compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

M. Loïc Hervé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 25 janvier 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage à Jacques Bloch

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, avant d’aborder notre ordre du jour, je souhaite saluer la mémoire d’un grand résistant, qui fut aussi un fonctionnaire exemplaire de notre institution : Jacques Bloch, directeur honoraire du service des commissions du Sénat, nous a quittés le 28 janvier dernier. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, se lèvent.)

Né dans une famille qui avait quitté l’Alsace-Lorraine pour rester française, il était entré dans la Résistance à l’âge de 20 ans, jouant un rôle de premier plan dans la libération, notamment, de Guéret. Grièvement blessé, il fut capturé, livré à la Gestapo et torturé, avant d’être déporté à Buchenwald.

Parvenant à s’échapper, il put rejoindre les forces armées américaines et revenir en France.

Intégré au Conseil de la République dès 1946, il servit l’administration sénatoriale pendant plus de quarante ans, jusqu’en 1990, recueillant les éloges unanimes de nos prédécesseurs et de ses collègues pour son dévouement et la qualité de son travail.

Pour ses actes d’héroïsme, Jacques Bloch fut nommé commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur par décret du général de Gaulle.

Je le revois, à la cérémonie aux plaques du 11 novembre, à laquelle il prit part jusqu’en 2020. Petite silhouette avec un bras en partie amputé à la suite des séances de torture qu’il avait subies, il se faisait un point d’honneur de participer fidèlement à cette commémoration.

Au nom du Sénat tout entier, je rends hommage à la mémoire d’un homme qui incarnera à tout jamais le courage et l’abnégation au service de la France et des valeurs que nous portons ensemble, dans notre diversité. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, observent un moment de recueillement.)

3

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, au regard du nombre d’amendements déposés sur les textes inscrits à l’ordre du jour de cet après-midi, et en accord avec le Gouvernement et les commissions concernées, nous pourrions, d’une part, reporter à demain soir, mercredi 1er février, l’examen de la proposition de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses, initialement prévu en dernier point de notre ordre du jour de la journée, et, d’autre part, ouvrir la nuit de notre séance d’aujourd’hui et prévoir une suite éventuelle de l’examen de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite le jeudi 2 février après-midi, à l’issue de l’espace réservé au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, et éventuellement le soir.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

4

Intitulé du projet de loi (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (projet n° 220, texte de la commission n° 249, rapport n° 248, avis nos 246 et 247).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, vous pouvez demander de l’aide aux huissiers.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote. Le temps de parole imparti est de sept minutes pour chaque groupe et de trois minutes pour un sénateur n’appartenant à aucun groupe.

Vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 26 juillet 2024, la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques et Paralympiques marquera le début d’une grande fête populaire célébrée dans tous les territoires, ruraux comme urbains. Tous les Français seront au rendez-vous et ils ne seront pas les seuls. Plus de 4 000 athlètes paralympiques et 10 500 athlètes olympiques s’affronteront devant 4 milliards de téléspectateurs.

Au-delà de son ampleur et de l’attente qu’il suscite, cet événement est inédit à plus d’un titre.

Inédit, il l’est d’abord par l’immense défi que représente une cérémonie d’ouverture en plein air.

Il l’est ensuite par son exemplarité écologique, puisque nous accueillerons les premiers jeux alignés avec les objectifs de l’accord de Paris.

Il l’est enfin par son exemplarité en matière de parité et d’inclusion. Déjà, en 1924, les jeux Olympiques de Paris marquaient l’Histoire en ouvrant pour la première fois leurs portes aux athlètes féminines. Cent ans plus tard, la France se démarque encore en organisant les premiers Jeux strictement paritaires.

Je souhaite également adresser un clin d’œil aux Phryges, nos deux mascottes. Pour la première fois, les mascottes olympiques et paralympiques sont identiques, avec une prothèse visible pour la seconde. Cela n’a rien d’anodin.

Nous aurons beaucoup de joie et d’émotion à accueillir pour la première fois en France ces jeux Paralympiques, et à admirer les athlètes concourir au Grand Palais pour l’escrime-fauteuil, au château de Versailles pour les épreuves de para-équitation, ou encore au Champ-de-Mars pour le rugby-fauteuil.

En amont des Jeux, ce texte propose de nouvelles dispositions en matière de lutte contre le dopage, de sécurité, d’adaptation à l’outre-mer, ainsi que des mesures sanitaires. Par ces ajustements techniques, nous rendons notre droit conforme aux exigences du Comité international olympique (CIO). Les ajouts du Sénat vont dans le bon sens et permettent d’apporter quelques précisions nécessaires. Nous pouvons nous en féliciter.

Dans le cadre de la lutte contre le dopage, le Sénat a favorisé la collaboration entre l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et la cellule de renseignement financier nationale (Tracfin).

Nous avons aussi pérennisé la possibilité de procéder à des tests génétiques. C’est une bonne chose, car nous devons adapter nos méthodes de détection aux pratiques dopantes, qui rivalisent d’innovation. Ainsi, nous identifierons plus facilement ceux qui oseraient briser le serment olympique.

Le Sénat a voté plusieurs mesures de simplification.

Parmi elles, citons la facilitation de l’accès aux autorisations de stationnement spécifiques pour les taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite. Il est essentiel d’être particulièrement exigeant sur cette question de l’accessibilité des équipements et des épreuves.

Le Sénat a également simplifié la procédure permettant de déroger au repos dominical. Cette adaptation temporaire du droit du travail permettra aux commerces concernés de bénéficier pleinement de l’afflux de visiteurs.

Durant les prochains mois, la France va accueillir plusieurs événements de grande ampleur. Les jeux Olympiques et Paralympiques seront parmi les plus regardés. Pour l’image de notre pays, mais aussi et surtout pour nos concitoyens et les visiteurs, nous devons nous assurer qu’ils se déroulent en toute sécurité.

Nos forces de l’ordre sont pleinement mobilisées dans la préparation des Jeux. Elles auront besoin de renforts. La sécurité privée constituera à cet égard un atout précieux.

Au-delà de la mise en place d’effectifs suffisants, il nous semble nécessaire que ceux qui nous protègent puissent utiliser les meilleurs outils. Le traitement algorithmique de la vidéoprotection a suscité beaucoup de débats. Nous pensons qu’il constitue une avancée majeure pour la détection des troubles à l’ordre public, que ce soient des mouvements de foules ou des menaces terroristes.

Comme toute technologie, il est néanmoins nécessaire d’encadrer strictement son utilisation pour protéger au mieux les libertés individuelles de nos concitoyens. Nous nous félicitons ainsi que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) soit étroitement associée à son développement.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Dany Wattebled. Par ailleurs, le texte renforce également les sanctions concernant les intrusions dans les stades.

Nous saluons ces mesures : il faut cesser d’instrumentaliser le sport à des fins politiques. C’est un espace de rassemblement où il faut mettre en avant ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous divise.

La modification au Sénat de l’intitulé du texte, désormais plus ouvert, permet de rendre compte de la diversité des dispositions prévues pour permettre aux Jeux de se dérouler dans de très bonnes conditions.

Enfin, si les Jeux en eux-mêmes représentent un événement majeur que nous sommes fiers d’accueillir, il est essentiel de préparer la suite. La politique d’héritage et sa durabilité dans le temps sont essentielles. Quelle meilleure occasion que ces Jeux pour faire de la France une nation sportive ?

Madame la ministre, l’activité physique et sportive a été érigée grande cause nationale en 2024. J’en suis heureux pour nos jeunes, pour qui l’augmentation du temps dédié au sport dans les écoles primaires et les collèges, mais aussi la reconduction du Pass’Sport, sont d’excellentes nouvelles.

J’en suis également heureux pour les moins jeunes, si j’ose dire, car nous connaissons les vertus de la pratique sportive pour la santé. En 1924, la France avait remporté trente-huit médailles, dont treize en or. En 2024, nous sommes certains que nos athlètes olympiques et paralympiques représenteront fièrement nos couleurs. C’est avec confiance que nous pouvons leur adresser nos encouragements pour les derniers mois de préparation.

Les jeux Olympiques ne sont pas seulement des compétitions sportives. Ce sont aussi des temps de fraternité, d’échanges et de découverte, ainsi que d’émerveillement. Nous devons relever ce grand défi ensemble. Aussi, le groupe Les Indépendants votera ce texte et appelle à la mobilisation de tous pour célébrer ensemble le sport, ses valeurs et ses adeptes dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les semaines, les mois passent, sans que jamais retombe l’envolée sécuritaire de ce gouvernement.

L’examen en séance du texte a mis au jour les réelles motivations derrière ce véhicule législatif, dont le but n’est pas tant l’adaptation de certaines de nos règles pour un déroulement serein des épreuves des jeux Olympiques que, essentiellement, la mise en œuvre de nouveaux outils sécuritaires confirmant la dérive de ce gouvernement vers une société de surveillance.

Notre groupe, par la voix, notamment, de mon collègue Thomas Dossus, s’est interrogé avec cohérence et sincérité : quel est le cœur de ce projet de loi ?

S’agit-il d’une mise en concordance du droit de la santé pour la lutte contre le dopage ? S’agit-il d’une réécriture du code de l’urbanisme pour le développement futur du sport dans nos territoires, et ce dès les Jeux ?

Non, il n’en est rien.

Nous aurions pu être à vos côtés, madame la ministre, pour soutenir les fédérations et le sport, amateur comme professionnel, qui voient dans les JO l’occasion d’accélérer la pratique sportive dans toute sa diversité.

Nous aurions aussi aimé débattre sérieusement de l’impact de cet événement sur notre tissu de festivals et de manifestations culturelles, des surcoûts et des difficultés pour les organisateurs ou les collectivités, de l’utilisation culturelle, sportive, environnementale de l’exposition offerte à notre Nation par cette vitrine ouverte sur le monde.

En fait de vitrine, nous aurons plutôt une France sous cloche, comme le craint ma collègue Monique de Marco. Les autres activités continueront pendant ces Jeux et la sécurisation des autres manifestations souffrira de risques liés à la précipitation et aux formations insuffisantes, ainsi que d’un surcoût pour les organisateurs.

Qu’il est étrange ce texte centré sur les jeux Olympiques et Paralympiques, mais qui compte plus de 80 % de mesures pérennes ! En effet, l’un des aspects les plus remarquables des articles votés, c’est la mise en œuvre sur un temps long de mesures censées n’être nécessaires que pour le bon déroulement des Jeux.

Ce texte va en effet bien plus loin que l’organisation des Jeux. Qu’en est-il donc de ce cheval de Troie sécuritaire ?

Notre groupe regrette une nouvelle fois une vision débridée et si éloignée des valeurs de l’olympisme.

Le caractère disproportionné des mesures pour la sécurité cache de réelles atteintes aux droits des personnes, qui s’inscrivent bien au-delà de la période olympique.

J’ai évoqué cette vision sécuritaire. Le recours massif et presque indifférencié à la vidéosurveillance augmentée soulève de nombreuses questions : durée et finalité de cette expérimentation ; avenir des apprentissages de ces machines ; contrôle des mécanismes algorithmiques dangereux ; potentielle mise à disposition pour d’autres opérateurs non nationaux, plus ou moins respectueux des droits de leurs citoyens.

La Cnil, dans une analyse plus que prudente de ces technologies, précise que celles-ci sont susceptibles d’affecter les garanties fondamentales apportées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.

C’est bien une vision sécuritaire technologique qui se dévoile. Nous la jugeons d’autant plus néfaste et inefficace qu’elle ne tient pas compte des contraintes du terrain. Ainsi, le recrutement et la formation des agents de sécurité n’ont pas été anticipés. Nous allons manquer de personnels, publics et privés. Le recours à l’armée, madame la ministre, ne va pas tarder à être annoncé.

La Cour des comptes estime qu’il faudrait employer de 22 000 à 33 000 agents de sécurité privée par jour pour véritablement sécuriser l’ensemble des épreuves. Ces chiffres dépassent largement les capacités disponibles dans les entreprises de la région et du pays.

Les craintes de voir sur le terrain des gens peu formés faire face à des événements d’une telle ampleur laissent inévitablement ressurgir le spectre du fiasco du Stade de France. En même temps, il est difficile de retenir des leçons d’un événement que le Gouvernement a toujours considéré comme bien préparé et bien géré. Ce déni coupable ne doit pas occulter le besoin de questionner et de faire progresser les techniques du maintien de l’ordre et de la gestion des flux de population dans notre pays.

Au-delà des craintes que nous inspire la mise en place de mesures de sécurité disproportionnées, ce texte laisse planer le doute quant à une explosion des coûts comparable à celle de Londres.

Le Gouvernement ne souhaite pas s’attarder sur le triste héritage financier et budgétaire que pourraient laisser les jeux Olympiques et Paralympiques. Le dernier rapport de la Cour des comptes lance pourtant clairement l’alerte sur un budget qui n’est toujours pas précisément établi et connu. On nous dit que c’est pour bientôt…

Par ailleurs, rien ne rassure vraiment les collectivités hôtes d’événements sur les garanties financières que devrait leur apporter l’État.

Il est également regrettable que les collectivités qui se sont engagées pleinement dans le projet olympique soient mises de côté sur des sujets pratiques. Nous avions ainsi proposé qu’elles se voient confier l’exercice temporaire de pouvoirs de police de la circulation et du stationnement, ce qui permettrait de limiter l’impact environnemental des Jeux.

Ce dernier point avait d’ailleurs été annoncé comme étant le cheval de bataille de ce gouvernement, mais nous ne comptons plus les engagements pris en la matière depuis six ans par Emmanuel Macron et ses gouvernements qui n’ont pas été suivis d’effets. Ces enjeux sont pourtant vitaux.

Il y aura aussi un impact sur la qualité de vie des riverains des Jeux, qui ne sont même pas sûrs de pouvoir participer à cette fête, et qui devront subir l’invasion de la publicité dans un cadre anormalement dérogatoire aux règles de droit commun en vigueur.

Les entreprises partenaires sont ainsi autorisées à afficher leur communication sur les monuments historiques, les espaces naturels et à peu près tous les éléments qui leur conviennent dans un périmètre de 500 mètres autour de chaque site olympique. Certains de ces partenaires pourront faire feu de tout bois, alors qu’ils sont notoirement connus pour leurs activités néfastes à l’environnement et concourant au dérèglement climatique.

Dans ces conditions, aurons-nous vraiment des Jeux pour l’environnement ?

Ces affichages, qui participent d’une incitation à un consumérisme débridé, ont des conséquences environnementales que nous n’acceptons pas en temps normal. Alors que nous avons enfin réussi à limiter la pollution visuelle des panneaux lumineux, ces dérogations, prises au moment même où l’État incite à la sobriété énergétique, n’ont pas de sens. À croire que nous pouvons mettre tout cela entre parenthèses le temps des Jeux. Quelle hérésie !

Nous avons tenté, au travers de plusieurs amendements, de recentrer la loi sur ce qu’elle devrait être, l’encadrement des JO, et non pas sur ce qu’elle est devenue, une dérive sécuritaire pérenne au détriment des droits des citoyens.

Certaines positions ont été prises en compte par la commission et par le Gouvernement. Très peu ! Trop peu ! La plupart ne l’ont pas été et l’équilibre du texte n’a pas été modifié. Nous maintenons notre analyse d’un texte trop dangereux pour les libertés individuelles, dont les objectifs réels auraient nécessité une concertation et une confrontation sereine de visions différentes sur la sécurité globale de notre société, bref, sur notre modèle de société.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le compte à rebours est lancé !

Dans 542 jours, 4 heures et 9 minutes, une fête unique débutera dans notre pays : les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Une aventure sportive incomparable qui fera la fierté des Françaises et des Français, et plus encore si elle est conforme à notre ambition d’en faire une fête sportive populaire dont l’héritage deviendrait le symbole d’un nouveau modèle de Jeux sobres, durables et inclusifs.

Les Jeux n’étant pas un événement sportif comme les autres, de nombreuses questions se posent quant à leur organisation. C’est la raison pour laquelle nous devons prendre toutes les précautions pour assurer leur bon déroulement. Tel est, je crois, l’esprit de ce projet de loi.

Ce texte répond à de multiples enjeux et ne mérite donc pas l’appellation de « texte sécuritaire ». Une fois encore, les arguments avancés par le groupe écologiste sont tout à fait contestables.

Exprimer des inquiétudes ou des désaccords quant à la vidéoprotection et à ses usages, c’est une chose, mais qualifier ce texte de « copie techno-sécuritaire » en est une autre !

On ne peut pas résumer ce projet de loi à ses seules dispositions sur la sécurité. D’une certaine manière, c’est même injuste. Oui, ce projet de loi vient renforcer nos dispositifs de sécurité avec l’expérimentation d’un système de vidéoprotection ayant recours à l’intelligence artificielle. Non, la ligne rouge de la reconnaissance faciale n’a pas été franchie.

Exigence du recours au contrôle humain ; système de gestion des risques ; accompagnement et contrôle de la Cnil dans le développement et l’application des traitements : autant de garanties supplémentaires adoptées par notre assemblée qui permettront d’éviter les dérives liberticides, que vous craignez tout autant que nous.

Oui, le projet de loi permettra de mettre en place des scanners corporels à l’entrée des enceintes qui accueilleront plus de 300 spectateurs, à l’instar de ce qui se fait déjà dans les aéroports. Parce que c’est une mesure intrusive, là encore, nous avons apporté des garanties supplémentaires, par exemple avec l’amendement porté par mon collègue Dominique Théophile, qui vise à recueillir obligatoirement le consentement exprès des personnes contrôlées par ces scanners. L’adoption de cet amendement apporte une garantie non négligeable, mais elle n’est pas la seule : je pense à l’impossibilité matérielle de reconnaître un visage ou encore à l’interdiction du stockage et de l’enregistrement des images.

Oui, le projet de loi tend à renforcer notre arsenal juridique pour assurer la sécurité de tous et la tranquillité des épreuves olympiques et paralympiques. Nous devons tirer les enseignements des incidents passés afin d’éviter qu’ils ne se reproduisent. À cet égard, l’obligation de présenter un titre d’accès pour entrer dans une enceinte sportive et l’obligation pour les organisateurs des manifestations les plus importantes de recourir à des billets nominatifs, dématérialisés et infalsifiables sont, à mes yeux, des mesures justifiées et proportionnées.

Par conséquent, non, nous ne sommes pas dans la surenchère sécuritaire ! Il s’agit d’apporter des précisions juridiques utiles aux juges qui appliqueront et respecteront les principes d’individualisation et de proportionnalité des peines.

Oui, ce projet de loi vise à mettre en œuvre les moyens nécessaires afin d’assurer la sécurité des Jeux, des participants et du public. Rappelons également que ce texte traduit certaines des recommandations figurant dans le rapport d’information du Sénat sur les incidents survenus au Stade de France en mai dernier.

Ce texte répond à des enjeux liés à la santé, au sport et à l’organisation de ces Jeux.

Sur le plan sanitaire, d’abord, il est proposé une adaptation de l’offre de soins et de premiers secours.

Je pense à la création de la polyclinique olympique et paralympique, centre de santé unique au cœur du village olympique. Je pense également aux professionnels de santé étrangers qui pourront bénéficier d’une autorisation d’exercice dans le cadre des Jeux ou encore à la possibilité, pour d’autres acteurs que les associations agréées de la sécurité civile, de délivrer des formations aux premiers secours.

Ce texte a en outre pour objet de protéger les valeurs de l’olympisme à travers la lutte contre le dopage en autorisant le recours aux tests génétiques. Ces tests seront réalisés par le laboratoire antidopage français de l’université de Paris-Saclay et ils seront utilisés par l’International Testing Agency (ITA), à qui le CIO a confié la mission de contrôle antidopage.

Mes chers collègues, le projet de loi apporte aussi des réponses aux enjeux liés à l’organisation des Jeux.

Il en est ainsi de la dérogation au repos dominical, qui sera, je le rappelle, subordonné au respect du volontariat des salariés, ainsi qu’à l’octroi des contreparties légales prévues dans le code du travail.

Les communes situées à proximité des sites de compétition ont été intégrées, à juste titre, pour éviter tout risque de rupture d’égalité entre les entreprises. C’est le cas des communes, qui, sans être limitrophes, pourraient bénéficier d’une affluence de touristes.

Citons également la mutualisation des moyens de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) avec ceux du Grand Paris Aménagement, ou l’attribution de nouvelles autorisations de stationnement pour les taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuils roulants.

Alors oui, mes chers collègues, il est bel et bien question de sécurité dans ce projet de loi, mais n’oublions pas de préciser qu’il est aussi question de sport, de santé et d’organisation. En témoignent les modifications bienvenues qui ont été adoptées par notre assemblée, en commission comme en séance.

Parmi les apports du Sénat, soulignons la clarification du statut dérogatoire de la polyclinique olympique et paralympique, ainsi que la possibilité, pour les volontaires olympiques et paralympiques, de participer aux missions du centre de santé.

Je pense également à l’autorisation des échanges d’informations entre l’Agence française de lutte contre le dopage et Tracfin, la cellule de renseignement financier française.

Je pense aussi au droit pour les personnels affectés à des missions de maintien ou de renforcement de la sécurité pendant les Jeux de retrouver leur affectation antérieure une fois l’événement achevé.

Notre assemblée a par ailleurs voté des mesures significatives en matière de lutte contre le dopage, comme la pérennisation des tests génétiques aux fins de lutte contre celui-ci, ce qui permet de mettre en conformité notre code du sport avec le code mondial antidopage. Cette lutte sera renforcée en Polynésie française grâce à l’extension de certaines mesures d’enquête.

Saluons enfin la demande de rapport à la Cour des comptes sur l’organisation, le coût et l’héritage des Jeux, qui permettra de mettre en lumière le travail colossal qui est mené en la matière et de suivre son évolution.

En définitive, mes chers collègues, nos débats ont permis de préserver l’équilibre de ce texte, tout en l’enrichissant sur de nombreux aspects.

Loin de toute polémique,…

M. Michel Savin. Et Versailles ?

M. Didier Rambaud. … le groupe RDPI votera donc pour ce projet de loi, qui nous rassemblera sans doute sur un point : l’impatience d’assister à ces jeux Olympiques et Paralympiques, qui s’annoncent d’ores et déjà historiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. En novembre 2017, le Parlement était saisi d’un projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Le Sénat s’était prononcé, à l’unanimité, en faveur de l’adoption de ce premier texte. Cette unanimité témoignait de la volonté, quelles que soient les travées, de réussir Paris 2024.

Cinq années plus tard, et un an et demi avant les Jeux de Paris, voici le Parlement de nouveau saisi d’un projet de loi. Si ce dernier était à l’origine affublé du même titre, le Sénat a accepté notre demande, en ajoutant à l’intitulé la précision suivante : « portant diverses autres dispositions » – le changement n’est pas anodin.

Nous souhaitons toujours, comme l’ensemble des sénateurs et sénatrices, la réussite des Jeux. Cette réussite passera-t-elle par l’adoption de ce nouveau texte ?

Bon nombre de mesures très utiles sont présentes dans ses vingt-quatre articles. Ainsi, les adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours sont compréhensibles. On perçoit bien la nécessité d’avoir un centre de santé au sein du village olympique, tout comme celle de former davantage de personnes aux premiers secours.

Le chapitre II consacré à la lutte contre le dopage est d’importance. L’autorisation donnée à l’examen des caractéristiques génétiques ou à la comparaison des empreintes génétiques pour les analyses antidopage a provoqué de vifs débats dans l’hémicycle. Nous nous félicitions de l’adoption de l’amendement de notre collègue Jean-Jacques Lozach, qui a pour objet un échange d’information entre l’Agence française de lutte contre le dopage et Tracfin.

Le chapitre V, tel que modifié par le Sénat, permet d’éviter le recours aux ordonnances pour l’application du texte en outre-mer. Cela devient une habitude légistique sénatoriale, et c’est un progrès indéniable.

La sécurité de ces jeux Olympiques est l’un des enjeux principaux mis en avant par le Gouvernement. Alors que notre pays reste confronté à des menaces d’envergure, nous comprenons que l’exécutif y consacre d’importantes ressources, nous comprenons la recherche d’efficacité derrière le fait d’accorder plus de pouvoirs au préfet, nous comprenons la mise en conformité du régime de la vidéoprotection avec le droit européen de la protection des données.

Nous sommes donc prêts à comprendre beaucoup de choses, mais cela ne veut pas dire que nous soyons prêts à tout accepter !

Dans ce texte, les jeux Olympiques et Paralympiques sont ce qui nous intéresse. Or plusieurs mesures présentées comme des expérimentations temporaires sont amenées à être pérennisées au-delà de l’échéance des Jeux.

Cela résulte de la volonté du Gouvernement, mais aussi de plusieurs évolutions défendues par la majorité sénatoriale.

Par exemple, le Sénat a retiré tout caractère expérimental à la possibilité pour le laboratoire antidopage français de procéder à des tests génétiques sur les échantillons prélevés sur les sportifs. Pourtant, la mise en œuvre d’une telle mesure qui déroge aux dispositions du code civil issues des lois relatives à la bioéthique aurait mérité un débat approfondi et une expertise pluraliste – ce n’est pas l’unique rapport d’évaluation envisagé par la majorité sénatoriale qui suffira à combler ce manque.

Au sujet de la vidéosurveillance automatisée, la position de la majorité sénatoriale aboutit à préjuger de la pérennisation de cette technique de contrôle, laquelle constitue pourtant un véritable tournant en matière de sécurité publique. En allongeant la durée de l’expérimentation bien au-delà de la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, en anticipant d’ores et déjà sa reconduction, voire son application définitive, ce texte définit un nouveau standard de sécurité pour notre pays.

Même rendu plus précis par nos travaux, même en comprenant un droit d’information du public renforcé, ce texte n’est pas, selon nous, le bon véhicule législatif pour porter des choix aussi lourds.

Par ailleurs, l’organisation des jeux Olympiques de 2024 constitue un prétexte pour apporter une solution sécuritaire à certains problèmes de maintien de l’ordre au sein des stades et pour renforcer démesurément les peines applicables, alors même qu’un groupe de concertation entre représentants des supporters et des ministères concernés est à l’œuvre.

Des associations de supporters, que l’on peut considérer comme des amies du monde sportif, ont ainsi exprimé leurs plus vives inquiétudes quant au contenu de ce texte. Les articles 12 et 12 bis, sur l’initiative de la droite sénatoriale, sont d’autant plus malvenus que l’exécutif souhaitait ces dernières années restaurer le dialogue avec les supporters.

En outre, faut-il vraiment prévoir des peines de prison, si des militants envahissent le Stade de France pour porter un message politique ? (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)