéa du présent article ;

« b) Exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;

« c) De bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements.

« Dans les cas prévus aux a à c du présent article, les militaires bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

5° Après le même article L. 4123-10-2, il est inséré un article L. 4123-10-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 4123-10-3. – I. – Le dispositif de signalement prévu à l’article L. 135-6 du code général de la fonction publique est applicable aux militaires.

« II. – Aucun militaire ayant recouru, de bonne foi, au dispositif de signalement mentionné au I du présent article ne peut faire l’objet de mesures mentionnées au premier alinéa du IV de l’article L. 4122-4, à l’exception de celles mentionnées à l’avant-dernier alinéa du même IV.

« Les militaires mentionnés au premier alinéa du présent II bénéficient des protections prévues aux I A et II de l’article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

Article 6
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Article 8

Article 7

Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée est ainsi modifié :

1° L’article 12 est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – À l’occasion de tout litige, le conseil des prud’hommes peut, en complément de toute autre sanction, obliger l’employeur à abonder le compte personnel de formation du salarié ayant lancé l’alerte jusqu’à son plafond mentionné à l’article L. 6323-11-1 du code du travail.

« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret. » ;

2° Après le même article 12, sont insérés des articles 12-1 et 12-2 ainsi rédigés :

« Art. 12-1. – Les droits relatifs au présent chapitre ne peuvent faire l’objet d’aucune renonciation ni limitation de droit ou de fait d’aucune forme.

« Toute stipulation ou tout acte pris en méconnaissance du premier alinéa est nul de plein droit.

« Art. 12-2. – (Supprimé) ».

Article 7
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Article 8 bis A

Article 8

I. – Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée est ainsi modifié :

1° L’article 13 est ainsi modifié :

a) Au I, la référence : « deux premiers alinéas du I » est remplacée par les références : « I et II » ;

b) Le II est ainsi rédigé :

« II. – Lors d’une procédure dirigée contre un lanceur d’alerte en raison des informations signalées ou divulguées, le montant de l’amende civile qui peut être prononcée dans les conditions prévues aux articles 177-2 et 212-2 et au dernier alinéa de l’article 392-1 du code de procédure pénale ou par les juridictions civiles en cas d’action abusive ou dilatoire est porté à 60 000 euros.

« L’amende civile peut être prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive. » ;

c) (Supprimé)

2° Après le même article 13, il est inséré un article 13-1 ainsi rédigé :

« Art. 13-1. – Les personnes coupables des infractions prévues à l’article 13 encourent également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. »

II. – L’article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « syndicales, », sont insérés les mots : « de leur qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, » ;

2° Au second alinéa, après le mot : « syndicales », sont insérés les mots : « de la qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte, au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, ».

Article 8
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Article 10

Article 8 bis A

L’article L. 1132-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le mot : « professionnelle, », sont insérés les mots : « d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, » ;

2° Sont ajoutés les mots : « , de sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte, au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».

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Article 8 bis A
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Article 11 bis

Article 10

L’article L. 911-1-1 du code de justice administrative est ainsi modifié :

1° Les références : « deuxième alinéa de l’article L. 4122-4 du code de la défense, du deuxième alinéa de l’article L. 1132-3-3 du code du travail ou du deuxième alinéa de l’article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » sont remplacées par la référence : « I de l’article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique » ;

2° (Supprimé)

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Article 10
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Article 11 ter

Article 11 bis

Les deux premiers alinéas de l’article L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les établissements et services mentionnés à l’article L. 312-1 du présent code, les articles 10-1 et 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont applicables à tout salarié ou agent ayant, de bonne foi, témoigné de mauvais traitements ou de privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements. »

Article 11 bis
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Article 12 A (début)

Article 11 ter

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le II de l’article L. 511-33 est abrogé ;

2° Le III de l’article L. 511-41 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « auprès des responsables et comités compétents de leur entreprise ainsi qu’ » sont supprimés ;

b) Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Le III de l’article 8 et les articles 10-1 et 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont applicables à toute personne ayant effectué un signalement conformément au premier alinéa du présent III. » ;

2° bis Le II de l’article L. 531-12 est abrogé ;

2° ter Le premier alinéa de l’article L. 634-1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « signalé », sont insérés les mots : « par toute personne, y compris de manière anonyme » ;

b) Les mots : « l’anonymat » sont remplacés par les mots : « et, le cas échéant, la confidentialité de l’identité » ;

3° L’article L. 634-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 634-2. – La procédure établie, en application du I de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, par les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 10° à 18° du II de l’article L. 621-9 du présent code et par les personnes mentionnées à l’article L. 612-2, lorsqu’elles exercent des activités soumises aux obligations fixées par les règlements mentionnés à l’article L. 634-1, permet le recueil et le traitement des signalements anonymes portant sur des manquements mentionnés au même article L. 634-1 et garantit l’anonymat de leur auteur. » ;

4° L’article L. 634-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 634-3. – Le III de l’article 8 et les articles 10-1 et 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont applicables à toute personne physique ayant signalé de bonne foi à l’Autorité des marchés financiers ou à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution des faits susceptibles de caractériser un ou plusieurs des manquements mentionnés à l’article L. 634-1 du présent code. »

TITRE IV

DISPOSITIONS FINALES

Article 11 ter
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Article 12 A (fin)

Article 12 A

I. – Le I de l’article 167 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée est ainsi modifié :

1° Les références : « 6, 8, 9, » et la référence : « 13, » sont supprimées ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il en est de même des articles 6 et 6-1, 7-1 à 9, 10-1, 13, 13-1 et 14-1, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte. »

II. – La loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d’Outre-mer est ainsi modifiée :

1° Les trois premiers alinéas de l’article 1er bis sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« À Wallis-et-Futuna, les articles 10-1, 12-1 à 13-1 et 14-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont applicables à toute personne ayant témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont elle a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou relaté de tels faits.

« Pour l’application à Wallis-et-Futuna du I de l’article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, sont comprises dans les mesures de représailles énumérées aux 1° à 15° du même I la mise à l’écart d’une procédure de recrutement, le refus d’accès à un stage ou à une période de formation, les sanctions, le licenciement, les mesures discriminatoires directes ou indirectes, notamment en matière de rémunération, d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat. » ;

2° Les II et III de l’article 2 bis sont remplacés par un II ainsi rédigé :

« II. – Les articles 10-1, 12-1 à 13-1 et 14-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont applicables à toute personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements. » ;

3° Les II à IV de l’article 2 ter sont remplacés par un II ainsi rédigé :

« II. – Les articles 10-1, 12-1 à 13-1 et 14-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont applicables à toute personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement sexuel définis au I du présent article, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même I, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés, ou ayant, de bonne foi, témoigné d’agissements de harcèlement sexuel ou relaté de tels agissements. »

III. – Après le mot : « loi », la fin de l’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigée : « n° … du … visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Îles Wallis et Futuna ».

IV. – Le I de l’article L. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Au huitième alinéa, après la première occurrence du mot : « à », sont insérées les références : « L. 151-7, L. 151-9 à » ;

2° Après le même huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 151-8 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte ; ».

V. – (Supprimé)

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Article 12 A (début)
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Mme la présidente. Nous passons à la présentation de l’amendement de la commission, accepté par le Gouvernement.

articles 1er à 5

Mme la présidente. Sur les articles 1er à 5, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

article 6

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 64

Remplacer les références :

I et II

par les références :

II et III

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Il s’agit, par cet amendement, de corriger une erreur matérielle.

Mme la présidente. Le vote est réservé.

articles 7 à 12 a

Mme la présidente. Sur les articles 7 à 12 A, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Je donne maintenant lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique.

proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du défenseur des droits en matière de signalement d’alerte

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Dossier législatif : proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte
Article 2

Article 1er bis

I. – Le I de l’article 11 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« – un adjoint chargé de l’accompagnement des lanceurs d’alerte. »

II. – L’adjoint du Défenseur des droits mentionné au dernier alinéa du I de l’article 11 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée ne perçoit aucune indemnité ni aucune rémunération d’aucune sorte.

Article 1er bis
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Article 3

Article 2

Après l’article 35 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée, il est inséré un article 35-1 ainsi rédigé :

« Art. 35-1. – I A. – Tout lanceur d’alerte, au sens du I de l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, peut adresser un signalement au Défenseur des droits.

« I B. – Lorsque le signalement qui lui est adressé relève de sa compétence, le Défenseur des droits le recueille, le traite, selon une procédure indépendante et autonome, et fournit un retour d’informations à son auteur. Un décret en Conseil d’État précise les délais et les garanties de confidentialité applicables à cette procédure, dans les conditions prévues par la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.

« I. – Lorsque le signalement relève de la compétence d’une autre autorité mentionnée au 1° du II de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, le Défenseur des droits oriente son auteur vers celle-ci. Lorsque le signalement ne relève de la compétence d’aucune de ces autorités ou que son objet concerne les compétences de plusieurs d’entre elles, il l’oriente vers l’autorité, l’administration ou l’organisme le mieux à même d’en connaître.

« II. – Le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne pour rendre un avis sur sa qualité de lanceur d’alerte au regard des conditions fixées aux articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée.

« Il peut également être saisi par toute personne pour rendre un avis dans lequel il apprécie si elle a respecté les conditions pour bénéficier de la protection prévue par un autre dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l’auteur du signalement prévu par la loi ou le règlement.

« Les avis mentionnés aux deux premiers alinéas du présent II sont rendus dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande.

« III et IV. – (Supprimés) » ;

Article 2
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

Le II de l’article 36 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée est ainsi modifié :

1° Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En outre, il présente tous les deux ans au Président de la République, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat un rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte, réalisé à partir des informations transmises par les autorités compétentes pour traiter et recueillir les signalements. » ;

2° Au dernier alinéa, après la référence : « 2° », est insérée la référence : « et à l’avant-dernier alinéa du présent II ». – (Adopté.)

Mme la présidente. Nous passons à la présentation de l’amendement du Gouvernement.

article 1er bis

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise à lever le gage, afin que l’adjoint au Défenseur des droits chargé de l’accompagnement des lanceurs d’alerte, institué à l’article 1er bis, puisse percevoir une rémunération.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Avis favorable. Je ne puis que me réjouir d’avoir réussi, après tous nos échanges, à convaincre le Gouvernement de lever le gage. Le Défenseur des droits disposera ainsi de moyens renforcés pour assurer ses nouvelles missions.

Mme la présidente. Le vote est réservé.

articles 2 à 3

Mme la présidente. Sur les articles 2 à 3, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi et de la proposition de loi organique dans la rédaction résultant des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, modifiés par les amendements de la commission et du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Ludovic Haye. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue avec mon groupe l’issue favorable de la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi organique et sur la proposition de loi ordinaire renforçant la protection des lanceurs d’alerte, textes aujourd’hui soumis à notre ultime examen.

Cet accord confirme bien la nécessité et l’opportunité de telles dispositions dans notre État de droit. Il nous offre un régime lisible et équilibré pour la protection de personnes qui s’engagent pour l’intérêt général et s’exposent par là même à un risque.

Les conclusions de la commission mixte paritaire condensent également les travaux très approfondis de notre collègue député Sylvain Waserman, dans la continuité de son rapport à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et du bilan peu flatteur de la loi Sapin 2, dressé par une mission d’information transpartisane de l’Assemblée nationale.

Ce texte de consensus fait écho, enfin, au dialogue entre les différents groupes politiques et avec les acteurs de la société civile, dans la pleine diversité des positionnements sur le sujet.

Des points de convergence substantiels entre les deux assemblées avaient d’ailleurs émergé dès la première lecture.

Je pense notamment à l’extension des protections à certains tiers exposés, ainsi qu’à l’abolition de la hiérarchie entre canaux de signalement internes et externes. Ces mesures, rendues nécessaires par la transposition de la directive européenne du 23 octobre 2019, faciliteront les démarches de signalement de bonne foi là où notre droit posait jusqu’à présent le principe, bien souvent dissuasif en pratique, d’une saisine préalable des canaux internes.

Je pense également au renforcement des protections contre les procédures bâillons et les représailles qui forcent le silence, ainsi qu’à la facilitation de la réinsertion professionnelle et à la faculté pour le Défenseur des droits de jouer pleinement son rôle de conseil et d’orientation.

Je pense enfin, bien sûr, à la définition assouplie et plus opérante du lanceur d’alerte. Elle était défendue sur ces travées par un certain nombre de groupes, dont le mien, et Mme la rapporteure l’avait acceptée en séance, ce dont je la remercie.

La CMP a ensuite permis de parfaire plusieurs points, notamment certaines rédactions adoptées en première lecture.

Madame la rapporteure, votre volonté légitime de lever certaines craintes a été partagée par nos collègues députés. Cette CMP illustre d’ailleurs la démarche d’équilibre et la recherche de la juste ligne de crête, qui ont présidé à l’élaboration et à l’examen de ces textes.

Les dispositions qui en sont issues clarifient et sécurisent utilement le champ de l’irresponsabilité pénale, ainsi que les conditions de la divulgation publique directe pour endiguer les effets de bord ou d’aubaine ; il est important de le souligner.

C’est dans ce même esprit qu’a été rétablie la possibilité pour les personnes morales de droit privé à but non lucratif d’être protégées en tant que facilitateurs. Cela implique évidemment que les lanceurs d’alerte qu’elles aident respectent le cadre fixé par la loi, notamment le critère de bonne foi, ainsi que les canaux de signalement prévus.

Mes chers collègues, en rejoignant la liste des premiers États membres achevant leur procédure de transposition de la directive européenne et en allant au-delà même du contenu de celle-ci, la France confirme le rôle d’avant-garde qu’elle avait joué lors de l’adoption de la loi Sapin 2.

Nous espérons à ce titre que cet ultime vote de notre Haute Assemblée sera marqué par la même unanimité que celle qui avait été exprimée à l’Assemblée nationale en première lecture. En tout cas, le groupe RDPI y concourra, en soutenant ces textes de juste protection de ceux qui « vont vers leur risque » dans la défense de l’intérêt général.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est une erreur très commune, lorsqu’on fait face à un problème, de confondre la cause et l’effet : on accuse l’effet alors qu’il faudrait s’en prendre à la cause. C’est ce qui se produit quand, après qu’une alerte a été donnée, on dénonce celui ou celle qui l’a donnée au lieu de s’inquiéter du danger qu’elle révèle.

Voilà, en termes très généraux, l’écueil que nous nous proposons de corriger.

En adoptant aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur deux textes importants, la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, nous ferons – j’en suis sûr – œuvre utile.

Le principe est simple : il s’agit de renforcer le cadre légal de leur protection. Cela concerne tous ceux qui, au sein d’une entreprise, d’une organisation ou même d’une administration, prennent leur courage à deux mains, acceptent d’aller au-devant des difficultés, rompent avec la règle d’un collectif au service de l’intérêt général.

Le rôle de ces lanceurs d’alerte est crucial dans nos sociétés. Ces derniers nous rappellent à une forme d’engagement individuel, de dépassement de soi au service d’un intérêt supérieur. Nous devons donc leur offrir un cadre législatif sécurisant et adapté aux problématiques qu’ils peuvent rencontrer au cours de leurs démarches.

Ce faisant, nous tirons tous les enseignements des expériences passées et de parcours emblématiques, comme celui d’Irène Frachon, qui a déclenché le scandale du Mediator.

Mais surtout, nous transposons dans notre droit une nouvelle directive européenne. Il s’agit donc de renforcer le cadre prévu par la loi Sapin 2, déjà très rigoureux, qui avait fait de la France – cela vient d’être souligné – une référence en matière d’arsenal juridique dans ce domaine. Certaines de ces mesures sont renforcées par les deux textes que nous adopterons aujourd’hui.

Je remarque également que la proposition de loi, dans sa version issue de la commission mixte paritaire, va plus loin encore que ce que prévoit la directive européenne.

Ainsi, le texte vise à protéger les facilitateurs, qui jouent bien souvent un rôle clé dans les démarches entreprises par les lanceurs d’alerte, comme l’exigeait la directive.

Cependant, le texte européen se restreignait au cas des personnes physiques, alors que la nouvelle version de notre texte prévoit aussi la protection des facilitateurs sous la forme de personnes morales.

À ce propos, je tiens à couper court à une mauvaise idée qui a circulé à propos du texte.

Vouloir protéger les lanceurs d’alerte, ce n’est pas leur donner un blanc-seing en toutes circonstances ni encourager à la dénonciation, voire à la délation. C’est poser un cadre clair, où le statut du lanceur d’alerte est mieux défini, où les pratiques de dissuasion ou d’intimidation à son encontre sont mieux caractérisées et plus lourdement sanctionnées, où des points de contact clairement identifiés sont mis en place et où des procédures sont explicitées pour sécuriser les démarches sans verser dans l’écueil d’une société au sein de laquelle tout serait sans cesse dénoncé.

À cet égard, je regrette la suppression de l’article 4 bis, proposé sur l’initiative du Sénat, qui prévoyait pour les abus en matière de lancement d’alerte le même régime de sanction que pour les dénonciations calomnieuses, à savoir cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Cela aurait eu le mérite de clarifier les choses, donc d’éviter la délation.

De même, certains domaines ont été exclus du lancement d’alerte : la défense nationale, le secret médical et le secret de l’avocat. Ces garde-fous nous paraissent de bon aloi, car les alertes ne doivent pas mettre en danger les citoyens, que la loi vise également à protéger. Ce serait un comble que ce nouveau cadre juridique porte atteinte à la sécurité des Français.

Mes chers collègues, je ne reviendrai pas dans le détail des textes ayant fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. Je tenais toutefois à rappeler que le groupe Les Indépendants se félicite de leur adoption. Elle conduira, j’en suis certain, à mieux définir et mieux valoriser la figure du lanceur d’alerte dans notre société.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Bellurot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadine Bellurot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur deux propositions de loi déposées par nos collègues députés et consacrées à la protection des lanceurs d’alerte.

Comme cela a été rappelé, une telle problématique, sans être nouvelle, a acquis au cours des années une importance et une notoriété croissantes. Plusieurs affaires importantes ont mis en lumière le rôle majeur que peuvent jouer les lanceurs d’alerte ; je pense, par exemple, au scandale du Mediator, auquel il a été fait référence, ou, plus récemment, à celui des LuxLeaks.

Les deux textes procèdent – cela a été abondamment évoqué – à la transposition de la directive européenne du 23 octobre 2019. Celle-ci a établi un cadre juridique plus exigeant pour la protection des lanceurs d’alerte, dont les révélations portent sur la violation de certaines règles du droit de l’Union européenne.

Ces apports du droit européen n’interviennent toutefois pas dans un contexte de vide juridique en France. Par le biais de la loi Sapin 2, notre pays s’était déjà doté d’un cadre robuste en l’espèce, devenant un pionnier de la protection des lanceurs d’alerte en Europe continentale. Ce cadre n’était évidemment pas exempt de défauts : ainsi, le critère de « désintéressement » du lanceur d’alerte était trop vague et certaines procédures exposaient le lanceur à des risques de représailles internes.

Les deux propositions de loi du député Sylvain Waserman visaient donc à accompagner la transposition de la directive d’un certain nombre de mesures de renforcement du cadre national, poursuivant et consolidant ainsi les objectifs de la loi Sapin 2. Notre assemblée a accueilli favorablement cette démarche tout en s’efforçant d’améliorer les textes qui lui furent soumis.

À cet égard, je veux saluer le travail considérable de notre rapporteur, Catherine Di Folco, sur un sujet à la complexité technique indéniable. L’approche qu’elle nous a proposée consistait à s’efforcer d’assurer la préservation d’un équilibre entre protection du lanceur d’alerte de bonne foi et prise en compte des autres intérêts légitimes en cause. Le respect de cet équilibre n’interdisait aucunement de renforcer les garanties dont bénéficient les lanceurs d’alerte.

C’est ainsi que nous avons voté la possibilité pour ces derniers de s’adresser directement à une autorité externe, ainsi que plusieurs mesures d’accompagnement juridique, financier et psychologique.

Cette recherche d’équilibre nous avait également conduits à maintenir une forme de critère de gravité de la situation avant qu’il puisse y avoir une divulgation publique d’informations. Cette question avait fait l’objet d’abondantes discussions dès la première lecture. Le Sénat avait alors retenu la proposition de son rapporteur de revenir sur la définition des lanceurs d’alerte initialement votée en commission, pourvu que ce critère de gravité subsiste. Le compromis trouvé à cet égard constitue un motif de satisfaction pour nous.

Nous saluons également le maintien d’autres apports sénatoriaux dans le texte. Je pense, par exemple, à la mise en place de procédures de signalement internes harmonisées pour les sociétés d’un même groupe, qui était très demandée par les acteurs économiques. Je songe également à la clarification des limites de l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte, qui ne s’étendra pas aux infractions pénales commises pour l’obtention illicite des informations : voilà une disposition qui rassurera en particulier le monde agricole.

J’en viens à la proposition de loi organique.

Nous nous félicitons du consensus existant avec nos collègues députés autour de la création d’un poste d’adjoint au Défenseur des droits chargé de l’accompagnement des lanceurs d’alerte. L’amendement du Gouvernement permet de lever les obstacles financiers.

Ces textes ne sont évidemment pas parfaits.

Nous regrettons le maintien de certains dispositifs, qui ne nous semblent pas aboutis. Je pense à la possibilité pour les personnes morales de droit privé à but non lucratif d’être considérées comme des facilitateurs et de bénéficier de garanties associées ou au dispositif, juridiquement fragile, de provision définitive pour frais d’instance.

En dépit de ces quelques points de désaccord, nous estimons toutefois que les textes résultant des travaux de la commission atteignent un équilibre suffisant et seront en mesure de renforcer de manière satisfaisante la protection des lanceurs d’alerte.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera la proposition de loi et la proposition de loi organique dans la rédaction résultant des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire, qui est parvenue à un accord sur la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et sur la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte.

Nous nous félicitons évidemment de cet accord et, surtout, de son contenu, très proche de la version de l’Assemblée nationale, plus ambitieuse que celle du Sénat.

Après un examen en commission marqué par un recul net de la protection offerte par ce texte, notre rapporteure avait mis de l’eau dans son vin en séance et entendu un certain nombre d’inquiétudes, s’agissant notamment de la définition des lanceurs d’alerte.

Je salue le chemin supplémentaire accompli en commission mixte paritaire pour revenir, après un débat parlementaire nourri, à un texte proche de celui qui avait été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en première lecture.

Nous évitons donc une sous-transcription de la directive européenne. Nous allons nous doter d’un arsenal juridique intéressant pour protéger les lanceurs et les lanceuses d’alerte, un arsenal juridique européen pionnier dans le monde.

Ses prémices trouvent d’ailleurs leur origine au Sénat, avec, voilà bientôt une décennie, la proposition de notre ancienne collègue écologiste Marie-Christine Blandin, que vous me permettrez de saluer ici. Je salue également le travail du rapporteur de l’Assemblée nationale, Sylvain Waserman, qui a porté ce texte et fait preuve de beaucoup d’écoute durant tous les travaux. Je salue en outre le travail mené par Ugo Bernalicis et nos collègues de La France insoumise, auteurs d’une autre proposition, plus ambitieuse encore. Je salue enfin notre collègue Mélanie Vogel, qui a beaucoup œuvré dans son ancienne vie à la rédaction de la directive européenne que nous retranscrivons aujourd’hui.

Mais tous nos travaux parlementaires ne seraient rien sans les lanceurs et lanceuses d’alerte eux-mêmes, sans leur combat, sans leur abnégation, sans leur auto-organisation pour sortir de la solitude qui les assaille trop souvent, sans la fondation de la Maison des lanceurs d’alerte, sans l’organisation des rencontres annuelles des lanceurs d’alerte, permise notamment par l’énergie de Daniel Ibanez. Nos travaux sont aussi et surtout le fruit de leurs réflexions et de leurs propositions, héritées de leur histoire, de leur parcours de vie, des difficultés sans cesse dressées sur leur route.

J’ai une pensée particulière pour Irène Frachon, Antoine Deltour, Amar Benmohamed, Valérie Murat, Quentin Guillemain et Inès Léraud, qui sont venus ici, au Sénat, nous faire part de leurs poignantes histoires de vie : des vies qui, par un souci chevillé au corps de l’intérêt général, ont basculé définitivement et qui porteront très longtemps le sceau de l’alerte que ces personnes ont lancée. J’ai également une pensée pour Hugo, le lanceur d’alerte de la centrale de Tricastin, que nous avons reçu et dont le témoignage a été précieux pour rédiger notre proposition de loi visant à renforcer la sûreté nucléaire, la transparence financière et le contrôle parlementaire.

Nous nous devons de protéger ces femmes et ces hommes, qui ont le courage de signaler ces failles de nos institutions, ces fautes de nos entreprises menaçant des vies humaines et notre environnement.

C’est ce que nous continuons à faire avec ce texte, qui arme quelque peu David contre Goliath.

Tout d’abord, la proposition de loi améliore ou précise la définition et le statut des lanceurs d’alerte, en retirant la notion, juridiquement imprécise, de « désintéressement » et en supprimant le caractère de gravité des violations dénoncées.

Ensuite, elle simplifie la procédure d’alerte, en supprimant l’obligation de signalement interne, qui, le plus souvent, ne rimera qu’avec étouffement. Nous regrettons à ce propos que cette procédure Sapin 2 soit maintenue pour la divulgation d’informations obtenues hors de tout cadre professionnel.

Enfin, la proposition de loi codifie pour définir le rôle des facilitateurs et ouvrir ce statut aux personnes morales à but non lucratif, afin de permettre aux lanceurs d’alerte d’être accompagnés, car leur démarche les expose à une immense solitude.

Bien entendu, nous regrettons que la loi n’ouvre pas directement le statut de lanceur d’alerte aux personnes morales. Les associations et ONG jouent un rôle clé dans le processus d’alerte. Elles contribuent à la protection des lanceurs d’alerte en leur permettant notamment de rester anonymes. Nous ne pouvons pas compter sur le seul courage de citoyennes et citoyens qui exposent leur vie pour dénoncer et identifier toutes les failles de nos sociétés, au sein desquelles, de surcroît, la puissance publique, rongée par le néolibéralisme, est en recul constant.

Enfin, parmi les avancées majeures à souligner, je mentionne la lutte contre les procédures bâillons, avec la prise en charge des frais de justice des lanceurs d’alerte et les sanctions contre les procédures judiciaires abusives lancées contre ces mêmes lanceurs d’alerte.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de la proposition de loi, qui constitue une étape importante dans la protection des lanceurs d’alerte. Naturellement, c’est une étape qu’il nous faudra dépasser. Ce n’est malheureusement pas demain que le besoin d’alerte se fera moins sentir !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de la discussion de ces propositions de loi, dont le texte final – je le dis d’emblée – est pour nous très satisfaisant.

La rédaction que nous propose la commission mixte paritaire correspond à un texte de compromis au résultat tout à fait équilibré. Il s’agit d’une très bonne chose. C’est d’autant plus appréciable que cela n’était pas tout à fait acquis lors de la navette parlementaire. Je veux saluer ici le travail que vous avez mené dans ce cadre, madame la rapporteure.

En effet, si le texte adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale au mois de novembre dernier présentait une transposition de la directive européenne ambitieuse et d’ailleurs unanimement saluée par les associations en pointe dans la défense des lanceurs d’alerte, la copie revue par la commission des lois du Sénat était pour le moins décevante et même inquiétante à certains égards. Mme la rapporteure avait en effet décidé dans un premier temps d’affaiblir sérieusement le dispositif, au point de vouloir revenir en arrière sur la définition du lanceur d’alerte par rapport à la loi Sapin 2, que la proposition de loi tendait au contraire à renforcer.

Même si au dernier moment ce recul n’a pas été entériné en séance et si un texte plus favorable que celui qui avait été voté en commission a finalement été adopté, le compromis sur plusieurs points n’était pas encore acquis avec l’Assemblée nationale.

Cette CMP est pourtant parvenue à un résultat très satisfaisant, en reprenant les dispositifs d’avant-garde en la matière dans l’Union européenne que comportait la proposition de loi initiale.

Ainsi, pour ne parler que des principaux points de divergence, les lanceurs d’alerte pourront bien trouver appui sans condition sur des personnes morales à but non lucratif, comme l’avaient prévu nos collègues députés. Idem concernant la possibilité pour le lanceur d’alerte de bénéficier d’une provision pour financer sa défense, qui lui sera bien définitivement acquise.

Les nombreuses avancées majeures que présente ce texte final, comme la définition étendue des lanceurs d’alerte, la clarification des canaux internes et externes permettant de lancer l’alerte, le renforcement substantiel de la protection des lanceurs d’alerte avec des sanctions pénales et/ou civiles contre les responsables de procédures abusives, ou encore la meilleure reconnaissance des facilitateurs qui accompagnent les lanceurs d’alerte, sont autant de mesures ambitieuses qui créent un environnement protecteur pour les lanceurs d’alerte et à même de devenir un cadre législatif de référence à l’échelon européen.

Si de telles conclusions sont possibles, c’est aussi grâce à la vigilance et au travail de longue haleine de la coalition des trente-six syndicats et associations constituée autour de la Maison des lanceurs d’alerte, qui s’est attelée à un travail de persuasion précieux auprès des élus ; nous le saluons.

Notre Parlement s’honore aujourd’hui en hissant la France à la proue de l’Union européenne en matière de protection des lanceurs d’alerte.

Nous le savons, nos concitoyens sont désireux d’une plus grande transparence sur tous ces sujets. Il s’agit là du monde nouveau dans lequel nous vivons, où la lutte et le combat contre ce qui porte atteinte à l’intérêt général sont non plus l’apanage de certains, mais bien le droit de toutes et tous.

Protéger ce droit commun est un enjeu fondamental pour la vitalité de notre démocratie. J’ajouterai à la liste des lanceurs d’alerte mentionnés par notre collègue Guillaume Gontard le nom de Nicolas Forissier, lanceur d’alerte de la banque UBS.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Éric Bocquet. Tous les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste approuveront cette proposition de loi, ainsi que la proposition de loi organique permettant l’accompagnement des lanceurs d’alerte par le Défenseur des droits avec la création d’un référent ad hoc.

Quel bonheur de voter à l’unisson pour renforcer la protection des lanceurs d’alerte ! (M. Jérôme Durain et Mme Esther Benbassa applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Marc applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je crois que tout a été dit.

Je salue, comme je l’avais déjà fait en première lecture, l’excellent climat qui a présidé à nos travaux en séance, permettant les avancées qui ont été soulignées ou qui vont l’être. C’est important, car cela démontre l’intérêt du bicamérisme.

Chacun a apporté sa contribution au texte, aboutissant au résultat que nous constatons aujourd’hui : la belle unanimité qui va caractériser son adoption.

La question de la protection matérielle des lanceurs d’alerte, évoquée à plusieurs reprises, demeure.

Je me réjouis que le Gouvernement ait déposé un amendement tendant à lever le gage sur l’article 1er de la proposition de loi organique. Mais nous avons été nombreux à envisager un fonds de garantie pour les lanceurs d’alerte, car la provision sur la procédure peut poser un certain nombre de problèmes. Ce sera au gouvernement issu des prochaines élections de donner corps à un tel fonds. La protection complète des lanceurs d’argent nécessite de l’argent pour effectuer les procédures, ainsi qu’un certain nombre de démarches. Bien entendu, cela suppose l’adoption d’une disposition relevant de la loi de finances.

Nous l’avons vu récemment, il est encore des lanceurs d’alerte qui ne sont pas entendus. Il a ainsi fallu attendre que le scandale des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) éclate pour que certains le soient enfin. C’est bien le signe que des dysfonctionnements persistent.

Sur l’initiative de Catherine Morin-Desailly et de notre ancienne collègue Chantal Jouanno, une proposition de résolution concernant Edward Snowden a été déposée au Sénat en 2014.

Reste le cas de Julian Assange, sur lequel on ne peut pas dire que la France ait été à l’avant-garde, en refusant de lui accorder l’asile politique et de l’accueillir sur son territoire. C’est sans doute regrettable, car toutes les informations qui ont été diffusées grâce à WikiLeaks ont été très utiles pour mieux comprendre la société dans laquelle nous vivons.

Éric Bocquet a évoqué un besoin de transparence. En l’occurrence, certains faits méritaient d’être dénoncés.

Finalement, ce texte est à la hauteur de nos attentes. Évidemment, les membres du groupe Union Centriste le voteront, mais seront très vigilants lors de l’examen du prochain budget, avec vous ou vos successeurs, madame la secrétaire d’État. Il est important que la protection financière soit assurée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le savez, la construction européenne figure parmi les valeurs consubstantielles à notre groupe. Bien que chaque membre demeure libre de ses prises de position, nous défendons ardemment l’idée d’une Europe sociale et solidaire.

De ce point de vue, ces propositions de loi ne sont pas anodines : elles offrent une parfaite illustration de ce que l’Union européenne permet en matière de collaboration et de coécriture du droit, avec en toile de fond de véritables progrès pour notre société.

Alors que la législation française a inspiré l’Union européenne dans sa rédaction de l’ambitieuse directive sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, désormais, il nous revient de transposer ce texte.

Toutefois, nous ne souhaitons pas de transposition à proprement parler. En effet, si ces textes sont adoptés, nous serons allés au-delà des objectifs fixés par la directive.

Ma collègue Maryse Carrère a très bien souligné en première lecture les difficultés que rencontrent au quotidien les lanceurs d’alerte, qui mènent une vie souvent faite de solitude, de doutes et de remises en question particulièrement éprouvantes. Il revient donc au législateur – c’est tout à son honneur – de les soutenir et les protéger !

Souvenons-nous que nous avons d’abord été désarmés en découvrant les premiers travaux du Sénat et le texte élaboré par la commission des lois. Réécriture de la définition du lanceur d’alerte, qualité de « facilitateur » réservée aux seules personnes physiques : la régression nous paraissait trop importante.

Comment concevoir de priver les lanceurs d’alerte du soutien de syndicats ou d’associations, sauf à vouloir faciliter leur renoncement ?

Face à cela, le groupe RDSE a réagi en présentant une série d’amendements visant, pour l’essentiel, à restaurer le texte initial.

Aussi, sans surprise, je salue vivement le chemin qui a été suivi afin d’aboutir finalement à un accord en commission mixte paritaire. Surtout, je salue un texte qui, je le répète, va au-delà des seules exigences de la directive pour prendre pleinement en compte ce phénomène de société !

Nous nous réjouissons notamment de la définition retenue des lanceurs d’alerte, tout comme nous sommes rassurés par le retour des personnes morales de droit privé à but non lucratif parmi la liste des facilitateurs potentiels.

Désormais, nous nous y retrouvons ! Les différentes modifications qu’a apportées la commission mixte paritaire au texte élaboré par la commission des lois du Sénat rejoignent les positions que nous avions défendues lors de la séance publique du 20 janvier dernier.

Cela étant, je renouvelle des inquiétudes qui ont été soulevées lors de l’examen en première lecture.

Les premières inquiétudes sont de nature financière : la protection des lanceurs d’alerte ne sera véritablement effective que lorsque celle-ci s’accompagnera d’un dispositif de soutien financier important les protégeant tout au long du parcours procédural qu’ils doivent accomplir.

Les secondes inquiétudes concernent le Défenseur des droits. Chacun connaît le large spectre de ses missions, dont la réelle efficacité nécessiterait des moyens encore élargis.

Surtout, que peut faire, seul, le Défenseur des droits face à des campagnes de déstabilisation de lanceurs d’alerte provenant de territoires extraeuropéens ou menées sur des réseaux privés virtuels extraterritoriaux ? Nous retrouvons là, encore une fois, tout l’intérêt d’une législation coordonnée à l’échelon européen.

Au-delà des textes, nous faisons aussi face au réel. Les outils d’intervention et les sanctions dont nous disposons sont durement mis à l’épreuve.

Ces dernières remarques n’enlèvent évidemment rien à l’intérêt des deux textes que nous devrions adopter aujourd’hui et auxquels le groupe RDSE se montre favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour un lanceur d’alerte, procéder à un signalement implique de s’engager dans une lutte qui peut s’apparenter à celle de David contre Goliath, tant les protagonistes impliqués disposent de ressources inégales.

Le lanceur d’alerte, lui, est le plus souvent isolé. Il sait que son engagement aura un impact sur sa vie, que ses finances ne lui permettront pas de rivaliser avec des entreprises prêtes à tout pour préserver leurs secrets, leur image, leurs bénéfices.

Heureusement, souvent grâce à l’aide d’associations et de syndicats, certains lanceurs d’alertes parviennent à surmonter les menaces, les licenciements, les conséquences psychologiques, familiales et financières, pour informer et alerter. Le tribut qu’ils paient pour leur combat est inacceptable.

Nous devons les remercier pour ces sacrifices et, désormais, les protéger. C’est ce que nous ferons, je n’en doute pas, en adoptant ce texte. Grâce à lui, le rôle des facilitateurs sera enfin reconnu. Les associations et syndicats pourront bénéficier d’une protection indispensable à leur mission d’aide, de conseil et de soutien.

La suppression de l’obligation pour le lanceur d’alerte de saisir son employeur avant de recourir à des canaux externes facilitera le processus d’alerte. J’espère qu’il le rendra également plus incitatif.

Le récent scandale de maltraitance dans les Ehpad Orpea prouve la pertinence de cette évolution. Comment envisager de lancer un processus de signalement interne quand toute une entreprise est gangrenée par le mensonge, le chantage et le cynisme ?

Enfin, en accordant de façon définitive les provisions pour frais de justice, cette proposition de loi permettra de lutter contre les procédures bâillons et de répondre aux besoins financiers essentiels à la défense des lanceurs d’alerte.

J’espère que les bases solides que pose ce texte, en transposant la directive européenne de 2019, nous permettront, dans un futur proche, d’aller encore plus loin en termes d’accompagnement médical, psychologique et financier des lanceurs d’alerte.

Il nous faudra, enfin, pour la bonne application de ce texte, rester vigilants et nous assurer que les moyens accordés à la Défenseure des droits pour mener à bien ses nouvelles prérogatives soient suffisants.

Je voterai en faveur de ce texte.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jérôme Durain. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous serions presque portés au lyrisme à la lecture du texte qui nous est présenté cet après-midi.

Les sénateurs Socialistes, Écologistes et Républicains se félicitent en effet du travail réalisé en commission mixte paritaire. Ils vous félicitent aussi, madame la rapporteure, d’avoir renoncé à quelques irritants qu’ils vous avaient signalés en première lecture. Vous leur donnez raison, en quelque sorte.

Quoi qu’il en soit, vous avez mené votre tâche de rapporteure de la meilleure des façons, en permettant in extremis à notre pays de se doter d’une législation sur les lanceurs d’alerte que beaucoup considèrent comme la plus aboutie au monde. Soyez-en remerciée ! Il faut mettre cela à votre crédit et vous pouvez revendiquer d’être citée aux côtés de représentants de toutes les tendances politiques de ce pays pour avoir contribué à l’émergence de ce texte : Michel Sapin, à l’origine de la loi Sapin 2, un texte pionnier en la matière, mais aussi Olivier Marleix, député Les Républicains, Sylvain Waserman, député Modem et auteur de ce texte, Raphaël Gauvain, député En Marche de Saône-et-Loire, dont je fais pourtant rarement l’éloge, ou encore Ugo Bernalicis, député La France insoumise. Ce texte traitant de thèmes chers également aux écologistes et aux communistes, c’est finalement l’ensemble des partis qui ont su travailler de manière constructive et permettre à notre pays de respecter les délais de transposition de la directive européenne.

Je tiens aussi à saluer le Gouvernement, qui tient là un sujet sur lequel la performance de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ne sera pas discutée !

Les commissions mixtes paritaires de fin de quinquennat sont parfois inattendues, presque miraculeuses. Dans le texte issu des travaux du Sénat, le lanceur d’alerte devait démontrer que l’alerte concerne un « danger grave, imminent et manifeste ». La commission mixte paritaire a supprimé le caractère manifeste. Elle aboutit aussi à une rédaction satisfaisante concernant les conditions d’immunité pénale des personnes prenant connaissance de faits de manière licite et la possibilité d’octroyer le statut de « facilitateur » aux personnes morales de droit privé à but non lucratif. Enfin, l’adjoint du Défenseur des droits sera rétribué grâce à l’amendement du Gouvernement. Bref, tout va bien !

Nous aurons donc progressé dans notre travail parlementaire sur la définition des lanceurs d’alerte, le statut de leur entourage, les canaux de signalement ou les mesures de protection, notamment s’agissant des procédures bâillons.

Le Sénat s’est pour une fois réconcilié avec les ONG, qui manifestaient devant notre assemblée voilà encore quelques semaines. Après des expériences plus douloureuses, notamment lors de l’examen de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, c’est la preuve que le Sénat peut se montrer à la hauteur des exigences de l’économie moderne en termes de protection des lanceurs d’alerte.

La Maison des lanceurs d’alerte a salué le compromis trouvé en commission mixte paritaire, qu’elle présente comme une avancée par rapport au texte initial de l’Assemblée nationale. Ses représentants ont résumé ainsi la situation : avec ce texte, les personnes qui oseront franchir le pas seront moins seules.

Le groupe SER votera donc sans hésiter ce texte, qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement de la commission accepté par le Gouvernement.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 345

Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi organique, à l’unanimité. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-deux.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à démocratiser le sport en France
Discussion générale (suite)

Démocratisation du sport

Rejet en nouvelle lecture d’une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à démocratiser le sport en France
Rappels au règlement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à démocratiser le sport en France (texte n° 477, résultat des travaux de la commission n° 483, rapport n° 482).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce matin, à l’aube, quand j’ai vu Clément Noël remporter la médaille d’or en slalom aux jeux Olympiques, une médaille remplie d’ambition assumée, de confiance en soi, gagnée à force de goût d’inachevé et teintée de l’émotion d’un jeune homme qui sait combien les attentes vous pèsent quand on est jeune, talentueux et intelligent, aussi étonnant que cela puisse paraître, j’ai pensé à vous…

J’ai pensé à cette responsabilité que vous avez été trop peu nombreux sur ces travées à assumer, la responsabilité d’être à la hauteur de l’investissement de nos champions et de ceux qui ne le deviendront jamais, mais qui y croient et persévèrent.

J’ai pensé au courage dont la majorité du Sénat a manqué pour terminer le travail, boucler une deuxième manche dignement, avec panache, à l’image de Clément Noël. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Je vous le dis avec honnêteté, vous auriez pu conforter avec fierté les ajouts bénéfiques que vous avez adoptés ici même lors de nos quinze heures de débats : quinze heures de discussions et d’échanges riches, de mesures innovantes et engageantes pour le sport, de perspectives nouvelles pour les associations, dont vous auriez pu vous prévaloir auprès des clubs de vos communes de cœur, auprès des bénévoles et des éducateurs, qui attendent que l’on reconnaisse leur engagement sur des thèmes qui comptent aujourd’hui plus que jamais, à savoir l’éducation, la santé, le vivre ensemble. Vous auriez pu être fiers de l’élan de démocratie voulu, non pas seulement par le ministère, mais par le mouvement sportif lui-même.

Au lieu de cela, vous avez préféré ne parler que des signes religieux. Ce n’est pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens et du mouvement sportif !

M. Stéphane Piednoir. Pas de leçons !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Monsieur Savin, vous avez balayé – on vous a fait balayer – d’un revers de main des mois de travail et des années de convictions,…

M. Claude Kern. Quelle audace !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. … les vôtres, mais aussi celles de vos collègues Laurent Lafon, président de la commission, Didier Rambaud, Claude Kern, Jean-Jacques Lozach, Annick Billon, Éric Gold, Thomas Dossus, Céline Brulin ou encore Jérémy Bacchi.

Vous balayez ainsi les avancées importantes voulues par les députés et les sénateurs de la majorité présidentielle, mais aussi par mes collègues du Gouvernement, qui, eux, croient dans les vertus et les bienfaits du sport, qui, eux, respectent l’engagement des entraîneurs, des sportifs et des bénévoles, qui, eux, sont à la hauteur des rêves de nos enfants.

La proposition de loi visant à démocratiser le sport en France est un texte attendu depuis plusieurs années par le mouvement sportif, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et les élus de la République, ceux des collectivités comme les parlementaires.

Il est souhaité par les bénévoles, les éducateurs, les arbitres, les pratiquants, tous ceux qui s’investissent au quotidien dans nos 360 000 associations sportives.

Il est espéré par les professionnels des loisirs sportifs marchands, les entreprises qui accompagnent déjà le mouvement sportif et celles qui, demain, seront encouragées à le soutenir, parce qu’il a su se réinventer.

Tous ces acteurs veulent que ce texte leur ouvre des portes pour faciliter le développement de l’activité sportive dans de nombreux domaines où elle est particulièrement pertinente et nécessaire. Je pense à l’école, au monde de la santé ou du handicap.

Tous veulent aussi que les instances dirigeantes du mouvement sportif ressemblent à notre société, qu’elles incarnent la richesse, la mixité et la diversité du terrain.

Tous attendent enfin qu’on les protège mieux contre les dérives frauduleuses et les comportements dangereux.

C’est à ces préoccupations fondamentales que cette proposition de loi apporte des solutions.

Ce texte, je le rappelle, est l’émanation de trois ans de consultations menées par mon ministère, le mouvement sportif et les parlementaires. Fruit d’un travail collectif, il est proposé par le mouvement sportif et fait pour le mouvement sportif.

C’est ce travail de terrain, concret, pragmatique et ambitieux que vous souhaitez aujourd’hui balayer d’un revers de main.

Je tiens à remercier les députés, notamment les rapporteurs et le groupe La République en Marche à l’Assemblée nationale (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), qui ont déposé cette proposition de loi l’année dernière, et les sénateurs qui ont contribué, par-delà leur appartenance politique, à l’enrichissement de ce texte.

M. Claude Kern. Très bien !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Car, oui, malgré les diversions politiques de la majorité sénatoriale, nous avons souhaité garder notre cap et notre volonté de coconstruire. C’est pourquoi de nombreuses dispositions adoptées par les sénateurs ont été conservées dans le texte que j’ai l’honneur de défendre aujourd’hui. Je pense à la sécurisation du rôle des fédérations dans la société commerciale ou encore à l’inscription de l’aisance aquatique dans les programmes scolaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, puisque vous avez déposé une motion tendant à opposer la question préalable, essentiellement pour une disposition qui ne figure pas dans ce texte – ce qui est un procédé pour le moins curieux –, je regrette vivement que vous reculiez à dessein sur des sujets aussi essentiels que le développement du sport-santé en France, le renforcement du rôle essentiel de l’école dans le développement de la pratique sportive, la transformation de la gouvernance ou encore la lutte contre les violences dans les stades.

Ce faisant, vous nous attristez et vous décevez les acteurs du sport, qui comptaient sur vous. Bien plus, vous n’en sortez pas grandis… (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) La seule chose que vous êtes parvenus à faire, c’est éclipser du débat médiatique des notions fondamentales comme la parité ou la limitation des mandats des présidents au profit de débats sur les signes religieux !

Assumez-le clairement devant nos concitoyens, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité. Par votre vote aujourd’hui, vous dites non à la parité dans les instances sportives, non à la limitation du nombre de mandats, non au développement du sport-santé en France, non au renforcement des liens entre l’école et le sport, non à la création d’une économie plus robuste pour le sport professionnel, non à l’ouverture de l’activité physique adaptée aux personnes en perte de mobilité.

Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas vrai !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Vous ne dites finalement oui qu’à la politique politicienne, sans vision, qui ne vise qu’à polémiquer et à diviser.

Vous accusez le Gouvernement d’inaction… Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire : il y a six mois, le débat sur la neutralité dans le sport et la sphère publique en général a été très largement abordé lors des travaux parlementaires sur la loi confortant le respect des principes de la République.

M. Michel Savin, rapporteur. Il n’y a rien dans cette loi !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Notre gouvernement a jugé essentiel d’inclure le sport dans cette loi si importante pour notre société ! Si j’ai plaidé fortement pour engager les acteurs sportifs dans ce pacte républicain, de manière assumée, visible et évaluable, c’est d’abord parce que je pense que le sport a un rôle essentiel à jouer dans l’éducation aux principes fondamentaux de notre République.

M. Michel Savin, rapporteur. Très bien !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Dans vos déclarations grandiloquentes, vous oubliez bien souvent cette notion d’éducation au pacte républicain.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Vous parlez de moi, là ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Si j’ai souhaité que le sport soit pleinement engagé dans la lutte contre la radicalisation, c’est parce que nous devons lutter ensemble, avec le ministère de l’intérieur, les collectivités, les éducateurs, les agents qualifiés et formés à cette question, mais aussi les citoyens. Le sport est un formidable vecteur pour porter ce message d’intransigeance et de vigilance collective.

Le Parlement a tranché clairement dans cette loi d’août dernier, défendue par notre gouvernement, sur la question que vous souhaitez de nouveau mettre sur le tapis. Le principe de laïcité, tel qu’il ressort de notre Constitution, doit continuer à être pleinement garanti à nos concitoyens : liberté de conscience dans les activités individuelles ou collectives, notamment associatives, d’une part, intransigeance face aux comportements qui rompent avec le socle commun fondateur de la République, de l’autre.

Mme Nathalie Goulet. C’est le « en même temps » !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Tel est le sujet qui me préoccupe réellement, tout comme il préoccupe le Gouvernement : comment lutter efficacement contre les phénomènes communautaires et la radicalisation dans le sport ? Oui, je l’affirme très clairement une nouvelle fois aujourd’hui : comme l’ensemble de notre République, le sport est en proie à la radicalisation, contre laquelle nous luttons comme jamais auparavant. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Le ministère des sports a fait de cette lutte une priorité.

C’est notre gouvernement qui a souhaité que le secteur associatif sportif soit davantage responsabilisé au travers des sept mesures qui composent le contrat d’engagement républicain, désormais obligatoire pour toutes les associations reconnues ou subventionnées par l’État ou les collectivités.

C’est notre gouvernement qui a rappelé aux collectivités locales, notamment celles qui sont dirigées par votre majorité, mesdames, messieurs les sénateurs, leur responsabilité première dans le contrôle de l’utilisation des subventions publiques et de leurs équipements.

C’est notre gouvernement qui a profondément transformé la relation entre l’État et les fédérations sportives à travers la signature obligatoire d’un contrat de délégation dès 2022. Celui-ci encadre de manière précise et évaluée les nouvelles conditions dans lesquelles mon ministère confie des prérogatives de puissance publique aux fédérations. Parmi ces obligations nouvelles figure l’obligation de signaler, de former et de sensibiliser aux risques d’atteinte aux principes de la République.

C’est notre gouvernement qui a déployé, dès 2018, le réseau des référents pour la prévention de la radicalisation. C’est notre gouvernement, enfin, qui a créé les CLIR, ces cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire qui associent tous les représentants des services de l’État, y compris, désormais, les agents de la jeunesse et des sports, sous l’autorité des préfets, et qui permettent de cibler les contrôles sur les établissements et les comportements les plus dangereux.

Aussi, ne vous en déplaise, mesdames, messieurs les sénateurs assis à la droite de cet hémicycle, avec le Gouvernement, mon ministère regarde les choses en face. Nous affrontons ce sujet avec sérieux et détermination.

C’est sur le terrain, et non à coups de déclarations médiatiques, que nous pouvons constater et combattre les dérives séparatistes. Nous n’avons aucune leçon à recevoir.

M. Michel Savin, rapporteur. Nous non plus !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Nous sommes dans l’action, vous êtes dans l’incantation ! (Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Stéphane Piednoir. Il faut changer de ton !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je referme désormais cette parenthèse, pour revenir à ce qui devrait en réalité tous nous importer ce soir : le contenu de ce texte.

Nous avons devant nous une échéance historique et enthousiasmante : les jeux Olympiques et Paralympiques d’été en France. Notre pays les attend depuis cent ans.

Dans deux ans, nous recevrons le monde chez nous et nous voulons lui montrer notre meilleur visage : une France accueillante, une France moderne, une France responsable, une France qui inspire et trace une voie de progrès, une France fière de son modèle sportif si unique.

Dans la perspective de Paris 2024, le sport français a la possibilité, grâce à cette proposition de loi, de montrer l’exemple, de devenir tête de file sur les questions d’éthique, de démocratie et d’intégrité. J’ai conscience que cela demande un effort, mais cet effort est indispensable pour permettre au sport de se réinventer et de ressembler à la société dans laquelle il aspire à jouer un rôle plus prépondérant.

La parité dans les instances dirigeantes des fédérations, la limitation des mandats des présidentes et des présidents, la plus forte représentation des clubs dans l’élection de ces derniers sont les piliers de cette transformation démocratique.

Les acteurs du sport en ont conscience et je vous assure que beaucoup d’entre eux y sont déjà prêts. Mon ministère, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le Comité paralympique et sportif français (CPSF) les accompagneront dans cette transformation gagnante qui – j’en suis absolument convaincue – rapprochera le club des citoyens, facilitera l’accès au sport pour ceux qui en sont les plus éloignés et permettra de renouveler notre offre sportive, pour mieux l’adapter aux attentes de nos concitoyens, en particulier de nos concitoyennes.

Ce texte ne se limite pas au titre II : le titre Ier permet véritablement de démocratiser le sport, de le rendre plus accessible à tous, dans tous les territoires, à tous les âges et à tous les moments de nos vies.

Il élargit d’abord aux masseurs-kinésithérapeutes la possibilité de prescrire l’activité physique adaptée (APA). Il instaure ensuite un référent pour l’activité physique et sportive dans tous les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) de France. Il crée de véritables alliances éducatives territoriales dans nos établissements. Il fait encore de l’activité physique et sportive un enjeu central de la responsabilité sociale et environnementale de nos entreprises.

Enfin, le titre III comprend des dispositions essentielles visant à renforcer et sécuriser le modèle économique du sport.

Alors que nous devons toujours affronter les conséquences de la crise sanitaire, il faut donner la possibilité au monde du sport amateur et professionnel d’en sortir autant que possible renforcé et préserver notre modèle.

Aussi, nous pouvons nous satisfaire de l’inscription dans cette proposition de loi de la plateforme chargée de veiller à l’intégrité des compétitions sportives ou encore de l’article tendant à lutter contre l’offre illégale de paris sportifs. Au regard des grandes compétitions que la France accueillera, il s’agit d’un enjeu majeur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est intransigeant sur la question des violences dans les stades, ces violences discriminatoires ou physiques qui blessent et humilient.

M. Michel Savin, rapporteur. Il n’y avait pas une ligne à ce sujet dans le texte !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Pour que cela cesse et pour faire suite aux engagements pris récemment avec le monde du football, le Gouvernement a défendu devant le Sénat un amendement essentiel, visant à créer une procédure d’amende forfaitaire.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Une grande réussite !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Comme nombre de députés et sénateurs, je souhaite, au nom du Gouvernement, que nous soyons ambitieux (M. le rapporteur ironise.), pour le sport français et pour nos sportifs, professionnels ou amateurs, afin de faire de la France une grande nation sportive et un modèle pour tous les pays européens.

Il y va de la reconnaissance que nous devons à nos milliers – que dis-je ! à nos millions – de bénévoles (M. Claude Kern sexclame.), qui fondent le cadre associatif, porteur de tant de lien social dans nos territoires.

Il y va aussi du respect que nous devons à nos athlètes et à nos entraîneurs, qui font du sport un grand spectacle, créateur d’émotion, de ciment social, de fraternité et de fierté nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en introduction à nos débats, je tiens à revenir sur ce qui s’est passé lors de la séance de questions au Gouvernement de ce jour.

M. Michel Savin, rapporteur. Madame la ministre, nous pouvons avoir des divergences d’opinions, mais nos opinions réciproques doivent s’exprimer dans le respect et dans la tolérance. Cela n’a pas été le cas. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Ma question s’adressait au Premier ministre. Elle portait sur des positions qu’ont prises certains de vos collègues ministres et ne vous concernait pas directement. Vous avez choisi d’y répondre par des attaques personnelles ; je le regrette et je tiens ici à le souligner.

Vous avez indiqué avoir de la peine pour les travaux de mes collègues. En ce qui me concerne, je tiens avant tout à les remercier, tous, quel que soit leur groupe politique, des travaux collectifs et des dizaines d’heures d’audition que nous avons menés ensemble, dans un climat serein et respectueux. Ils connaissent mon engagement et je connais le leur.

Madame la ministre déléguée chargée des sports, si j’ai, pour ma part, de la peine, c’est pour votre mépris à l’égard de notre travail. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Michel Savin, rapporteur. Je comprends votre frustration, comme celle de votre majorité. Je comprends votre peine : sur ce texte, le Sénat a pris ses responsabilités.

Nous avons concerté nos points de vue, nous avons enrichi les propositions initiales : en un mot, nous avons fait notre travail de parlementaires.

Sachez, madame la ministre, que je suis fier d’avoir défendu nos convictions. Je suis fier des ambitions dont nous avons fait montre en faveur du sport français.

Je tiens à rappeler que, au mois de mars 2021, la proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale faisait l’unanimité, mais contre elle ! Ne souhaitant pas être désobligeant à votre égard, je m’abstiendrai de rappeler quelle était la position du mouvement sportif à l’époque.

Le texte que nous examinons ce soir est, pour une très large part, issu des travaux du Sénat que les députés de votre majorité ont validés. Nous ne pouvons que regretter de n’avoir pu trouver finalement de compromis avec nos homologues de l’Assemblée nationale. Nous partagions pourtant, me semble-t-il, la volonté commune d’aboutir.

Parmi les apports du Sénat, une vingtaine – parmi les plus significatifs – ont été conservés.

Citons en particulier la sécurisation de l’ouverture à de nouveaux publics, dans le cadre du parcours de soins coordonnés, de l’activité physique adaptée (APA), la possibilité pour les masseurs-kinésithérapeutes de renouveler ou d’adapter la prescription de l’APA, la reconnaissance dans le texte des maisons sport-santé et la définition d’un socle de missions communes, la clarification des règles de délivrance des certificats médicaux pour l’obtention d’une licence sportive et la participation à des compétitions sportives.

Citons aussi la prise en compte, dans le coût des travaux de rénovation des équipements sportifs d’une école ou d’un établissement scolaire, du coût de l’aménagement d’un accès indépendant à ces équipements, la pratique quotidienne d’une activité physique en primaire, l’inscription dans les programmes du primaire de l’aisance aquatique – mesure adoptée au Sénat, mais pas à l’Assemblée nationale.

Citons encore l’obligation pour les fédérations de se prononcer sur le principe et le montant des indemnités allouées au président, l’attribution au comité d’éthique créé par chaque fédération d’un rôle plus important dans la prévention et le traitement des conflits d’intérêts, l’extension de trois à cinq ans du premier contrat sportif professionnel, avec des garanties apportées par décret, ou encore la réaffirmation du rôle de la fédération délégataire dans le fonctionnement du sport professionnel, avec une présence de la fédération dans l’instance dirigeante de la société commerciale chargée de commercialiser les droits audiovisuels.

Madame la ministre, vous avez évoqué la sécurité. Dans le texte initial, il n’y avait pas une ligne à ce sujet. C’est ici, au Sénat, qu’a été votée l’intégration des photographies aux fichiers des interdits de stade, afin de renforcer l’efficacité des contrôles.

Nous avons également voté l’instauration d’une amende forfaitaire, en cas d’utilisation d’engins pyrotechniques dans les stades et l’expérimentation d’un usage de ces engins sous le contrôle des organisateurs et des autorités publiques.

On le voit, mes chers collègues : le texte adopté par les députés porte la marque du Sénat et l’on peut légitimement regretter qu’un accord n’ait pas été possible.

Ce regret est toutefois nuancé, lorsque l’on examine les dispositions réintroduites par les députés, qui illustrent de réelles divergences d’approche.

Je déplore, par exemple, que de nombreux enrichissements du Sénat n’aient pas été retenus par les députés.

Je pense à l’article 6 bis AB, qui faisait référence à la reconversion professionnelle des sportifs de haut niveau, ou encore à l’article 6 ter, qui créait une charte nationale du bénévolat, alors que la question du bénévolat était totalement absente du texte.

Je pense aussi aux articles 10 bis AA et 10 bis AB, qui visaient à renforcer les dispositifs relatifs à la diffusion des compétitions en clair, à titre gratuit, et à faciliter la diffusion d’extraits dans des magazines d’information sportive.

J’aurai l’occasion, lors de la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission, de revenir sur le désaccord le plus important qui est apparu au cours de nos débats. Il porte sur la laïcité dans le sport et est à l’origine de l’échec de la commission mixte paritaire.

Ce désaccord n’est ni mineur ni médiocre. Il trace une vraie ligne de fracture entre deux conceptions de la vie en société, quant à la place que doit occuper la religion dans le sport.

Pour ma part, je suis fier d’avoir défendu cette position au nom de mon groupe et de la majorité sénatoriale, quand bien même ce débat place le Gouvernement devant ses contradictions.

M. Michel Savin, rapporteur. Madame la ministre, cette question est trop importante pour être caricaturée. Aussi ai-je été étonné de vos propos par lesquels vous tendiez, afin de minimiser notre désaccord sur la laïcité, à imputer l’échec de la commission mixte paritaire au rejet par le Sénat de la parité et de la limitation du nombre de mandats.

Vous le savez parfaitement : j’ai indiqué à de nombreuses reprises – notamment lors de la réunion de la commission mixte paritaire – que j’étais disposé à accepter les articles 5 et 7 dans leur rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, bien que des aménagements m’eussent semblé utiles, notamment sur le nombre de mandats autorisés dans les instances régionales.

On peut être favorable à l’application de la parité intégrale et constater qu’il sera probablement impossible d’appliquer pleinement ce principe en 2024. On peut aussi se féliciter du profond renouvellement des dirigeants des fédérations intervenu au printemps dernier et regretter que ce texte s’immisce dans le fonctionnement des fédérations, en contradiction avec le principe de la liberté associative.

Sur ces deux sujets, madame la ministre, il ne sert à rien de caricaturer les positions du Sénat. Je le répète : nous sommes favorables à la parité intégrale et à la limitation du nombre de mandats des dirigeants des fédérations sportives. Nous l’avons redit en commission mixte paritaire.

Gardons à l’esprit la qualité de notre travail collectif. Nous aurons dans un instant l’occasion de débattre de ce qui nous sépare encore, c’est-à-dire de la place de la laïcité dans le sport. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Rappels au règlement

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à démocratiser le sport en France
Discussion générale

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les articles 36 et 37 de notre règlement.

Madame la ministre, voilà quinze ans que je siège dans cet hémicycle. Je n’ai jamais entendu aucun ministre attaquer les sénateurs d’une façon aussi frontale, violente, injuste et méprisante. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Claude Kern. C’est vrai !

Mme Nathalie Goulet. Je tiens absolument à ce que ce rappel au règlement figure au compte rendu de nos travaux. Nous ne pouvons en effet laisser votre intervention sans suite : j’espère que le Président du Sénat la lira et que l’ensemble des présidents de groupe s’en saisiront !

Je le répète : j’ai été outrée – je ne suis pas la seule – de la façon dont vous vous êtes exprimée et de votre mépris à l’égard de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour un rappel au règlement.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je m’associe aux propos de Nathalie Goulet.

Mme la ministre s’est adressée à moi de manière agressive dès mon arrivée dans l’hémicycle, sans que je comprenne pourquoi.

Ici comme ailleurs – nous sommes au Parlement ! –, nous avons le droit d’exprimer des opinions différentes de celles du Gouvernement.

Il est tout à fait scandaleux qu’un ministre interpelle les parlementaires en les empêchant pratiquement de s’exprimer et en mettant en cause leur parole. (M. Didier Rambaud sexclame.)

Pour ma part, je souhaite également que mon rappel au règlement figure au compte rendu de nos travaux.

Madame la ministre, dans cette assemblée, il y a des règles, il y a des lois, il y a du respect. Le camp du bien n’est pas toujours celui que l’on imagine ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour un rappel au règlement.

Mme Françoise Férat. Madame la ministre, quelle fierté a été la nôtre, lorsque vous avez porté les couleurs de la France au cours de votre carrière sportive ! Quelle déception est la nôtre à vous entendre aujourd’hui ! (Bravo ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

De quel droit proférez-vous ces propos insultants à notre endroit ? Connaissez-vous, madame, la définition de la démocratie ? Vous auriez pu argumenter, vous préférez insulter. Quel courage !

Depuis vingt ans que je côtoie Michel Savin, je l’ai toujours vu travailler inlassablement en faveur du sport – c’est pratiquement un sacerdoce.

Vous brandissez le drapeau de votre majorité comme une vérité. C’est à voir…

Mme Céline Brulin. C’est un signe extérieur !

Mme Françoise Férat. Force est de constater que la politique, au sens noble du terme, vous est particulièrement étrangère. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. Acte vous est donné de vos rappels au règlement, mes chères collègues.

Discussion générale (suite)

Rappels au règlement
Dossier législatif : proposition de loi visant à démocratiser le sport en France
Question préalable (début)

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, réunie sur la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, a échoué pour trois raisons que l’on pourrait résumer ainsi : parité, limitation des mandats, laïcité.

En première lecture, j’ai voté en faveur de la recherche de parité, dès 2024, dans les instances dirigeantes des fédérations. J’ai voté contre la limitation du nombre des mandats des présidents de fédération. Enfin, j’ai voté pour l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires lors des compétitions sportives.

Je considère aujourd’hui que nous devons clarifier ce flou juridique qui oblige les fédérations à décider par elles-mêmes de l’autorisation ou de l’interdiction de tout signe religieux ostentatoire lors des compétitions.

Madame la ministre, je vous invite à consulter le rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre. Comment peut-on, d’un côté, prôner la laïcité et, de l’autre, accepter des signes religieux dans la pratique ?

À l’heure où nous parlons, de nombreux clubs sont des lieux de prosélytisme et de radicalisation. Le sport n’a pas vocation à devenir le théâtre de l’affaiblissement des valeurs de la République, il doit au contraire être le creuset de l’intégration républicaine au travers des valeurs qu’il porte, et ce dès le plus jeune âge.

J’appelle de nouveau votre attention – comme je l’ai fait en première lecture – sur la création de sociétés commerciales par les ligues professionnelles.

Actuellement, un processus de vente d’un bien public, qui va définir l’avenir du sport français, est enclenché dans la plus grande opacité. Dès le mois d’octobre, un appel d’offres – et non une simple consultation – a été lancé afin de faire entrer un fonds d’investissement dans le secteur du football français. La boîte de Pandore s’ouvre…

Le projet consiste à créer une société commerciale qui serait propriétaire des droits commerciaux du football professionnel français. L’argent récolté par cette vente serait distribué à la société commerciale, mais surtout aux clubs de ligue 1 et de ligue 2.

Le fonds d’investissement qui sera choisi paierait 1,5 milliard d’euros, non pas chaque année, mais une seule fois. Il posséderait 10 % de cette société et récupérerait annuellement 10 % des revenus du football professionnel français. Ce fonds serait libre de revendre sa participation quand et à qui il voudra : Saoudiens, Américains, Chinois, Qataris…

Un engagement d’une cinquantaine d’années a minima sera discuté. Il s’agit aujourd’hui de verser à une société privée des dividendes de l’ordre de 80 millions d’euros par an sur une durée de cinquante ans. Cela représente tout de même 4 milliards d’euros de dividendes, sans compter la plus-value qui sera réalisée lors de la revente du fonds !

À ce jour, il est important que nous puissions connaître – nous devons prendre le temps nécessaire – les contours de ce que deviendra, demain, ce bien national.

La Fédération française de football (FFF), qui n’aurait qu’une voix consultative, et les clubs, qui seront directement concernés, sont en droit d’être informés, au même titre que nos concitoyens.

Pour des questions de conflit d’intérêts, nous devons veiller à ce que les donneurs d’ordre de la Ligue de football professionnel (LFP) ne soient pas également à la tête de cette société.

La plupart des clubs sont aujourd’hui endettés, si bien qu’une grande partie de l’argent injecté ne financera pas des projets de développement, mais ira au remboursement de dettes, détenues, pour certains clubs, en grande partie par des fonds étrangers.

Dès lors, comment nous assurer que les intérêts des investisseurs privés n’effaceront pas les intérêts de la Ligue et que la manne créée par l’exploitation commerciale de ces droits bénéficiera, ce dont je doute, à l’ensemble de la filière, en particulier au sport amateur et au sport scolaire ?

Globalement très déçu par le contenu de ce texte en dépit de ses quelques apports, je voterai en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir si longuement attendu un texte consacré au sport durant ce quinquennat, nous ne pouvions qu’accueillir favorablement cette proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.

Toutefois, dans le sport comme dans tout autre domaine, les déceptions sont généralement à la hauteur des espoirs suscités…

Dès la première lecture, nous faisions le constat d’un texte d’intention là où nous attendions, à deux ans des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, un texte d’ambition.

Ne se résignant pas à un texte en demi-teinte éloigné des attentes du milieu sportif, le Sénat a fait des propositions et considérablement enrichi le texte. Sur ce point, je tiens à saluer l’ensemble des avancées qu’il a permises, tout particulièrement le travail et l’expertise de notre rapporteur Michel Savin, fin connaisseur du monde du sport, contrairement à ce que j’ai pu entendre par ailleurs.

La proposition de loi issue de nos travaux répondait sans nul doute davantage, par ses dispositions, aux enjeux auxquels doit faire face le sport français, amateur comme professionnel.

Je n’en citerai que quelques-unes : renforcement des mesures de lutte contre toutes les violences dans les stades – homophobie notamment –, renforcement du sport en entreprise, soutien aux sportifs de haut niveau.

Je pense surtout à l’introduction de plusieurs mesures relatives à la pratique sportive universitaire, totalement absente du texte initial – vous savez combien cette question me tient à cœur. Figurent notamment la promotion et développement du sport-santé dans les missions de service public de l’enseignement supérieur, la possibilité pour les acteurs de l’enseignement supérieur d’être associés aux conférences régionales du sport et aux plans sportifs locaux, enfin, l’élargissement de l’accès aux locaux et équipements sportifs à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur.

Ces avancées sénatoriales ont d’ailleurs été très largement saluées en commission mixte paritaire. Nous connaissons tous la disposition sur laquelle un consensus n’a pas été possible : il s’agit de celle qui interdit le port de tout signe religieux ostentatoire lors des compétitions sportives organisées par des fédérations.

Après la fermeté affichée par le Président de la République dans son discours des Mureaux, la majorité présidentielle fait ce qu’elle affectionne le plus : la politique du zigzag.

Lutter contre le séparatisme dans notre pays nécessite davantage qu’un volontarisme de façade. Il faut du courage pour traduire en actes une stratégie vraiment efficace.

Madame la ministre, depuis l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République, nous savons que, jusqu’au cœur de l’exécutif, la majorité La République en Marche est gênée par le sujet. Elle est même fracturée par un « en même temps », qui a tout simplement comme conséquence l’affaiblissement de la République.

Ainsi, la députée Aurore Bergé partageait récemment notre constat, déclarant que la religion n’avait pas sa place sur un terrain de sport. En revanche, les propos récents de la ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances sont un pas de plus vers le renoncement et la complaisance à l’égard de l’islam politique et de tout ce qu’il représente en termes de liberté des femmes.

Pourtant, l’entrisme de l’islamisme dans le monde du sport est largement documenté, comme en atteste le rapport de notre collègue, Jacqueline Eustache-Brinio, fait au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre.

Dès lors, il nous a semblé urgent que, comme en 2004, le législateur prenne ses responsabilités et, pour lutter contre une idéologie, oppose autre chose que la signature de la charte d’engagement républicain.

Puisque cela semble nécessaire, je rappelle les raisons profondes pour lesquelles nous maintenons que cette mesure est non seulement nécessaire, mais qu’elle avait toute sa place dans ce texte qui a pour objectif, soulignons-le, la démocratisation du sport.

D’abord, cette mesure s’appuie sur la règle 50 de la Charte olympique, qui prévoit la neutralité politique, religieuse, raciale et syndicale dans le sport. On ne peut pas transiger avec la laïcité et la France ne saurait être moins-disante que le mouvement olympique !

Ensuite, il est urgent de sécuriser pleinement les acteurs du mouvement sportif et les élus locaux, qui sont souvent désemparés face à ces dérives, faute de règles juridiques claires et opérantes.

Enfin, le but est de permettre à toutes les femmes de participer aux compétitions sportives, sans différenciation, sans aucun signe de discrimination, sans aucune forme de sexisme lié à ce voile, qui est – nous le savons – un outil politique.

Nous ne pouvons qu’être déçus du texte présenté en nouvelle lecture au Sénat. Il a été totalement dénaturé par les députés en Marche, qui ont cruellement manqué de bon sens dans leurs travaux.

De notre côté, nous sommes fiers d’avoir défendu au Sénat nos convictions et notre ambition, là où, madame la ministre, vous n’avez fait ni l’un ni l’autre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines, nous avons passé deux longues soirées, dans cet hémicycle, à débattre de la démocratisation du sport.

Certes, le climat a été tonique par instants, mais le débat démocratique nécessite parfois des explications franches. Comme dans un match de football anglais, cela fait partie du jeu. Aussi, je ne m’associe pas aux différents rappels au règlement qui viennent d’avoir lieu.

Après l’échec de la commission mixte paritaire et le rétablissement de la plupart des mesures phares par l’Assemblée nationale, le texte que nous examinons en nouvelle lecture est quasiment identique à celui que nous avons examiné en première lecture.

Aussi mon analyse demeure-t-elle, à quelques détails près, inchangée. Ce texte devait être le texte le plus important du quinquennat sur le sport. Il devait démocratiser la pratique sportive, permettre aux Français de renouer avec la pratique après des mois de pandémie et faire entrer le sport français dans le XXIe siècle.

Je l’ai indiqué en première lecture, je le redis aujourd’hui : ce texte est timide. Nous étions plusieurs, dans différents groupes, à faire le constat de cette faiblesse. Pourtant, lors de nos débats, les mêmes ont choisi d’en affaiblir encore la portée.

Nous examinons aujourd’hui un bouquet de mesures dont certaines sont – reconnaissons-le – bienvenues et nécessaires. Saluons ainsi les mesures phares de ce texte : la parité dans les instances des fédérations, le non-cumul des mandats dans le temps des présidents de fédération, l’honorabilité accrue des membres de ces mêmes instances.

Je pense aussi au principe d’un sport plus inclusif, à la lutte renforcée contre l’homophobie et les discriminations de genre, à une politique territoriale mieux intégrée et de proximité, grâce à la constitution des plans sportifs locaux et au référencement des équipements sportifs par académie.

Je me réjouis d’ailleurs que nos amendements adoptés en première lecture, sur la prise en compte des lieux publics dans les recensements des équipements et sur le léger verdissement des plans sportifs locaux, aient été conservés.

D’autres mesures, enfin, concernent l’accès aux équipements sportifs des collèges et lycées pour les clubs, les étudiants et les associations, ou encore la mise en place de référents sport dans les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS).

Cette liste peut sembler longue. Sur le fond, pourtant, qui imagine très sérieusement une seule seconde que ces mesures augmenteront le nombre de licenciés ou de pratiquants ? Qui imagine qu’elles permettront d’aider plus efficacement les clubs et les associations durement frappés par la crise ? Qui imagine qu’elles permettront de faire pénétrer le sport plus avant dans une société qui se sédentarise de plus en plus dangereusement ? Quasiment personne.

J’ai insisté sur ce point en première lecture : parler du sport, c’est aussi parler de la société que nous voulons voir advenir.

Parler du sport, c’est aussi parler de la manière dont on se comporte avec les autres, des valeurs que l’on partage, de sa santé et de la manière dont on se déplace et dont on vit.

Parler du sport, c’est aussi parler de l’environnement dans lequel on le pratique, du partage de l’espace public et des équipements.

Parler du sport, c’est aussi parler de ceux qui le font vivre, de leurs conditions de travail, du bénévolat et de la place de l’éducation dans ce processus.

Enfin et surtout, parler du sport, c’est aussi parler du climat, qui est le grand absent de nos débats. Ce lien n’est pas anecdotique : on ne pratique pas le sport de la même manière, lorsque le climat se réchauffe de 2, 3, voire de 4 degrés Celsius, si l’on garde la trajectoire actuelle de l’inaction gouvernementale.

Ces scénarios signeraient de facto la fin de la pratique de nombreux sports de plein air et sports d’hiver. Il n’est qu’à regarder à quoi ressemblent les grands événements sportifs internationaux qui se déroulent cette année, des jeux Olympiques de Pékin et leurs pistes de ski 100 % artificielles au milieu des montagnes arides jusqu’aux stades climatisés de la future Coupe du monde de football au Qatar.

Oui, il est temps de repenser la pratique du sport et des grands événements dans le monde qui vient. Voilà un enjeu de taille, celui de la résilience de nos activités sportives dont, là non plus, nous ne débattrons pas.

Au bout du compte, nous déplorons beaucoup de manques – beaucoup trop –, malgré quelques avancées bienvenues. Nous, écologistes, aurions pu voter ce texte afin de les conserver. C’est pourquoi nous nous opposerons à la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la droite, sur laquelle je reviendrai lors de son examen. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Éric Gold applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce texte attendu dans un calendrier contraint. Malheureusement, le nombre d’articles qu’il contient – sensiblement accru – est proportionnel à la déception qu’il entraîne dans le monde sportif.

Avec la perspective des jeux Olympiques de Paris 2024, ce texte était censé favoriser la démocratisation du sport. En levant toutes les barrières à la pratique sportive dans les territoires sous-dotés en infrastructures et pour l’ensemble de nos concitoyens, en particulier ceux en situation de handicap ou aux faibles ressources, il devait entraîner un accroissement du nombre de licenciés.

Il y a certes quelques motifs de satisfaction. Je pense à la confirmation des apports du Sénat en matière de sport-santé ou aux avancées en matière de parité, qu’il convient maintenant de concrétiser.

Je pense également aux contributions du Sénat pour que l’accès et la mise à disposition élargie des équipements sportifs des établissements scolaires ou les plans sportifs locaux ne pèsent pas uniquement sur les collectivités locales. Ces dernières jouent en effet un rôle irremplaçable dans le développement et le financement du sport, mais, nous le savons, elles ne peuvent supporter davantage de charges.

Les motifs d’insatisfaction à l’égard de ce texte sont aussi malheureusement nombreux. Je pense à nos amendements sur la sécurité dans les stades, qui ont été rejetés à l’Assemblée nationale et, plus encore, aux éléments relatifs à la diffusion des compétitions, de plus en plus souvent sur des canaux payants (M. le rapporteur acquiesce.), obligeant les amateurs de sport à débourser des sommes très importantes.

Les alliances éducatives, réintroduites dans le texte par les députés, ne seront qu’une usine à gaz qui ne contribuera guère à développer la pratique sportive dans le cadre scolaire.

La création par les ligues professionnelles de sociétés commerciales aux contours mal définis nous fait craindre que cela ne se traduise par un beau cadeau aux investisseurs privés et que la juste répartition des droits télé, dans le football notamment, ne soit pas au rendez-vous.

À l’inverse, le texte est muet sur l’accessibilité financière du sport, alors que le Pass’Sport montre déjà ses limites.

Cette proposition de loi est aussi une occasion manquée de créer un modèle français de supporters valorisant le rôle social et la pratique du sport. Elle gomme quasiment toute participation des supporters à la vie de leur club, donc à la gestion des débordements. Un sport sans supporters est un sport sans âme, nous l’avons particulièrement vu en ces temps de crise sanitaire.

Nous avons donc affaire à un texte qui manque particulièrement d’ambition. Il aurait dû constituer ici même, au Sénat, un objet de mobilisation commune telle que nous avons pu en vivre à plusieurs reprises, afin de donner au sport, vecteur de cohésion sociale, d’inclusion et de tolérance, toute la place qui lui revient dans la société.

Certains d’entre vous ont préféré en faire l’objet d’une polémique nourrie par la seule proximité d’une élection présidentielle, en vertu de l’idée erronée selon laquelle les questions « identitaires » seraient la principale préoccupation des Français.

Le code du sport sanctionne déjà les infractions à la laïcité, de même que la Charte olympique. D’autres dispositions ont récemment été prises en la matière.

Le rapport d’information, fait au nom de la mission d’information sur le fonctionnement et l’organisation des fédérations sportives, que présidait Jean-Jacques Lozach, pointait très justement le besoin de maintenir la délégation de service public de l’État aux fédérations, un statut qui, de fait, leur impose un devoir de neutralité.

Au contraire, l’architecture de la politique publique en matière de sport, notamment bousculée par la création de l’Agence nationale du sport, architecture d’essence anglo-saxonne, de même que votre volonté, mes chers collègues, que les fédérations bénéficient du principe de liberté associative que vous invoquez lorsqu’il est question de parité, tout cela risque de nous priver d’outils pour défendre et promouvoir la laïcité.

Madame la ministre, tout en disant cela, j’affirme aussi que ce texte ne permettra pas de relancer notre politique sportive, pas plus qu’il ne permettra d’augmenter la pratique du sport, alors que la crise sanitaire le nécessite.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis amer de devoir, hélas ! constater un manque de jeu collectif, alors qu’avec ce texte nous était offerte la possibilité de donner enfin au sport un nouveau souffle.

Après une commission mixte paritaire non conclusive pour de mauvaises raisons – laïcité, organisation de la parité dans les instances fédérales et les organes régionaux, nombre de mandats des présidents de fédération –, je veux dire, au nom du groupe Union Centriste que je représente aujourd’hui, notre profond regret de voir un nombre important des avancées que nous proposions être littéralement balayées par la nouvelle lecture de l’Assemblée nationale : plus de trente mesures !

Ce sont autant d’améliorations apportées par le Sénat qui n’ont même pas eu la chance d’être discutées après un important travail de la commission et du rapporteur qu’il faut saluer.

Ces avancées étaient pourtant nombreuses et répondaient à la fois aux approximations et aux vides de la proposition de loi.

Ces avancées concernaient le modèle économique du sport, avec la possibilité offerte aux ligues professionnelles de créer, de façon particulièrement sécurisée, une société commerciale, ou le sport en entreprise, à l’école et dans l’enseignement supérieur. Elles portaient sur la gouvernance des instances fédérales en garantissant un renouvellement qui ne les déstabilise pas. Elles permettaient la création d’une charte du bénévolat, le soutien aux sportifs de haut niveau dans leur reconversion, l’intégration du sport dans le champ des compétences obligatoires des conférences territoriales de l’action publique. Et il en reste bien d’autres encore.

Les députés ont même retoqué le retour au droit à l’image collective des joueurs,…

M. Claude Kern. … sujet sur lequel un groupe de travail a planché pendant plusieurs mois à la demande du Président de la République et que nous avions inscrit dans le texte.

Alors que nous avions, par des propositions et des ajustements pragmatiques, permis de développer un cadre d’organisation renouvelé, un accès aux équipements sportifs objectif, une vision des projets sportifs territoriaux affinée, les députés ont choisi de revenir sur ce travail constructif, que nous avions mené avec les acteurs du milieu sportif et qui avait abouti à des propositions ciselées.

Évidemment, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite d’exister et permet d’apporter des évolutions bienvenues. Toutefois, la plupart des dispositions correspondent à des ajustements et ne traduisent pas une vision renouvelée de la place du sport dans la société.

Nous proposions d’enrichir significativement ce texte et d’en élargir la portée conformément à son intitulé, de le doter d’une ambition qui lui manquait cruellement et, ainsi, à défaut d’une grande loi Sport et société à l’aube d’un nouveau quinquennat et des prochains jeux Olympiques et Paralympiques, d’ancrer une approche ambitieuse de la politique sportive de demain.

Malheureusement, l’Assemblée nationale a retenu une vision exiguë. Plus grave, certains autres sujets, pourtant cruciaux, comme le bénévolat, restent in fine aux abonnés absents de cette proposition de loi, alors que nous avions prévu une charte nationale afin de le promouvoir et de l’accompagner.

Encore une fois, comme nous le rappelons régulièrement, le sport reste malheureusement le parent pauvre des politiques publiques.

Aussi, nous ne pouvons qu’acter la fin de non-recevoir que nous oppose l’Assemblée nationale, qui aura le dernier mot, ainsi que les manques saillants de cette proposition de loi, que nous avons dénoncés et face auxquels nous avons développé des solutions efficaces, qu’il s’agisse du financement des mesures, de la faisabilité des dispositifs proposés, notamment aux collectivités territoriales, ou de l’effectivité des ambitions du Gouvernement.

En conclusion, madame la ministre, je constate qu’en tant qu’arbitre vous n’avez malheureusement pas fait appel à l’arbitrage vidéo pour valider l’essai de l’équipe du Sénat, essai que nous souhaitions transformer avec l’appui de l’Assemblée nationale. De ce fait, le groupe Union Centriste votera la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l’on aurait pu attendre d’un texte sur le sport qu’il soit fédérateur, l’échec de la commission mixte paritaire nous conduit à examiner en nouvelle lecture la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.

Cet examen devrait toutefois être écourté si la motion tendant à opposer la question préalable venait à être votée, procédure que le groupe RDSE regrette, comme à chaque fois.

Il faut cependant reconnaître qu’il existe plusieurs points de divergence, pour ne pas dire de crispation, entre les deux majorités parlementaires.

Disons-le clairement : ce sont les dispositifs qui renvoient à des questions sociétales qui posent le plus de problèmes. Doit-on tolérer le port de signes religieux ostentatoires dans les événements sportifs ? Doit-on forcer la féminisation de la gouvernance sportive ? Doit-on faire entrer la problématique de l’identité de genre dans les stades et les gymnases ? Quelle limitation dans le temps aux mandats des dirigeants de fédération ?

Certains des articles votés dans la rédaction de l’Assemblée nationale conviennent à mon groupe, qui reste fidèle à ses valeurs. Je pense à la féminisation des instances dirigeantes des fédérations, qu’il faut forcer afin que la parité soit rapidement la règle.

La non-discrimination de genre pour l’accès aux activités sportives me semble également aller dans le sens des évolutions sociétales attendues.

De même, mon groupe a souhaité, par un amendement, le rétablissement de la limitation dans le temps du nombre de mandats des dirigeants de fédération. Nous approuvons en effet cette mesure rétablie par l’Assemblée nationale. Il s’agit de se rapprocher des usages en cours : certaines fédérations, comme la Fédération française de rugby, limitent déjà à deux le nombre de mandats que peut exercer un président.

On doit encourager ce mouvement, car le renouvellement des cadres peut permettre de résoudre des problèmes de gouvernance et donner un nouveau souffle à la vie de la fédération en cas d’immobilisme.

Sur l’interdiction des signes religieux ostensibles pour la participation aux événements sportifs et aux compétitions, la majorité du groupe RDSE trouve regrettable que l’Assemblée nationale n’ait pas conservé cette mesure sous prétexte qu’elle s’articulait mal avec la loi confortant le respect des principes de la République, qui prévoit la souscription d’un contrat d’engagement républicain.

Mes collègues jugent peu convaincant cet argument de forme, au regard de l’enjeu de laïcité, qui ne doit souffrir aucune faiblesse, dans le sport comme ailleurs.

Pour ma part, à titre personnel, je partage l’avis des députés sur la question, considérant que le sport est un outil puissant d’émancipation et qu’il n’est pas souhaitable d’en exclure certains par des considérations d’ordre religieux.

Au-delà de ces sujets sensibles, je rappellerai que le groupe RDSE est globalement favorable à cette proposition de loi. Nous souscrivons en effet à ses mesures phares, que ce soit celle qui consiste à favoriser l’accès aux activités physiques par une optimisation des équipements sportifs publics existants ou celle qui vise à amplifier la stratégie sport-santé, notamment au travers du développement de l’activité physique adaptée.

Mes chers collègues, nous voterons donc ce texte, si toutefois il parvient à franchir sa course d’obstacles, ce qui est peu probable, malheureusement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’ambition de ce texte, celle qui a guidé les travaux conduits par le Sénat depuis le mois de septembre 2021, était de démocratiser le sport dans notre pays. Force est de constater que le Grand Soir du sport attendra. De nombreux obstacles resteront à lever : ils sont d’ordre financier, territorial, social, institutionnel, mais également matériel et logistique avec les problématiques majeures des équipements et des mobilités.

Grand absent, le bénévolat, pierre angulaire du mouvement sportif, entraîné dans une crise qui s’enkyste, aurait mérité d’être défendu. Souhaitons que la motivation de nos bénévoles, acteurs incontournables de la nouvelle organisation du modèle sportif et de sa déclinaison territoriale, puisse conserver toute sa vigueur.

Toutefois, l’approche pragmatique adoptée pour cette proposition de loi, faite de petits pas résolus, aura permis d’appréhender des domaines régulièrement négligés, voire relégués, au premier rang desquels la relation entre les établissements scolaires et les clubs, la place des activités physiques et sportives (APS) et des activités physiques adaptées (APA) au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ou bien encore la sécurisation et la reconnaissance des maisons sport-santé.

Cette approche pragmatique aura permis d’importantes avancées : parité stricte, renouvellement accéléré des exécutifs, élargissement du corps électoral pour l’élection aux présidences des fédérations, transparence et responsabilisation renforcées à l’endroit des acteurs concernés, possibilité d’allonger à cinq ans le premier contrat professionnel, possibilité offerte à toutes les ligues professionnelles de créer une société commerciale.

Je suis convaincu qu’un accord entre les deux assemblées aurait pu être trouvé au cours de la navette, sans que des mesures verticales et régressives s’immiscent dans les débats et les vicient, au premier rang desquelles l’interdiction du port des signes religieux dans les compétitions et événements sportifs.

Nous ne pouvons pas, dans certains cas, prôner la défense de la liberté associative et l’autonomie du mouvement sportif, voire d’un partenariat mixte public-privé – comme pour la charte du respect des principes républicains relevant de l’Agence nationale du sport, c’est-à-dire d’un groupement d’intérêt public (GIP) –, tout en cherchant par ailleurs à dessaisir les fédérations sportives des règles qu’elles édictent pour leurs propres compétitions dans le cadre de la délégation accordée par l’État.

Il nous apparaît que le contenu de cette délégation, complétée par le contrat d’engagement républicain, effective au 1er janvier 2022, et préalable à tout agrément ou à toute subvention pour les clubs, est suffisant pour parer au risque de communautarisme. D’ailleurs, le mouvement sportif en général, via le CNOSF, n’a exprimé aucune demande à ce sujet.

Dans ce débat, il est parfois fait référence à la règle 50 de la Charte olympique, laquelle dispose qu’« aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ». Cette règle s’applique précisément aux jeux Olympiques et s’impose à ceux qui participent à leurs épreuves. Sa portée se limite à cet événement et ne saurait d’aucune manière générer de la confusion entre les réglementations d’une ONG internationale, à savoir le Comité international olympique, et le droit français.

Par ailleurs, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République fixe un cadre et impose un certain nombre d’engagements aux associations, notamment celui de « ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ».

Ces engagements portent également sur la liberté de conscience, sur l’égalité et la non-discrimination, sur le respect de la dignité de la personne humaine.

Loin de régler toutes les difficultés, j’en conviens, l’application de ces principes est suffisante dès lors qu’elle est garantie, encadrée et contrôlée avec les moyens humains et financiers nécessaires.

M. Stéphane Piednoir. C’est bien léger, tout cela !

M. Jean-Jacques Lozach. Oui, le sport est une pratique et une éthique, un outil d’intégration républicaine et de mobilité sociale, partout et pour tous, sans distinction de lieu, d’origine ou de croyance. Ses dimensions fraternelles, laïques et solidaires renforcent l’unité nationale d’un pays fondée sur une République une et indivisible.

Ses vertus transparaissent jusqu’à nos équipes nationales, qui sont multiculturelles.

Outil d’éducation et d’inclusion sociale, le sport est également un instrument de lutte contre le racisme, la ségrégation, le prosélytisme communautariste et toutes les formes de discrimination.

Multiplions les postes de coach d’insertion par le sport, accompagnons le mouvement sportif fédéral, témoignons-lui notre confiance, veillons à ne pas amenuiser ses prérogatives, accordons-lui de véritables moyens pour agir efficacement.

L’influence évidente du contexte politique lié à la campagne présidentielle n’a échappé à personne. L’échec de la commission mixte paritaire doublé de cette question préalable affaiblit l’apport qui a été collectivement le nôtre. On le constate à travers la réécriture d’articles qui pouvaient et devaient être consensuels.

Nous le regrettons d’autant plus que les occasions d’un débat législatif sur ce fait social qu’est le sport demeurent exceptionnelles.

Dans une séquence apaisée, nos travaux auraient connu une destinée plus heureuse, livrant une version définitive dans laquelle députés et sénateurs se seraient davantage retrouvés.

Connaîtrons-nous de nouvelles réformes des politiques publiques sportives d’ici aux jeux Olympiques de 2024 ? Rien n’est moins certain, mais l’approche de cette échéance ne saurait paralyser toute initiative en ce sens, le sport n’ayant toujours pas dans notre pays la place qui lui revient.

L’adoption de certains articles ne saurait constituer de simples solutions d’attente ou d’illusoires rideaux de fumée, par exemple l’application des APS à l’école ou le financement du sport sur ordonnance.

Une vision ambitieuse de l’héritage olympique, par-delà la qualité de l’organisation, le nombre de médailles obtenues ou les fluctuations du nombre de pratiquants, intégrera des réalités extérieures à cette proposition de loi elle-même.

L’évolution du cadre budgétaire, avec un « choc » dans les moyens alloués, l’application consolidée et pérennisée du Pass’Sport, un alignement du sport féminin et du handisport sur les autres catégories d’acteurs, la modernisation des équipements sportifs structurants ou le déploiement de l’emploi sportif sont autant d’ingrédients concourant à faire ou non de la France une nation sportive.

Enfin, n’intervenant pas dans la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable, je précise que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre cette dernière. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Madame la ministre, je comprends votre déception : vous l’avez exprimée comme chaque homme ou chaque femme politique a le droit de le faire et de le dire avec ses mots.

En effet, madame la présidente, mes chers collègues, quel gâchis ! Ce soir, l’essai n’est pas transformé par le Sénat. La motion tendant à opposer la question préalable déposée par le rapporteur nous prive aujourd’hui d’un nouveau débat sur un texte pourtant positif, important et attendu par le monde sportif, un texte en réalité très collaboratif, d’autant que l’on pouvait se réjouir des nombreux apports du Sénat en première lecture.

Je pense d’abord à l’inscription dans la loi des maisons sport-santé, permettant ainsi d’assurer leur pérennité comme leur financement.

Je pense également à l’activité physique quotidienne dans chaque école primaire, à l’inscription de l’aisance physique aquatique dans les programmes d’éducation physique et sportive.

Je pense enfin à d’autres apports, tels que la réaffirmation du rôle de la fédération délégataire dans la société commerciale, de nouvelles dispositions relatives à la sécurité dans les stades ou encore la possibilité pour une entreprise d’inscrire le sport comme sa raison d’être, au même titre que les enjeux sociaux et environnementaux – amendement que j’ai défendu en séance voilà un mois.

Autant d’apports dont le Sénat pouvait, à juste titre, être fier, mais c’était sans compter l’épineuse question du port de signes religieux dans les compétitions sportives, sujet clivant introduit par un amendement de la majorité sénatoriale, laquelle tombe le masque chaque jour un peu plus. En réalité, ce sujet est à mille lieues des objectifs initiaux du texte. Rien ne justifie une telle manœuvre et une telle obsession politiques.

Que nous en débattions, comme le fait la société, bien sûr ! Encore faut-il se demander dans quel cadre et à quelle occasion.

La question de l’interdiction des signes religieux dans les compétitions sportives n’a pas sa place dans cette proposition de loi.

M. Stéphane Piednoir. Ce n’est jamais le moment !

M. Didier Rambaud. Ce n’était pas son objet, ni après son adoption par l’Assemblée nationale ni après son examen en commission avant qu’elle ne soit débattue en première lecture au Sénat, d’autant plus que le contrat d’engagement républicain, voté dans le cadre de la loi confortant le respect des principes de la République, est dorénavant encadré par un décret pris au mois de décembre 2021.

M. Stéphane Piednoir. C’est large…

M. Didier Rambaud. Je précise également que la lettre de la Charte olympique reste fidèle à son esprit d’ouverture. Nul ne peut donc affirmer que rien n’est fait sur ce sujet, sauf à faire preuve mauvaise foi.

En cette période de jeux Olympiques, je vous invite à relire les principes fondamentaux de l’Olympisme tels qu’ils y sont définis. Ainsi, le principe 4 édicte que « chaque individu doit avoir la possibilité de faire du sport sans discrimination d’aucune sorte » et le principe 6 dispose que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Charte olympique doit être assurée sans discrimination d’aucune sorte, notamment en raison de la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

En réalité, ce que vous venez de faire se résume à du gâchis parlementaire, voire à du saccage législatif. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. C’est le Gouvernement qui saccage !

M. Didier Rambaud. Que de temps perdu pour en arriver là ! Pensez à toutes ces heures d’auditions, de commission, de débats en première lecture : tout ce travail pour un tel résultat !

Mes chers collègues, au sein du groupe RDPI, nous regrettons ce triste gâchis qui en dit long sur les obsessions actuelles de la majorité sénatoriale, à l’aube de la période électorale que nous vivons. (Mêmes mouvements.)

Mes chers collègues du groupe Les Républicains, votre prétendue ligne rouge n’est en fait qu’un leurre politique, qui fait parfois mouche, comme nous l’avons vu ces derniers jours. En atteste le fait que c’est la seule question du port du voile qu’ont semblé retenir les quelques médias qui ont parlé de ce texte, pourtant riche en dispositions, par exemple le développement de la pratique sportive, sa démocratisation ou la gouvernance du sport.

Ce gâchis empêche donc notre assemblée de jouer son rôle et de délibérer ce soir. Le Sénat offre un bien triste visage, celui d’une assemblée sclérosée et d’une majorité obnubilée par ses fantasmes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, GEST et RDSE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans un sprint échevelé, alors que nous abordons la dernière ligne droite, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur le seul texte du quinquennat consacré à la pratique du sport pour tous. Tout arrive !

Pour démocratiser le sport, il faut évidemment passer d’abord par l’école. Or, au fil des ans, celle-ci a fait de l’éducation physique et sportive le plus petit dénominateur commun de la culture physique. En cultivant sa spécificité, qui est d’être un enseignement, l’éducation physique et sportive s’est progressivement coupée de la réalité sociale et culturelle. En se référant au seul système didactique, elle a occulté un contexte social et culturel en perpétuel mouvement.

Un nouvel âge d’or du sport est ainsi apparu sans que l’éducation physique et sportive, trop préoccupée par sa reconnaissance scolaire, puisse s’y référer, autant dans ses contenus que dans ses démarches.

Il était donc grand temps de faire quelque chose.

Je souscris entièrement à l’analyse qu’a faite de ce texte notre rapporteur Michel Savin. Au passage, je tiens à saluer l’énergie insondable, les trésors de diplomatie et de patience qu’il a déployés afin de tenter de parvenir à une commission mixte paritaire conclusive. Malheureusement, l’aveuglement du Gouvernement et d’une partie de nos collègues députés a partiellement ruiné le travail collectif qu’il avait su mener.

M. Jean-Raymond Hugonet. Néanmoins, permettez-moi tout d’abord de saluer les nombreuses dispositions encourageant le développement du sport-santé en France. Notre pays comprend et reconnaît enfin que la pratique d’activités sportives contribue au bien-être et à la santé. Là aussi, il était grand temps !

Si les intentions du Gouvernement sont louables, force est toutefois de reconnaître que, comme d’habitude, les moyens alloués pour atteindre cet objectif de démocratie sportive sont incertains.

Ainsi, l’élargissement des conditions pour accéder au sport sur ordonnance suppose, comme le soulignait déjà l’Association des maires de France l’année dernière, que les collectivités puissent disposer d’outils leur permettant de développer une offre d’équipements de sport-santé. Or aucun véritable accompagnement sérieux n’est prévu pour la mise en œuvre du dispositif dans les territoires.

La démocratisation du sport en France, selon ce texte, doit passer par de nouvelles contraintes. Sur qui celles-ci pèseront-elles principalement, mes chers collègues ? Sur les collectivités territoriales, au moment où elles sont exsangues !

Comment parler démocratisation du sport en France sans parler des principes de notre République ? Source de bien-être et de lien social, outil d’éducation et de dépassement de soi, support d’événements locaux, nationaux et internationaux, le sport constitue un fait social complet, qui ouvre sur une pluralité de questions sensibles de la société française. La laïcité, l’intégration et le vivre-ensemble comptent parmi les plus importantes d’entre elles.

C’est précisément dans cet esprit que notre collègue Stéphane Piednoir a déposé en première lecture un amendement tendant à interdire le port du voile dans les compétitions sportives nationales, amendement, je le rappelle, cosigné par plus de soixante-dix sénateurs de notre groupe et adopté en séance publique.

Nous avons tenté de réécrire cette disposition en commission mixte paritaire. Finalement, après un âpre débat interne montrant que la question était bien centrale et sensible, le Gouvernement et les députés La République en Marche ont décidé de renoncer.

Ce renoncement symbolise le grand écart entre le discours des Mureaux du mois d’octobre 2020, où le Président de la République dénonçait la radicalisation, semblant vouloir s’attaquer au séparatisme islamiste, d’une part, et les actes, d’autre part.

Pour se défendre de tout laxisme, le Gouvernement et sa majorité nous renvoient au contrat d’engagement républicain, dont nous savons tous ici qu’il ne s’agit que d’un crocodile empaillé. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la ministre, vous nous indiquez que le Gouvernement agit. En réalité, c’est un discours de plus, qui ne se traduit pas en actes, ce sont des éléments de langage creux qui font sourire ceux qui souhaitent la dislocation de notre Nation.

Que vous le vouliez ou non, les fédérations et les clubs sont dans une insécurité juridique sur ce sujet. Certains ont même peur de le dire publiquement.

Le comble de la malhonnêteté intellectuelle est atteint lorsque certains nous objectent qu’avec cette mesure on exclurait certaines femmes de la pratique sportive. Quelle honte !

Bien au contraire : le but est de permettre à toutes les femmes de participer aux compétitions sportives, sans différenciation, sans aucun signe de discrimination, sans aucune forme de sexisme.

M. Jean-Raymond Hugonet. Le voile, nous le savons toutes et tous ici, est un outil politique. Un point c’est tout !

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. Jean-Raymond Hugonet. Comment pouvez-vous sérieusement prétendre démocratiser le sport en France en continuant obstinément de nier cette triste évidence ? Tout cela ne pourra pas durer bien longtemps, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à démocratiser le sport en France
Question préalable (fin)

Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Savin, au nom de la commission, d’une motion n° 7.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à démocratiser le sport en France (n° 477, 2021-2022).

La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.

M. Michel Savin, rapporteur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion, lors de la discussion générale, d’insister sur les nombreuses dispositions qu’a ajoutées le Sénat et qui ont été maintenues par les députés. J’ai aussi regretté que d’autres dispositions n’aient pas été conservées.

Je le redis, néanmoins : l’économie du texte, tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale après sa première lecture, ne faisait pas obstacle à ce que nous parvenions à un accord, y compris sur les questions relatives à l’application de la parité intégrale et au renouvellement des dirigeants. Si nous sommes aujourd’hui dans l’impossibilité de trouver cet accord, c’est parce que nous ne partageons pas la même vision quant à la place de la laïcité dans le sport, donc dans la société.

Mes chers collègues, certains ont, tout à l’heure, mis en avant le fait que nous étions proches d’une élection importante, l’élection présidentielle. Je tiens à rappeler que le débat que nous avons aujourd’hui, nous l’avons déjà eu il y a quelques mois, lorsque nous avons examiné et voté le projet de loi confortant le respect des principes de la République : nous avions déjà déposé un amendement sur la question de la laïcité dans le sport. Nous ne nous sommes pas calés sur le calendrier électoral pour parler de ce sujet !

Depuis plusieurs mois, les incidents se sont multipliés sur les terrains, avec des tentatives répétées pour faire prévaloir des principes religieux sur les principes républicains.

Des associations proches des mouvements islamistes exigent aujourd’hui que les sportives puissent porter le hidjab, y compris dans des compétitions officielles.

Votre collègue Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, défend « le droit de porter le voile […] pour jouer », avec un argument curieux : « La loi dit que ces jeunes filles peuvent porter le voile et jouer au foot. »

C’est justement pour préciser le droit applicable que le Sénat a adopté, dans le cadre de cette proposition de loi visant – je le rappelle – à démocratiser le sport en France, un amendement tendant à interdire le port de signes religieux ostensibles.

Comme l’ont rappelé plusieurs collègues, en commission mixte paritaire, les députés de la majorité nous ont fait part de leur crainte que cette rédaction ne soit problématique quand il s’agira d’accueillir de grandes compétitions internationales, comme les jeux Olympiques et Paralympiques, et ne compromette les événements sportifs à vocation sociale.

Le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Laurent Lafon, et moi-même avons entendu ces deux arguments. C’est pourquoi, dans le cadre de la commission mixte paritaire, nous avons proposé aux députés une nouvelle rédaction qui limitait l’interdiction de porter des signes religieux ostensibles aux seules compétitions concernant les licenciés français organisées par les fédérations françaises. Notre amendement visait également à instituer une démarche de dialogue directement inspirée de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

Nous avons reçu un refus très clair des députés de La République en Marche, qui ont avancé les mêmes arguments que ceux qui étaient utilisés par les opposants à la loi du 15 mars 2004 : refus d’exclure, refus de stigmatiser une religion, déni de la réalité concernant les stratégies d’entrisme des mouvements islamistes, minimisation des incidents.

Cette approche communautariste du sport n’est pas la nôtre. Elle constitue par ailleurs une véritable source d’inquiétude. Le sport est-il devenu sous ce quinquennat la porte d’entrée des islamistes dans l’école publique ? (M. Thomas Dossus sexclame.)

Comment, en effet, justifier une application différente du principe de laïcité entre le sport fédéral et le sport scolaire ?

Dans les mêmes disciplines, sur les mêmes terrains de sport ou dans les mêmes gymnases, de jeunes filles pourraient ainsi porter ou non un hijab selon que les entraînements et les compétitions sont organisés soit par les encadrants d’un club, soit par les enseignants scolaires. Non seulement le développement de cette situation sera source d’incompréhensions et de conflits, mais on ne voit pas bien comment elle pourrait être tenable juridiquement.

Madame la ministre, le refus de votre gouvernement de défendre la laïcité dans le sport ouvre en réalité une brèche vers une possible remise en cause de la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école.

Notre désaccord sur ce sujet est donc fondamental.

Alors que la société française n’a jamais été autant divisée, nous pensons, au Sénat, que le moment est venu de réaffirmer l’existence de lieux où règne la plus grande neutralité.

Depuis toujours, le sport a été l’occasion de rassembler les jeunes de toutes origines, de toutes croyances, de tous les milieux sociaux.

M. Thomas Dossus. C’est vrai !

M. Michel Savin, rapporteur. C’est un fait nouveau qu’il est devenu un lieu de revendications et d’affirmation pour une idéologie qui ne prône pas l’égalité entre les hommes et les femmes.

Ce n’est donc pas le moindre des paradoxes que de défendre, comme vous le faites, madame la ministre, la parité intégrale dans les instances de direction des fédérations sportives, tout en vous désintéressant du sort des jeunes filles qui sont menacées dans le sport par des idéologies obscurantistes.

À l’heure où s’achève ce quinquennat, dont le bilan en matière de sport – comme dans bien d’autres secteurs – se révèle bien faible, nous aurions aimé que vous vous préoccupiez autant du sport d’en bas que du sport d’en haut, de la réalité que connaissent nos clubs sur le terrain autant que de certaines mesures d’affichage décidées sans dialogue avec le mouvement sportif.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est pas inutile. Grâce au Sénat en particulier – nous l’avons tous souligné –, elle comprend de nombreuses dispositions techniques qui répondront à certains problèmes identifiés.

Permettra-t-elle de développer le sport en France, comme le prétend son intitulé ? On peut en douter puisqu’il n’y a pas de crédits nouveaux mobilisés en ce sens.

Le budget du sport pour tous n’a pas véritablement augmenté au cours de ce quinquennat, si l’on fait abstraction du financement des jeux Olympiques et Paralympiques, de quelques jeux d’écriture comptable et du Pass’Sport qui est d’abord un dispositif social.

Comment développer le sport sans lancer un programme ambitieux de rénovation des installations sportives locales, qui sont devenues particulièrement vétustes ?

Comment développer le sport en fragilisant notre réseau de conseillers techniques sportifs, les CTS, après avoir essayé de supprimer cet outil précieux pour les fédérations ?

Comment développer le sport, enfin, en laissant les courants religieux les plus hostiles aux valeurs républicaines mettre à bas les fondements de notre société laïque ?

Jusqu’à il y a peu, le sport était considéré comme une solution pour aider à l’intégration, à la diffusion de valeurs positives comme le respect des règles et le dépassement de soi.

Avec votre gouvernement, madame la ministre, le sport est devenu un nouveau champ de bataille sur lequel reculent nos valeurs républicaines, avec la bénédiction de certains de vos collègues.

Dans ces conditions, madame la ministre, il était important pour nous de dénoncer cette situation et d’en appeler à une action vigoureuse pour redonner toute leur force aux principes républicains, y compris dans le sport et en particulier au travers de ce texte. C’est le sens de cette motion tendant à opposer la question préalable que la commission a adoptée et qu’elle propose aujourd’hui au Sénat d’adopter à son tour. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, contre la motion.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, démocratiser le sport, tel était l’objectif du texte et de notre débat aujourd’hui.

Soulignons d’abord qu’il est tout de même paradoxal que notre assemblée se voie privée d’un débat sur la démocratie par une motion tendant à opposer la question préalable. Accuser le Gouvernement et sa majorité de dogmatisme, en nous privant d’un débat approfondi avec eux, est un argument audacieux, mais soit…

Essayons de comprendre pourquoi la droite sénatoriale refuse, en réalité, le débat. Nous avons compris qu’il n’existait qu’un seul point de clivage réel, mais je vais tout de même m’appuyer sur l’exposé des motifs de cette motion. Celui-ci nous en dit beaucoup sur la vision de la démocratie dans le sport soutenue par ses auteurs, ainsi que sur leur vision de la démocratie tout court.

Procédons dans l’ordre.

Tout d’abord, citons la volonté d’assouplir la limitation de cumul des mandats dans le temps pour les présidents de fédérations sportives.

Le motif invoqué est le suivant : aucune interdiction similaire n’existe dans une loi pour d’autres types d’associations. Rappelons que les différentes fédérations sont liées à l’État par un certain nombre d’obligations. Il nous appartient donc d’en garantir le fonctionnement démocratique.

On a souvent parlé ici d’une perte d’engagement, d’un manque de volontaires, d’une désaffection des bonnes volontés dans le mouvement sportif. Si nous souhaitons susciter des vocations pour les fonctions de direction, ouvrons les fenêtres, renouvelons et, pour cela, fixons un cadre qui donne des perspectives à tout le monde.

Mes chers collègues, sans perspective de renouvellement, comment encourager l’afflux de bénévoles ?

Démocratie et confiscation du pouvoir ne font pas bon ménage. Démocratiser le sport passait donc bien par un cadre législatif clair – cadre dont nous aurions aimé débattre de nouveau aujourd’hui.

Ensuite, c’est sur la parité, second grief, que la commission mixte paritaire a échoué. Comment rééquilibrer la place des femmes dans les instances sportives et, surtout, à quel rythme ?

Cette question a beaucoup occupé nos débats en première lecture. Un argument imparable a été entendu et répété sur les travées de la droite de notre hémicycle : la parité, c’est compliqué. C’est le même argument qui a été entendu dans les années 1990, lors des débats sur la parité en politique !

En première lecture, nous avons assisté aux mêmes atermoiements, entendu mentionner les mêmes difficultés insurmontables et reçu les mêmes mises en garde sur la rapidité d’une mesure qui déstabiliserait des institutions bien établies, c’est-à-dire établies par des hommes, peu pressés que cela change….

Le sujet est important et vous-même, monsieur le rapporteur, avez fait état d’une position qui aurait pu bouger en commission mixte paritaire.

Vous souhaitez pourtant nous priver de ce débat essentiel aujourd’hui. C’est regrettable.

Cette motion aborde enfin un autre sujet. À l’inverse du précédent, celui-ci n’a pas soulevé de grands débats durant la première lecture, mais il fait ici l’objet d’un paragraphe à lui tout seul : la lutte contre les discriminations. Il s’agit plus précisément d’une expression en particulier qui suscite dans cet hémicycle des réactions épidermiques dès lors qu’elle est prononcée ou écrite : je parle de l’identité de genre.

Replaçons les choses dans leur contexte.

Le texte de l’Assemblée nationale précise que « la loi favorise un égal accès aux activités physiques et sportives, sans discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, l’appartenance, vraie ou supposée, à une nation ou à une ethnie, la religion, la langue, la condition sociale, les opinions politiques ou philosophiques ou tout autre statut ». Du fait de la présence de ce seul mot, le « genre », mes chers collègues, vous êtes prêts à renier la lutte contre toutes les autres discriminations, quelles qu’elles soient, tout en rejetant cet article et le texte en entier.

Comme nous avons pu le voir dans d’autres débats, la notion d’identité de genre provoque chez vous la même détestation que le mot « wokisme ». C’est dire ! Toutefois, elle présente une différence de taille avec le wokisme : oui, l’identité de genre est une réalité ; non, les individus ne sont pas assignés au sexe de leur naissance ; oui, ce décalage génère de nombreuses discriminations dans toute la société, y compris dans le monde du sport.

Certes, la lutte contre les discriminations liées à l’identité de genre dans le sport soulève un certain nombre de questions légitimes, dont nous aurions aimé débattre. Vous souhaitez nous priver de ce débat aujourd’hui. Nous le regrettons.

La dernière question qui fait office de point de blocage symbolique et – nous l’avons bien vu – plutôt politicien avec le Gouvernement est évidemment la question de la participation de femmes musulmanes voilées dans les compétitions sportives. C’est en tout cas la présentation que vous en faites, puisque l’amendement que vous aviez voté visait en réalité à interdire le port de tout signe religieux ostensible dans les compétitions.

Cependant, vous ne vous en cachez pas, vous ne souhaitez pas cibler les joueurs qui se signent avant un match ou qui affichent leurs croyances autrement, par exemple avec des tatouages. Non, ce sont bien les sportives voilées que vous ciblez.

Mes chers collègues, nous avons dans notre pays un joyau juridique : la loi de 1905. Elle est assez simple et robuste. Elle garantit une liberté, celle de croire ou de ne pas croire. Elle n’est pas une arme tournée contre les religions. Elle ne doit pas le devenir, tout comme elle ne doit pas être instrumentalisée. Veillons donc à son strict respect.

Aujourd’hui, vous l’utilisez comme un outil de stigmatisation contre les sportives musulmanes.

La lutte contre l’intégrisme a bon dos. Pensez-vous réellement que les talibans soient de fervents supporters de football féminin ? Le destin tragique des sportives afghanes devrait vous faire relativiser vos postures. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Où étaient vos protestations lorsque Nicolas Sarkozy pesait de tout son poids politique pour l’attribution de la Coupe du monde au Qatar wahhabite ? (Exclamations sur les mêmes travées.)

En réalité, rappelons-le : utiliser la laïcité pour assigner des femmes musulmanes à résidence et les priver de terrain de sport constitue un dévoiement terrible de la loi de 1905.

La loi de 1905 les protège à la fois de ceux, comme vous, qui ne souhaitent pas les voir sur un terrain de football en raison de leur croyance, et de ceux qui les obligeraient à pratiquer le sport voilées. C’est la grandeur de cette loi, qui garantit leur liberté contre toute forme d’assignation.

En vous arc-boutant sur cette mesure, c’est vous qui incarnez la police des vêtements. C’est vous qui dites aux femmes ce qu’elles doivent porter ou non. Vous vous moquez de l’émancipation de ces femmes. Ce qui vous intéresse, c’est de mettre au ban une religion et ses pratiquantes.

Nous considérons, nous, que le sport est un vecteur d’émancipation et d’inclusion. Il ne doit pas être un facteur de division. Nous aurions aimé en débattre, vous souhaitez nous le refuser. Nous le regrettons.

Des dirigeants inamovibles, moins de parité, moins de femmes sur les terrains : en résumé, mes chers collègues, la vision de la démocratisation du sport soulevée par cette motion tendant à opposer la question préalable n’est pas la nôtre. Je refuse de voir un débat démocratique amputé pour des motifs aussi fallacieux. Je vous propose donc de voter contre cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable, car elle s’oppose à tous les objectifs de cette proposition de loi ambitieuse qui vise à démocratiser le sport en France en développant la pratique sportive pour le plus grand nombre de nos concitoyens, en renforçant le débat démocratique dans les fédérations et en sécurisant les outils économiques à disposition des organisateurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à la tribune, j’ai rappelé toutes les avancées que vous avez adoptées dans ce texte. Je ne peux que regretter que vous votiez contre elles.

Monsieur le rapporteur, cette motion m’étonne, puisqu’elle est contraire à tout ce que vous avez défendu lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat en première lecture.

Nous ne sommes pas dupes.

J’ai bien compris, par vos rappels au règlement, que vous feignez de ne pas avoir saisi la teneur de mes propos. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) C’est votre droit, et votre devoir démocratique sans doute, que de remettre le sujet des signes religieux dans le débat. Toutefois, je le confirme : conditionner votre travail et votre engagement pour le sport à cela, c’est dommage. C’est dommage pour vous et pour le sport.

Dans l’exposé des motifs de la motion tendant à opposer la question préalable, monsieur le rapporteur, vos contradictions sont nombreuses.

Vous évoquez le respect de la liberté associative et de l’autonomie du mouvement sportif, quand le Sénat a lui-même intégré plusieurs dispositions contraignantes pour les fédérations et les ligues professionnelles.

Vous évoquez la baisse de l’ambition relative au sport-santé, alors que les maisons sport-santé sont désormais inscrites dans la loi et qu’en revanche vous aviez refusé l’élargissement de la prescription d’activités physiques adaptées (APA) aux personnes en perte d’autonomie – sans véritable autre motif qu’une opposition stérile au Gouvernement.

Vous faites état d’un questionnement sur l’égal accès au sport, alors que ce texte renforce précisément les outils de lutte contre toutes les formes de discrimination, même celles que vous rejetez ardemment, mais qui n’en existent pas moins, monsieur le rapporteur.

Enfin, vous évoquez l’absence de disposition interdisant le port de signes religieux ostensibles lors des compétitions sportives, un sujet qui a été – comme je l’ai précisé lors de mon intervention – très largement débattu et nettement tranché par le Parlement il y a six mois.

Notre position est très claire. Nous luttons contre le séparatisme dans le sport, comme jamais auparavant. Nous sommes pour la laïcité dans le sport, car nous sommes respectueux des libertés individuelles, nous sommes respectueux de la loi et nous sommes respectueux de la Constitution. Nous sommes pour la neutralité des agents de service public et des délégataires de service public.

On ne peut pas être plus clair ! C’est vous qui ne l’êtes pas. Vous confondez à loisir laïcité et neutralité, signe de religiosité et signe de communautarisme, séparatisme et radicalisation. Notre gouvernement ne se trompe pas de cible ni de combat. Mme Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté, l’a encore rappelé hier : notre ennemi est l’islamisme radical, non l’islam. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.

M. Dany Wattebled. Nous sommes en nouvelle lecture. Nous avons fait des propositions en première lecture, et nous voyons revenir un texte dont tous les apports du Sénat ont été retirés.

Ce texte aurait pourtant pu être une belle loi. Le sport n’est pas négligeable, il est au contraire important pour nos concitoyens.

J’avais toutefois déjà un premier motif de rejet à son endroit, qui tenait à la possibilité, pour les ligues professionnelles de football, de créer une société commerciale. Cette disposition risquait d’entraîner encore davantage le sport sur un terrain financier.

À entendre les uns et les autres, il n’est pas question de toucher à la laïcité. Or j’ai l’impression que l’on n’a pas conscience du pied qui est en train de se glisser dans la porte, puisque l’on n’interdit pas le port de signe religieux dans les associations sportives. Je parle des signes religieux dans leur globalité, je ne suis ni d’un côté ni de l’autre.

Que direz-vous demain à un éducateur sportif quand, à l’école, les enfants pourront faire ce qu’ils veulent ? C’est la porte ouverte à toutes les possibilités, comme cela s’est un peu produit par le passé lorsque nous avons tergiversé sur l’interdiction du port du voile.

Ce sujet est important. Soit on est pour un État laïc, en dehors de toute considération religieuse, et la laïcité a la primauté dans notre pays, soit on laisse faire.

Cette motion tendant à opposer la question préalable est importante, car nous ne devons pas ouvrir la voie à un laisser-aller, à une faiblesse d’État, consistant à considérer que les signes religieux peuvent être affichés en tel ou tel endroit – dans la piscine aujourd’hui, pourquoi pas ailleurs demain ?

Il faut être intransigeant. C’est pourquoi je voterai pour la motion tendant à opposer la question préalable. (M. Claude Kern applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour explication de vote.

Mme Béatrice Gosselin. Malgré un accord sur de nombreux articles de cette proposition de loi, nous ne sommes pas parvenus à une rédaction commune en commission mixte paritaire sur la question essentielle de l’interdiction du port de signes religieux ostensibles lors des compétitions sportives.

En effet, la majorité présidentielle de l’Assemblée nationale n’a pas souhaité, lors de l’examen en nouvelle lecture, adopter quelque disposition que ce soit pour renforcer l’application du principe de neutralité dans le sport. Nous regrettons que le Gouvernement continue de nier les difficultés auxquelles sont confrontées les fédérations sportives au nom d’une vision communautariste du sport.

Nous nous devons d’être intransigeants face à la multiplication des entorses à la laïcité, qui sont incompatibles avec l’objectif d’une démocratisation du sport conduite dans le respect des valeurs républicaines.

Cette majorité n’a tout bonnement pas le courage d’agir. Dans notre groupe, nous avons ce courage (Exclamations sur les travées du groupe SER.) et nous voulons porter haut ce message d’égalité entre les femmes et les hommes. Pour nous, le sport est un lieu d’émancipation où la religion n’a pas sa place.

Par ailleurs, ce clivage politique est accompagné du rejet d’un ensemble de dispositions que nous avions introduites afin de développer le sport pour tous.

Enfin, les députés se sont opposés à notre conception pragmatique de la place de la parité et du renouvellement des instances dirigeantes au sein des fédérations.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains estime qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen de cette proposition de loi et souhaite, en conséquence, l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Pour notre part, nous voterons contre cette motion tendant à opposer la question préalable, dont l’exposé des motifs – j’invite mes collègues à le lire très précisément, même s’ils l’ont sans doute tous déjà fait – dénature profondément les enjeux auxquels est confronté le mouvement sportif.

Oui, mille fois oui, il faut défendre et promouvoir la laïcité. Toutefois, les outils existent pour le faire. Il faut les utiliser. Il faut exiger qu’ils soient activés lorsqu’ils ne le sont pas. Il faut former, outiller, épauler l’ensemble des acteurs du mouvement sportif. En revanche, empiler les textes dans une espèce d’hystérisation du débat engendrée par la période ne fera rien avancer sur ce sujet. Au contraire !

On observe également parfois une forme de duplicité sur ce sujet.

J’ai tenté d’expliquer brièvement, Jean-Jacques Lozach l’a fait également, le modèle sportif français et le rôle joué par l’État, garant de notre République. Les délégations de service public en direction des fédérations constituent un outil exceptionnel pour faire face aux phénomènes qui se produisent et que nous ne minimisons pas. Or ce modèle est en train d’être détricoté au profit d’une vision du sport à la mode anglo-saxonne. Ce faisant, la République laïque à laquelle nous sommes tous attachés se trouve fragilisée.

Enfin, je reconnais l’honnêteté de Michel Savin, qui a expliqué que l’amendement relatif au port de signes religieux ostensibles – dans sa version originelle que les membres de la commission mixte paritaire ont voulu corriger – empêcherait bien des femmes cherchant à se libérer, par exemple, du joug des talibans de participer à un certain nombre de compétitions sportives. Or je crois qu’aucune voix ne fera défaut pour les soutenir dans ce combat. Je l’espère, en tout cas. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que le groupe RDSE votera contre cette motion tendant à opposer la question préalable. Voter une telle motion et renoncer ainsi devant l’obstacle ne correspond pas du tout à notre philosophie de dialogue et d’enrichissement des textes par le débat, quels qu’ils soient.

En tant que radical, je me réjouis d’entendre autant parler de la laïcité. Je remercie notre collègue Thomas Dossus d’avoir si bien évoqué la loi de 1905. Je suis également heureux d’avoir entendu parler de laïcité sans que l’adjectif « positive » lui soit accolé et content d’entendre que le prêtre n’est pas supérieur à l’enseignant pour former les enfants. Des progrès ont été accomplis.

En revanche, je ne crois pas que la laïcité consiste à imposer des tenues vestimentaires ou à mettre un carton rouge ou jaune à ceux qui se signeraient en entrant sur le terrain. La sphère publique doit être respectée absolument et de façon intransigeante. Il faut respecter aussi ce que l’on tolère pour tout le monde dans la sphère privée.

Je ne suis pas non plus favorable à une nationalisation du sport ou de toutes les fédérations sportives en France. Au contraire, il faut revendiquer plus de liberté pour elles. Elles ont d’ailleurs la liberté d’imposer des tenues vestimentaires dans certains sports comme le judo ou les arts martiaux, où la longueur des manches répond à des exigences strictes. Il en va de même, madame la ministre, pour les tenues sportives prévues pour se rendre dans les piscines.

Interdire tel ou tel voile reviendrait à faire une très mauvaise lecture de la laïcité. La laïcité, c’est d’abord le respect. Respectons. C’est ainsi que nous la ferons progresser, en l’exigeant dans les services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lozach. À nos yeux, l’amendement concernant le port de signes religieux n’a rien à faire dans ce texte.

S’il est possible de pointer certaines faiblesses, certains manques ou certaines insuffisances de la proposition de loi que nous examinons et de la critiquer, il s’agit d’un texte à visée globale, qu’on le veuille ou non. Il concerne l’ensemble de la problématique sportive, laquelle est tout de même très complexe ! Elle est multiforme, recouvre des pratiques très diverses, des intérêts parfois contradictoires, et connaît parfois des dérives.

N’aborder cette problématique hypercomplexe que par un seul sujet, celui du port de signes religieux ostensibles, constitue une approche pour le moins réductrice et parcellaire ; en l’occurrence, elle est partisane, car très idéologique.

Le contexte l’emporte sur le texte. D’ailleurs, ici, tout le monde le pense, j’en suis sûr, et tout le monde le sait ! Il est évident que, si ce texte avait été examiné en début de quinquennat, les choses se seraient passées très différemment. (Marques de scepticisme sur différentes travées.) Bien sûr, c’est évident pour tout le monde !

Faisons confiance à la vision intégratrice du sport, en particulier à ceux qui, tous les jours – au moment même où nous parlons –, mettent véritablement cette vision en pratique, et dont 95 % sont des bénévoles.

En formulant ces remarques, j’ai vraiment le sentiment d’être aussi un ardent défenseur du sport de la République, de la laïcité et de ses principes, du sport en général et du sport féminin en particulier. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.

Mme Jocelyne Guidez. Je ne pense pas être sectaire. Ce serait malvenu de ma part, puisque, dans ma famille, toutes les religions sont représentées.

J’évoquerai une expérience personnelle. J’ai entraîné les jeunes filles, cadettes et seniors, au basket-ball. Malheureusement, j’ai vu une évolution qui ne va pas dans le bon sens : les jeunes filles sont désormais couvertes des pieds à la tête et refusent d’aller se doucher, car leurs frères leur interdisent de le faire.

M. Laurent Burgoa. Voilà ! Absolument !

Mme Jocelyne Guidez. Je voterai donc cette motion tendant à opposer la question préalable, avec mon groupe, car je pense qu’il faut que cela s’arrête. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne peux pas accepter ce mouvement, qui, je le répète, ne va pas dans le bon sens.

Je suis quelqu’un de sportif, j’ai entraîné des jeunes jusqu’en 2012 – ce n’est donc pas si vieux que cela. J’ai constaté cette évolution malheureuse. Il faut comprendre les raisons de notre réticence.

Je veux que ces jeunes filles aient la liberté de choisir. Cette liberté, elles ne l’ont pas aujourd’hui ! Il faut arrêter de dire le contraire, car ce n’est pas vrai ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.) Leurs frères sont sur leur dos et ce sont eux qui les dirigent.

Pour tout vous dire, au bout d’un moment, comme une certaine gêne se manifestait entre les filles qui jouaient en short et celles qui étaient couvertes des pieds à la tête, ces dernières ne sont même plus venues jouer. Nous ne les avons plus vues. Nous avons perdu ces jeunes filles !

M. Laurent Burgoa. C’est vrai !

Mme Jocelyne Guidez. Je voterai donc cette motion avec grand plaisir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Savin, rapporteur. Je remercie tout d’abord Jocelyne Guidez de son témoignage, qui résume parfaitement la situation que nous rencontrons sur les terrains de sport, situation qui ne fera que s’amplifier si rien n’est fait pour l’empêcher. Son expérience résume la totalité du sujet que nous avons traité.

Madame la ministre, si nous n’avons pas voté certains dispositifs relatifs au sport-santé, c’est parce qu’à nos yeux le sport sur ordonnance vaut pour les maladies. Or la perte d’autonomie n’est pas une maladie.

Si nous n’avons pas non plus voulu de dispositions aussi larges que celles que vous proposiez, c’est parce qu’aucun financement de la sécurité sociale n’est prévu ! En d’autres termes, ceux qui peuvent se payer des cours d’APA en profitent, et pas les autres.

Les associations qui dispensent des cours d’activités physiques adaptées sur prescription que nous avons rencontrées nous ont ainsi dit qu’une partie du public ne pouvait pas suivre ces cours faute de disposer des moyens financiers nécessaires. C’est votre conception, ce n’est pas la nôtre.

Enfin, beaucoup d’intervenants ont relié de nouveau ce sujet au calendrier électoral. Je veux le redire ici : non, chers collègues. Nous avons eu ce débat il y a plusieurs mois lors de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République et nous n’étions pas dans une période électorale.

Nous avons des convictions et nous voulons les défendre jusqu’au bout. Respectez-le !

M. Jean-Raymond Hugonet. Bien sûr ! Très bien !

M. Michel Savin, rapporteur. Ne mettez pas en avant le calendrier électoral.

Nous avons une vision – le témoignage de notre collègue Jocelyne Guidez l’a illustrée – pour protéger le sport en France et la laïcité dans le sport.

Par votre refus de voter cet amendement, vous faites peser la responsabilité des prises de décision sur les fédérations. Certaines fédérations sportives ont pris la décision de refuser le port de signes religieux. C’est le cas de la fédération française de football, qui se retrouve devant le Conseil d’État. D’autres fédérations, pour des raisons qui leur appartiennent, l’accepteront peut-être.

M. Michel Savin, rapporteur. Nous nous retrouverons donc avec une France dans laquelle certains sports autoriseront le port de signes religieux ostensibles, quand d’autres l’interdiront. Voilà la vision que vous avez de la pratique du sport en France. Ce n’est pas la nôtre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 7, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 101 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 208
Contre 129

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France est rejetée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Question préalable (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à démocratiser le sport en France
 

7

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

8

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
Discussion générale (suite)

Renforcement du droit à l’avortement

Rejet en nouvelle lecture d’une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
Question préalable (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer le droit à l’avortement (proposition n° 481, résultat des travaux de la commission n° 494, rapport n° 493).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour l’examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement. Cet examen sera probablement bref, à l’image des lectures précédentes, car une motion tendant à opposer la question préalable a été déposée par votre commission des affaires sociales.

Nous avons eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises, y compris récemment, si ce n’est sur le fond du texte, à tout le moins sur le sujet important du droit à l’avortement.

Permettez-moi de rappeler en quelques mots l’impérieuse nécessité qui s’impose à nous de défendre sans relâche le droit essentiel à l’avortement et les actions du Gouvernement en ce sens.

Nous avons en effet constaté à plusieurs reprises ces derniers mois que ce droit chèrement acquis était loin d’être garanti et pouvait rapidement être remis en cause par ses opposants, de manière plus ou moins explicite ou, au contraire, insidieuse.

Je souhaite à ce titre réaffirmer l’engagement plein et entier du Gouvernement à défendre sans relâche le droit des femmes à avorter en toute sécurité et dans le respect de leur choix, éclairé par un accès à des informations fiables et objectives, et au plus près de leur lieu de vie.

Tout au long de la crise sanitaire, nous avons pris des mesures spécifiques pour nous assurer que les droits sexuels et reproductifs soient garantis et que le droit inaliénable à l’avortement soit pleinement effectif, malgré les circonstances.

Le ministère des solidarités et de la santé a par ailleurs porté haut et fort l’exigence de renforcer sans cesse l’accès à l’offre d’interruption volontaire de grossesse (IVG) en tout point du territoire, afin de ne laisser aucune femme sans possibilité d’exercer son droit.

Je rappelle à ce titre plusieurs avancées fortes en la matière, avec l’augmentation des délais pour réaliser une IVG médicamenteuse en ville jusqu’à sept semaines de grossesse, avec la faculté, en fonction du choix et de l’état de santé des femmes, de recourir à la téléconsultation.

Cette mesure, prise dans le cadre de la crise sanitaire, sera très prochainement pérennisée, sur le fondement des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) d’avril 2021. Le décret nécessaire à cette évolution vient d’être examiné par le Conseil d’État et sera publié dans les tout prochains jours.

Les IVG instrumentales en centres de santé peuvent désormais être mises en œuvre, le décret en précisant les conditions ayant été publié au mois d’avril dernier. Cette avancée contribuera à améliorer le maillage en établissements pratiquant l’IVG, donc l’accès effectif à l’avortement dans l’ensemble du territoire.

L’expérimentation pour la réalisation des IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé a par ailleurs été lancée par la publication des textes d’application au mois de décembre dernier.

Cette démarche doit conduire à la sélection d’une cinquantaine d’équipes et au démarrage des tout premiers projets d’ici à la mi-2022. Elle constitue une étape importante pour poser les bases d’une pratique qui facilitera l’organisation des équipes hospitalières pour répondre aux demandes d’IVG et apportera aux femmes un nouvel interlocuteur possible dans leur parcours d’IVG.

Enfin, avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, le tiers payant intégral obligatoire est dorénavant prévu pour toutes les femmes sur les dépenses prises en charge par l’assurance maladie obligatoire, soit 100 % des frais liés à l’IVG, dans le cadre de forfaits de prise en charge. À ce tiers payant s’ajoute la garantie du respect du secret sur la prise en charge de ces frais pour toutes les femmes.

Permettez-moi aussi d’évoquer ces questions essentielles que sont l’information, l’éducation à la vie affective et la promotion de la santé sexuelle.

La feuille de route 2021-2024 de déclinaison de la stratégie nationale de santé sexuelle publiée le 1er décembre dernier comprend, à ce titre, des actions concrètes pour renforcer la promotion, l’information et l’éducation à la santé sexuelle.

Elle réaffirme également la nécessité d’une offre en santé sexuelle lisible, accessible et en proximité des lieux de vie, avec une action dédiée au renforcement de l’accès à l’IVG pour conforter l’exercice effectif de ce droit en tout point du territoire.

Ces objectifs se sont traduits par de premières mesures concrètes qui ont été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Il en est ainsi de l’extension de la consultation longue santé sexuelle à tous les jeunes jusqu’à 25 ans, pour que la santé sexuelle ne continue pas d’être vue comme une affaire de femmes, et de l’accès gratuit à la contraception pour les femmes jusqu’à 25 ans, pour tenir compte des vulnérabilités économiques et sociales des jeunes adultes.

Enfin, le Gouvernement s’est engagé de manière très ambitieuse pour renforcer la place, tout à fait essentielle, de la profession de sage-femme dans nos politiques de prévention et de santé sexuelle et reproductive.

J’ai notamment à l’esprit le renforcement de leurs missions dans le cadre de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite RIST, à la signature du protocole d’accord avec la profession au mois de novembre dernier pour revaloriser significativement les carrières des sages-femmes ou encore à la création d’une sixième année de formation initiale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au mois de décembre 2020, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a rendu son avis sur l’allongement du délai légal d’accès à l’IVG. En axant sa réflexion sur les principes d’autonomie, de bienfaisance, d’équité et de non-malfaisance à l’égard des femmes, il a considéré qu’il n’y avait pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines.

Cependant, pour faire progresser concrètement le droit des femmes à disposer de leur corps, comme l’a également rappelé le CCNE dans son avis, il faut résolument poursuivre l’amélioration de leur parcours, pour que les IVG dites tardives soient mieux prises en charge, et sans délai.

C’est un droit des femmes et c’est notre responsabilité d’en permettre à chacune d’entre elles le plein exercice, selon son choix, sa situation et son lieu de vie.

Le Gouvernement défend farouchement ce droit des femmes. Notre devoir est de le renforcer et d’améliorer son effectivité. Les différentes mesures que j’ai brièvement rappelées y contribuent directement et de manière concrète.

Quant à la question posée par ce texte, elle relève pleinement de la représentation nationale. Le Gouvernement s’en remettra donc à la délibération qui résultera du débat parlementaire, tout en ayant créé les conditions pour que ces travaux puissent aboutir définitivement avant la fin de la législature. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes rassemblés pour la troisième fois pour examiner cette proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement. Nos débats se concluront de la même manière que les fois précédentes, à savoir par l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable. Nous en avons débattu en commission et les discussions générales ont eu lieu en séance publique.

Plus encore que la procédure choisie pour s’y opposer, je regrette que le Sénat ne vote pas cette proposition de loi. Celle-ci, je le rappelle, a suivi une route très sinueuse.

Ce texte est issu d’un amendement voté au Sénat un peu par accident. À la suite d’une demande pressante de la ministre des solidarités et de la santé de l’époque, une nouvelle délibération a pris place et cet amendement n’a pas été inclus dans le texte final.

Enfin, son parcours législatif à l’Assemblée nationale et au Sénat a été l’occasion d’une forte mobilisation parlementaire, couronnée d’une bonne nouvelle : le Gouvernement a fini par accepter de se laisser tordre le bras sur ce sujet. (Mme la ministre déléguée conteste.) La commission mixte paritaire a échoué – c’était évident –, l’Assemblée nationale a peaufiné le texte et ajouté quelques ajustements que j’évoquerai dans un instant.

Tout va bien : en fin de compte, à la fin de ce mois, le délai de recours à l’IVG sera étendu à quatorze semaines de grossesse, ce qui offrira une solution à des milliers de femmes qui sont aujourd’hui contraintes d’aller à l’étranger pour procéder à des interruptions volontaires de grossesse et de les prendre elles-mêmes en charge financièrement.

La réalisation d’IVG chirurgicales est étendue aux sages-femmes jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse. C’est également une bonne chose, cela accorde à ces praticiennes une reconnaissance attendue par la profession et constitue un atout supplémentaire dans la pratique.

Je me réjouis également de la pérennisation de l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville jusqu’à la fin de la septième semaine de grossesse.

Ce texte fait davantage confiance au libre choix des femmes, d’une part, en améliorant leur information, notamment par la création d’un répertoire qui recensera les professionnels et les structures de soins pratiquant l’IVG, d’autre part, en supprimant le délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d’IVG en cas d’entretien psychosocial préalable.

Enfin, en nouvelle lecture, les députés ont apporté des finitions en adoptant des amendements rédactionnels et de coordination. Les établissements de santé publics et privés pourront tenir des consultations relatives à l’IVG à distance afin de faciliter les parcours.

Mon principal regret – nous en avons déjà débattu – concerne la non-suppression de la clause de conscience spécifique en matière d’IVG.

Je fais remarquer à mes collègues qui vont rejeter ce texte que le Sénat fait tout de même preuve d’une certaine constance sur ce sujet.

En 2016, la commission des affaires sociales s’était opposée à l’article qui supprimait le délai de réflexion obligatoire entre les deux consultations pour IVG, ainsi qu’à celui qui autorisait les sages-femmes à pratiquer une IVG médicamenteuse.

Avant cela, le Sénat dans son ensemble s’était opposé à l’article de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, qui portait le délai de recours à l’IVG de dix à douze semaines. La commission mixte paritaire avait achoppé sur ce point.

J’observe pourtant, et c’est très satisfaisant, que les choses avancent grâce aux navettes parlementaires et à la mobilisation des femmes. Surtout, une fois que ces avancées sont actées et que la législation a évolué, personne ne propose plus de revenir en arrière. Une assemblée peut donc marquer son refus, mais, quelques années plus tard, quand la mesure contestée est entrée dans la loi, la même assemblée ne juge pas utile de voter des amendements qui la supprimeraient.

Je m’en réjouis, c’est une bonne chose. C’est la raison pour laquelle je n’ai aucun doute sur le fait que l’allongement des délais que nous votons aujourd’hui sera durablement inscrit dans la loi.

Ce progrès est dû à l’obstination des militantes, des professionnels de santé et aussi des parlementaires féministes engagées pour la défense du droit à l’avortement, qui ont, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, dû défendre ce texte sans jamais renoncer.

Je réitère une proposition que j’ai émise en première lecture : la création d’un Institut national de la santé sexuelle et reproductive, à l’image de l’Institut national du cancer. En effet, le pilotage de la santé sexuelle et reproductive n’est pas satisfaisant. Certes, on note des avancées, par exemple sur l’endométriose, avec de réels progrès dans la prise en charge des femmes concernées, mais tout cela aurait besoin d’un véritable pilotage. Celui-ci fait défaut et devrait relever d’une agence : cela marquerait une vraie avancée pour la santé des femmes.

Enfin, j’ai été destinataire d’un courrier de nos collègues de Nouvelle-Calédonie. Ceux-ci s’inquiètent de savoir si la proposition de loi sera, en l’état, applicable dans leur territoire. Le problème juridique est pointu et il leur semble qu’il aurait été opportun d’étendre expressément la disposition relative au prolongement du délai légal à la Nouvelle-Calédonie. Malheureusement, leur requête est arrivée trop tardivement.

Cela nous donnera l’occasion, mes chers collègues, de préparer prochainement une nouvelle proposition de loi pour étendre à la Nouvelle-Calédonie le bénéfice des dispositions de ce texte, si celles-ci, par malheur, n’y étaient pas directement applicables. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 19 janvier dernier, lors de l’examen de cette proposition de loi, j’ai écouté avec intérêt les arguments développés par les différents orateurs, notamment ceux qui étaient avancés en soutien à l’allongement du délai légal de douze à quatorze semaines de grossesse.

Je dois avouer que j’en suis ressorti avec davantage d’interrogations sur la pertinence de cet allongement et sur le lien de causalité entre celui-ci et le renforcement du droit à l’avortement, qui est l’intitulé du texte examiné.

Nul, dans cet hémicycle, n’entend remettre en cause le droit à l’avortement et les comparaisons plus ou moins tendancieuses avec les États-Unis, voire avec certains pays d’Europe, sont peut-être de nature à alimenter une polémique politicienne, mais n’apportent pas de réponse idoine aux vraies questions posées. Celles-ci, à mon sens, n’ont que peu de choses à voir avec des délais qui seraient insuffisants.

Nous avons évoqué les différentes raisons objectives des IVG tardives : la défiance des femmes, notamment des plus jeunes, à l’égard des contraceptifs hormonaux, un déficit d’information sur les méthodes contraceptives, la précarité financière et sociale, un accès déséquilibré aux professionnels pratiquant les IVG en fonction des territoires en raison de la fermeture de centres et de l’absence de gynécologues obstétriciens, la crise sanitaire, des diagnostics tardifs de grossesse, des changements notables dans la situation matérielle, sociale ou affective de la patiente.

Autant d’éléments à prendre à considération pour améliorer l’accès à l’IVG pour toutes, mais qui ne justifient pas de promulguer une loi pour les 1 000 à 4 000 femmes qui se rendent à l’étranger pour avorter, ce qui représente environ 0,00006 % de la population française.

Il faut apporter une réponse à ces femmes, mais pas nécessairement par l’intermédiaire d’une loi qui ne fait que déporter le problème, qui fait abstraction de l’évolution du fœtus et des réticences légitimes de certains praticiens à exercer cet acte. Cela, nous l’avons déjà souligné, ne ferait que rendre plus délicat le parcours de la patiente.

Certaines de nos collègues souhaitant sans doute s’inscrire dans la lignée du Manifeste des 343 salopes de 1971, faisant abstraction de la différence majeure de contexte, refusent aux hommes, puisque ceux-ci ne seront jamais « enceints » – sauf pour les émoticônes d’Apple (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains) –, le droit d’intervenir dans le débat.

Cette vision pour le moins radicale m’inquiète, car elle revient à nier leur rôle dans l’accompagnement d’une grossesse tant à titre personnel que par l’exercice de professions médicales. Ne pas vivre une situation n’a jamais empêché ni compréhension ni empathie.

L’IVG ne serait pas toujours un « traumatisme », ce peut être une libération, mais, parfois, tout de même, une « épreuve », a-t-on entendu le 19 janvier dernier.

La diversité et la complexité des situations requièrent de notre part une attention très particulière pour ne pas instrumentaliser, par dogmatisme ou dans le cadre d’un débat politicien, la situation de femmes en réelle détresse.

Vous aurez bien compris que nous voterons en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable. Nous considérons, en effet, que cette proposition de loi ne répond pas à la question posée ; aujourd’hui douze semaines, demain quatorze, d’aucuns laissent poindre un report encore plus tardif.

M. Alain Milon. La transgression de cette limite n’est donc que factuelle, alors qu’il faut apporter une réponse structurelle, portant sur l’information, sur les moyens d’accueil et sur un meilleur accès territorial. Ce sont des mesures indispensables, qui permettront de renforcer réellement le droit à l’avortement lequel, je le répète, ne souffre d’aucune menace de remise en cause juridique.

Donnons aux femmes les moyens d’exercer leur droit sur notre territoire, dans des délais qui permettent de respecter leur droit à disposer de leur corps, tout en garantissant aux praticiens d’agir dans le respect de leur conscience. Dans ces conditions, nous aurons réellement atteint notre objectif de garantir le droit à l’avortement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour la troisième fois, nous allons défiler à la tribune au sujet de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement : certaines, comme Laurence Rossignol avant moi et comme d’autres collègues ensuite, pour défendre le droit des femmes à disposer de leurs corps ; d’autres pour nous expliquer que, loin de s’opposer au droit à l’avortement, ils vont quand même, en toute logique, s’opposer à une proposition de loi visant à le renforcer. Attention, toutefois, ce n’est pas parce qu’ils sont contre – non !

J’ai même parfois entendu que le combat pour l’accès à l’IVG était dans l’ADN politique de la droite française !

Il faut pourtant le dire : non, l’accès à l’IVG n’est pas dans l’ADN politique de la droite française. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. C’est scandaleux !

Mme Pascale Gruny. Parlez donc avec les gynécologues qui sont dans l’hémicycle !

Mme Mélanie Vogel. Il n’est pourtant pas plus dans l’ADN politique de la gauche ou des écologistes. Il est dans l’ADN des mouvements féministes, qui sont descendus dans la rue, qui descendent encore et qui continueront de le faire – ces mouvements que la droite a systématiquement combattus.

Cela me fatigue ! Je commence à trouver un peu humiliant de devoir dire et redire, encore et encore, pourquoi, si je découvre une grossesse à treize semaines et que je ne souhaite pas la poursuivre, je dois pouvoir l’interrompre, simplement, en sécurité, dans des conditions dignes, sans devoir aller aux Pays-Bas, en Espagne ou je ne sais où.

Comme je suis lasse de faire cela, plutôt que de répéter nos arguments pour défendre ce texte et démontrer pourquoi nos corps nous appartiennent, j’aimerais analyser les arguments avancés par ceux qui s’y opposent.

Je ne sais pas si certains d’entre vous ont lu le très bon livre d’Albert Otto Hirschman, Deux Siècles de rhétorique réactionnaire. Dans cet essai, l’auteur décortique les arguments de ceux qui se sont opposés aux idées libérales de la Révolution française, puis à la démocratisation et au suffrage universel, enfin, au XXe siècle, à l’avènement de l’État-providence.

À chaque étape, selon lui, les trois mêmes grands arguments sont immanquablement invoqués : d’abord, l’effet pervers – le remède sera pire que le mal –, ensuite, l’inanité – les réformes ne servent à rien –, enfin, la mise en péril – ce que l’on fait pour avancer nuira à ce qui a été acquis.

Il remarque également que les réactionnaires n’attaquent généralement pas de front les réformes progressistes. Ils en applaudissent même souvent l’objectif – ce qui est très pervers –, mais en critiquent les moyens, le timing, la forme. Ils ne sont pas contre, mais pas ici, pas comme ça, pas maintenant.

Nous sommes en plein dedans !

Effet pervers : ce qui est vraiment important c’est de permettre l’accès à l’avortement le plus tôt possible, donc permettre d’avorter à quatorze semaines réduirait nos efforts pour garantir que les femmes aient accès au soin avant. Cela n’a bien entendu aucun sens, puisqu’il ne s’agit pas d’un choix entre deux options exclusives l’une de l’autre, mais c’est ainsi.

Inanité : cela ne concerne que quelques milliers de femmes, les sages-femmes peuvent déjà pratiquer des IVG chirurgicales à titre expérimental, donc cela ne sert à rien.

Mise en péril : cela risque de braquer les médecins, ceux qui étaient prêts à pratiquer des IVG chirurgicales ne voudront plus le faire.

Au fond, depuis au moins deux siècles de débats pour la liberté et l’égalité, presque rien n’a changé.

Les mêmes qui hurlaient contre la loi Veil, ceux qui avaient protesté contre l’accès à la contraception, puis contre la pénalisation du viol, contre le pacte civil de solidarité (PACS), contre le mariage pour tous, contre la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes, ceux qui lutteront contre le droit de déterminer librement son genre, ceux, toujours les mêmes, qui s’étaient opposés à l’abolition de la peine de mort ou à celle de l’esclavage, tous ceux-là applaudiront dans cinquante ans les progrès que nous leur arracherons bientôt, tandis qu’ils seront encore fermement occupés à en freiner d’autres.

Tout cela est parfois tristement lassant, mais il est rassurant, à mon sens, de savoir de quel côté de l’Histoire on se trouve.

Je termine, monsieur Millon, en vous indiquant qu’il n’y a pas que dans les émoticônes d’Apple que des hommes sont enceints : les hommes trans existent, que cela ne vous plaise pas n’y change rien. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Le 20 janvier dernier, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement n’est pas parvenue à un accord.

Nous en sommes donc à la troisième lecture de ce texte et je tiens à remercier notre rapporteure, Laurence Rossignol, de sa ténacité.

Nous regrettons l’opposition et l’entêtement de la majorité sénatoriale contre cette proposition de loi, née du constat que le droit à l’IVG n’était pas effectif en France.

Comment accepter que 3 000 à 5 000 femmes se rendent encore aujourd’hui à l’étranger parce que les délais légaux dans notre pays sont trop courts et que les structures sont trop peu nombreuses ?

La proposition de loi de notre collègue Albane Gaillot, dont je salue une nouvelle fois l’engagement, vise donc à lever un certain nombre d’obstacles que rencontrent les femmes pour avorter.

Avant de les aborder, je veux dénoncer l’absence de politique de prévention en matière de santé sexuelle, la pénurie de personnels de santé, les fermetures d’hôpitaux de proximité et de centres de contraception et d’IVG ainsi que les réductions de subventions du planning familial.

L’accès à l’avortement est une question de santé publique pour les femmes, mais aussi un enjeu central pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes.

Conquis de haute lutte par les mouvements de militantes féministes et par les professionnels de santé les plus engagés, le droit à l’avortement permet aux femmes d’être libres de choisir d’être mère ou pas.

Ce n’est pas non plus un moyen de contraception, faut-il le préciser ici, puisque plus de 70 % des femmes pratiquant une IVG sont sous contraception !

Cette proposition de loi est donc salutaire, puisqu’elle vise à renforcer l’accès à l’avortement pour toutes les femmes. Ainsi, cinquante ans après la loi Veil, n’est-il pas temps d’allonger le délai légal pour avorter et de le porter de douze à quatorze semaines de grossesse, conformément à ce que pense la grande majorité des Françaises et des Français et comme notre groupe l’a proposé dès 2019 ?

Les opposants à l’extension du délai légal mettent en avant des considérations techniques, arguant que l’acte serait médicalement plus compliqué au-delà de douze semaines.

Pourtant, les professionnels aux Pays-Bas ou en Espagne, qui ont un engagement aussi grand que le nôtre pour la santé des femmes et une éthique tout aussi respectable, ont parfaitement acquis ces techniques. Dans notre pays, des médecins défendent cet allongement sans signaler de problèmes particuliers. Sur le plan scientifique, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) indique qu’« il n’existe que peu, voire pas de différence de risque pour la femme avortant entre douze et quatorze semaines de grossesse » et qu’« il n’y a pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines ».

Le débat porte non pas sur la technique, mes chers collègues, mais sur le droit.

Le texte prévoit également de renforcer l’offre médicale, en permettant aux sages-femmes de pratiquer les IVG instrumentales, et d’étendre l’obligation d’orienter les patientes vers les structures où des professionnels pratiquent l’avortement.

Enfin, la proposition de loi tend à accélérer l’accès à l’IVG en supprimant le délai de réflexion après l’entretien psychosocial, qui ralentit le parcours d’IVG et continue d’infantiliser les femmes.

Madame la ministre, j’appelle votre attention, une fois de plus, sur l’impérieuse nécessité de renforcer les moyens financiers et humains des structures réalisant les IVG pour garantir le droit à l’avortement partout sur le territoire.

Tout en regrettant fortement que la clause de conscience spécifique à l’avortement ne soit pas supprimée et en déplorant que la majorité sénatoriale ne contribue pas à ce vote, laissant la main à la seule Assemblée nationale, notre groupe votera de nouveau en faveur de cette proposition de loi.

Pour conclure, ne boudons pas notre plaisir, mes chers collègues : c’est une victoire obtenue par la ligue des femmes, la lutte des féministes. Cette victoire en appelle d’autres ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDPI.)

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes de nouveau réunis afin de débattre de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement.

Tout d’abord, il est important de rappeler l’importance de la loi Veil pour notre groupe. Le droit à l’IVG est un droit imprescriptible et inaliénable. C’est la raison pour laquelle nous le défendons et nous le défendrons toujours.

Nous avons pour l’étude de ce texte une priorité simple : assurer le meilleur équilibre possible entre la protection de la valeur suprême de la vie et la liberté de chaque femme à disposer de son corps.

Comme je l’ai évoqué lors de la précédente lecture de ce texte en séance publique, le recours à l’IVG n’a cessé d’augmenter depuis plusieurs années, jusqu’à atteindre son niveau le plus élevé en 2019. Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), publiée en 2020, le taux de recours a atteint 15,6 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans dans l’Hexagone en 2019.

C’est un taux significatif qui doit nous interpeller.

Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, nous avons prolongé la gratuité de la contraception féminine jusqu’à 25 ans. Cette mesure, nous l’espérons, permettra de diminuer le taux de recours à l’IVG chez les jeunes femmes, qui représentent aujourd’hui une grande majorité des recours, à hauteur de 65 %. Cependant, nous ne pouvons en mesurer l’impact, car nous n’en avons encore aucun bilan chiffré.

Ce texte nous semble donc prématuré, car nous ne disposons pas du recul suffisant pour légiférer de nouveau.

Pour notre groupe, le principal enjeu sur lequel nous devons concentrer notre travail est l’accessibilité à l’IVG. Il est parfois difficile dans certains territoires, car nous manquons de praticiens et que la prévention n’est pas bien menée.

J’ai été marqué par les propos de Magali Mazuy, sociodémographe à l’Institut national d’études démographiques (INED), qui a déclaré que les difficultés « du service public et de l’hôpital, marqués par la fermeture des petites maternités qui avaient des services d’orthogénie, impactent la qualité de l’offre d’IVG ». Le dysfonctionnement de notre système de santé, aggravé par son manque de moyens financiers, se répercute ainsi sur l’accompagnement des femmes.

Pourtant, rappelez-vous, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, nous avons voté un dispositif expérimental qui permet aux sages-femmes disposant des formations requises de pratiquer des IVG par voie instrumentale. C’est une avancée importante, qui, je l’espère, sera pérennisée. Pour rappel, en 2019, 17 % des IVG réalisées en ville l’ont été par des sages-femmes.

Un autre élément interpelle particulièrement notre groupe, c’est l’augmentation de la taille du fœtus entre douze et quatorze semaines. Selon certains médecins, cela accroît les risques, notamment d’hémorragie et d’accouchement prématuré lors des grossesses ultérieures. L’Académie nationale de médecine s’est même prononcée contre l’allongement du délai de recours à l’IVG, compte tenu des risques de complications pour les femmes à court et moyen termes.

Enfin, nous le savons, le délai de huit jours entre la prise de décision d’effectuer l’IVG et la réalisation de celle-ci est souvent mal vécu.

Nous devons assurer une meilleure prise en charge des femmes, notamment des jeunes femmes. Aussi, il est nécessaire que les professionnels de santé disposent des formations adéquates.

Il apparaît que 30 % des femmes ont connu ou connaîtront dans leur vie une interruption volontaire de grossesse.

La pratique de l’IVG n’est plus un tabou et il n’est pas concevable d’entendre que certaines femmes subissent une pression sociale qui les pousse à ne pas évoquer le sujet avec leurs proches. C’est non pas l’acte en lui-même qui est le plus traumatisant, mais l’omerta qui l’entoure et qui laisse certaines femmes dans une profonde solitude. Il n’est plus possible d’entendre que des femmes se sont vu reprocher leur choix d’interrompre leur grossesse. L’écoute doit se faire sans culpabilité.

Une femme ne tombe pas seule enceinte et la contraception est l’affaire de tous. L’objectif que nous devons viser est d’améliorer l’accompagnement des jeunes vers la contraception, mais aussi de comprendre leurs attentes et les évolutions sociétales que nous traversons.

Les nouvelles générations aspirent à un changement des modes de contraception. En effet, les jeunes femmes rejettent de plus en plus les traitements hormonaux et préfèrent les méthodes naturelles, comme le stérilet en cuivre.

La question de faire reposer la contraception entièrement sur les femmes doit aussi être posée. Les nouveaux modes de contraception, notamment ceux qui sont destinés aux hommes, intéressent les nouvelles générations et sont aujourd’hui moins tabous. C’est une bonne chose.

Dans ces conditions, les membres du groupe Union Centriste pensent que l’extension du délai d’IVG est prématurée face aux disparités et au manque d’accessibilité auxquels nous faisons face. L’urgence, aujourd’hui, est pour nous de pallier le manque de moyens pour remédier aux dysfonctionnements qu’il entraîne.

Nous voterons donc la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Stéphane Artano. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée est de nouveau appelée à se prononcer sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, sujet particulièrement grave et ô combien passionnel, qui engage la conscience de chacun.

Plus de quarante-cinq ans après la loi Veil, force est de constater que ce droit est fréquemment remis en cause dans de nombreux pays, où, pourtant, il semblait acquis. En France, ce droit est fragilisé. Il n’est pas accessible partout de la même façon : en quelques années, le nombre de gynécologues a fortement diminué et les fermetures d’établissements pratiquant des IVG se poursuivent. L’acte médical en lui-même est par ailleurs de plus en plus déconsidéré au sein de la communauté médicale. À cela s’ajoutent une pression morale et un système particulièrement culpabilisant pour les femmes qui veulent avorter. En notre qualité de parlementaires, il nous appartient de garantir l’effectivité de ce droit.

La mesure phare de ce texte, celle qui cristallise toutes les oppositions, est l’allongement du délai d’IVG de douze à quatorze semaines de grossesse. Chaque année, ce sont en effet plusieurs milliers de femmes qui dépassent le délai légal. Entre 1 500 et 2 000 de nos compatriotes doivent ainsi franchir les frontières pour aller avorter chez nos voisins européens. Les autres subiront une grossesse non désirée ou mettront en danger leur santé pour tenter d’avorter seules. Aussi, l’allongement de deux semaines du délai légal permettra d’apporter une réponse à ces femmes confrontées à des difficultés pour exercer leur droit fondamental d’interrompre une grossesse.

Rappelons toutefois que cette mesure ne doit pas servir à pallier les défaillances de notre politique publique de santé reproductive. C’est la raison pour laquelle certains sénateurs du groupe RDSE émettent quelques réserves. Surtout, cette proposition de loi ne se résume pas à cette seule disposition et contient de nombreuses avancées pour lever les entraves actuelles à l’IVG, parmi lesquelles on peut citer l’extension de la pratique des IVG instrumentales aux sages-femmes, qui réalisent déjà de nombreux gestes endo-utérins ; la facilitation de l’accès des femmes à toutes les méthodes d’IVG ; le renforcement de la démographie médicale, alors que nous sommes confrontés à une pénurie de praticiens ; la réduction des inégalités territoriales. C’est d’ailleurs une demande formulée par l’Organisation mondiale de la santé depuis 2016.

Par ailleurs, la pérennisation de l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville de cinq à sept semaines de grossesse, mis en place au début de la crise sanitaire, permettra d’alléger la charge des établissements de santé souvent submergés de demandes.

En outre, la suppression du délai de deux jours imposé aux femmes à l’issue de l’entretien psychosocial avant de confirmer leur décision de recourir à une IVG mettra fin au sentiment d’infantilisation qu’elles peuvent éprouver.

Je note enfin avec satisfaction que l’Assemblée nationale a amélioré ce texte en nouvelle lecture en permettant aux établissements de santé de tenir les consultations relatives à l’IVG à distance, pour ne pas créer d’iniquité de traitement des femmes selon le lieu de leur prise en charge.

Pour autant, si je me félicite de ces avancées, je crains qu’elles ne soient pas suffisantes et qu’elles doivent s’accompagner, je le répète, d’une réforme plus large de notre politique de santé sexuelle et reproductive.

En conclusion, mes chers collègues, le groupe RDSE regrette profondément que la majorité de la Haute Assemblée, à l’occasion de cette ultime lecture, refuse une nouvelle fois d’examiner ce texte en séance publique. C’est pourquoi ses membres voteront unanimement contre la motion tendant à opposer la question préalable qui nous sera présentée dans quelques instants par la présidente de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons plutôt mal 2022. Le Sénat aurait pu prendre de bonnes résolutions, mais c’était sans compter la motion tendant à opposer la question préalable, qui met directement un terme à l’examen de ce texte en nouvelle lecture. Sans surprise, la commission mixte paritaire n’a pas été conclusive. Hélas, le conservatisme est un terrain qu’il faut labourer sans cesse, avec patience et détermination.

Il ne s’agit pas seulement de rallonger le délai légal de l’IVG en le faisant passer de douze à quatorze semaines. On parle de parcours de femmes pour qui avorter est non pas un choix, mais une nécessité.

Nombreux sont les obstacles : pressions sociale et familiale, violences au sein du couple, humiliations, sans parler des professionnels de santé qui opposent leur clause de conscience et se permettent des jugements qui fragilisent encore plus ce droit fondamental. L’IVG n’est pas un acte anodin. Chaque femme ayant eu recours à cette pratique pourra témoigner de sa douleur psychique, parfois même physique. J’entends certains réfractaires à ce texte parler de bioéthique, alors même que le CCNE a statué en faveur de l’allongement, considérant qu’il n’y avait aucune évolution majeure du fœtus durant ces deux semaines supplémentaires.

Le droit à l’avortement n’est pas entièrement effectif en France.

Il faut savoir que certains territoires sont complètement dépourvus de centres IVG et que d’autres dont confrontés à des fermetures. Des femmes font parfois plus de cent kilomètres pour pouvoir avorter. Dans un pays comme la France, on ne peut tolérer cette inégalité. Il est de notre devoir de permettre à ces femmes de choisir leur avenir et de ne pas les condamner à une grossesse forcée.

J’aimerais terminer sur ces mots de Gisèle Halimi : « Voulez-vous contraindre les femmes à donner la vie par échec, par erreur, par oubli ? Est-ce que le progrès de la science n’est pas précisément de barrer la route à l’échec, de faire échec à l’échec, de réparer l’oubli, de réparer l’erreur ? C’est cela le progrès. C’est barrer la route à la fatalité. » (Mmes Michelle Meunier, Raymonde Poncet Monge et Patricia Schillinger applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, troisième lecture de ce texte et troisième question préalable au Sénat !

Je me félicite toutefois que ce texte revienne dans notre hémicycle, puisque cela signifie que la navette parlementaire suit son cours et que, comme nous l’espérons, le texte sera adopté avant la fin du quinquennat. Près d’un demi-siècle après l’adoption de la loi Veil, ce droit à l’avortement, si chèrement acquis, est encore fragile. Sa pleine effectivité n’est toujours pas garantie sur l’ensemble du territoire français. Les reculs historiques récents, partout dans le monde, démontrent que nous devons encore et toujours défendre le droit à l’avortement et la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Je le rappelle, ce texte prévoit l’allongement du délai légal d’IVG de douze à quatorze semaines de grossesse. Ainsi, il constitue une réponse aux difficultés rencontrées par quelques milliers de femmes chaque année dans notre pays qui dépassent le délai légal pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse. Cette formule cache une multitude de réalités : les patientes qui ne se savaient pas enceintes et chez qui la découverte de la grossesse se fait tardivement, celles qui le savaient, mais qui n’ont pu être reçues en consultation dans le délai imparti en raison de l’organisation du système de soins du lieu où elles résident, celles qui vivent des violences conjugales, des violences intrafamiliales ou des carences affectives ou matérielles majeures et que la poursuite de cette grossesse mal investie expose à de graves difficultés.

Au mois de décembre 2020, le CCNE, interrogé par le Gouvernement, a considéré qu’il n’existait « que peu, voire pas de différence de risque pour la femme avortant entre douze et quatorze semaines de grossesse », donc « pas d’objection éthique à l’allongement de ce délai ».

Si aucun argument médical ou éthique ne vient à l’encontre du rallongement de ce délai, pourquoi le refuser ?

Ce texte contient d’autres avancées dans ce texte, outre cet allongement. Sera mis en place un répertoire librement accessible recensant les professionnels et structures pratiquant l’IVG, qui permettra de mettre fin aux errances de certaines femmes qui cherchent un professionnel de santé pour répondre à leur besoin. Il prévoit également de permettre aux sages-femmes de réaliser, tout comme les médecins, des IVG instrumentales dans les hôpitaux et cliniques après la dixième semaine. J’en profite pour apporter notre soutien aux sages-femmes, qui demandent que leur profession soit reconnue comme une profession médicale de grande qualité ayant un rôle majeur en prévention en santé. Enfin, la suppression du temps de réflexion de deux jours est aussi une bonne chose.

Néanmoins, il reste encore des points sur lesquels notre pays doit avancer afin de garantir à chacune des femmes de son territoire un accès effectif à l’IVG.

À cet égard, je regrette que l’Assemblée nationale ait rétabli en deuxième lecture la clause de conscience spécifique, qui induit l’idée que l’IVG n’est pas un droit et un acte de médecine comme les autres.

De plus, comme Mme la rapporteure, Laurence Rossignol, l’a souvent rappelé, encore tout à l’heure, des réponses d’ordre structurel dans le pilotage et l’organisation de nos offres de soins en orthogénie restent nécessaires. Il n’est plus possible qu’il existe encore dans notre pays tant d’inégalités dans l’accès à l’IVG et, plus largement, dans l’accès à la santé sexuelle et reproductive.

Ces inégalités sont tout d’abord sociales. La précarité financière reste l’un des principaux facteurs de recours à l’IVG. Une étude de la Drees de 2020 établit ainsi « une corrélation nette entre niveau de vie et IVG : les femmes les plus précaires y recourent sensiblement plus que les plus aisées ».

Ces inégalités sont ensuite territoriales. Elles ont d’ailleurs tendance à s’accentuer : au cours des quinze dernières années, le nombre d’établissements réalisant une activité d’IVG a diminué de 22 %.

Il importe donc de renforcer la politique d’information, d’éducation et de prévention dans ces domaines, notamment à l’école. Une information médicale fiable doit pouvoir être accessible en France à toutes les femmes, notamment les plus jeunes, afin que chacune puisse choisir la méthode de contraception la plus adaptée.

C’est avec conviction et en ayant conscience de notre responsabilité pour protéger la santé de nos concitoyennes que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cette proposition de loi et votera donc contre la motion tendant à opposer la question préalable, qui nous prive d’un véritable débat. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour débattre de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement.

Peut-être aurais-je dû employer un autre verbe que celui de « débattre », car, pour la troisième fois, la majorité sénatoriale fait le choix de présenter une motion tendant à opposer une question préalable dont l’adoption ne fait malheureusement aucun doute.

Nous en prenons acte, même si nous le regrettons.

Nous le regrettons, car les désaccords et les clivages légitimes qui traversent notre hémicycle ne doivent jamais nous empêcher d’avoir ce débat essentiel qui concerne plus de 200 000 femmes par an, quelle que soit l’issue que nous réservons à ce texte.

Nous avons tous en mémoire des débats intenses, parfois même houleux sur des textes qui bousculaient nos consciences personnelles, qui touchaient à l’éthique ou à l’intime.

Je pense en particulier à la loi relative à la bioéthique, qui a été au cœur de longues discussions au sein de notre assemblée. L’examen de ce texte sans procédure accélérée avait permis, lors de chaque lecture, de débattre réellement, de dialoguer longuement et surtout d’améliorer des mesures importantes.

Nous le regrettons également, car la position de la majorité sénatoriale, dont il faut reconnaître la constance, laissera l’Assemblée nationale légiférer seule. Il s’agira d’une navette à sens unique, alors même que les apports du Sénat sur les différents textes examinés sont régulièrement salués.

Cette position me semble aller à l’encontre du bicamérisme auquel nous sommes tous attachés ici.

Nous le savons, l’IVG fait l’objet d’attaques répétées et de reculs insupportables, en particulier en Europe. Cela fait un an que la Pologne a décidé de durcir encore un peu plus la loi sur l’avortement, rendant ainsi son accès quasi impossible, sauf en cas de viol, d’inceste ou lorsque la vie ou la santé de la mère est en danger.

Cette triste réalité nous rappelle que ce droit ne sera jamais totalement acquis et fera toujours l’objet de combats acharnés.

En France, un certain nombre de freins persistent et rendent parfois difficile l’accès à l’IVG, en particulier pour les jeunes femmes, ce qui révèle des parcours plus longs ou une prise en compte plus tardive de leur grossesse.

Ainsi, chaque année, entre 1 000 et 4 000 femmes sont contraintes d’avorter à l’étranger en raison du dépassement du délai légal de douze semaines de grossesse.

Environ 5 % des IVG sont pratiquées entre la dixième et la douzième semaine de grossesse. Il existe d’ailleurs d’importantes disparités sur notre territoire, puisque ce pourcentage atteint presque 17 % à Mayotte.

Cette proposition de loi entend pallier les difficultés que rencontrent plusieurs milliers de femmes chaque année en allongeant de deux semaines les délais légaux d’accès à l’IVG.

Parce que lutter contre les inégalités sous toutes leurs formes doit demeurer la ligne conductrice de notre action, ce texte est important et nécessaire.

La proposition de loi prévoit aussi d’étendre les compétences des sages-femmes, afin que ces dernières puissent réaliser des IVG instrumentales, véritable outil permettant de renforcer l’offre médicale dans notre territoire.

Sanctionner un pharmacien qui refuse la délivrance d’un contraceptif en urgence est également un geste symboliquement fort, parce que cet acte est toujours synonyme de stigmatisation et de culpabilisation des femmes. C’est une atteinte à la liberté de disposer de son corps.

À cet égard, je tiens à saluer l’action du Gouvernement. Je pense notamment à la prise en charge de la contraception à 100 % pour les femmes de moins de 25 ans.

L’engagement du Président de la République et sa volonté d’inscrire l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne constituent également une réponse forte face aux attaques incessantes dont elle fait l’objet.

Nous arrivons donc, mes chers collègues, au bout du processus législatif.

Je tiens à remercier Mme la rapporteure, Laurence Rossignol, de sa persévérance sur ce sujet, au Sénat comme en dehors.

La majorité sénatoriale aura fait le choix de ne pas débattre de ce texte et de se limiter ainsi à une énième discussion générale. Le droit à l’avortement aurait mérité que l’on s’y attarde davantage et que l’on débatte réellement, comme nous savons si bien le faire.

Vous en avez décidé autrement, mes chers collègues, et nous en prenons acte. Il reviendra donc à l’Assemblée nationale d’adopter définitivement cette proposition de loi, qui nous semble répondre à l’objectif d’un renforcement de l’accès à l’IVG pour les femmes.

Nous voterons bien sûr contre cette motion tendant à poser la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST et CRCE. – Mmes Esther Benbassa et Michelle Meunier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est dans un contexte sanitaire particulièrement difficile pour notre système de santé, après deux ans d’une pandémie ininterrompue, qui laisse encore derrière elle de nombreux patients en réanimation – j’en profite pour rendre hommage une nouvelle fois aux soignants –, que nous examinons, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à reporter la possibilité d’avorter à seize semaines d’aménorrhée, soit quatorze semaines de grossesse au lieu de douze. Je rappelle que le délai légal était de dix semaines en 2001.

Environ 230 000 IVG sont réalisées aujourd’hui en France, soit une interruption pour trois grossesses.

Nous savons que chaque avortement est un drame et nous devons prévoir les moyens nécessaires pour que toutes les femmes soient accompagnées sur tout le territoire.

Néanmoins, plusieurs éléments sont à garder à l’esprit concernant les principales mesures de ce texte.

Tout d’abord, je tiens à rappeler en ce qui concerne l’allongement du délai légal de l’IVG à quatorze semaines que l’acte n’est pas le même à ce stade de la grossesse. Il ne se réalise pas dans les mêmes conditions et n’emporte pas les mêmes risques, physiques et psychiques, pour la femme.

Entre la douzième et la quatorzième semaine, l’embryon devient un fœtus et passe de 70 à 130 millimètres. L’organogénèse s’accélère et le fœtus se forme.

La pratique de l’IVG devient plus difficile, car elle implique la dilatation du col de l’utérus, avec un risque de complication hémorragique. Si de telles complications demeurent heureusement peu fréquentes, la probabilité de leur survenue n’est pas négligeable. Surtout, le risque s’accroît nettement par rapport à une IVG réalisée avant la douzième semaine de grossesse.

Certains praticiens refuseront d’ailleurs de réaliser cet acte au bout de quatorze semaines de grossesse. Je suis moi-même personnellement favorable à ce que le délai légal de l’IVG reste fixé à douze semaines et ne souhaite pas qu’on l’allonge de deux semaines.

Il est illusoire de vouloir forcer des médecins à pratiquer cet acte. Heureusement, ils n’y seront pas obligés : la clause de conscience est maintenue, et le médecin devra communiquer sans délai le nom d’un praticien susceptible de réaliser l’IVG.

Je partage certains éléments du diagnostic établi par les auteures de la proposition de loi, notamment sur les inégalités territoriales d’accès à l’IVG. Il faut améliorer la prévention et l’information sur les moyens de contraception, tant féminine – elle est parfois présentée par certains comme dangereuse – que masculine.

Rembourser aux femmes âgées de moins de 25 ans leur contraception est une bonne mesure.

Dans les prochaines années, nous devrons améliorer l’offre de soins dans l’ensemble du territoire, afin de maintenir le délai effectif de recours à l’IVG en deçà de douze semaines.

C’est pourquoi je suis favorable aux mesures qui visent à faciliter de façon concrète l’accès à l’IVG sans modifier le délai légal. Ainsi, la suppression du délai de réflexion imposé à toute femme souhaitant avorter est essentielle lorsque la durée de la grossesse a atteint douze semaines.

En renforçant les compétences des sages-femmes, afin qu’elles soient capables de réaliser des IVG médicamenteuses et instrumentales comme les médecins, on vise à augmenter le nombre de praticiens disponibles, de sorte que le délai de l’IVG ne dépasse pas douze semaines. Cette mesure va aussi dans le bon sens.

En tout état de cause, nous devrons renforcer les politiques de prévention auprès des plus jeunes, notamment au collège et au lycée, et tout leur expliquer. En effet, que l’interruption intervienne au bout de quatre, six ou douze semaines de grossesse, il faut garder à l’esprit la phrase de Simone Veil : « L’avortement est toujours un drame. »

Je le redis, nous devrons enfin trouver les moyens de maintenir le délai de réalisation des IVG en deçà de douze semaines de grossesse.

Une majorité des membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires n’est pas favorable à ce texte. Cela étant, certains d’entre eux s’abstiendront, car ils ne souhaitent pas voter une motion tendant à opposer la question préalable.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
Question préalable (fin)

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Deroche, au nom de la commission, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer le droit à l’avortement (n° 481, 2021-2022).

La parole est à Mme la présidente de la commission, pour la motion.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous venons de procéder à la troisième discussion générale sur ce texte. Par deux fois, la commission des affaires sociales puis le Sénat ont marqué leur opposition à une proposition de loi dont nous estimons qu’elle apporte une mauvaise réponse, l’allongement des délais, à une vraie difficulté, celle de l’accès à l’IVG.

Je ne rappellerai pas l’ensemble des arguments exposés par les opposants à ce texte au cours d’un débat intervenu lors de son examen en deuxième lecture, lequel a été particulièrement riche et respectueux de toutes les opinions.

Je rappellerai en revanche les débats importants que nous avons eus lors de l’examen de ce texte en commission, que ce soit en première ou en deuxième lecture.

J’insisterai aussi sur le fait que l’allongement du délai de l’IVG conduit à une modification de la nature de l’acte, et ce alors que le besoin n’est pas vraiment étayé par les chiffres, même s’il existe, bien évidemment, certains cas difficiles.

Selon les données de la Drees, en 2017, seules 5 % des interruptions volontaires de grossesse ont été réalisées dans les deux dernières semaines du délai légal, qui est actuellement de douze semaines.

Il s’agit d’un acte considéré par les professionnels de santé eux-mêmes comme d’autant moins anodin qu’il est pratiqué tardivement au cours de la grossesse.

De récentes mesures, qui n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation, apportent d’ores et déjà des réponses.

Ainsi, l’article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 autorise les sages-femmes, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, à réaliser des interruptions volontaires de grossesse instrumentales en établissements de santé. Il semble donc prématuré de pérenniser dès aujourd’hui l’extension de cette compétence aux sages-femmes.

Par ailleurs, le texte transmis au Sénat renonce à supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG, qui figure dans notre droit depuis la loi Veil de 1975. Nous y voyons la confirmation du fait que cet acte mérite une considération particulière.

Nous estimons par ailleurs que la position du Gouvernement reste floue. La clarté des débats aurait sans doute gagné à ce que celui-ci précise sa position avant de prendre l’initiative d’inscrire l’examen en nouvelle lecture de ce texte à l’ordre du jour du Sénat dans le cadre de son espace réservé. La position de sagesse traduit moins le respect des positions du Parlement qu’un certain embarras devant la proposition de loi.

Notons enfin que le Sénat a déjà rejeté ce texte en première lecture, en commission, puis en séance publique par l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable. Ce schéma s’étant reproduit en deuxième lecture, je ne serai pas plus longue : la commission estime qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen de cette proposition de loi et demande de le constater par l’adoption de la présente motion.

Mme la présidente. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. En tant que rapporteure, j’aurais préféré que l’on discute et que l’on adopte ce texte. À ce titre, je ne suis pas favorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Le Gouvernement émet clairement un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.

J’aurais moi aussi préféré que la Haute Assemblée débatte de ce texte. (Mme Pascale Gruny sexclame.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Nous sommes défavorables à cette motion tendant à opposer la question préalable.

Après deux lectures, nous avons largement épuisé tous nos arguments, même si j’ai pris soin d’expliquer notre position au cours de la discussion générale.

Mes chers collègues, je souhaite appeler votre attention sur le fait que, chaque année, 3 000 à 5 000 femmes sont obligées de se rendre à l’étranger pour pratiquer un avortement.

Permettez-moi de vous dire que, si nous ne votions pas cette proposition de loi, nous nous comporterions de façon hypocrite. En effet, cela signifierait que certaines femmes pourront se rendre à l’étranger pour avorter, parce qu’elles en ont les moyens, alors que d’autres ne le pourront pas, ce qui accroîtra encore les inégalités sociales entre les femmes.

J’ai l’impression que nous allons vraiment faire un bond en arrière, mes chers collègues. D’une certaine façon, vous refusez à nouveau l’égalité entre les femmes.

En plus de tous les arguments qui ont déjà été avancés pour défendre cette proposition de loi, j’apporte cette précision supplémentaire : vous vous donnez bonne conscience, mes chers collègues, mais vous savez pertinemment que, dans les pays voisins de la France, les délais légaux de l’IVG sont beaucoup plus longs et dépassent souvent les quatorze semaines de grossesse.

Je ne trouve pas, une fois de plus, que le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable grandisse la Haute Assemblée, ce que l’ensemble de mon groupe et moi-même regrettons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST, RDPI et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, jeudi dernier, l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement.

Ce texte a pour objet de pallier certaines difficultés structurelles affectant le parcours des femmes souhaitant recourir à l’avortement en France.

Comme Laurence Cohen vient de le rappeler, plusieurs milliers d’entre elles se retrouvent chaque année hors délai et partent, si elles en ont les moyens, avorter à l’étranger. Il s’agit de milliers de femmes souvent jeunes, victimes de violences conjugales ou éloignées des centres de soins. Certains ont pu évoquer le risque de traumatismes.

Loin de moi l’idée de considérer que l’avortement est un acte anodin – il ne l’est jamais –, mais n’est-il pas également traumatisant de mener une grossesse à terme contre son gré ?

Au mois d’octobre 2021 et au mois de janvier dernier, la majorité sénatoriale a adopté une motion tendant à opposer la question préalable, mettant un terme à l’examen de cette proposition de loi. La commission mixte paritaire n’ayant pas été conclusive, il n’y aura de nouveau pas de débat ce soir en nouvelle lecture au Sénat. Ce sera donc un monologue de l’Assemblée nationale sur ce texte.

Nous prouvons pourtant sur tant d’autres textes que, malgré nos désaccords, nous échangeons, partageons nos points de vue et cherchons à faire évoluer des sujets, enrichis par la pluralité de nos courants de pensée. Tel est le rôle du Parlement et de la navette parlementaire.

Pourquoi ne pas avoir laissé une chance à ce dispositif ? Durant toute la navette parlementaire, le Sénat s’est tu. C’est une occasion manquée que je regrette.

Une fois de plus, nous voterons contre cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, SER, GEST et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Je refuse que l’on aborde ce sujet sous l’angle des riches et des pauvres. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. Xavier Iacovelli. Pas étonnant !

Mme Pascale Gruny. Le vrai sujet, c’est le délai ! Il faut faire en sorte de trouver les solutions qui permettront d’apporter des réponses plus rapides et empêcheront les femmes d’en arriver à cette situation ultime qu’est l’avortement. Celui-ci, comme vous l’avez très souvent dit, n’est pas un acte anodin, y compris pour leur santé physique.

Je pense en particulier à ces femmes qui, à cause d’un avortement qui s’est passé mal, ne pourront plus avoir d’enfant au moment où elles en auront envie. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe SER.)

Je refuse le débat que vous nous proposez. Il convient plutôt d’améliorer l’accès au planning familial, de revoir notre manière d’éduquer les enfants à la sexualité – peut-être faudrait-il le faire plus tôt qu’aujourd’hui. Ce sont avant tout ces sujets qu’il nous revient de traiter.

En revanche, je refuse que vous nous mettiez dans le camp des opposants à l’avortement : nous ne sommes pas contre l’IVG ! J’ai rencontré des gynécologues et des sages-femmes : personne ne peut dire ici que ces praticiens réalisent des avortements de gaieté de cœur. (Exclamations sur les travées du groupe SER.) Lorsqu’ils refusent de les pratiquer pour objection de conscience, c’est bien entendu parce qu’ils sont avant tout là pour donner la vie. Je crois qu’ils méritent que l’on pense aussi à eux.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 102 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l’adoption 206
Contre 129

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement est rejetée.

Question préalable (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
 

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée demain, jeudi 17 février 2022 :

À dix heures trente, quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Examen d’une demande de la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qu’il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener une mission d’information sur le contrôle des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l’article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (texte de la commission n° 456, 2021-2022) ;

Nouvelle lecture de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire (texte n° 480, 2021-2022) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l’aménagement du Rhône (texte de la commission n° 479, 2021-2022) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur (texte de la commission n° 448, 2021-2022) ;

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à simplifier l’accès des experts forestiers aux données cadastrales (texte de la commission n° 472, 2021-2022).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)

 

nomination dun membre dune éventuelle commission mixte paritaire

La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale a désigné un candidat pour siéger à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette candidature est ratifiée : M. François-Noël Buffet est proclamé membre de cette commission mixte paritaire, en remplacement de M. François Bonhomme.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER