M. François Patriat. C’est Gervaise !

M. Éric Bocquet. Sans doute ces automobilistes ont-ils apprécié d’apprendre que le groupe TotalEnergies, dont il est beaucoup question ces jours-ci, a réalisé un bénéfice net de 17,7 milliards d’euros pour le premier semestre 2022, et que, de surcroît, ce groupe n’a pas payé d’impôt en France en 2020 et 2021.

La Fédération française des banques alimentaires (FFBA) a réalisé, il y a quelques semaines, une étude visant à mesurer l’impact de l’inflation, qui vient de franchir la barre des 6 %, sur les personnes accueillies dans le réseau des banques alimentaires, premier réseau d’aide.

Les banques alimentaires viennent en aide à 2,2 millions de personnes en situation de précarité. Je relèverai trois des constats que cette étude met en évidence : tout d’abord, une hausse du budget alimentation pour la moitié des foyers interrogés ; ensuite, une hausse des prix qui affecte davantage les familles avec enfants ; enfin, un report massif sur les produits les moins chers.

De l’autre côté du spectre, nous avons évoqué la santé économique de TotalEnergies, un groupe qui n’est pas une exception. L’ensemble des entreprises du CAC 40 ont dégagé collectivement quelque 174 milliards d’euros de bénéfices – du jamais-vu dans l’histoire du capitalisme français ! –, et une hausse de 70 % par rapport au précédent record. Rapporté à une échelle plus humaine, plus accessible au commun des mortels, les groupes du CAC 40 ont gagné 5 517 euros chaque seconde ! Ainsi la question des superprofits a-t-elle légitimement surgi dans les débats.

Nous pourrions tout autant citer Engie, qui a engrangé des profits records l’an dernier, avec 3,7 milliards d’euros. Le logisticien CMA CGM (Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime), qui transporte des conteneurs, a réalisé 18 milliards d’euros de profits en 2021 et a déjà encaissé 7,2 milliards d’euros au premier trimestre de 2022.

Cela a été dit, l’Italie et le Royaume-Uni ont tous deux mis en place une taxe sur les superprofits des énergéticiens, à hauteur de 25 %, et d’autres États européens ont suivi le même chemin. À l’évidence, en France, les actionnaires sont cajolés, dorlotés, chouchoutés.

Lors du quinquennat précédent, vous avez fait le choix de baisser la fiscalité du capital, avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les dividendes.

Ces choix n’ont eu comme effet que de concentrer davantage encore la richesse, puisque les 10 % les plus riches détiennent la moitié des actifs qui financent l’économie. Y a-t-il eu au moins un effet sur l’investissement ? On peut en douter.

Monsieur le ministre, vous appelez régulièrement à la modération en matière de distribution de dividendes et, s’agissant du pouvoir d’achat, vous demandez aux entreprises qui le peuvent de faire un geste. À l’évidence, ces gestes ne sont que des signaux faibles, souvent même très faibles.

TotalEnergies a annoncé une remise d’été de 12 centimes d’euro par litre, valable uniquement en juillet et en août, et seulement sur les autoroutes.

La compagnie de conteneurs CMA CGM offre, de son côté, une ristourne de 500 euros sur les conteneurs de l’Asie vers la France à partir d’août, et ce pour un an.

Entre-temps, nous apprenons que le PDG de cette compagnie, M. Rodolphe Saadé, figure désormais à la cinquième place du classement annuel des grandes fortunes publié par le magazine Challenges, grâce à une augmentation de sa fortune de plus de 30 milliards d’euros.

La source de ces énormes profits n’est pas, on le sait, dans l’invention d’un produit révolutionnaire. L’entreprise bénéficie simplement d’une situation anormale, hors marché, de pénurie. Et nous devrions nous interdire de taxer ces superprofits ?

Ce projet de loi de finances rectificative, c’est le gras pour les uns et quelques miettes pour l’immense majorité des autres !

Notre société est fracturée, nous l’avons dit. Et pour combattre le cancer des inégalités, vous prescrivez l’usage du paracétamol ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Marc applaudit également.)

Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le PLFR 2022 a pour finalité de contenir la hausse des prix et de protéger le pouvoir d’achat des ménages.

Le groupe Union Centriste souscrit à ces objectifs et proposera plusieurs mesures, à chaque fois ciblées, car il a bien retenu, monsieur le ministre de l’économie, votre message d’il y a un an : la fin du « quoi qu’il en coûte » et le soutien à ceux qui en ont besoin.

Il y a un mois, plus sombre, vous déclariez : « Tout n’est pas possible, tout simplement parce que la France a atteint la cote d’alerte sur les finances publiques. » Étant aussi inquiets que vous, nous sommes très déterminés, car la dette est devenue très chère.

Pour commencer, relever de 18 à 30 centimes d’euro la remise carburant ne nous paraît pas judicieux, et cela pour cinq raisons.

Premièrement, contrairement à ce que vous souhaitez, la baisse ne cible personne et touchera tous les niveaux de revenus. Elle bénéficiera même deux fois plus aux plus aisés, comme le souligne justement le Conseil d’analyse économique (CAE), qui constate que « les rabais sont des mesures inefficaces et coûteuses ».

Deuxièmement, non seulement elle bénéficie à tous les revenus en France, mais aussi, et c’est encore pire, à tous les étrangers, touristes ou frontaliers. Comme le disent mes voisins suisses : « C’est l’État français qui paie ! »

Troisièmement, lorsque l’on baisse un prix de 25 %, le producteur en profite pour remonter son tarif.

Quatrièmement, que se passera-t-il lorsque, dans quelques mois, le prix des carburants remontera de 50 centimes ? Aurons-nous un nouvel épisode « gilets jaunes » et 10 milliards d’euros de dépenses à la clé ?

Cinquièmement, le coût pour les finances publiques est inacceptable, car la dette finance ainsi sans limites, sans conditions de ressources ou de nationalité. C’est parfaitement contradictoire avec la fin du « quoi qu’il en coûte ».

À la place de cette mesure dispendieuse, nous proposerons un amendement de Michel Canévet visant à faire prendre en charge, via l’employeur, une partie des frais de déplacement des personnes qui travaillent, en contrepartie d’une réduction de charges patronales. Nous accordons les mêmes 30 centimes de réduction, mais seulement à celles et à ceux qui utilisent leur véhicule pour travailler.

Toujours soucieux des finances publiques, nous proposerons une contribution exceptionnelle sur les bénéfices de l’année 2021. Je sais, monsieur le ministre de l’économie, que vous n’y êtes pas favorable, puisque vous réduisez les propositions des sénateurs à des réflexes pavloviens. Mais les chiens de garde du Parlement que nous sommes veillent pourtant sur la Nation avec un esprit de justice fiscale et sociale.

Vous-même, monsieur le ministre, attaché à taxer les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), déclariez en décembre 2018 : « Il n’y a pas de succès économique sans justice sociale. » Aussi, nous proposons que l’État joue son rôle de régulateur en atténuant les effets des crises auprès de tous.

Par ailleurs, ce « réflexe pavlovien », le Gouvernement ne l’a-t-il pas eu en 2020, lorsqu’il a décidé d’une taxe de solidarité exceptionnelle sur les primes des organismes complémentaires de santé,…

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Sylvie Vermeillet. … afin de « compenser les profits générés par les mutuelles pendant la crise sanitaire » ?

Y a-t-il eu débat sur l’opportunité de cette mesure ? Non, c’était de la pure justice sociale. Mettre en place un prélèvement exceptionnel parce qu’il y avait un enrichissement exceptionnel lié à la crise du covid-19 était juste. Nous voulons la même chose concernant les sociétés qui voient leurs profits bondir à l’occasion d’une nouvelle crise.

Mme Sylvie Vermeillet. Nos voisins le font : l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, la Grèce et même le Royaume-Uni ! Les Allemands ne devraient pas tarder. Nous avons accepté de diminuer l’impôt sur les sociétés, nous pensons juste de prélever une contribution exceptionnelle, parce que la situation est exceptionnelle. Le Président de la République disait il y a quelques mois : « Pour moi, la justice sociale, c’est de prévenir les inégalités. » Eh bien, nous y sommes !

Nous proposons, par ailleurs, le report d’un an de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), parce que le sujet mérite une concertation et que celle-ci n’a pas eu lieu.

Mme Sylvie Vermeillet. Bien sûr, le mécanisme de la CAP est obsolète ; bien sûr, il s’agit d’une promesse du Président de la République. C’est pourquoi nous ne nous opposerons pas à sa suppression.

Néanmoins, pour une fois, prenons le temps de penser à tout, et à tous, pour mettre en place un dispositif satisfaisant le monde de la culture.

M. Laurent Lafon. Très bien !

Mme Sylvie Vermeillet. Au passage, nous économiserons 3,7 milliards d’euros, qui ne feront pas de mal aux intérêts de notre dette.

Enfin, dans le droit fil de votre judicieux bouclier tarifaire énergétique, Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, proposera une aide pour les communes qui voient leur facture énergétique s’envoler sans ressources supplémentaires. Hervé Maurey fera de même. Le dispositif voté par l’Assemblée nationale est trop restrictif, car les bases de compensation liées à l’évolution de l’épargne brute excluront trop de communes connaissant des difficultés multiples.

Voilà donc, messieurs les ministres, mes chers collègues, la ligne directrice du groupe Union Centriste, qui est particulièrement attentif à l’usage que nous allons faire de la dette publique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2022 est peut-être le véritable texte sur le pouvoir d’achat, comportant en particulier toutes les rallonges budgétaires attendues par nos compatriotes, après le projet de loi que nous avons examiné la semaine dernière dans des délais particulièrement contraints.

Ne nous faisons pas d’illusions, la situation budgétaire de l’État est difficile.

Après deux ans de pandémie et la politique du « quoi qu’il en coûte », qui a permis de maintenir à flot notre économie au prix d’un bond historique de l’endettement, nous sommes désormais confrontés à un retour de l’inflation causé à la fois par les effets du « déconfinement » de l’économie, par de multiples difficultés d’approvisionnement, qui s’expliquent par une hausse historique du prix du transport par conteneurs à l’échelle internationale et par des tensions sur l’importation de certains produits, et enfin par un affaiblissement de l’euro par rapport au dollar, lié aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine et aux sanctions qui affectent plus durement les Européens que les Américains.

La faiblesse de l’euro renchérit donc automatiquement le prix, établi en monnaie américaine, des ressources, notamment le pétrole.

À cela s’ajoute une situation politique nationale complexe depuis quelques semaines. La réélection du Président de la République en avril dernier, une première depuis l’instauration du quinquennat, a débouché sur un résultat paradoxal aux législatives, qui permet à certains groupes d’opposition de prétendre devenir des faiseurs de politique, au moment même où notre pays aurait besoin de décideurs responsables et lucides.

Le spectacle parfois ubuesque de l’examen du projet de loi pour le pouvoir d’achat et de ce PLFR par l’Assemblée nationale aura certainement laissé perplexes beaucoup de nos concitoyens quant à l’esprit de sérieux de certains membres de la représentation nationale. Ce n’est pas ainsi que nous concevons la politique.

Pour ce qui concerne les mesures du PLFR, notre groupe continuera de chérir sa liberté de vote – cela signifie que nous ne sommes pas toujours d’accord (Sourires.) ! –, par exemple pour des mesures aussi importantes que la suppression de la contribution à l’audiovisuel public.

Les critiques adressées à l’encontre de cet impôt spécifique sont connues, bien que la question du financement soit essentielle. Nous veillerons lors des prochains exercices budgétaires à ce qu’il soit assuré à la hauteur de ce que nécessite un audiovisuel public de qualité et représentatif de la société. Mais, surtout, ce doit être l’occasion de débattre de ce que doivent être, pour un véritable service public de qualité, les rapports entre indépendance et pluralisme, afin de renforcer l’attachement des Français à leur audiovisuel commun.

Pour le reste, ce texte comporte des mesures techniques, comme la généralisation de la facturation électronique des transactions entre assujettis à la TVA, ou encore des ratifications de décrets, en particulier le décret d’avance de quelque 7 milliards d’euros adopté au printemps dernier, pendant la période électorale.

La poursuite et l’élargissement du champ des prêts garantis par l’État (PGE) illustrent la difficulté à sortir concrètement d’un dispositif conçu d’abord comme temporaire, mais largement plébiscité par les acteurs économiques, qui souhaiteraient qu’il soit maintenu. Enfin, un certain nombre de mesures visent à renforcer le soutien d’organismes internationaux à l’Ukraine.

Je salue pour ma part la majoration, à l’article 14, de la dotation pour les titres sécurisés, car l’on connaît les difficultés rencontrées actuellement par les collectivités pour le traitement des demandes de renouvellement de cartes d’identité et de passeports.

Des compensations en faveur des collectivités ont été votées à l’Assemblée nationale, pour faire face à la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires ou du RSA. Nous proposerons des amendements visant à aller plus loin dans ce sens, car ces compensations ne nous semblent pas suffisantes. Nous proposerons également de territorialiser davantage certaines aides, en particulier pour ce qui concerne la lutte contre la hausse des prix des carburants.

La renationalisation d’EDF paraît à la fois regrettable et nécessaire.

Avant de conclure, je n’oublie évidemment pas la question de la taxation des superprofits des entreprises : nous attendons beaucoup du débat qui aura lieu dans quelques instants.

En conclusion, ce PLFR, discuté en toute fin d’une session extraordinaire qui n’en finit pas, comporte des mesures nécessaires, bien que nous ne puissions repousser indéfiniment la question de la soutenabilité et de la dette.

Le groupe du RDSE, pour sa part, déterminera son vote à l’issue des débats et en fonction des modifications qui auront été apportées par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative, comme le projet de loi sur le pouvoir d’achat que nous venons de voter, se définit par ce qu’il comporte – les ministres l’ont rappelé –, mais aussi, et peut-être surtout, par ce qu’il ne contient pas. Dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat, la grande absente était ainsi la revalorisation des salaires. Dans le PLFR, il s’agit de la contribution du capital et de ceux qui le détiennent.

Néanmoins, la nouvelle situation politique permet de véritables avancées au Parlement. Cela a été le cas à l’Assemblée nationale pour les collectivités locales. Et face à l’urgence territoriale, nous espérons bien conserver, voire amplifier, les avancées obtenues sur ce point. C’est le rôle même du Sénat.

Nous avons également le devoir de faire un pas vers plus de justice fiscale, donc vers une participation des grandes entreprises et des plus fortunés à l’effort du pays. Nous ne voulions pas vous décevoir, monsieur le ministre…

J’ai compris que nous n’étions pas les seuls, à gauche, à le dire, et que cela allait bien au-delà. Le Gouvernement est aujourd’hui sur la défensive. Aussi, mes chers collègues, faisons preuve d’audace !

Bien sûr, nous pensons indispensable la création d’un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique, dont les recettes iraient vers des mesures plus solidaires de transition énergétique.

Ces recettes permettraient d’augmenter le pouvoir d’achat à la hauteur de l’inflation, sans entamer le reste à vivre des plus modestes, comme c’est le cas avec les mesures trop limitées qui nous sont présentées aujourd’hui, et sans toucher au temps de travail, comme le Gouvernement s’apprête à le faire avec le concours de la droite.

Par ailleurs, tout conduit à mettre en place une taxe exceptionnelle sur les superprofits des grandes sociétés de l’énergie et des transports. Cette mesure est tellement légitime qu’elle s’est invitée jusqu’au sein de la majorité présidentielle. D’autant que les ressources ne manquent pas quand on voit les bénéfices records annoncés par TotalEnergies et la CMA CGM.

Messieurs les ministres, renoncez au discours de l’impuissance, celui qui se contente de faire appel au bon vouloir des entreprises, car ce faux-semblant ne trompe plus personne. Regardez l’état de nos services publics et l’explosion des inégalités ! Rappelez-vous la crise des gilets jaunes : elle n’est pas si ancienne.

Vous noterez que nos propositions sont bénéfiques pour les finances publiques, puisqu’elles permettent de dégager au total près de 25 milliards d’euros de recettes. Il est temps d’ajouter au « combien ça coûte ? » le « combien ça rapporte ? ». Sinon, en s’obstinant dans son refus, le Gouvernement démontrerait qu’il est le gouvernement non pas de la maîtrise des finances publiques, mais bien du déficit !

Observez ce qui se passe chez nos voisins européens : un effort bien plus important est réalisé pour les transports publics, comme en Allemagne ou en Espagne, qui devraient nous servir d’exemples. Dans ces deux pays, comme en Italie et au Royaume-Uni, une taxe sur les superprofits voit le jour,…

M. Bruno Le Maire, ministre. Pas en Allemagne !

M. Rémi Féraud. … et cela n’a rien à voir avec le niveau global de la fiscalité pesant sur nos entreprises.

Vous voyez, messieurs les ministres, la taxation des superprofits est nécessaire et elle est possible. Ne ratons pas cette occasion !

Enfin, et je conclurai sur ce point, ce qui manque à votre texte, c’est un outil de préservation de notre démocratie. En effet, fragiliser le service public de l’audiovisuel aujourd’hui est une erreur, et même une faute. C’est pourquoi nous proposerons une nouvelle forme de redevance audiovisuelle, en revenant sur sa suppression pure et simple, présentée à tort comme une mesure de pouvoir d’achat.

C’est un enjeu essentiel pour notre démocratie, pour la qualité et l’indépendance de l’information et pour la création culturelle : le système que nous proposons est plus juste et progressif que l’actuelle redevance. Surtout, contrairement au vôtre, qui relève de l’improvisation et qui, avec la TVA, reprend d’une main ce qu’il a fait semblant de donner de l’autre, il préserve vraiment, via la nouvelle contribution que nous proposons, le financement spécifique et l’indépendance de l’audiovisuel public.

Ces dernières semaines, des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour dire que la suppression de la redevance était une fausse bonne idée. Quand il s’agit de taxer les superprofits, il serait urgent d’attendre. Et là, pour supprimer un outil démocratique précieux, il n’y aurait pas une minute à perdre ? De grâce, soyons sérieux !

M. Rémi Féraud. Mes chers collègues, au-delà même des clivages partisans, prenons nos responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Teva Rohfritsch. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons cette après-midi a fait l’objet d’importants compromis tout au long de sa discussion à l’Assemblée nationale et a été adopté il y a plus de six jours à une très large majorité par nos collègues députés.

Je vous parle d’une très large majorité, car la majorité absolue des votants a été dépassée de 73 voix… C’est une victoire considérable pour la démocratie, compte tenu de la nouvelle configuration politique. La députée Véronique Louwagie soulignait notamment le souhait du groupe Les Républicains d’incarner une opposition raisonnable. Je ne puis qu’espérer que cet état d’esprit préside également à nos débats.

Je ne doute pas, mes chers collègues, que le Sénat saura faire preuve de responsabilité et trouver les mêmes voies constructives que nos collègues députés, qu’il remplira avec sagesse, une nouvelle fois, son rôle de chambre de compromis.

C’est une responsabilité d’autant plus grande que ce collectif budgétaire est le corollaire indispensable du texte sur le pouvoir d’achat que nous avons adopté vendredi dernier à la tombée de la nuit.

Je crois profondément que nous saurons trouver une issue raisonnable en commission mixte paritaire sur le texte relatif au pouvoir d’achat dès ce soir, comme nous le ferons au cours de la semaine sur ce projet de budget rectificatif qui nous est soumis.

Cet esprit de compromis, le Gouvernement en a fait preuve jusqu’à la fin de l’examen en séance publique, à la faveur d’un amendement visant à aider les ménages se chauffant au fioul – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Ce sont 230 millions d’euros qui, d’ici à l’hiver prochain, aideront nos concitoyens à surmonter le retour du froid sans subir de plein fouet la flambée des coûts de l’énergie.

Cet esprit de compromis, le groupe RDPI en prendra également sa part, en rejoignant l’initiative de notre rapporteur général de pérenniser le nouveau plafond d’exonération des heures supplémentaires.

Monsieur le rapporteur général, votre amendement nous paraît constituer une aide bienvenue à l’emploi, quand la prospérité de notre économie et la soutenabilité de nos finances publiques reposent en grande partie sur le dynamisme du marché du travail et la productivité de nos entreprises.

Cet esprit de compromis, enfin, nous l’avons vu à l’œuvre sur un sujet qui nous préoccupe tout particulièrement ici au Sénat. Je veux bien entendu parler des collectivités locales.

Nous n’oublions pas tout ce qui a été accompli depuis 2017, avec une capacité d’autofinancement brute qui s’est envolée de 23,2 % pendant le quinquennat, une trésorerie en hausse de 36,4 %, et des dépenses réelles d’investissement qui ont augmenté de 14,9 %, tout cela grâce aux mesures inédites de soutien et de compensation dynamique que nous avons mises en place. Je n’oublie pas non plus le dynamisme d’un grand nombre recettes fiscales des collectivités, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), la TVA dont une large part leur revient, la taxe foncière, et j’en passe.

Toutefois, il demeure, en particulier pour le bloc communal, d’importantes disparités, et certaines de nos communes ont besoin d’un soutien exceptionnel. C’est pour cela qu’un compromis a été trouvé avec le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, dont je salue le travail.

Il a permis de mettre en place une dotation exceptionnelle pour les communes les plus touchées par la hausse des coûts. Nous avons encore des propositions à faire valoir pour améliorer le dispositif, mais je ne doute pas que nous trouverons tous ensemble, et avec le Gouvernement, les mesures adaptées pour protéger nos communes menacées par l’envol du coût de l’énergie.

Nos collègues ultramarins du groupe RDPI sont nombreux à saluer les avancées obtenues en première lecture, notamment l’enveloppe exceptionnelle d’aide alimentaire ouverte pour lutter contre la vie chère.

Je sais, monsieur le ministre, que, comme vous l’avez fait auparavant, vous regarderez avec bienveillance notre amendement qui a pour objet de l’élargir aux collectivités d’outre-mer. C’est un enjeu de solidarité, mais aussi d’égalité et de justice pour la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et l’ensemble des collectivités d’outre-mer. Je sais que vous y êtes sensible ; je n’oublie pas votre action à la suite de ma sollicitation lors du dernier projet de loi de finances pour aider Air Tahiti Nui, alors en grande difficulté. Soyez-en remercié, monsieur Le Maire !

J’ajoute enfin que je partage avec nos amis ultramarins et ma collègue finistérienne Nadège Havet le soulagement que représente la prolongation de l’aide au carburant pour les pêcheurs annoncée vendredi dernier par le secrétaire d’État chargé de la mer. C’est une mesure juste, qui permettra de venir en aide à un secteur fortement touché par le retour de l’inflation.

Oui, mes chers collègues, comme le disait notre collègue député Mathieu Lefèvre, je suis heureux que nous puissions discuter d’un texte qui revalorisera les pensions de 60 euros par mois, et qui permettra que les prix du gaz et d’électricité pour les Français n’augmentent pas de 4 % et 35 %, comme cela aurait été le cas si nous n’avions rien fait.

En effet, notre pays connaît l’inflation, malgré son niveau, la plus modérée d’Europe, une croissance dynamique, quand certains de nos voisins enregistrent une baisse au deuxième trimestre, et un taux de chômage historiquement bas à 7,3 %. Ce sont les fruits de la constance de notre politique économique et des mesures en faveur du pouvoir d’achat engagées dès le début de la crise.

Mes chers collègues, vous connaissez l’expression : il ne faut pas changer de cheval au milieu du gué. Je pense en particulier au débat que nous aurons sur la taxe exceptionnelle que certains veulent mettre en place. Il y va de la confiance dans notre politique économique, de la clarté et de la cohérence de notre modèle fiscal.

Le Gouvernement a demandé aux entreprises des engagements ; nous saurons être au rendez-vous des résultats et sanctionner ce qui devra l’être quand le temps sera venu de demander des comptes. Mais ne pénalisons pas la reprise alors que notre économie sort tout juste de la crise !

Avec ce texte, ce sont 20 milliards d’euros qui seront rendus à nos concitoyens. C’est un grand moment de démocratie parlementaire, et ce sera de nos votes que nous devrons répondre quand il faudra dire si, oui ou non, nous avons été à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Bien !

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tous les marins le savent : la navigation est un art de l’anticipation. Le capitaine d’un grand paquebot doit ainsi attendre trente minutes entre son coup de barre et son effet sur la trajectoire du bateau. Pour redresser les finances publiques, l’inertie est bien évidemment plus longue.