Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Articles 18 et 19
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme Marc-Philippe Daubresse vous l’a indiqué, la commission mixte paritaire, réunie le 1er décembre dernier, est parvenue assez rapidement à un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. En tant que rapporteur, je me suis plus particulièrement intéressé à l’article 5, relatif au Réseau radio du futur (RRF), puis aux articles 7 à 16 du projet de loi.

L’Assemblée nationale a amélioré et enrichi le texte sans remettre en cause les apports du Sénat, ce qui a facilité nos discussions et l’élaboration d’un texte de compromis.

Concernant le délit d’outrage sexiste, l’Assemblée nationale a souhaité le rebaptiser « outrage sexiste et sexuel », ce qui correspond mieux à la réalité de cette infraction. Elle a en outre élargi le champ de ce délit pour qu’il englobe tous les outrages commis à l’encontre d’un mineur, alors que nous avions visé les seuls mineurs de 15 ans et moins. La commission mixte paritaire a approuvé cette évolution.

S’agissant des assistants d’enquête, l’Assemblée nationale a élargi le vivier de recrutement sans abaisser le niveau d’exigence, ce qui nous a semblé aller également dans le bon sens.

L’Assemblée a approuvé l’extension des autorisations générales de réquisition, qui allégeront la tâche des procureurs, en prévoyant qu’un rapport d’évaluation soit réalisé dans un délai de deux ans.

C’est sur la question des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) que le dialogue avec nos collègues députés a finalement été le plus nourri.

Vous vous en souvenez, le Sénat avait rejeté la proposition du Gouvernement d’autoriser le recours à l’AFD pour tous les délits punis de moins d’un an d’emprisonnement, ce qui correspondait à un total de 3 400 infractions. En effet, si elle convient pour la répression de certaines infractions, l’amende forfaitaire ne nous avait pas paru adaptée à un si grand nombre de délits, soit en raison de considérations opérationnelles, soit parce qu’une amende forfaitaire ne constitue pas à nos yeux une réponse pénale suffisamment forte.

Nous avions donc opté pour une approche au cas par cas, en élargissant, en commission puis en séance publique, la liste des infractions pour lesquelles l’AFD est autorisée. L’Assemblée nationale n’a pas remis en cause notre approche, mais elle a voulu aller un peu plus loin, ce qui nous a posé un problème pour certaines infractions, comme le tapage nocturne, le refus de se soumettre à un contrôle routier ou encore l’entrée dans une enceinte sportive dans le but de troubler le bon déroulement d’une compétition.

Nous avons obtenu que la liste soit quelque peu resserrée. Ainsi, en ce qui concerne le délit de port d’une arme blanche, l’amende forfaitaire délictuelle ne pourra être appliquée que si l’auteur de l’infraction remet volontairement son arme à l’agent verbalisateur.

Nous avons également limité le recours à l’AFD en cas de récidive : dans certains cas, un passage devant le tribunal nous paraît en effet nécessaire.

Au total, une fois la loi entrée en vigueur, la procédure de l’amende forfaitaire sera applicable à vingt-sept nouvelles infractions et, pour six d’entre elles, l’amende pourra être appliquée même en cas de récidive.

Je veux à présent évoquer d’un mot l’article 14 bis du texte, qui avait été inséré par le Sénat sur l’initiative de notre collègue Pierre-Antoine Levi, avant d’être supprimé par l’Assemblée nationale. Un compromis a été trouvé en commission mixte paritaire, qui maintient l’esprit de la mesure, mais en la recentrant sur les seules menaces de mort ; cette disposition, qui s’inspire du témoignage de certains procureurs, facilitera les poursuites. La commission des lois est preneuse des retours des parquets sur ce sujet.

Je termine en me félicitant que la commission mixte paritaire ait validé notre choix consistant à instaurer, à l’article 15, l’unité du commandement en cas de crise, l’agence régionale de santé (ARS) étant placée sous l’autorité du préfet. Le Parlement peut se féliciter de cette disposition, fondée sur l’une des grandes leçons de la pandémie de covid ; les prochaines crises nous montreront à quel point cette mesure est pertinente.

Je ne peux que me réjouir, monsieur le ministre, de la façon dont nous avons travaillé avec vous, avec vos services et avec nos collègues de l’Assemblée nationale en vue d’arriver à un accord. La Lopmi est attendue de nos forces de sécurité, qui pourront bénéficier de moyens renforcés et de nouveaux outils juridiques pour agir plus efficacement. Marc-Philippe Daubresse et moi nous félicitons de cet accord important avec les députés et l’ampleur du vote, la semaine dernière, à l’Assemblée nationale montre que cet accord était largement soutenu.

Les sénateurs du groupe Union Centriste voteront pour les conclusions de la commission mixte paritaire et j’invite nos collègues des autres travées à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’entamer mon propos en saluant les deux rapporteurs pour leur travail. Nos collègues ont défendu avec conviction et fermeté les positions du Sénat en commission mixte paritaire, ce qui a pesé dans l’appréciation du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur le texte soumis à notre vote.

M. Jérôme Durain. Je salue également la disponibilité du ministre et le remercie de la qualité de nos échanges. Je n’insisterai pas davantage sur ce point, de crainte qu’il n’utilise ces compliments lors de controverses futures avec certains de mes camarades du Palais-Bourbon… (Sourires.)

M. Loïc Hervé. C’est Noël !

M. Jérôme Durain. Je rappelle tout d’abord la position initiale de notre groupe, en première lecture, sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

Nous avions évidemment salué l’important effort budgétaire consenti par l’État. Cela permettra de répondre aux demandes des citoyens et des élus locaux sur le terrain. Relayant ces demandes quand cela est nécessaire, nous estimons cohérent de soutenir la programmation de 15 milliards d’euros.

Nous nous sommes en outre félicités des quelques avancées contenues dans le rapport annexé, notamment les dispositions insérées dans le texte grâce à l’adoption des amendements de nos collègues Patrick Kanner, Laurence Harribey, Gisèle Jourda et Olivier Jacquin sur la sécurité civile ou la gendarmerie.

Nous avons observé avec intérêt que les recommandations de notre collègue Conconne ont également été suivies : les dispositions nécessaires à l’application et à l’adaptation outre-mer de ce projet de loi ont été inscrites directement dans le texte, ce qui a permis la suppression de l’habilitation du Gouvernement à le faire par ordonnance.

Nous avons évidemment soutenu la proposition d’une meilleure protection des élus contre les violences qu’ils doivent parfois subir. Je profite de l’occasion pour saluer le maire de Montcenis, en Saône-et-Loire, ainsi que le personnel de sa commune, qui ont eu le malheur de vivre un épisode pénible la semaine dernière, lorsqu’ils ont reçu des menaces de mort.

Pour autant, même si nous avons voté pour le projet de loi en première lecture, tout ne nous convenait pas dans ce texte.

Ainsi en était-il des AFD, dont le champ avait été trop étendu à notre goût.

Le texte manque également d’avancées sur le rapprochement entre police et population ; je profite de cette intervention pour regretter la suppression à l’Assemblée nationale de l’indicateur de performance budgétaire que le Sénat avait inséré dans le projet de loi de finances pour 2023, à propos des discriminations commises ou subies par les forces de l’ordre. J’espère que M. le ministre tiendra sa parole et nous aidera à rétablir cette disposition prochainement.

Les discussions sur la police judiciaire ne nous rassuraient pas franchement, non plus que les membres de l’Association nationale de police judiciaire.

Pour parler de manière euphémique, je dirai que l’Assemblée nationale n’a pas vraiment amélioré notre texte. Les discussions en commission mixte paritaire étaient donc très attendues. Elles se sont révélées décevantes à plusieurs égards.

En particulier, le recours aux amendes forfaitaires délictuelles nous semble trop large dans ce texte et la possibilité de les utiliser en cas de récidive comporte des risques. Je retiens néanmoins que l’AFD a été supprimée pour certaines infractions peu compatibles avec la reconnaissance des faits, qui est au cœur de l’efficacité de cette transaction pénale ; je pense notamment au refus de contrôle.

Nous regrettons également la suppression des articles 6 bis – possibilité pour les victimes de déposer plainte depuis leur domicile ou dans les locaux d’une association d’aide aux victimes –, 6 bis B – expérimentation de la mise en place de brigades de gendarmes et de policiers mobiles ayant pour objectif de recueillir les plaintes des victimes de violences conjugales en territoire rural – et 6 bis C – droit des victimes d’être prises en charge par une personne formée aux discriminations liées à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle.

Malgré tout, du positif est sorti de la commission mixte paritaire. La suppression de l’article sur la circonstance aggravante en cas de violence gratuite nous semble par exemple bienvenue ; elle donnera moins de travail au Conseil constitutionnel !

Je pense aussi à la conservation de certaines avancées du rapport annexé : notre groupe se félicite par exemple de la rédaction de compromis trouvée sur la police judiciaire.

Avoir porté les revendications de tous ceux qui ont exprimé leur inquiétude sur la réforme de la police nationale s’est révélé positif.

Le rapport annexé ne règle pourtant pas tout et nous saisissons la balle au bond ! Puisque le ministre a proposé à l’Assemblée nationale, à la suite de notre demande, la création d’un comité de suivi de la loi de programmation du ministère de l’intérieur – vous l’avez encore indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre –, nous lui demandons d’inscrire le suivi des moyens budgétaires de la police judiciaire au programme de ce comité de suivi.

Au total, le texte issu de la commission mixte paritaire nous semble meilleur que celui qui a été adopté à l’Assemblée nationale et il n’est pas fondamentalement différent de celui que le Sénat a adopté, que notre groupe avait voté. Ainsi, ce projet de loi, perfectible, mais attendu par les forces de l’ordre et par nos concitoyens, notamment pour ce qui concerne les moyens budgétaires, sera donc adopté avec les voix du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe UC. – Mme Marie Mercier applaudit également.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Di Folco. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains se réjouit du caractère conclusif de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 1er décembre dernier.

Cela faisait plusieurs années que le Sénat appelait de ses vœux une loi de programmation sur la sécurité. La dernière en date remonte à la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), qui déterminait les moyens des services de sécurité pour la période 2011-2013. Cela fait tout de même dix ans…

Si l’on ne comprend pas bien ce qui a pu contrarier l’adoption de ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur dès le premier quinquennat du Président Macron, nous nous félicitons néanmoins de son adoption imminente.

Néanmoins, mes chers collègues, l’ambition est forte, mais la tâche sera rude ! Personne ne l’ignore, la France se prépare à accueillir d’importants événements sportifs, dont les enjeux sécuritaires sont considérables, qu’il s’agisse de la coupe du monde de rugby de 2023 ou des jeux Olympiques de l’été 2024. Ainsi, les 15 milliards d’euros supplémentaires budgétés sur cinq ans ne seront pas de trop…

Toutefois, nous tenons à exprimer deux craintes.

D’une part, il ne faudrait pas que ces moyens viennent à s’évaporer en cours de route. Le Sénat sera particulièrement attentif au suivi du déploiement des crédits au cours des années à venir.

D’autre part, ces crédits ne devront pas non plus être happés par les enjeux sécuritaires de 2023 et 2024. Les Français auront encore besoin d’être protégés au lendemain des jeux Olympiques.

Par ailleurs, comme l’a dit l’un de nos collègues de la commission des lois lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurités » du budget pour 2023, « le doublement des effectifs sur la voie publique […] n’aura de sens que si les effectifs des services […] qui traitent les [infractions] sont augmentés de manière proportionnelle ». Nous y veillerons également.

Je ne reviens pas dans le détail sur les dispositions du texte, nos deux rapporteurs l’ayant fait de leurs interventions. Je souhaite simplement conclure en formant le vœu que la réforme de l’organisation de la police nationale, notamment celle de la police judiciaire, qui vous occupera particulièrement au début de l’année prochaine, monsieur le ministre, soit conduite dans le plus grand consensus possible.

Le groupe Les Républicains tient à saluer la qualité du travail de nos deux rapporteurs, Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé. Une grande partie de notre groupe se prononcera en faveur de ce texte, dans la rédaction issue de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (M. Michel Canévet applaudit.)

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que la commission mixte paritaire ait conduit à un accord sur ce texte, qui concerne l’ensemble du ministère de l’intérieur pour une période de cinq ans. Ce consensus, qui honore les deux assemblées parlementaires, traduit la ferme volonté de la représentation nationale de donner un cadre permettant de renforcer les moyens humains, financiers et technologiques des forces de l’ordre dans leur mission de protection.

Ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur est la traduction en chiffres et en actes de la considération de la République pour nos forces de sécurité.

Par ce texte, nous consacrons une hausse du budget du ministère de l’intérieur de 15 milliards d’euros sur cinq ans. Cette hausse inédite est indispensable pour assurer à chaque instant la sécurité de nos concitoyens face à une délinquance protéiforme : fraudes, trafics, rodéos urbains ou encore atteintes aux biens et aux personnes.

Cette hausse est aussi primordiale pour améliorer le travail quotidien des agents du ministère de l’intérieur et le rendre plus efficace, au service de la protection des Françaises et des Français, en leur donnant la possibilité de déléguer certains travaux chronophages.

En effet, la tâche des forces de l’ordre est immense. Chacun de nous le sait, la délinquance ne cesse de se renforcer, elle devient de plus en plus violente et de plus en plus technologique. Oui, il y a beaucoup à faire, mais ce texte ambitieux constitue véritablement une première réponse à la hauteur des enjeux de la sécurité d’aujourd’hui et de demain.

Tout d’abord, je me félicite que le projet de loi renforce considérablement les moyens humains des forces de l’ordre en créant 8 500 postes et 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Cela permettra de doubler la présence policière sur le terrain.

Ce texte permet également de doter nos forces de sécurité d’instruments modernes, grâce au développement des outils informatiques et numériques, car moderniser, c’est mieux armer la France et la police pour affronter les nouvelles menaces. Les cyberattaques mettent nos institutions, nos collectivités territoriales, nos entreprises et nos établissements publics et privés dans des situations d’extrême vulnérabilité. Je pense notamment aux cyberattaques portées contre les établissements de santé, qui ne cessent de se multiplier : à Villefranche-sur-Saône en 2021, à Vitry-le-François et à Corbeil-Essonnes cette année ou encore à Versailles, il y a une semaine…

Je suis également satisfait que ce renforcement des moyens de nos forces de l’ordre s’accompagne d’une amélioration de la réponse pénale. Trop souvent, nous avons le sentiment que la réponse judiciaire ne permet pas d’agir sur la délinquance du quotidien. Or la réponse pénale se doit d’être ferme et efficace.

Avant de conclure, je tiens à saluer à cette tribune le courage et le sens du devoir de ces femmes et de ces hommes, gendarmes ou policiers, qui ont choisi de consacrer leur vie professionnelle et personnelle à la protection de nos concitoyens.

Ce texte propose des avancées, que nous n’avions pas connues depuis de nombreuses années et qui permettront de répondre aux attentes des forces de l’ordre en matière de lutte contre la criminalité, une criminalité qui se développe désormais sur de nouveaux terrains. Ce texte prend également en compte les légitimes exigences de nos concitoyens, qui aspirent à une plus grande sécurité.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour déterminer la trajectoire du ministère de l’intérieur et les moyens que nous souhaitons lui allouer.

Ce texte avait pour particularité de nous présenter, au travers du rapport annexé à l’article 1er, la vision gouvernementale de la sécurité et la tranquillité publiques pour les prochaines années.

Nos prises de parole et nos propositions nous ont permis de défendre le projet du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires pour la sécurité de notre pays, un projet cohérent. L’aspect le plus marquant de ce texte, c’est la continuité de la politique envisagée, plus répressive que protectrice. Or cet aspect, quoique essentiel, ne doit pas pour autant conduire à négliger l’importance du lien des forces de l’ordre avec les citoyens et la nécessaire confiance de tous envers celles-ci.

Cette dimension obère également un autre aspect essentiel : l’immense souffrance au travail de nos forces de l’ordre. Nous avons ainsi pu exposer l’objectif partagé d’une police bénéficiant de meilleures conditions de travail, d’une meilleure formation, de moyens financiers, humains, mobiliers et immobiliers satisfaisants, dans le but d’exercer correctement ses missions auprès de la population, avec la population et pour la population.

Oui, nous soutenons l’action de la police républicaine, en ce que celle-ci est au service de toute la population, non seulement des Français à l’aise avec le numérique, mais encore des 13 millions de Français qui souffrent d’illectronisme. L’accès égal pour tous au service public, y compris le service public de la police, doit prévaloir et l’accueil des citoyens par un agent formé, l’interaction humaine de manière générale, doit rester une option pérenne.

Nous sommes donc d’accord avec vous, monsieur le ministre, pour donner de meilleurs équipements aux forces de l’ordre, qui exercent clairement leurs fonctions dans des conditions matérielles souvent insuffisantes, voire indécentes. Toutefois, nous souhaitons vous mettre en garde, à la suite de notre collègue Thomas Dossus, contre l’idée d’un policier « augmenté ». Un policier dûment équipé, oui, mais un policier augmenté, à quel coût et dans quel but ?

Nous regrettons par ailleurs que ce texte n’ait pu permettre de discuter de la modification de la doctrine du maintien de l’ordre. Je pense en particulier à l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD), des drones, des lacrymos, de la technique de la nasse ou d’autres techniques d’interpellation que nous jugeons dangereuses.

Nous regrettons également que ce texte ne contienne aucune avancée sérieuse sur la réforme de l’inspection générale de la police nationale (IGPN). Le besoin de sécurité des citoyens exige aussi la transparence de l’action de la police : il faut mieux gérer les dérives violentes, donner une nouvelle dimension à l’IGPN, mais il faut également accroître la transparence sur les données de la police, leur publication et leur transmission, notamment aux élus locaux.

Une telle réforme nous paraît bien plus nécessaire, plus attendue de nos concitoyens, que la prétendue réforme de la police judiciaire. Se rappeler que le citoyen est au cœur de tout, telle a été, en permanence, notre boussole.

Nous regrettons en outre que, malgré le soutien exprimé par le Gouvernement dans cet hémicycle, la commission mixte paritaire n’ait retenu aucune des propositions de généralisation de certains mécanismes ayant fait leurs preuves, comme les agents de liaison LGBT+ ou les formations au cyberharcèlement.

Nous regrettons enfin que nos propositions d’amélioration des droits de la défense, alimentées par les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), du Syndicat de la magistrature ou des avocats, n’aient pas toujours trouvé une oreille attentive ; je pense par exemple à l’interdiction de la reconnaissance faciale.

Nos inquiétudes sur les droits des justiciables n’ont pas été dissipées par nos discussions relatives à l’amende forfaitaire, un outil certes utile, d’un point de vue comptable ou cyniquement mathématique, mais dont l’efficacité pour la réponse pénale n’est que peu étudiée. L’opportunité de poursuivre, qui appartient d’habitude au juge, est à nouveau niée. L’application de ce dispositif à des infractions commises autour des stades semble constituer une réponse inadaptée aux difficultés de gestion subies lors des événements du Stade de France, par exemple.

Enfin – n’y voyez aucun reproche à destination de nos forces de l’ordre –, l’utilisation de ce mécanisme semble très, très variable selon les territoires…

Cette mise à l’écart du monde judiciaire, sans réelle réflexion sur le continuum police-justice, nous semble être une erreur. Penser la police sans la justice, c’est une erreur, de même que penser la sécurité sans les acteurs du cœur des territoires.

Nous sommes d’accord avec vous pour reconnaître la nécessité d’augmenter les moyens des forces de l’ordre, mais nous sommes en désaccord profond sur la façon de les employer au mieux. Nous avons soutenu l’augmentation du budget prévue à l’article 2, mais nous aurions aimé être mieux entendus lorsque nous avons proposé d’améliorer les conditions de travail des forces de l’ordre et leurs relations avec les usagers.

En effet, notre groupe a promu plus d’avancées sur les conditions de travail des forces de l’ordre ; je pense à l’accompagnement des agents par des psychologues ou à la sanctuarisation des formations au tir.

Le besoin de sécurité des citoyens porte aussi sur leur environnement : c’est pourquoi nous avons de nouveau proposé des pistes pour le développement d’une réelle police environnementale. Comme Jacques Fernique l’a souligné, les gardes champêtres exerçant au sein de la brigade verte devraient être clairement distingués des autres services de police.

Le besoin de sécurité des citoyens à l’échelon local concerne aussi la gestion du risque d’incendie, amplifié par l’inaction climatique du Gouvernement. Nous remercions les membres de la commission mixte paritaire d’avoir conservé la proposition de notre collègue Monique de Marco sur les besoins d’une deuxième base de Canadair.

Nous aurions aimé pouvoir discuter d’autres mesures ou de visions tout aussi importantes, comme la gestion des frontières.

Mes collègues et moi avons rappelé à maintes reprises combien les forces de l’ordre étaient au cœur de notre pacte républicain ; ce sont elles qui endossent le rôle de protection de notre population et qui doivent assurer la tranquillité publique.

Les craintes que nous avions exprimées au début de l’examen de ce texte ont malheureusement été confirmées et les modifications apportées par la majorité sénatoriale n’ont fait que les amplifier. L’orientation du ministère de l’intérieur proposée par la commission mixte paritaire ne nous paraît ni convaincante ni justifiée ; nous ne pouvons donc pas nous y associer et nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Loïc Hervé. J’y ai presque cru !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe RDPI. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi touche à sa fin après un parcours et un travail législatifs sérieux et méthodiques. Je crois que pouvoir le constater est une satisfaction.

Outre, naturellement, nos vastes mérites, cet aboutissement positif doit beaucoup à la concertation ample et transversale qui l’a précédé. Elle a été menée, je le pense, de façon sincère et de bonne foi, nous permettant de mieux nous informer sur les choix à soutenir.

Le projet de loi issu des travaux de la commission mixte paritaire met donc en œuvre des objectifs d’intérêt public majeurs, que je veux souligner : l’amélioration de l’accueil du public, le renforcement de la lutte contre la cybercriminalité, qui, nous le savons tous, est un péril croissant, une lutte plus efficace contre les violences intrafamiliales et sexistes, et la proximité des forces sur le territoire, à travers tant les commissariats que les brigades de gendarmerie. À mon sens, ce dernier souci a été bien exprimé par le ministre, et nous le partageons.

Dans les volumes de crédits prévus dans cette programmation, nous retrouvons des outils techniques d’avenir, aussi bien pour les missions d’enquête que pour les interventions, en particulier au travers du réseau Radio du futur. Ces objectifs, nous semble-t-il, sont les bons.

De manière transversale, les apports de ce projet de loi – j’en ai cité quelques-uns – doivent signifier de réels progrès dans les conditions de travail des agents et leur sécurité. En effet, nous savons bien que les missions auxquelles ils font face quotidiennement, avec notre soutien moral, sont à la fois éprouvantes et dangereuses. Nous tenons absolument à ce que l’ensemble des agents poursuivent leur vie professionnelle en ayant le sentiment d’être soutenus par leur hiérarchie et par les autorités publiques, Parlement comme Gouvernement, source de motivation. Il me semble que ces éléments de progrès, implicites, mais contenus dans le projet de loi, sont très importants.

Bien sûr, nous saluons aussi les mesures d’efficacité introduite dans la chaîne pénale. Elles ont fait l’objet de délibérations entre, d’une part, les membres du Gouvernement – et l’on sait bien qu’un accord en leur sein n’est pas toujours immédiat – et, d’autre part, les deux chambres du Parlement, avec une participation très large.

Il nous semble donc que les améliorations qui vont ainsi être apportées à toute une série d’actes de procédure rendront plus efficace la mission de rétablissement de la paix publique.

À mon tour, je veux souligner le bon choix d’équilibre trouvé, après mûre délibération, quant à la liste des cas où s’appliquent les amendes forfaitaires, à savoir des délits pour lesquels elles s’avèrent une sanction adaptée et ne heurtant pas de principe d’équité ni de droits de la défense. Dans le dispositif, nous savons bien qu’il reste toujours, à la fin, la possibilité pour la personne sanctionnée de revenir à un traitement judiciaire si elle le préfère.

Par conséquent, et cela n’est pas une surprise, nous allons bien entendu contribuer au très large vote en faveur de ce projet de loi. Je crois que nous le devons en partie au Gouvernement lui-même, lequel avait proposé un texte clair, par lequel il a su nous convaincre. C’est donc, nous semble-t-il, un aboutissement mérité pour le Gouvernement, et en particulier pour M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI – M. Loïc Hervé applaudit également.)