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Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Lors des scrutins nos 98 à 104 portant sur la proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l’accès à la santé pour tous, Mme Guylène Pantel souhaitait voter pour.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins concernés.

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Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

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Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2023

Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 203, rapport n° 213).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Question préalable (début)

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’année qui s’achève a été celle d’un choix d’une constance absolue : refuser que le choc d’inflation ne mette au tapis l’économie française. Depuis le premier jour, nous avons affirmé une ligne extrêmement claire, celle du soutien et de la protection. Protéger encore et protéger toujours : protéger les ménages, protéger les entreprises, protéger nos collectivités.

Le projet de loi de finances que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture, tout comme la loi de finances rectificative promulguée le 1er décembre dernier, resteront comme les textes des engagements tenus vis-à-vis des Français.

Grâce aux mesures que nous avons proposées, la France est le pays d’Europe dans lequel les ménages sont les moins exposés à la flambée des prix. Ce rempart contre la vie chère, nous avons pu l’ériger parce que nous avons collectivement fait le choix d’un soutien public franc et massif. Une analyse de la direction générale du Trésor, publiée la semaine dernière, montre que l’État a pris à sa charge plus de la moitié du choc inflationniste et du choc énergétique que subit notre pays depuis plus d’une année.

Entre le bouclier tarifaire que nous avons été les premiers à mettre en œuvre en Europe, la ristourne sur les prix à la pompe, le chèque exceptionnel et la revalorisation des pensions de retraite et des prestations sociales, ce sont près de 110 milliards d’euros d’argent public qui ont été mis sur la table pour protéger les Français et notre économie. Ces mesures ont conduit l’État à assumer 52 % de la perte de revenus réels liée au choc énergétique, laissant les entreprises en assumer 42 % et les ménages 6 %. Ce reste à charge de 6 % pour les Français, en des temps d’inflation, c’est évidemment trop : je n’ignore rien des difficultés de ces millions de ménages qui vivent à l’euro près.

Toutefois, je vous le dis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons être fiers d’avoir, en France, fait le choix de la protection. Nous avons choisi de protéger le pouvoir d’achat. Nous avons choisi de soutenir les Français et nos entreprises. Nous avons choisi de préserver au maximum l’activité économique et la croissance. Oui, une fois encore, nous avons fait le choix de la protection : c’est non seulement un choix de justice, mais aussi un choix d’efficacité. Cette stratégie est efficace, car il vaut mieux investir pour préserver que payer pour réparer.

Comme durant la crise sanitaire, notre pays a ainsi évité l’explosion de la pauvreté qui frappe certains de nos voisins européens. Cela a été possible notamment grâce à la revalorisation anticipée des prestations sociales dès l’été 2022, au financement d’une aide exceptionnelle de rentrée de 100 euros pour 11 millions de familles, au versement d’un chèque énergie exceptionnel à 12 millions de ménages et à la mise en place de dispositifs spécifiques pour nos concitoyens qui se chauffent au fioul ou au bois.

En parallèle, notre politique en faveur du travail et de la stabilité fiscale continue de porter ses fruits, puisque le chômage se maintient à un niveau historiquement bas – 7,3 % –, tandis que l’investissement des entreprises résiste, avec plus de 8 % d’investissement acquis en 2022.

Il ne s’agit bien évidemment pas de dresser de nouveau un tableau qui consisterait à dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Il s’agit de reconnaître que notre économie résiste et que, s’il en est ainsi, ce n’est pas seulement grâce au Gouvernement et à la majorité qui seraient les garants de cette capacité de résistance : c’est aussi grâce aux millions de Français qui se lèvent le matin pour aller travailler, grâce aux millions d’entrepreneurs qui continuent d’investir et d’embaucher et grâce aux Français qui continuent autant que possible de consommer, parce que nous prenons des mesures pour protéger leur pouvoir d’achat.

Le budget que nous présentons pour l’année prochaine traduit la continuité de cette stratégie, sans jamais perdre de vue que l’argent public, c’est l’argent des Français et que chaque euro investi doit être un euro efficace.

Nous l’assumons : ce projet de loi de finances est un texte de combat contre la vie chère, qui prévoit le maintien des boucliers tarifaires et l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu.

Durant le débat parlementaire, le texte a été enrichi de mesures très concrètes qui, pour moi, ont comme fil conducteur essentiel de redonner de l’oxygène à ces millions de Français qui travaillent. En effet, ceux-ci ont parfois le sentiment que l’argent public sert davantage à accompagner certains de nos concitoyens qui ne travaillent pas plutôt qu’à les soutenir eux, eux qui se lèvent le matin pour aller travailler. Il est extrêmement important que nous nous adressions aussi à ces Français qui travaillent, qui se lèvent le matin et qui font des efforts dans un contexte et dans des circonstances parfois difficiles. Nous devons leur montrer que l’action et l’argent public sont aussi là pour eux.

C’est pour les Français qui travaillent que nous avons fait le choix d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu : 6 milliards d’euros supplémentaires auraient sinon été prélevés.

C’est pour les Français qui travaillent que nous avons décidé de relever le plafond et la valeur faciale du ticket-restaurant, en faisant passer cette dernière de 11,84 euros à 13 euros.

C’est pour les Français qui travaillent que nous avons fait le choix de rehausser de 50 % le plafond du crédit d’impôt pour les frais de garde d’enfants, qui sera porté à 3 500 euros.

C’est pour les Français qui travaillent et pour nos entrepreneurs que nous avons fait le choix de relever le plafond permettant de bénéficier du taux réduit d’impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises (PME).

C’est pour les Français qui travaillent que nous avons fait le choix de redonner de l’oxygène à nos agriculteurs, avec la prorogation jusqu’à 2025 de la déduction pour épargne de précaution, ainsi que son indexation sur l’inflation.

Ce projet de loi de finances, c’est aussi celui du réarmement de nos services publics. Ce texte donne plus de moyens à la police, à la justice et à nos armées dans un contexte géopolitique à haut risque.

Dans le cadre de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, ce projet de loi de finances prévoit une hausse de 3 milliards d’euros pour la mission « Défense ». S’agissant des moyens de nos forces de sécurité, 1,4 milliard d’euros de crédits supplémentaires ont été inscrits, ce qui représente plus de moyens pour les équipements et pour les technologies numériques, ainsi que pour le renforcement de la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique, conformément à la trajectoire de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, dite Lopmi, que vous avez adoptée, mesdames, messieurs les sénateurs.

Enfin, nous poursuivons le renforcement des moyens du ministère de la justice, avec une nouvelle hausse des crédits de 8 % pour la troisième année consécutive. Au total, depuis 2017, la hausse des crédits du ministère de la justice a été de 40 %. Si nous agissons pour lutter contre l’insécurité, nous agissons aussi pour lutter contre l’impunité et pour faire en sorte que notre justice puisse fonctionner plus efficacement et plus rapidement.

Tout cela s’inscrit en cohérence avec le choix que nous avons fait dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. L’an prochain en effet, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, le budget de l’hôpital public dépassera les 100 milliards d’euros.

En matière économique, notre principal objectif est de gagner la bataille du plein emploi d’ici à 2027. C’est grâce au travail des Français que la croissance résiste. C’est par l’augmentation du volume de travail que nous serons en mesure de créer plus de richesses et de les redistribuer.

Le plein emploi commence par l’éducation. L’année prochaine, le budget de l’éducation nationale augmentera de près de 4 milliards d’euros : comme le Président de la République s’y était engagé pendant la campagne, aucun professeur ne commencera sa carrière avec un traitement inférieur à 2 000 euros net par mois.

Le plein emploi, c’est aussi l’apprentissage. Quelque 6,7 milliards d’euros de crédits supplémentaires seront investis dans l’emploi et l’apprentissage pour atteindre l’objectif du million d’apprentis d’ici à 2027.

Enfin, et je le dis avec fermeté, ce texte acte le refus catégorique du laisser-aller budgétaire. (M. le rapporteur général sexclame.) Comme ministre chargé des comptes publics, je continuerai de défendre le « combien ça coûte », parce que l’argent public ne sera jamais de l’argent magique.

Oui, malgré les aléas, nous poursuivons le rétablissement des comptes amorcé dès 2021, en stabilisant le solde public à 5 % cette année, comme en 2023. Nous y parviendrons parce que nous maîtrisons l’évolution des dépenses. Nous y parviendrons aussi grâce aux recettes liées à la contribution sur les rentes inframarginales.

Lorsqu’au mois de juillet dernier, nous évoquions notre volonté de nous inscrire dans un cadre européen, certains ont cru y voir une manœuvre dilatoire, une façon de balayer le problème d’un revers de la main. La réalité, c’est que nous ferons entrer 11 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses de l’État, l’année prochaine, grâce à cette contribution sur les rentes inframarginales des énergéticiens. Ils permettront de financer nos mesures en faveur des ménages, des entreprises et des collectivités locales. Ces grands objectifs, nous avons eu l’occasion d’en discuter de manière approfondie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat a également permis d’enrichir significativement le texte qui vous est aujourd’hui présenté. Bon nombre d’ajouts issus de cette assemblée ont été retenus dans la version finale du texte. Je ne peux pas être exhaustif, mais vous me permettrez de mentionner un certain nombre de mesures.

M. Vincent Delahaye. Ce ne sera pas long !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pense à la suppression de la condition d’âge du décès de l’ancien combattant pour le bénéfice, par sa veuve, d’une demi-part fiscale, défendue par M. Didier Rambaud, ainsi que par M. Jean-Jacques Panunzi et Mme Jocelyne Guidez. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Et Marc Laménie !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pense à l’introduction de crédits d’impôt, pour les entreprises comme pour les particuliers, sur les dons aux communes et syndicats forestiers pour certaines opérations de gestion forestière. Le sujet, mis en avant notamment par Vanina Paoli-Gagin et par le groupe Les Indépendants, était d’ailleurs au cœur d’une proposition de loi adoptée en première lecture dans cet hémicycle.

M. Joël Guerriau. Très bien !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pense à l’établissement d’une base légale à l’exonération d’impôt dont bénéficient déjà les allocations versées aux orphelins de victimes d’actes antisémites et d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale, sur l’initiative de Marc Laménie, qui a déposé cet amendement. (Applaudissements.)

Sur nos outre-mer, nous avons également intégré plusieurs amendements importants. Je pense à l’amendement du rapporteur général de la commission des finances visant à inclure les collectivités d’outre-mer dans le périmètre des dispositifs de défiscalisation prorogés. Je mentionne également la prolongation de plusieurs dispositifs de défiscalisation jusqu’en 2029 pour les collectivités d’outre-mer, sur l’initiative de Teva Rohfritsch, l’amendement de Georges Patient visant à lutter contre l’habitat insalubre outre-mer ou encore celui de Micheline Jacques sur la continuité territoriale et la prise en charge des billets d’avion pour nos compatriotes ultramarins.

Concernant la Corse, nous avons retenu dans le texte deux amendements défendus par Jean-Jacques Panunzi : l’un prévoit la prorogation du crédit d’impôt en Corse jusqu’en 2027, l’autre permet de garantir l’éligibilité de ce même crédit d’impôt aux résidences de tourisme.

J’y insiste donc : le débat parlementaire a permis un enrichissement important du projet de loi de finances pour 2023. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Il s’agit également d’un texte de soutien à nos collectivités territoriales, qui, comme l’État, les ménages et les entreprises, sont confrontées à une situation exceptionnelle. Bon nombre de mesures sont d’ailleurs, directement ou indirectement, le résultat des échanges que nous avons eus et des compromis que nous avons su construire malgré un certain nombre de désaccords légitimes, je le crois, en démocratie.

Le projet de loi de finances acte une augmentation de 320 millions d’euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF). C’est la première fois depuis treize ans que cette dotation connaît une augmentation. L’année prochaine, grâce à cet amendement, 95 % des communes verront leur DGF augmenter ou se stabiliser.

M. André Reichardt. Sauf que l’inflation augmente !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. S’agissant de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), nous garantissons une compensation à l’euro près avec une fraction pérenne de TVA. La compensation sera calculée en faisant une moyenne sur quatre années, de 2020 à 2023. Je sais que cela constituait une préoccupation forte sur ces travées, mesdames, messieurs les sénateurs, car vous teniez à ce que les bonnes années en matière d’activité économique, en d’autres termes les toutes dernières années, puissent être prises en compte dans ce calcul.

Quant au filet de sécurité, il sera étendu à l’ensemble des strates de collectivités, en l’espèce, les départements et les régions. Cette version de 2023, largement inspirée par les travaux du Sénat, a été remaniée de la façon suivante : nous supprimons le premier critère d’éligibilité ; le seuil de perte d’épargne brute est fixé à 15 % au lieu de 25 %, comme cela était initialement prévu, et seulement 50 % des recettes réelles de fonctionnement sont pris en compte pour le calcul de l’effet de ciseaux, donc de la dotation.

D’autres mesures en faveur des collectivités locales ont par ailleurs été retenues. Je pense à l’amendement de Mme Françoise Gatel sur les communes nouvelles. (M. Jean-Claude Requier sexclame.) Je pense aussi à l’amendement de M. Bernard Delcros sur la dotation biodiversité. Les mesures sont nombreuses qui pourraient ainsi être citées.

Comme vous le savez, notre soutien se poursuivra l’année prochaine pour aider les communes à faire face à la flambée des coûts de l’énergie. Le dispositif des tarifs réglementés d’électricité en 2023 pour les petites communes est complété par un amortisseur électricité qui s’appliquera dès le 1er janvier.

Concrètement, cela signifie que les collectivités territoriales qui ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire seront également soutenues par l’État, et ce quelle que soit leur taille : pour un tarif entre 180 euros et 500 euros le mégawattheure, nous prendrons en charge la moitié de leur facture d’électricité. Cette baisse de prix s’appliquera immédiatement sur la facture, l’État se chargeant de verser la différence entre le prix de marché et le prix fixé au fournisseur d’énergie, via les charges de contribution au service public de l’électricité (CSPE).

Le troisième étage de cette fusée est évidemment constitué par le filet de sécurité, dont le montant par rapport à 2022 sera plus que triplé. Je précise que, dans le cadre du filet de sécurité de 2022, près de 5 000 communes ont bénéficié d’un acompte. Je ne doute d’ailleurs pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que, dans chacun de vos départements, des communes aient pu en bénéficier, sachant que certaines ont fait le choix de ne pas le demander, préférant attendre la clôture de leurs comptes pour 2022 afin d’être certaines de pouvoir bénéficier d’un accompagnement.

Je retiens des débats que nous avons eus le sentiment d’avoir réussi à nouer un véritable dialogue, malgré de profondes divergences qui, encore une fois, sont parfaitement légitimes.

Oui – je réponds ainsi à Éric Bocquet qui est intervenu sur le sujet –, nous avons fait le choix de prendre nos responsabilités, via l’utilisation du 49.3. Nous ne pouvons en effet imaginer la sixième puissance mondiale affronter l’année 2023 les poches vides et sans budget. Nous avons une responsabilité, celle de doter notre pays d’un budget.

Vous avez rappelé les dialogues de Bercy, monsieur le sénateur. Dès la fin de l’été dernier, l’ensemble des oppositions représentées à l’Assemblée nationale ont indiqué qu’elles voteraient contre le budget, quelles que soient les mesures qu’il contiendrait, nous contraignant ainsi à utiliser le 49.3.

Pendant plus d’une dizaine d’heures, dans le cadre de ces réunions, nous leur avons demandé quelles mesures leur permettraient de reconsidérer leur position et d’envisager la possibilité de s’abstenir, voire – on peut toujours rêver – de voter favorablement. La réponse est restée immuable : aucune mesure ne les ferait changer d’avis. Le vote du budget étant un vote symbolique, voter en faveur du projet de loi de finances reviendrait à faire partie de la majorité. Par conséquent, elles voteraient contre, quel que soit son contenu.

Oui, nous avons donc assumé nos responsabilités en utilisant l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. L’absence de budget pour 2023, cela aurait été l’absence de revalorisation du salaire de nos enseignants. Cela aurait été l’absence de moyens supplémentaires accordés à nos armées dans un contexte géopolitique particulièrement tendu. Cela aurait été une hausse de la facture d’électricité et de gaz des Français de 120 %, alors que, grâce à ce budget, celle-ci est limitée à 15 %. Cela aurait été 3 000 postes de policiers et de gendarmes en moins pour la sécurité des Français. Cela aurait été…

M. Pascal Savoldelli. Le chaos ! Dites-le, la gauche, c’est le chaos !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … un pays laissé dans une situation d’insécurité, alors que de très forts aléas existent aujourd’hui en Europe et dans le monde.

Nous avons donc eu des débats, au cours desquels nous avons tâché de faire pour le mieux afin de protéger les Français, tout en tenant nos comptes publics.

Nous aurons l’occasion, lors de l’examen de prochains textes ou dans les prochaines années – je le souhaite –, de discuter de ces sujets, de continuer à travailler ensemble.

J’espère que, au Sénat, ce débat se déroulera toujours dans le même esprit de dialogue respectueux de nos institutions, respectueux de la courtoisie républicaine, respectueux – je le crois profondément – des attentes des Français, qui souhaitent que nous nous parlions et que nous travaillions ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Joël Guerriau applaudit également.)

M. le président. Monsieur le ministre, je vous rassure : au Sénat, la courtoisie républicaine est la règle.

La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances pour 2023, après l’usage, une nouvelle fois, de la procédure de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution à l’Assemblée nationale.

En effet, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 6 décembre dernier, n’a pu aboutir favorablement, en raison de la persistance de divergences trop importantes portant sur les 237 articles restant en discussion. Notons qu’en première lecture l’Assemblée nationale et le Sénat avaient déjà adopté, dans les mêmes termes, 88 articles.

À l’issue de la nouvelle lecture, le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale – qui est finalement le vôtre, monsieur le ministre – a parfois suivi le Sénat, même partiellement. J’en présenterai quelques exemples, avant de vous indiquer, toutefois, les nombreux désaccords qui demeurent entre nos deux chambres.

Parmi les principaux apports du Sénat conservés par l’Assemblée nationale figure évidemment, tout d’abord, la suppression de l’article 40 quater du projet de loi de finances, tel que considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Celui-ci consistait, en réalité, à réintroduire le dispositif de contractualisation et de sanction, souhaité par le Gouvernement, à destination des collectivités territoriales, alors même que celui-ci avait été rejeté par les deux assemblées lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Je me félicite, ensuite, qu’aient par exemple été conservées non seulement l’exonération de malus pour les véhicules des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), mais aussi les mesures de financement défendues par le président de la commission des finances, Claude Raynal, en faveur des nouvelles lignes à grande vitesse (LGV).

Plusieurs mesures de prorogation ou d’amélioration de dépenses fiscales assurent un soutien, notamment économique ou dans la lutte contre l’habitat indigne, aux collectivités d’outre-mer, qui font face à des contraintes et à des difficultés spécifiques. Il en est de même pour la Corse.

Je me réjouis aussi du maintien, non pas de tous, mais de plusieurs dispositifs visant à lutter contre la fraude fiscale, qui constituent la traduction législative de recommandations issues des travaux de la mission d’information relative à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, créée par la commission des finances.

Je salue également le fait que le texte reprenne la position du Sénat en conservant, sous réserve de divers aménagements, l’essentiel des modifications apportées à la nouvelle contribution sur la rente inframarginale, applicable aux producteurs d’électricité.

Pour autant, sur les mesures fiscales et budgétaires relatives à l’énergie, je rappelle que le Sénat a fait preuve d’un sens aigu des responsabilités en votant les dispositions proposées par le Gouvernement visant à lutter contre la hausse des prix de l’énergie et à faire contribuer à leur financement les producteurs d’énergie, conformément aux décisions prises à l’échelon européen.

En effet, je le rappelle, monsieur le ministre, nous avons accepté de voter des dispositifs qui n’ont cessé d’évoluer de façon majeure au cours de la navette parlementaire, sans que nous ayons pu disposer d’études d’impact suffisamment solides ni même de tous les éléments nous permettant de comprendre parfaitement l’ensemble des enjeux des modifications opérées.

Sachez-le, monsieur le ministre, nous serons particulièrement attentifs à la mise en œuvre de l’ensemble de ces dispositifs et au fait qu’ils répondent véritablement aux besoins. Je pense en particulier au bouclier tarifaire et à l’amortisseur électricité.

Pour autant, malgré le maintien de ces apports du Sénat, des désaccords importants subsistent entre les positions de notre assemblée et celles qui figurent dans le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale, sur lequel le Gouvernement engage sa responsabilité.

Nous avons, tout d’abord, eu l’occasion d’exprimer nos réserves quant aux prévisions de croissance retenues par le Gouvernement pour l’année 2023. L’hypothèse de 1 % de croissance est, à ce jour, bien éloignée du consensus des économistes et, surtout, ne tient pas compte des récents événements conjoncturels. Le Président de la République lui-même partage l’avis du Sénat et en a fait état publiquement. Il faudrait donc, monsieur le ministre, que votre position soit en harmonie avec les propos du Président.

Quand la dette publique atteint 111,5 % du PIB, la remontée des taux d’intérêt constitue un risque pour la soutenabilité de notre dette. S’il est vrai que l’inflation est mieux maîtrisée en France que dans d’autres économies développées, c’est au prix d’une forte mobilisation de nos finances publiques.

Si le soutien aux ménages et aux entreprises est maintenu, un effort pour maîtriser la dépense ordinaire des administrations publiques doit parallèlement être engagé.

Concernant le budget de l’État, le Gouvernement fait en réalité le choix d’identifier les dépenses qui doivent continuer à augmenter, sans s’occuper des économies qui devraient les compenser. Ce n’est pas faire preuve de responsabilité.

Le déficit de l’État, supérieur à 150 milliards d’euros pour la quatrième année consécutive, reste sur les sommets atteints pendant la crise sanitaire. Ce budget est celui de tous les records en termes de niveau, aussi bien de déficit présenté en loi de finances initiale que d’emprunts nouveaux.

Un grand nombre des amendements adoptés par le Sénat n’ont pas été conservés.

Le rétablissement de l’article 5 par le texte issu de la nouvelle lecture, qui supprime la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), est opéré sans que soient proposées de meilleures garanties quant aux modalités de compensation prévues pour les collectivités territoriales. Pourtant, la volonté d’assurer une véritable autonomie financière de ces collectivités ainsi que leur capacité à assumer les charges qui leur sont imposées expliquait le choix d’une majorité du Sénat de supprimer cet article – c’est ce qu’il fallait comprendre –, donc de contester la suppression de la CVAE. Toutefois, cela ne remet en rien en cause notre soutien aux entreprises, qui doivent rester concurrentielles.

Des mesures en faveur des PME n’ont pas été retenues. Il s’agit du rehaussement du plafond des bénéfices soumis au taux d’impôt sur les sociétés tenant compte de l’inflation ou encore de la prorogation, pour une année supplémentaire, du renforcement du crédit d’impôt pour les travaux de rénovation énergétique des bâtiments à usage tertiaire.

Je reviens aux finances locales.

Nous pourrions nous réjouir du fait que, sous la pression du Sénat et du dispositif que nous avions adopté, le Gouvernement ait été contraint d’ouvrir davantage les conditions d’éligibilité au filet de sécurité prévu pour les collectivités territoriales à l’article 14 ter. Pourtant – et je le regrette –, la conservation du critère de perte d’épargne brute, même réduit à 15 %, est une mauvaise nouvelle pour deux raisons : d’une part, il est fortement excluant et générateur d’importants effets de seuil ; d’autre part, il ne me paraît pas utile pour s’assurer que les collectivités doivent être aidées, dans la mesure où les modalités mêmes de calcul de la dotation mettent déjà en relation la différence entre la progression des dépenses et celle des recettes.

Notre proposition, qui visait à rendre éligibles un plus grand nombre de collectivités territoriales durement touchées par la crise, donc à étendre la protection qui leur serait apportée, était à mon sens à la fois juste, équitable et raisonnable. En effet, elle devait permettre aux collectivités, par des effets cumulés avec ceux du bouclier tarifaire et de l’amortisseur électricité, d’envisager plus sereinement l’arrivée des prochains mois et la construction de leurs budgets primitifs.

Il est d’ailleurs regrettable que d’autres mesures de soutien aux collectivités n’aient pas été conservées, à l’instar de l’intégration des opérations d’aménagement et d’agencement dans le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), devenues inéligibles à la suite de la réforme portant sur l’automatisation de ce dernier.

Je ne comprends pas non plus pourquoi la majorité gouvernementale ne nous a pas rejoints autour d’amendements pourtant votés à la quasi-unanimité. Ainsi en est-il du relèvement du plafond du prêt à taux zéro (PTZ), qui doit permettre de soutenir l’accession à la propriété des primo-accédants, sous conditions de ressources, dans un contexte de durcissement des conditions d’emprunt immobilier.

Le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale a également rétabli les crédits des quatre missions qui avaient été rejetés par le Sénat, sans apporter aucune réponse aux objections du Sénat.

Pour finir, j’aborderai un sujet apparemment plus technique. Aucun des amendements adoptés par notre assemblée afin de « sincériser » le budget n’a été conservé. Nous avons pourtant déjà la confirmation que le Gouvernement s’est bien ménagé une confortable réserve de crédits au sein de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI).

En effet, celle-ci est subitement réduite de 700 millions d’euros en nouvelle lecture, tandis que cette même somme figure désormais dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour couvrir le financement de la nouvelle aide aux carburants de 100 euros, annoncée récemment. Ces crédits, tels qu’ils étaient inscrits dans le texte initial, avaient donc une tout autre destination. Cela n’est évidemment pas satisfaisant pour le législateur.

Monsieur le ministre, vous le constatez, les sujets de désaccords entre le Sénat et la majorité gouvernementale sont nombreux. C’est pourquoi la commission des finances proposera d’opposer la question préalable sur le projet de loi de finances pour 2023.

Monsieur le ministre, je conclurai en évoquant l’état d’esprit qui anime le Gouvernement à l’endroit des collectivités territoriales. J’entends de nombreux reproches adressés aux collectivités locales, qui se nourriraient sur le dos de l’État. Cependant, la France des collectivités n’est pas l’ennemi de la République : elle la sert chaque jour !

Alors, faites-lui confiance et donnez à la France, ainsi qu’aux territoires, les meilleures chances d’agir pour l’avenir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)