compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert,

M. Dominique Théophile.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Ouverture de la session extraordinaire de 2021-2022

M. le président. Mes chers collègues, j’ai reçu de Mme la Première ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 28 juin 2022 portant convocation du Parlement en session extraordinaire. Ce décret, qui vous a été adressé, a été publié sur le site internet du Sénat.

Je donne lecture de ce décret :

« Le Président de la République,

« Sur le rapport de la Première ministre,

« Vu les articles 29, 30 et 50-1 de la Constitution,

« Décrète :

« Article 1er. – Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le mardi 5 juillet 2022.

« Article 2. – L’ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra :

« 1. Une déclaration du Gouvernement devant l’Assemblée nationale ;

« 2. Une déclaration du Gouvernement devant le Sénat ;

« 3. Une déclaration du Gouvernement devant l’Assemblée nationale, suivie d’un débat, sur le bilan de la Présidence française de l’Union européenne, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;

« 4. Une déclaration du Gouvernement devant le Sénat, suivie d’un débat, sur le bilan de la Présidence française de l’Union européenne, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;

« 5. Une déclaration du Gouvernement devant l’Assemblée nationale, suivie d’un débat, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;

« 6. Une déclaration du Gouvernement devant le Sénat, suivie d’un débat, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;

« 7. L’examen ou la poursuite de l’examen des projets de loi suivants :

« - projet de loi de finances rectificative pour 2022 ;

« - projet de loi relatif aux mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ;

« - projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 ;

« - projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19 ;

« - projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statuaires relatives à la fonction publique territoriale ;

« 8. La poursuite de l’examen de la proposition de loi suivante :

« - proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ;

« 9. L’examen ou la poursuite de l’examen des projets de loi autorisant l’approbation des accords internationaux suivants :

« - projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces ;

« - projet de loi autorisant la ratification de la convention portant création de l’Organisation internationale pour les aides à la navigation maritime ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant révision de l’accord général de coopération entre les États membres de la Commission de l’océan Indien ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Autorité bancaire européenne relatif au siège de l’Autorité bancaire européenne et à ses privilèges et immunités sur le territoire français ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations unies, représentée par le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie ;

« - projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux relatif au statut et aux activités de la Banque des règlements internationaux en France, et de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux ;

« 10. Une séance de questions par semaine.

« Article 3. – La Première ministre est responsable de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait le 28 juin 2022.

« Emmanuel Macron

« Par le Président de la République :

« La Première ministre,

« Élisabeth Borne »

Acte est donné de cette communication.

En conséquence, la session extraordinaire est ouverte.

2

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 23 mars 2022 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

3

Remplacement de sénatrices

M. le président. En application de l’article L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de M. Jean-Baptiste Lemoyne a repris le mardi 21 juin 2022, à zéro heure. En conséquence, le mandat sénatorial de Mme Marie Evrard a cessé le lundi 20 juin, à minuit.

Je salue le retour de notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne dans notre hémicycle. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe RDPI.)

Par lettre en date du 1er juillet 2022, M. le ministre de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, M. Daniel Breuiller était appelé à remplacer, en qualité de sénateur du Val-de-Marne, Mme Sophie Taillé-Polian, démissionnaire à la suite de son élection à l’Assemblée nationale.

J’ai écrit à Mme Taillé-Polian, à la fois pour la féliciter de son élection et pour la remercier.

Le mandat de M. Daniel Breuiller a commencé le lundi 4 juillet 2022, à zéro heure.

Au nom du Sénat, je lui souhaite la bienvenue parmi nous. (Applaudissements.)

4

Candidatures à des commissions

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques, de la commission des finances et de la commission des affaires européennes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

5

Désignation d’un vice-président du Sénat

M. le président. J’informe le Sénat que, conformément à l’article 2 bis, alinéas 9 et 10 de notre règlement, M. Alain Richard est devenu vice-président du Sénat le 1er avril dernier, en remplacement de M. Georges Patient. (Applaudissements.)

Je souhaite de nouveau remercier notre collègue Georges Patient de la manière dont il a exercé sa vice-présidence et de sa contribution aux travaux du bureau du Sénat.

6

Nomination d’un membre d’une commission

M. le président. J’informe le Sénat que, conformément à l’article 8 de notre règlement, M. Jean-Pierre Corbisez est devenu membre de la commission des affaires européennes le 17 juin dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

7

Décès d’anciens sénateurs

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues :

- Michel Delebarre, qui fut sénateur du Nord de 2011 à 2017 ;

- Dominique Mortemousque, qui fut sénateur de la Dordogne de 2002 à 2008 ;

- Jean Faure, qui fut sénateur de l’Isère de 1983 à 2011, mais aussi vice-président et questeur du Sénat ;

- Ivan Renar, qui fut sénateur du Nord de 1985 à 2011, mais aussi secrétaire du Sénat.

Nous observerons un bref moment de recueillement en mémoire de Jean Faure et de nos trois autres anciens collègues au début de la séance de questions d’actualité au Gouvernement du 13 juillet prochain.

8

Politique générale

Lecture d’une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.

Au nom du Sénat, je veux saluer la présence au banc du Gouvernement de nombreux ministres. À ces derniers, dont certains, mais pas tous, connaissent déjà notre hémicycle ou celui de l’Assemblée nationale, je souhaite une cordiale bienvenue.

Je donne la parole à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui va lire cette déclaration devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme la tradition le veut, j’ai l’honneur de m’adresser à vous pour vous faire part de la déclaration de politique générale que la Première ministre prononce en ce moment même devant l’Assemblée nationale.

« En m’adressant à vous, c’est à la France que je parle. Chacune de vos circonscriptions porte une parcelle de notre histoire et des défis qui s’ouvrent à nous. »

M. Bruno Le Maire, ministre. « Chacun de vos territoires exprime une réalité de notre pays, de ses craintes et de ses espoirs.

« Nous mesurons tous l’ampleur de la tâche : les Français à protéger, la République à défendre, notre pays à rassembler, la planète à préserver.

« C’est le sens de l’action du Président de la République depuis cinq ans. C’est notre mission collective, au Gouvernement comme sur ces bancs. Avec vous, avec tout le Gouvernement, avec nos concitoyens, nous réussirons. J’y suis déterminée.

« Ces dernières semaines, à quatre reprises, les Françaises et les Français se sont exprimés. Par le résultat des urnes, ils nous demandent d’agir et d’agir autrement. Par leur message, ils nous demandent de prendre collectivement nos responsabilités. Nous le ferons.

« Ensemble, nous répondrons à l’écho de l’abstention. Elle est le signe d’une démocratie malade, d’un désarroi de la jeunesse, d’une perte de confiance dans notre capacité à changer des vies.

« Ensemble, nous répondrons à la demande d’action. C’est celle qui s’exprime le plus fortement dans le vote des Français. Nous ne pouvons pas décevoir.

« Ensemble, nous répondrons à l’exigence de responsabilité. Les Français ont élu une assemblée sans majorité absolue. Ils nous invitent à des pratiques nouvelles, à un dialogue soutenu et à la recherche active de compromis.

« Le contexte nous oblige. La guerre en Ukraine, aux portes de l’Europe, nous rappelle combien la paix est fragile. Les prix de l’énergie augmentent, et nous devons continuer à protéger les Français. L’épidémie est toujours là, et notre vigilance doit rester totale. L’urgence écologique se fait chaque seconde plus pressante, et nous avons un devoir d’action. L’insécurité inquiète nos concitoyens et brise encore des vies et des destins.

« Nous devons le dire aussi : dans les dernières semaines, du fait de la guerre qui dure, notre situation économique s’est assombrie. Nos perspectives de croissance se dégradent. Les taux d’intérêt augmentent. Quant à nos finances publiques, elles doivent retrouver le chemin de l’équilibre. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)

« Face à de tels défis, le désordre et l’instabilité ne sont pas des options. Nous ne sommes peut-être pas d’accord sur toutes les solutions, »…

M. Fabien Gay. C’est sûr ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)

M. Bruno Le Maire, ministre. … « mais nous avons toutes et tous conscience de l’urgence et de la nécessité d’agir. Les Français nous demandent de nous parler plus, de nous parler mieux, et de construire ensemble. Nous répondrons présent.

« Je veux que, ensemble, nous redonnions un sens et une vertu au mot “compromis”, depuis trop longtemps oublié dans notre vie politique. »

M. Jérôme Bascher. Depuis cinq ans !

M. Rachid Temal. Allez le dire à l’Élysée !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Faire des compromis, ce n’est pas se compromettre. C’est accepter, chacun, de faire un pas vers l’autre. Cela ne signifie nullement l’effacement de nos différences ou le renoncement à nos convictions. Les clivages existent, et ils continueront d’exister.

« Bâtir ensemble ne signifie pas renoncer à son identité. La mienne, vous le savez, a pour socle inaltérable les valeurs de notre République : la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

« Mon identité, c’est une France plus forte dans une Europe plus indépendante. C’est l’égalité entre les femmes et les hommes, toujours, tout le temps. C’est le respect de la laïcité, sans accommodement ni compromission. »

M. Jérôme Bascher. Merci ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est le refus d’opposer les uns aux autres et de désigner des boucs émissaires. C’est le courage de dire la vérité aux Français. »

M. Bruno Sido. Vous avez donc changé ?

M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est forte de ces convictions, des valeurs que je chéris et protège comme citoyenne et comme élue, que je crois souhaitable et possible que chaque conviction ou chaque idée puisse être défendue, débattue et, s’il le faut, combattue.

« Trop longtemps, notre vie politique n’a été faite que de blocs qui s’affrontent. Il est temps d’entrer dans l’ère des forces qui bâtissent ensemble. (Marques dironie sur les travées du groupe CRCE.)

« Une majorité relative n’est pas et ne sera pas le synonyme d’une action relative. Elle n’est pas et ne sera pas le signe de l’impuissance.

« Rappelons-nous que, en 1958, les gaullistes n’étaient pas majoritaires à l’Assemblée nationale quand la Ve République connaissait ses premières heures et créait les centres hospitaliers universitaires (CHU) et l’assurance chômage. »

Mme Cécile Cukierman. Cela n’a rien à voir !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Rappelons-nous aussi que c’est le gouvernement Rocard, qui n’avait pourtant qu’une majorité relative sur ces bancs, qui a créé le revenu minimum d’insertion (RMI), ainsi que la contribution sociale généralisée (CSG), et lancé le processus de paix en Nouvelle-Calédonie.

« Nous avons encore des droits à conquérir, des progrès à réaliser, des protections à bâtir. S’ils y sont arrivés, nous y parviendrons également.

« Ces dernières semaines, le Président de la République, garant de nos institutions, et moi-même avons consulté et écouté. Nous vous avons proposé plusieurs manières de procéder pour faire face à l’urgence comme pour affronter les années à venir. Le résultat de nos échanges est clair. Une nouvelle page de notre histoire politique et parlementaire commence : celle des majorités de projet. Avec mon gouvernement, j’en serai l’infatigable bâtisseuse. »

M. Rachid Temal. Eh bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Je sais combien nous sommes attendus, et nous ne nous déroberons ni devant les défis ni devant les débats.

« Je crois en trois choses : l’écoute, l’action et les résultats. Je n’ai qu’une boussole, qui sera celle de mon gouvernement : bâtir pour notre pays.

« Mon gouvernement ne sera jamais celui des clivages factices et des idées toutes faites, car je crois fermement au dépassement entamé il y a cinq ans par le Président de la République. »

M. Fabien Gay. Quel dépassement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous mènerons sur chaque sujet une concertation nourrie. Nous aborderons chaque texte dans un esprit de dialogue, de compromis et d’ouverture. »

Mme Éliane Assassi. Cela va nous changer !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous nous inscrirons dans le cadre fixé par le Président de la République et agirons selon les valeurs qui ont inspiré son projet. »

M. Bruno Le Maire, ministre. « Je l’ai dit aux présidents de groupe de l’Assemblée nationale : nous sommes prêts à entendre les propositions venues de tout bord, à en débattre, et si nous en partageons les objectifs et les valeurs, à amender notre projet.

« Nous devrons incarner cette méthode de travail pour réfléchir collectivement à l’avenir et aux évolutions de nos institutions. Sous l’égide du Président de la République, une commission transpartisane sera lancée à la rentrée pour y parvenir.

« Nous devrons appliquer cette méthode au-delà des murs de cette assemblée. Nous associerons davantage les élus locaux à nos réflexions et nos décisions. » (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Il était temps !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Ils sont le ciment de notre République. »

M. Rachid Temal. Vous n’avez que cinq ans de retard !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous devons laisser des marges de manœuvre aux territoires, car c’est grâce aux solutions différenciées que l’on obtient des résultats concrets (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.) et que l’on parvient à la véritable égalité.

« Je ne crois pas que notre école ou notre système de santé soient confrontés aux mêmes défis dans le centre de Paris, dans les quartiers de Cayenne ou dans un village au bord de la Vire.

« Nous consulterons plus encore les corps intermédiaires (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.), les forces vives de notre pays, les Françaises et les Français de chaque territoire.

« Plus que jamais, nous mènerons chaque réforme en lien étroit avec les organisations syndicales et patronales. » (Mêmes mouvements.)

M. Rachid Temal. À quel âge, la retraite ?

M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous avons besoin d’elles, et elles savent qu’elles trouveront en moi une interlocutrice franche, constructive et déterminée. »

Mme Éliane Assassi. Qu’avez-vous fait pendant cinq ans ?

M. Bruno Le Maire, ministre. « Associer toutes les forces vives du pays dans le cadre d’un dialogue renouvelé, en partageant les opportunités comme les contraintes, c’est le sens du Conseil national de la refondation voulu par le Président de la République. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE. – Plusieurs sénateurs martèlent leurs pupitres.)

« Les Français nous attendent : ils n’accepteront ni immobilisme, ni obstruction, ni invectives. Ils veulent un Gouvernement et un Parlement d’action.

« Nous avons une responsabilité historique vis-à-vis de nos concitoyens à la fois dans notre manière d’agir, dans les réponses à leur offrir et dans les résultats à atteindre. Aussi, à partir du cadre qu’ont choisi les Français, je vous propose de bâtir ensemble.

« Notre premier défi, et je sais que cela fait consensus parmi nous, est de répondre à l’urgence du pouvoir d’achat.

« Sous l’impulsion du Président de la République, de nombreuses mesures ont été prises depuis l’automne dernier pour protéger les Français de l’augmentation des prix. Sans elles, les prix de l’électricité auraient augmenté d’un tiers ; grâce à elles, la hausse a été limitée à 4 %. (Mme Cécile Cukierman le conteste.) Sans elles, les prix du gaz auraient augmenté de 45 % ; grâce à elles, les prix ont été bloqués. Sans elles, un plein de soixante litres d’essence coûterait 11 euros de plus.

« Nous avons réalisé un investissement rapide et massif pour garantir le pouvoir d’achat des Français. Grâce à lui, notre inflation est la plus faible de la zone euro. »

M. Laurent Duplomb. Ça reste à voir…

M. Jean-Marc Todeschini. Et le déficit ?

M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous avons protégé les Français, et nous allons continuer à le faire, car nombre de nos concitoyens restent à la merci de chaque hausse de prix.

« Dès demain, le Gouvernement présentera des textes d’urgence en conseil des ministres. Face à l’inflation, ils comporteront des mesures concrètes, rapides et efficaces.

« Nous vous proposerons de prolonger le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité, d’augmenter les revenus du travail et de mieux partager la valeur en baissant les charges des indépendants et en triplant le plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, de revaloriser les retraites et les prestations sociales, notamment les allocations familiales, la prime d’activité, les aides personnalisées au logement (APL) et l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de revaloriser les bourses sur critères sociaux, d’aider les travailleurs pour lesquels la voiture est une nécessité. »

M. Rachid Temal. Et les salaires ?

M. Roger Karoutchi. Qui va payer ?

M. Bruno Le Maire, ministre. « Ces mesures sont notre base de travail. Le Gouvernement et moi-même serons à votre écoute, et nous les amenderons quand des convergences émergeront.

« Au-delà de l’urgence, pour la plupart des Français, le logement est la première dépense. »

Mme Cécile Cukierman. Cinq ans de perdus !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous voulons qu’il soit abordable pour chacun. C’est pourquoi nous avons décidé d’un plafonnement de la hausse des loyers. »

Mme Cécile Cukierman. Votre première décision a pourtant consisté à diminuer les APL !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous proposerons de nouvelles solutions pour que le logement soit accessible partout, notamment en étendant la caution publique aux classes moyennes, en construisant davantage de logements dans les zones en tension, en concluant un pacte de confiance avec les acteurs du logement social, ou encore en proposant aux collectivités un nouvel acte de décentralisation, afin de concentrer les moyens et les responsabilités à l’échelle des bassins de vie, tout en restant exigeants pour permettre aux projets de sortir de terre.

« Le pouvoir d’achat, c’est aussi garantir à tous l’accès à une alimentation saine et de qualité. Nous définirons avec les professionnels, avec les associations, avec vous, les contours du chèque alimentation.

« Le pouvoir d’achat, c’est venir en aide aux plus vulnérables. »

Mme Cathy Apourceau-Poly. En rétablissant l’ISF, par exemple ?

M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous voulons que chacun perçoive les aides auxquelles il a droit. Avec la solidarité à la source, nous mettrons fin à l’injustice sociale du non-recours et nous lutterons plus efficacement contre la fraude.

« Je veux l’affirmer : les deux clés du pouvoir d’achat durable, ce sont le plein emploi et la transition écologique. Sur tous ces sujets, je suis convaincue que nous pouvons trouver des solutions communes, mais nous devrons garder en tête trois principes.

« Le premier est celui de la responsabilité environnementale. Nous devons prendre en compte l’impact environnemental de toutes nos dispositions et remplacer, dès que possible, nos dépenses en faveur des énergies fossiles par des solutions décarbonées.

« Le deuxième principe est celui de la responsabilité budgétaire.

« Les nombreuses mesures que nous avons mises en œuvre ont protégé les Français. Il fallait les prendre, mais aujourd’hui nous devons retrouver des perspectives claires pour améliorer nos comptes publics. C’est une nécessité pour continuer à financer notre modèle social. C’est un devoir vis-à-vis des générations futures.

« Une déclaration de politique générale est un moment non seulement de vérité, mais aussi de partage des contraintes auxquelles nous faisons face.

« Les données sont claires. Du fait de la guerre qui dure, et comme partout en Europe, notre croissance économique sera plus faible que prévu, l’inflation sera plus forte et la charge de la dette augmentera.

« Nos objectifs, eux aussi, sont clairs. »

M. Bruno Le Maire, ministre. « En 2026, nous devrons commencer à réduire le niveau de la dette publique. En 2027, nous devrons ramener le déficit sous les 3 % du PIB. » (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Il y aura longtemps que Mme Borne ne sera plus là !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous atteindrons ces objectifs en réunissant les conditions d’une croissance forte et durable qui créera les emplois, en menant les réformes nécessaires, en prenant des mesures de bonne gestion et en accentuant la lutte contre les fraudes.

« L’équilibre de nos finances publiques est une question de souveraineté. Je sais que beaucoup y sont attachés sur vos bancs.

« Enfin, notre troisième principe est celui du respect ferme de l’engagement pris par le Président de la République devant les Français : pas de hausses d’impôts. Nous devons cesser de croire que, face à chaque défi, la solution consiste à créer une taxe. Aussi, pas de hausses d’impôts !

« Nous sommes crédibles. Nous avons supprimé la taxe d’habitation et baissé le montant de l’impôt sur le revenu. Nous avons diminué les impôts des Français et des entreprises de plus de 50 milliards d’euros pendant le précédent quinquennat. » (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Mme Laurence Rossignol. Les Français sont vraiment ingrats de ne pas vous avoir laissé gagner les élections !

M. Bruno Le Maire, ministre. « Dès cet été, nous tiendrons parole : la suppression de la redevance audiovisuelle permettra de faire économiser 138 euros à plus de 20 millions de foyers. Elle ira de pair avec une réforme du financement de l’audiovisuel public, qui garantira son indépendance et des moyens pérennes. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Nous y travaillerons ensemble.

« La fiscalité sera l’un des sujets de nos débats, mais elle sera peut-être aussi un sujet de consensus entre nous. »

M. Rachid Temal. Bien sûr que non !

M. Bruno Le Maire, ministre. « J’ajoute que le combat pour le pouvoir d’achat est un combat collectif. Chacun doit y prendre sa part, notamment les entreprises qui dégagent des marges. »

M. Rachid Temal. Elles tremblent ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Bruno Le Maire, ministre. « Au moment où l’inflation est forte, j’attends des employeurs qui le peuvent qu’ils prennent leurs responsabilités. Nous pouvons, nous devons aller plus loin en la matière. »