M. le président. L’amendement n° 20, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le 1° est complété par les mots : « , d’un détachement pour l’accomplissement d’un stage ou d’une période de scolarité préalable à la titularisation dans un corps ou un cadre d’emplois de fonctionnaires ou pour suivre un cycle de préparation à un concours donnant accès à un corps ou un cadre d’emplois » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3 (nouveau)
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Article 5 (nouveau)

Article 4 (nouveau)

L’article 13-2 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire qui, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, a relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives de faits constitutifs d’un délit, d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. » ;

2° Le quatrième et le dernier alinéas sont supprimés.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 3 rectifié est présenté par MM. Sueur et Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Marie, Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 4 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 12 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Au premier alinéa de l’article 13-2 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs, les mots : « de l’article 24-1 » sont remplacés par les mots : « de l’article 21-1 ».

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, nous proposons de rétablir les dispositions relatives à la lutte contre les conflits d’intérêts, supprimées par la commission des lois.

Nous mesurons les particularités de la Polynésie française, rappelées à l’instant par Jean-Claude Requier. Notre collègue Lana Tetuanui a par ailleurs souligné l’étroitesse des liens familiaux ou amicaux qui existent entre les habitants des îles de Polynésie, lesquels pourraient, selon elle, rendre inopérant le principe même de conflit d’intérêts.

Nonobstant ces bonnes relations, que nous saluons, il nous semble toujours utile de prévenir par la loi ces conflits, qui peuvent survenir à tout moment.

Nous nous devons, en tant que législateurs, de faire en sorte que, partout sur le territoire de la République, des mécanismes de prévention des conflits d’intérêts, qui permettent aussi de protéger les fonctionnaires, existent.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Pascal Savoldelli. Il aura fallu attendre 2016 pour que la loi définisse enfin le conflit d’intérêts comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ».

Cette avancée en matière de transparence de la vie publique permet de renforcer la prévention de ces conflits et le contrôle exercé sur les agents et responsables publics, qui peuvent se retrouver dans des situations où leurs intérêts personnels se mêlent à l’exercice de leurs fonctions.

Les obligations déontologiques des fonctionnaires sont censées leur permettre de respecter ces frontières poreuses. À l’heure où nous parlons beaucoup de la nécessaire protection des lanceurs d’alerte – nous en discutions d’ailleurs ici même récemment –, dont traitent certaines des dispositions de la présente ordonnance, nous regrettons que la notion de conflit d’intérêts ait été retirée du texte de la commission. Nous le regrettons d’autant plus que l’article correspondant prévoyait une protection des fonctionnaires qui participeraient par leur témoignage à la lutte contre les conflits d’intérêts.

Il est légitime de demander la prise en compte des spécificités de la Polynésie française lorsque le Gouvernement et le Parlement sont amenés à légiférer sur des politiques qui s’y appliquent.

Cependant, en l’espèce, au regard de la définition qui pose les limites du conflit d’intérêts, nous ne considérons pas que la lutte contre ces situations puisse être exclue du statut des fonctionnaires publics communaux polynésiens. L’argument de la proximité pourrait en outre être avancé en métropole ou dans d’autres endroits où s’applique déjà la législation en la matière.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 12.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est défendu. Après que la commission aura rendu son avis sur les trois amendements, je reprendrai la parole pour revenir au détail de celui-ci.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Vous me permettrez de commencer mon intervention en précisant quel a été le cheminement de la commission des lois, sans contredire toutefois ce qui vient d’être dit par nos collègues Jean-Pierre Sueur et Pascal Savoldelli, et qui sera sûrement évoqué dans les mêmes termes par M. le ministre.

Il ne s’agissait pas pour nous de contrevenir à ce que la loi a pu améliorer en matière de prévention des conflits d’intérêts. Nous pensions en revanche qu’il était utile de prendre en compte les spécificités territoriales de la Polynésie française. Je retiens d’ailleurs de toutes les interventions des orateurs des différents groupes la volonté de tenir compte de ces spécificités. Or comment mieux le faire qu’en se dotant notamment des outils qui permettent localement de traiter la question des conflits d’intérêts ?

À force de cheminer, nous avons réussi, me semble-t-il. Les amendements suivants permettront de préciser la position du Gouvernement sur ce sujet, mais le maintien de la commission de déontologie permet de prendre véritablement en compte les spécificités territoriales de la Polynésie française.

Sans revenir sur les arguments de fond précédemment développés, le fonctionnement global du système me paraît à présent plus satisfaisant.

La commission émet donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 3 rectifié, 4 et 12.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous sommes évidemment favorables à ces amendements.

Néanmoins, si M. le sénateur Jean-Pierre Sueur m’y autorise, je solliciterai le retrait de l’amendement qu’il a présenté, dont la rédaction initiale est légèrement différente de celle des amendements déposés par Mme Éliane Assassi et le Gouvernement.

Cette demande tient uniquement à des raisons formelles, ces amendements convergeant sur le fond.

M. le président. Monsieur Sueur, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur. C’est avec grand plaisir, monsieur le ministre, qu’au bénéfice de la déontologie je retire mon amendement au profit de celui de Mme Éliane Assassi.

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. Sur le principe, nous ne sommes pas opposés à la notion de conflit d’intérêts, mais c’est son application sur le terrain qui m’inquiète. Pour tous les textes votés à 20 000 kilomètres de distance et pour tous les principes de droit commun que l’on veut étendre à la Polynésie, c’est la mise en œuvre concrète qui pose malheureusement problème.

Monsieur le ministre, dans une petite commune de cinquante habitants où les élus sont frères et sœurs, où l’agent de police municipale est le neveu du maire, où tout le monde se connaît, il arrivera forcément un moment où le maire donnera des instructions à cet agent de police qui se trouve être son neveu. En ce cas, comment fera-t-on ?

Nous ne sommes pas opposés au dispositif proposé, mais nous nous interrogeons sur la possibilité de le faire appliquer sur le terrain. Cela ne marchera pas !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est pareil dans tous les villages de France et de Navarre ! (Mme Éliane Assassi acquiesce.)

Mme Lana Tetuanui. Peut-être ! Telle est en tout cas la position de la sénatrice de Polynésie que je suis. Je suis opposée à ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 12.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé.

Article 4 (nouveau)
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Article 6 (nouveau)

Article 5 (nouveau)

Le deuxième alinéa de l’article 16 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs est ainsi rédigé :

« L’action sociale, collective ou individuelle, vise à améliorer les conditions de vie des agents publics et de leurs familles dans les domaines de la restauration, de l’enfance et des loisirs. »

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Sueur et Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Marie, Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement concerne les prestations sociales que les collectivités peuvent mettre en place pour améliorer les conditions de vie de leurs agents et de leurs familles. Ces prestations, qui peuvent être individuelles ou collectives, peuvent tout aussi bien concerner la restauration, l’enfance, les loisirs ou le logement.

La commission des lois a restreint le champ de l’action sociale des collectivités de Polynésie française en supprimant les prestations en matière de logement. La commission invoque notamment des contraintes d’ordre budgétaire pour justifier ce choix.

Or je ne comprends pas cet argument. Les collectivités territoriales déterminent librement le type d’action sociale qu’elles entendent mener et le montant des dépenses qu’elles souhaitent y engager.

Cet amendement vise donc simplement à rétablir la possibilité pour les collectivités locales de la Polynésie française de mettre en œuvre, si elles le souhaitent, des prestations sociales en faveur du logement plutôt qu’en faveur de la restauration ou des loisirs. Il s’agit en quelque sorte de maintenir pour elles la possibilité d’apporter des aides à leurs agents dans le domaine du logement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous ne sommes pas opposés dans l’absolu à cette idée. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire au questeur Jean-Pierre Sueur.

L’instauration de l’action sociale en faveur des agents communaux constitue une avancée notable. La commission a toutefois estimé que la reprise à l’identique du dispositif existant en métropole depuis la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique n’était pas adaptée aux contraintes pesant sur les communes polynésiennes.

Étant donné la relative jeunesse de la fonction publique communale, il semblerait préférable de procéder de façon progressive et de concentrer, pour commencer, le champ de l’action sociale aux trois domaines que sont la restauration, l’enfance et les loisirs.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 2.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Dès lors que cet amendement vise à ouvrir une liberté, en indiquant que les communes « peuvent » et non « doivent » mettre en œuvre des prestations sociales en faveur du logement, le Gouvernement peut y être totalement favorable.

J’ai été ministre chargé des collectivités territoriales et j’ai passé beaucoup de temps au Sénat à discourir des libertés locales. Nous avons ici un vecteur pour donner des capacités supplémentaires aux communes de Polynésie française. Je ne vois pas pourquoi ce que nous disons pour l’Hexagone ne vaudrait pas aussi pour la Polynésie, dans le même champ de liberté.

L’avis du Gouvernement est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5 (nouveau)
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Article 7 (nouveau)

Article 6 (nouveau)

L’article 21 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs est ainsi rédigé :

« Art. 21. – Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité. Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par MM. Sueur et Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Marie, Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 5 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 18 rectifié est présenté par Mme Eustache-Brinio et M. Le Rudulier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 1.

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai déjà plaidé en faveur de cet amendement lors de la discussion générale. Cela nous poserait vraiment un problème si notre assemblée décidait de supprimer le mot « laïcité » figurant dans le texte initial.

En effet, ce mot nous est cher. Je rappelle que c’est la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, portée par Marylise Lebranchu, qui a consacré le principe de laïcité dans le statut de la fonction publique.

Pour ce qui est du cas spécifique de la Polynésie française, il a été rappelé qu’il y existait des mœurs et des coutumes et que la ou les religions tenaient une place importante dans la vie de ce territoire. Cependant, cela ne constitue pour nous, en aucun cas, un argument en faveur du retrait du mot « laïcité » du texte.

La laïcité – faut-il le dire et le redire ? –, c’est le respect de chacune et de chacun, le respect des convictions, des croyances, de l’absence de croyance ou encore des philosophies des uns et des autres.

La laïcité est, bien sûr, compatible avec toutes les coutumes locales. Elle est un principe général figurant à l’article premier de la Constitution.

Je le redis, nous avons toutes les raisons de voter ce texte, mais nous ne pourrions y souscrire s’il se voyait appliquer la position de principe consistant à retirer le mot « laïcité », comme si ce terme, tel que la République le conçoit, pouvait poser problème dans certaines parties de son territoire.

C’est pourquoi nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement, ainsi que sur les deux autres qui lui sont identiques.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 5.

M. Pascal Savoldelli. J’aurais pu ne pas intervenir, notre collègue Jean-Pierre Sueur ayant bien expliqué cet amendement. Mais nous avons tous le souci de nous écouter, et je souhaite livrer mon argumentation au débat.

Je vois trois choses importantes. Premièrement, la laïcité figure dans le statut général de la fonction publique. Or la Polynésie a besoin de la fonction publique.

Deuxièmement – il s’agit là d’une simple observation, loin de moi l’idée de lancer une polémique –, la laïcité ouvre une liberté de conscience. Or je pense que les Polynésiens ont besoin de liberté de conscience. La conscience peut être de plusieurs ordres : religieux, politique, ou porter sur d’autres aspects. La liberté de conscience a sa place partout, y compris en Polynésie.

Troisièmement, nous avons débattu ici, avec des approches variées, de la question de savoir à quel moment la République acceptait la différenciation. (M. le ministre manifeste son approbation.)

Cette question, qui n’est sans doute pas ouverte à l’infini, est tout de même vouée à l’expérimentation et à la poursuite du débat démocratique.

Je vous le dis : il y a des principes constitutionnels qui, à mon avis, ne relèvent pas de la différenciation, mais de l’unité, entendue comme élément de la cohésion sociale d’un peuple. Ce n’est pas rien !

La Polynésie française, sujet de ce soir, nous ouvre donc aussi des chantiers importants.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.

M. Stéphane Le Rudulier. Dans le prolongement des propos tenus par mes deux collègues, l’idée de cet amendement n’est pas de revenir sur les particularités locales du territoire polynésien ni sur la non-application de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

Ce qui vient d’être dit est très intéressant. Il s’agit de trouver un équilibre entre le respect pleinement légitime des singularités locales et l’application des principes inscrits dans notre loi fondamentale.

C’est la raison pour laquelle ma collègue Jacqueline Eustache-Brinio a déposé cet amendement de suppression. L’idée est que l’ensemble des règles déontologiques inscrites dans le droit commun s’appliquent aussi sur le territoire polynésien, dont le fameux principe de laïcité, figurant à l’article premier de notre Constitution, ce qui lui confère un rang nettement supérieur à tous les autres principes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je pourrais faire miens les propos qui viennent d’être tenus.

Il nous paraissait important, comme l’a dit notre collègue Pascal Savoldelli, de faire naître le débat sur ce sujet et d’entendre l’ensemble des avis, en portant et en reprenant à notre compte « l’esprit de la laïcité », pour reprendre les mots pleins de sagesse du président Jean-Claude Requier.

Il n’a jamais été question pour nous d’agir autrement. Le Sénat a toujours soutenu inlassablement l’esprit de la laïcité. Nous avons pu le constater lors du débat qui s’est tenu il y a une semaine, ici même, dans cet hémicycle. Loin de nous l’idée de mettre à mal ce principe, bien au contraire !

Cependant, l’amendement de notre collègue Lana Tetuanui soulevait une question importante, qui fait écho au statut de la Polynésie et met en regard les notions de neutralité et de laïcité.

Ce débat nous permet à la fois de redire notre attachement viscéral au principe de laïcité et d’entendre les spécificités territoriales.

Jean-Pierre Sueur, Pascal Savoldelli et Stéphane Le Rudulier ont redit leur attachement à ce principe. Nous avons tous réaffirmé notre volonté de prendre en compte la laïcité.

Notre collègue Thani Mohamed Soilihi nous laissait entendre qu’il y aurait une suite assez rapide à ce texte. Espérons-le ! La fin de la session nous laisse toutefois penser que la navette pourrait s’inscrire dans la durée.

Nous aurions souhaité, à la suite des longues auditions que nous avons eues avec la direction générale des collectivités locales (DGCL) et la direction générale des outre-mer (DGOM), qu’une sensibilisation à la laïcité puisse être mise en œuvre. Nous organisons de nombreuses journées de sensibilisation des élus sur d’autres sujets – je me tourne vers notre collègue sénatrice de Saint-Barthélemy, en pensant notamment à la question des risques majeurs –, mais la laïcité n’en fait pas encore partie, en dépit de l’importance de ce principe.

Nous réitérons l’avis de sagesse que nous avions émis en commission sur ces trois amendements identiques et souhaitons entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Sur ces sujets, il faut dire les choses avec la plus grande clarté. L’avis du Gouvernement est favorable !

J’en profite pour apporter une précision. Contrairement à ce qu’a laissé entendre M. Guy Benarroche, l’ordonnance que je vous présente a été prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, et non de l’article 38. Vous avez un peu « touillé » nos dispositifs constitutionnels, monsieur le sénateur, et adressé quelques reproches aux ordonnances. Manque de pot, celle que je vous propose cet après-midi entre dans le cadre du dispositif d’adaptation spécifique aux outre-mer !

Nous sommes donc favorables à la laïcité tout en prônant, comme depuis plus d’un siècle, le discernement dans la manière de l’appliquer. La République a su se montrer particulièrement exemplaire en la matière.

La sénatrice Lana Tetuanui est dans son rôle lorsqu’elle relaie la peur d’une laïcité trop offensive qui viendrait remettre en question un certain nombre de pratiques locales.

Mais il faut le redire avec la plus grande des tranquillités : nous ne sommes pas là pour légiférer par le bas sur la laïcité.

L’avis du Gouvernement est donc favorable sur les amendements identiques nos 1, 5 rectifié et 18.

Le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement sur cet article, volontairement, pour que le débat puisse avoir lieu.

Pendant l’intervention de Pascal Savoldelli, je regardais avec un peu de malice mon ami Pierre Frogier, car cela soulève également la question de savoir ce que sont les valeurs de l’ensemble républicain pour les collectivités du Pacifique. Il s’agit d’un beau débat de fond, y compris pour la Nouvelle-Calédonie – Pierre Frogier le sait mieux que quiconque.

Je le redis donc une troisième fois : avis favorable !

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je comprends les intentions des auteurs de ces amendements identiques. En tant que législateur – et je ne suis là qu’en tant que tel –, je pourrais être tenté de les voter. Cependant, nous sommes là aussi en tant que représentants de nos collectivités.

Stéphane Le Rudulier a parlé tout à l’heure d’équilibre. Jean-Pierre Sueur a parlé de vivre-ensemble. C’est effectivement à cela que tend le principe de laïcité. Toutefois, ces équilibres existent d’ores et déjà dans les territoires. Ils ont été construits depuis des centaines d’années, même des millénaires.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République, il faut faire attention à ne pas compromettre ces équilibres. Une loi doit être comprise, et j’attire l’attention des membres de la Haute Assemblée sur le fait qu’ils pourraient donner aux Polynésiens l’impression de vouloir passer en force.

Nous pourrions remettre ce débat à plus tard, pour permettre localement qu’il y ait une discussion sur la question de la laïcité.

Finalement, le groupe RDPI s’abstiendra sur ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. Merci à mon collègue de Mayotte d’avoir rappelé les principes, les us et les coutumes qui existent dans nos territoires.

J’en appelle à la conscience de mes collègues sénateurs. Nous comprenons tout à fait le principe constitutionnel de la laïcité, mais il faut savoir aussi qu’un mot peut dire et faire beaucoup de choses.

Dans toutes les discussions que j’ai menées avec l’ensemble des acteurs au sujet de ce projet de loi de ratification, c’est le mot « laïcité » qui suscitait le plus de frustration. On me parle de Constitution, mais ici, en métropole, ce n’est qu’en 2016, avec la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Lebranchu, que le principe de laïcité a été introduit dans la fonction publique territoriale.

En Polynésie, il ne l’a pas été dans la fonction publique de la collectivité. Il existe là-bas trois fonctions publiques : la fonction publique d’État, celle de la collectivité, et la fonction publique communale, dont nous discutons aujourd’hui. Si l’État souhaite inscrire ce principe dans le droit, qu’il le fasse pour tout le monde !

Nous n’avons pas de problème avec le mot « laïcité » ; cependant, nous avons préféré celui de « neutralité ». Je vous mets en garde, mes chers collègues : je crains fort que votre insistance à vouloir retenir le mot « laïcité » n’ait des conséquences sur mon territoire et remette en cause toute l’organisation pratique sur le terrain des relations entre les communes et les religions et ne soit source de déséquilibres.

Je m’en tiens donc la demande de rédaction émanant de l’ensemble de nos organisations syndicales et des élus communaux : « neutralité » plutôt que « laïcité ».

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 5 rectifié et 18.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 107 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 294
Pour l’adoption 237
Contre 57

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 6 est supprimé. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

Article 6 (nouveau)
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Article 8 (nouveau)

Article 7 (nouveau)

Le dernier alinéa du III de l’article 21-2 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs est ainsi rédigé :

« Lorsque l’autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d’une entreprise avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois années précédant sa demande d’autorisation, elle saisit pour avis, préalablement à sa décision, une commission de déontologie qui relève du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française et dont la composition et les modalités de fonctionnement sont prévues par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française. »