compte rendu intégral

Présidence de Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures quinze.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mises au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Comme je l’avais annoncé dans mon explication de vote, lors du scrutin n° 108 d’hier sur l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, l’ensemble des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain comptait voter pour.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Lors de ce même scrutin n° 108, tous les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires souhaitaient également voter pour ledit projet de loi.

Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre l'implantation de panneaux photovoltaïques sur des friches
Article unique

Implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés, présentée par M. Didier Mandelli et plusieurs de ses collègues (proposition n° 40, texte de la commission n° 458, rapport n° 457).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission.

proposition de loi visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des friches

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre l'implantation de panneaux photovoltaïques sur des friches
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

Le paragraphe 1 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de lurbanisme est complété par un article L. 121-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 121-12-1. – À titre exceptionnel et par dérogation à larticle L. 121-8, des ouvrages nécessaires à la production délectricité à partir de lénergie radiative du soleil peuvent être autorisés dans une friche par lautorité administrative compétente de lÉtat, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Le silence de lautorité compétente vaut refus.

« Linstruction de la demande dautorisation mentionnée au premier alinéa du présent article sappuie notamment sur une étude dincidence, réalisée par le maître douvrage, démontrant, dune part, que son projet satisfait mieux lintérêt public quun projet favorisant la renaturation du site et nest pas de nature à porter atteinte à lenvironnement, notamment à la biodiversité, ou aux paysages et, dautre part, labsence datteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques, en situation normale comme en cas dincident.

« La liste des friches dans lesquelles ces autorisations peuvent être délivrées est fixée par décret pris après concertation avec le Conservatoire de lespace littoral et des rivages lacustres mentionné à larticle L. 322-1 du code de lenvironnement. »

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre l'implantation de panneaux photovoltaïques sur des friches
Explications de vote sur l'ensemble (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, pendant sept minutes, puis au Gouvernement, et enfin à un représentant de chaque groupe pour cinq minutes.

La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le texte adopté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des friches.

Ce texte reprend l’article 102 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience ; cet article, introduit au Sénat en première lecture, avait vu sa rédaction modifiée par le compromis trouvé en commission mixte paritaire en juillet 2021, avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel.

La présente proposition de loi a été déposée par Didier Mandelli et plusieurs de ses collègues dans l’objectif de faire enfin aboutir ce dispositif consensuel et équilibré, qui répond à une demande formulée de longue date par les élus du littoral.

La loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, freine actuellement le déploiement de l’énergie photovoltaïque dans de nombreuses communes littorales.

En effet, en application du code de l’urbanisme, « l’extension de l’urbanisation », c’est-à-dire les constructions nouvelles, n’est autorisée sur le territoire de ces communes qu’à proximité des « agglomérations et villages existants ». Si des dérogations à ce principe ont été définies par le législateur, notamment pour les cultures marines et les activités agricoles et forestières, aucune dérogation n’est prévue à ce jour pour les installations nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil.

En outre, le juge administratif rappelle, dans une jurisprudence constante, qu’il considère les installations photovoltaïques comme une « extension de l’urbanisation » qui n’est permise, sur le territoire des communes littorales, qu’en continuité avec les constructions existantes.

De nombreuses communes littorales souhaitant installer des panneaux solaires à distance des habitations, afin de favoriser leur acceptabilité sociale, se trouvent donc dans une impasse juridique.

Tel est le cas de la commune de L’Île-d’Yeu, dans laquelle je me suis rendue le 3 février dernier avec Didier Mandelli : elle porte depuis près de dix ans un projet de parc photovoltaïque qui permettrait d’accroître son autonomie énergétique. L’implantation de ce parc est envisagée dans une ancienne décharge, afin de ne pas empiéter sur des surfaces naturelles. Le projet se heurte toutefois à des freins juridiques, notamment du fait de la loi Littoral.

À l’heure où la France affirme ses ambitions en matière de transition énergétique, cette situation, que connaissent de nombreux territoires, n’est pas satisfaisante.

Rappelons que la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte a prévu de porter à 40 % la part des énergies renouvelables dans notre production d’électricité d’ici à 2030. Par ailleurs, la loi Climat et résilience a prévu la déclinaison de ces objectifs à l’échelle régionale, afin d’ancrer la transition énergétique au niveau local.

Il est donc essentiel de permettre à tous les territoires, y compris les territoires littoraux, d’exploiter leur potentiel de production d’énergies renouvelables.

Cette problématique est accentuée dans les régions insulaires, souvent fortement dépendantes d’énergies fossiles importées du continent, dont l’approvisionnement peut être instable et le coût élevé. À cette difficulté s’ajoutent des contraintes urbanistiques fortes liées à la géographie des îles : les communes littorales s’y étendent parfois loin dans les terres et à distance du rivage, en particulier dans les outre-mer.

Conscient de la nécessité d’un assouplissement de la loi, dès 2015, le législateur a autorisé l’implantation d’éoliennes à distance des villes et villages en zone littorale, en métropole comme en outre-mer.

L’article unique de cette proposition de loi vise à étendre cette possibilité aux installations photovoltaïques. Afin de ne pas accroître l’occupation des sols, il est toutefois prévu que cette dérogation ne s’applique qu’à des friches, c’est-à-dire à des sites qui ne sont plus exploités, dont la liste sera fixée par décret.

Cette dérogation est encadrée de manière stricte afin de garantir la protection des milieux littoraux : d’une part, les projets seront autorisés au cas par cas par l’autorité compétente de l’État, sur la base d’une étude d’incidence démontrant notamment que le projet ne porte pas atteinte à l’environnement ou aux paysages ; d’autre part, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sera consultée avant toute autorisation.

En commission, nous avons encore renforcé les garde-fous, en prévoyant la consultation du Conservatoire du littoral pour l’établissement de la liste des friches concernées et en précisant le champ de l’étude d’incidence environnementale qui sera remise par le maître d’ouvrage.

Le recensement des friches n’a pas encore débuté, mais une vingtaine de sites pourraient être concernés.

Vous l’aurez compris, notre commission approuve pleinement ce dispositif qui aidera les communes littorales à s’engager dans une démarche de transition écologique et à participer à l’effort collectif en faveur des énergies renouvelables.

J’ai conscience que l’objet de ce texte est très circonscrit et que certains d’entre vous, mes chers collègues, auraient souhaité aller plus loin pour favoriser le déploiement des activités favorables à la transition écologique en zone littorale. Je pense toutefois que nous devons considérer ce texte comme une première étape dont nous pouvons nous satisfaire aujourd’hui.

Il importe à présent que cette proposition de loi aille au terme de la navette parlementaire.

Malheureusement, ce texte ne sera pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale avant la suspension des travaux parlementaires. Je le regrette d’autant plus que cette proposition de loi satisfait à la fois le Gouvernement, les députés et les acteurs de terrain ; son adoption définitive par le Parlement d’ici à la fin du mois aurait donc probablement été une simple formalité. Même si le calendrier parlementaire est très contraint en cette fin de législature, il me semble qu’un examen « éclair » à l’Assemblée nationale aurait été possible, à condition bien sûr de faire preuve de volontarisme politique et d’engager la procédure accélérée.

En tout état de cause, on peut espérer que la prochaine législature nous permette enfin d’aboutir sur ce sujet et de concrétiser l’évolution de bon sens que nous proposons.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, il s’agit de mettre nos actes en cohérence avec nos ambitions en matière de transition énergétique et de permettre à l’énergie photovoltaïque de trouver sa place dans les communes littorales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd’hui la proposition de loi visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés. Je tiens à remercier M. Mandelli d’avoir pris l’initiative de ce texte, car nous avons tous à cœur – les discussions que nous avons eues au sein du calendrier législatif de ces derniers mois l’ont montré – de trouver des occasions de développement de l’énergie photovoltaïque, dans le respect des équilibres et de la loi Littoral.

L’article unique de cette proposition de loi reprend une mesure qui figurait à l’article 102 de la loi Climat et résilience, introduit dans le texte par l’adoption d’un amendement de M. Mandelli. Cet article avait été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif ; le présent texte permettra de surmonter cette difficulté.

Son objet est d’apporter une dérogation à la loi du 3 janvier 1986, dite loi Littoral, une loi historique qui concerne plus de 1 200 communes proches de la mer, de grands lacs, d’estuaires ou de deltas, et à laquelle le Gouvernement, comme beaucoup de parlementaires, est très attaché.

Toute dérogation à cette loi devait donc être soigneusement soupesée, étudiée et évaluée dans toutes ses implications et ses incidences ; c’est bien ce qui a été fait, me semble-t-il, dans le cadre des réflexions ayant abouti à ce texte, dont la rédaction obéit à ce devoir de prudence et dont l’objet est tout à fait souhaitable à plusieurs égards.

En effet, le déploiement des énergies renouvelables est absolument nécessaire aujourd’hui ; cet impératif nous invite à examiner toutes les possibilités d’implantation de tels équipements.

Si nous souhaitons sortir des énergies fossiles et renforcer notre autonomie énergétique, il faut nous appuyer sur les trois piliers essentiels de notre nouveau mix énergétique : la sobriété, les énergies renouvelables et le nucléaire. Nous devons développer cette ambition, en particulier autour de l’énergie photovoltaïque, sachant que les deux tiers de notre consommation finale d’énergie reposent encore sur les énergies fossiles.

Des mesures ont été prises durant toute la présente mandature et encore très récemment. Je n’en citerai que deux : en premier lieu, le lancement d’appels d’offres pour des centrales photovoltaïques, tant au sol que sur bâtiments, sur la base d’un cahier des charges validé à l’été 2021 par la Commission européenne pour une période de cinq ans, au sein de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028 ; en second lieu, l’extension de l’arrêté tarifaire pour les projets photovoltaïques sur bâtiments jusqu’à une puissance de 500 kilowatts-crête, contre 100 précédemment.

Ce nouveau dispositif, publié en octobre dernier, permet de monter des projets plus rapidement et rencontre d’ores et déjà un grand succès : des projets représentant une puissance totale de 800 mégawatts ont déjà été déposés.

Les mesures adoptées ces dernières années portent leurs fruits, avec un niveau record de raccordement de plus de 2 gigawatts l’an dernier, soit l’équivalent de deux réacteurs nucléaires ; la puissance totale du parc photovoltaïque dépasse désormais 13 gigawatts.

Cet effort doit encore être amplifié. Les perspectives d’évolution du mix électrique nous amènent à envisager un parc photovoltaïque d’une puissance totale d’environ 100 gigawatts à l’horizon 2050 ; le défi est de taille !

Le succès du développement de l’énergie photovoltaïque passe par la mobilisation du foncier pour l’accueil de projets sur bâtiments comme au sol. Concernant les bâtiments, la direction de l’immobilier de l’État travaille pleinement à identifier les sites pouvant accueillir de tels projets. Quant aux centrales au sol, il est important de mobiliser autant que possible des terrains déjà artificialisés ; c’est pourquoi nous nous intéressons au premier chef aux friches. Ainsi, nos appels d’offres accordent une bonification de notation aux projets prévus sur des friches ou d’anciennes décharges. Cela illustre l’intérêt de ces dispositifs et l’engouement qu’ils suscitent.

Pour aller plus loin, le ministère de la transition écologique et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) ont piloté une étude, réalisée par le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), associé au bureau d’études Tecsol et en lien étroit avec les services déconcentrés de l’État, pour identifier toutes les friches susceptibles d’accueillir des projets photovoltaïques.

Cette étude est désormais finalisée. Je suis très heureuse de vous annoncer que la liste des 874 sites potentiels, pour une puissance totale considérable de 7 800 mégawatts, sera publiée dans les heures qui viennent, sur le site du ministère et sur la plateforme Cartofriches du Cerema. L’accès à cette liste bénéficiera à tous les porteurs de projets, aux préfets, qui pourront relayer l’information localement, et aux collectivités locales : ils pourront se saisir de ces informations pour monter des projets sur des sites identifiés.

En cohérence totale avec l’enjeu de mobiliser des friches pour les projets photovoltaïques, la présente proposition de loi vise à permettre d’installer des dispositifs de production d’électricité photovoltaïque sur des friches localisées dans les zones soumises à la loi Littoral.

Cette dérogation permettra à nos collectivités littorales et a fortiori insulaires de ne pas être exclues de ce grand effort national de déploiement des énergies renouvelables. Elle se justifie pleinement par ces enjeux de verdissement de notre mix énergétique et d’égalité entre les territoires.

Cette proposition de loi a le grand mérite de limiter cette dérogation à des sites dégradés et au seul développement de l’énergie solaire, dans une liste limitative de cas.

Cette démarche me semble tout à fait pertinente et cohérente avec celle que nous menons, du local au national. Elle allie développement des énergies renouvelables et mobilisation des espaces les mieux adaptés, là où les enjeux environnementaux sont les plus limités.

C’est dans cet esprit aussi que nous encourageons l’installation de panneaux solaires sur les toitures, en facilitant l’accès au tarif de rachat de l’électricité produite.

Notre priorité en matière de friches est leur valorisation, qui permet d’économiser du foncier et de lutter contre l’artificialisation des sols. C’est dans cette optique que nous encourageons leur reconversion.

Ainsi, le fonds pour le recyclage des friches que nous avons mis en place permet notamment de développer des projets solaires dans des zones inexploitées ; face au succès de ce fonds, le Premier ministre en a annoncé une nouvelle édition, qui sera déployée en 2022 à hauteur de 100 millions d’euros. Au total, ce fonds aura été doté de 750 millions d’euros ; nous pouvons vraiment nous en féliciter !

Enfin, cette proposition de loi respecte pleinement l’esprit comme la lettre de la loi Littoral et l’intention du législateur ; on a su trouver cet équilibre en prévoyant que ces installations ne pourront être permises qu’à titre exceptionnel, par l’autorité compétente de l’État et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Je suis évidemment, tout comme vous, particulièrement attachée à ce que ce texte limite la dérogation aux cas où le projet photovoltaïque satisfait mieux l’intérêt public qu’un projet de renaturation. Il faut que nous sachions vraiment construire ensemble ces équilibres entre les enjeux énergétiques et de préservation de l’environnement ; cela nous appelle à la plus grande nuance et à une approche différenciée selon les sites identifiés.

Le Gouvernement définira par décret la liste des friches pour lesquelles ces autorisations pourront être délivrées ; une vingtaine de sites semblent pouvoir correspondre aujourd’hui aux critères définis. Cette disposition représente une protection supplémentaire quant au périmètre des zones potentiellement concernées.

La rédaction actuelle de l’article unique de cette proposition de loi permettrait, selon les travaux du Cerema, d’ouvrir cette possibilité à une vingtaine de sites soumis à la loi Littoral. Nous espérons pouvoir confirmer cette liste dans un décret dès 2022. Il s’agit donc d’une possibilité encadrée et raisonnable, qui offrira très rapidement de la visibilité aux éventuels porteurs de projets.

Pour l’ensemble de ces raisons, la rédaction de cette proposition de loi me semble tout à fait adaptée, exigeante et protectrice ; le Gouvernement lui est donc pleinement favorable.

Je tiens à remercier une nouvelle fois M. Mandelli d’avoir pris cette initiative sur un sujet essentiel pour notre transition énergétique et pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Éric Gold applaudit également.)

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe RDPI soutient pleinement cette initiative de Didier Mandelli et plusieurs de ses collègues en faveur de l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites jugés dégradés – en l’occurrence, des friches.

Sénatrice d’un département comptant 1 250 kilomètres de côte et 115 communes littorales sur un total de 277, je me réjouis que nous examinions aujourd’hui ce texte très attendu.

Cette proposition de loi reprend une mesure déjà adoptée, en commission mixte paritaire, lors de l’examen de la loi Climat et résilience, mais censurée par le Conseil constitutionnel au titre de l’article 45 de la Constitution : il avait été considéré que le dispositif en question n’avait pas de lien avec l’objet du projet de loi.

L’article unique présenté en commission, amendé trois fois et dont nous débattons aujourd’hui en séance publique, vient donc confirmer la volonté du législateur, avec un véhicule législatif cette fois-ci adapté.

Depuis 1986, comme cela a été rappelé, les constructions nouvelles dans les communes littorales ne peuvent être réalisées qu’en continuité avec les « agglomérations et villages existants », en application de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. La jurisprudence administrative est claire et constante sur ce point : l’implantation de parcs photovoltaïques est concernée, elle n’est donc permise qu’à cette condition.

Des dérogations au principe général ont pourtant déjà été prévues. C’est notamment le cas pour les cultures marines et pour les activités agricoles et forestières. Depuis 2015, c’est aussi le cas pour l’édification d’éoliennes. La justification est l’existence possible de nuisances, notamment sonores, pour les riverains, en cas d’installation plus proche des habitations. Mais les tentatives entreprises, y compris très récemment, pour inclure les panneaux solaires dans le champ de ces dérogations ont quant à elles échoué.

Aussi, certaines collectivités insulaires se retrouvent, dans le cadre juridique actuel, totalement dépendantes des énergies fossiles. À plusieurs endroits du territoire, en métropole et outre-mer, un conflit existe entre la norme édictée il y a bientôt quarante ans et les objectifs actuels fixés par la France en matière de transition énergétique.

Au regard des défis environnementaux que nous devons relever, cette dérogation à la loi Littoral représenterait une avancée souhaitable et légitime.

Ainsi, à Fouesnant, dans le Finistère, un projet d’implantation de parc solaire sur une ancienne décharge ne peut pas voir le jour, alors même que la terre ne peut pas être rendue à l’agriculture.

Il est bien entendu nécessaire que des garde-fous soient expressément prévus dans la loi. Tel est le cas ici : ils sont détaillés dans ce texte. Son examen est par ailleurs pour nous, élus de territoires littoraux, une belle occasion de mettre en lumière nos difficultés et de proposer à notre population un aménagement équilibré.

Pour ce qu’elle représente, dans son bilan et sa valeur protectrice, nos élus sont très attachés à la loi Littoral, mais celle-ci doit aussi être adaptée aux nouveaux enjeux, qui sont multiples et transverses : autonomie énergétique, densification urbaine, agriculture, ou encore accès aux services numériques.

La loi Littoral est aujourd’hui perçue comme un cadre trop rigide, interprété de manière restrictive par le juge administratif. Elle a freiné le bétonnage de nos côtes ; nous nous en félicitons. Mais elle génère également incompréhensions et tensions au niveau local. Pour reprendre les termes de nos anciens collègues Odette Herviaux et Jean Bizet, corédacteurs en 2014 du rapport d’information intitulé Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines, son application est aujourd’hui « abstraite, instable et hétérogène ». Ce texte constitue une réponse à cet état de fait.

J’exprime le vœu que nous poursuivions nos travaux dans les prochains mois pour offrir à nos élus littoraux un cadre juridique adapté aux enjeux contemporains. Je pense à la question de la desserte numérique en zone littorale : on pourrait ouvrir la possibilité d’implanter des antennes en discontinuité de l’urbanisation. Je pense aussi à la question agricole : comment justifier qu’un exploitant soit entravé dans son développement lorsqu’il souhaite implanter son logement à proximité de son exploitation ? Je pense enfin à la densification de nos villages littoraux, qui nécessiterait de permettre les constructions dans les dents creuses.

Ces sujets doivent être traités comme nous le faisons aujourd’hui pour le photovoltaïque : de manière pragmatique et avec les garde-fous indispensables à la protection du littoral.

Pour conclure, madame la secrétaire d’État, je veux ici saluer la politique volontariste menée par le Gouvernement afin d’encourager les reconversions de friches identifiées par les élus locaux : 750 millions d’euros ont déjà été engagés avec succès. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pascal Martin applaudit également.)

M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quand le législateur répond précisément à un appel des territoires, un texte spécifiquement adapté aux enjeux peut être élaboré.

Le mécanisme qui nous est proposé est le fruit d’un travail important impulsé par le Sénat. Je tiens à saluer le travail réalisé depuis l’examen de la loi Climat et résilience jusqu’à la séance publique d’aujourd’hui, en particulier celui de notre rapporteur Jean-Claude Anglars et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Comme il a été rappelé lors de nos discussions, il y a urgence sur nos territoires soumis à la loi Littoral, qui sont confrontés à certains obstacles, même si le but de cette loi est de préserver ces territoires.

La dérogation ici prévue au principe de l’extension de l’urbanisation de l’aménagement du littoral est acceptable, car elle est strictement encadrée et maîtrisée.

La contrainte à laquelle nous sommes soumis tient au fait que notre pays doit déployer intelligemment et avec ambition des énergies renouvelables, en particulier l’énergie solaire, tout en préservant les terres agricoles et les espaces naturels. Il faut donc trouver des solutions intermédiaires, comme l’utilisation de friches, si l’on veut limiter l’artificialisation des sols.

Notre groupe s’est largement investi afin de freiner ce phénomène tout en trouvant des solutions équilibrées entre territoires.

Cette proposition de loi répond à cette double évolution au sein même des territoires du littoral. Sous certaines conditions, nous pourrons installer des panneaux solaires sur des friches préalablement identifiées.

Je connais l’engagement du Gouvernement en ce sens.

L’enjeu est important et représente plusieurs gigawatts de capacités. Ainsi, en installant du photovoltaïque sur des sites dégradés, on peut concourir aux objectifs français de déploiement des énergies renouvelables et de neutralité carbone d’ici à 2050 tout en préservant nos sols.

Je crois profondément à l’usage de panneaux solaires sur des sols ayant une activité principale différente. Ainsi, pas plus tard qu’hier, j’organisais une visite sur mon territoire, dans la région toulousaine, à la rencontre d’un acteur local qui défend un projet très ambitieux d’agrivoltaïsme. Là encore, il s’agit de produire des énergies renouvelables sur des sols qui continueront à être cultivés.

Pour l’heure, certains obstacles administratifs doivent être levés ; nous devons également définir un cadre juridique pour l’agrivoltaïsme. Dans nos régions où l’agriculture est fortement impactée par le réchauffement climatique, l’agrivoltaïsme est synonyme d’espoir pour notre mix énergétique, pour la préservation de nos terres agricoles et pour un revenu complémentaire garanti à nos agriculteurs.

J’ai l’habitude de le dire dans cet hémicycle, mais je veux le répéter une nouvelle fois : l’ambition, l’innovation, la recherche et des moyens adéquats sont les clés de nos futures révolutions énergétiques et agricoles.

Cette proposition de loi s’inscrit tout à fait dans cette démarche en ce qu’elle propose une adaptation de la réglementation de certaines zones à nos besoins énergétiques.

L’étude d’incidence, qui conditionne l’installation de panneaux solaires sur une friche, est la garantie d’un projet équilibré pour le territoire où il prend place. Il sera le meilleur choix lorsque la renaturation du site ne sera pas possible et il n’aura pas d’impact sur la salubrité ou la sécurité publique. Enfin, il contribuera à la protection de notre environnement et de notre biodiversité, tout en respectant les paysages de nos littoraux.

C’est certainement cet outil qui fait que cette adaptation souhaitée est acceptable et qu’elle remplira ses objectifs sans effets négatifs sur nos paysages.

Je terminerai mon propos en soulignant la modification du texte qui donne une place particulière au Conservatoire du littoral dans l’établissement de la liste des friches sur lesquelles pourront être autorisés les projets photovoltaïques. En tant qu’élu au conseil d’administration de cet organisme, et connaissant la qualité du travail qui y est fourni, je ne peux que me satisfaire de son implication.

Le mécanisme proposé par ce texte a été longuement discuté et a déjà fait l’objet d’un accord avec l’Assemblée nationale. J’ai exposé les raisons pour lesquelles il est solide, justifié et apporte de la flexibilité à la loi Littoral. Surtout, il répond à une demande des territoires et des citoyens qui y vivent. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi quau banc des commissions. – M. Ludovic Haye et Mme Annick Billon applaudissent également.)