M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je trouve votre amendement pertinent et utile, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, vous proposez de supprimer la disposition de l’article 3 qui qualifie d’acte non usuel la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant ; or le Gouvernement considère que la qualification d’actes usuels ou non usuels doit rester à l’appréciation du juge. Au cours de la discussion générale, j’ai dit à quel point il était difficile de dresser la liste de ce qui serait un acte usuel ou un acte non usuel.

En second lieu, vous souhaitez permettre aux parents, en cas de désaccord sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant, de saisir le juge aux affaires familiales, y compris en référé, pour solliciter l’interdiction de diffuser tout contenu relatif à l’enfant. J’y suis favorable, parce que, dans un contexte d’exposition accrue de l’image des enfants, ce que nous déplorons tous, il me semble tout à fait important de rappeler que le juge aux affaires familiales peut interdire la diffusion d’images d’enfants.

Dans ces conditions, tout le monde l’a compris, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. J’ai entendu les explications de Mme la rapporteure : il est vrai que le sujet mérite d’être encore travaillé. Pour ma part, je défends une position inverse de celle de la commission, à savoir adopter cet amendement et tenter d’aboutir à une meilleure réécriture dans le cadre de la navette parlementaire. En nous appuyant sur la rédaction issue des travaux du Sénat, nous aurons matière à « négocier ».

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à corriger une lacune de la proposition de loi. En effet, quand bien même l’enfant s’opposerait à la publication d’une image, les parents pourront la diffuser sans que celui-ci puisse les en empêcher.

Cette lacune a deux inconvénients majeurs.

D’une part, la publication reste visible jusqu’à l’aboutissement éventuel d’une procédure de demande de retrait et elle peut être partagée. Cela a été dit, de nombreuses photos se retrouvent ainsi sur des sites pédocriminels et on ne peut pas faire comme si ce n’était pas un danger majeur.

D’autre part, cela exclut des enfants plus jeunes qui pourraient dire non à leurs parents, mais qui seraient, de fait, incapables de remplir un formulaire pour demander a posteriori le retrait d’une photo déjà publiée.

Afin de donner plus de droits aux enfants, nous proposons de rétablir une disposition qui a été supprimée en commission. Plus concrètement, il s’agit de demander aux parents d’associer l’enfant à l’exercice de son droit à l’image.

J’ai bien conscience que l’on ne peut pas facilement associer un enfant de 2 ans à l’exercice de son droit à l’image. Pour autant, c’est possible pour une adolescente de 14 ans. C’est la raison pour laquelle il est précisé dans l’amendement « selon son âge et son degré de maturité » ; une telle formulation permet de distinguer entre un bébé de 6 mois et une adolescente de 17 ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Cet amendement est satisfait, puisqu’il réintroduit une disposition qui figure déjà à l’article 371-1 du code civil. S’il y a un article que nous connaissons ici – il a été rappelé au cours de la discussion générale et beaucoup d’entre nous ont été maires ou adjoints et ont célébré des mariages –, c’est bien celui-là. Cet article pose les grands principes de l’exercice de l’autorité parentale.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement, dont elle partage par ailleurs la philosophie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mme la rapporteure a tout dit et très bien : l’article 371-1 satisfait déjà les précautions que vous que vous souhaitez prendre, madame la sénatrice Vogel.

M. le président. Madame Vogel, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?

Mme Mélanie Vogel. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les supports de communication relatifs aux usages du numérique ainsi que sur l’offre et le développement des stages et interventions pédagogiques de sensibilisation aux risques du numérique.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Il s’agit d’un amendement d’appel, puisqu’il s’agit de demander un rapport au Gouvernement.

Ce texte contient de nombreuses mesures visant à responsabiliser les parents et à modifier le périmètre de l’autorité parentale. Nous y sommes favorables et nous soutenons cette démarche.

Pour autant, on ne peut pas ignorer que, si la plupart des parents commettent l’erreur de publier à la légère des images ou des vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux, c’est aussi par manque d’information et d’éducation, c’est-à-dire de démocratie numérique.

C’est tout le sens de cet amendement : demander un rapport afin d’obtenir une évaluation des outils d’éducation mis à disposition par les ministères. Par ce biais, il s’agit de prendre conscience que seule l’information nous permettra de mieux gérer l’outil numérique et d’éviter les abus. Certes, le contrôle et la répression sont utiles, mais ils ne modifieront pas du jour au lendemain le comportement des parents qui publient une image de l’enfant sans réfléchir aux conséquences.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Chère collègue, nous partageons tous ici vos objectifs et la nécessité d’une politique publique d’ampleur pour éduquer les parents, les adultes de façon plus générale, aux usages du numérique.

Cependant, je m’oppose totalement à la façon de procéder. Les associations font du bon travail, la question n’est pas là ; pour autant, je ne pense pas qu’il faille leur déléguer ce genre de missions et se reposer uniquement sur elles.

Nous sommes nombreux à l’avoir dit ici, quel que soit le mérite de ces structures, c’est à l’État de prendre en charge cette question sur la base d’un programme qui soit identique sur tout le territoire. Si l’on parle bien de démocratie numérique, il nous faut avoir une visibilité sur ce qui se passe aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle j’ai préconisé trois mesures, qui relèvent malheureusement du domaine réglementaire et non législatif.

Premièrement, le carnet de santé est l’un des rares outils dont nous disposons encore pour faire le lien entre tous les acteurs qui sont en contact avec l’enfant et les parents. Il s’agit d’un outil concret, en papier, qui sert véritablement de guide notamment aux parents les plus démunis dans tous les sens du terme. Je voudrais sincèrement qu’on le réactualise de manière précise.

Deuxièmement, un programme de santé publique dans le domaine est souhaitable, je l’ai dit tout à l’heure.

Troisièmement, il est à mon sens important d’ouvrir un livre consacré au numérique dans le code de la santé publique. Si une telle mesure est frappée d’irrecevabilité au titre de l’article 41 de la Constitution, il s’agit d’une urgence, car cela permettra à tous les acteurs de travailler sur ce sujet. Il doit surtout s’agir d’une politique nationale globale qui permettra d’atteindre les objectifs en matière de pédagogie et d’alerte que nous visons tous.

J’en profite pour faire remarquer que le texte que nous examinons aujourd’hui ne contient aucune mesure répressive.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est vrai.

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Quand des mesures répressives sont prises, c’est que les images sont inappropriées, ce qui est totalement en dehors du champ du texte que nous examinons aujourd’hui. Je regrette d’ailleurs que nous examinions cette question de façon « saucissonnée ».

Sur cet amendement, oui pour l’esprit, mais non pour les moyens.

J’en appelle une nouvelle fois au Gouvernement, monsieur le garde des sceaux, pour que nous ayons une politique véritablement globale sur cette question.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la rapporteure, j’entends votre souhait d’un plan plus global. Comment pourrais-je y être sourd ?

Qu’il me soit toutefois permis de vous faire remarquer que je ne peux pas entraver les initiatives parlementaires. Au contraire, je les appelle de mes vœux ! Quand un député ou un sénateur me présente un texte qui va dans le bon sens – certains ici s’en souviennent parfaitement –, il n’y a aucune raison que le Gouvernement n’y aille pas, si vous me permettez cette familiarité. Le texte sur lequel nous sommes en train de réfléchir a beaucoup de sens.

J’en viens à l’amendement. Madame la sénatrice Vogel, je suis par principe – mais tout principe peut connaître des exceptions – contre les rapports. Vous avez tous les moyens dans une belle démocratie de contrôler ce que fait le Gouvernement – et c’est très bien ainsi.

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Une belle démocratie, oui, mais pas tous les moyens…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous sommes d’accord, c’est une belle démocratie. Quant aux moyens, vous avez notamment les questions d’actualité au Gouvernement. Ceux qui veulent me poser des questions savent que ma porte est ouverte à la Chancellerie : d’ailleurs, madame la rapporteure, elle vous est grande ouverte, ainsi qu’à vous, madame la sénatrice Vogel.

Je confirme que ce texte ne contient aucune mesure répressive. Si un certain nombre d’images diffusées comportent la preuve d’infractions pénales, nous ne sommes plus dans le champ du texte.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 4
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Article 5 (nouveau)

Article 4

(Supprimé)

Article 4
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Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 3 (début)

Article 5 (nouveau)

Au IV de l’article 21 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « ou d’atteinte à ces mêmes droits et libertés dès lors qu’il s’agit d’un mineur ». – (Adopté.)

Article 5 (nouveau)
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Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 3 (fin)

Après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :

1° Après le quatrième alinéa du 7 du I de l’article 6, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment du droit à l’image de l’enfant mineur inhérent à son droit à la vie privée au sens de l’article 9 du code civil, les personnes mentionnées aux 1 et 2 du présent article ont l’obligation de lutter contre la diffusion publique d’images ou de vidéos d’enfants mineurs portant atteinte au droit à l’image de l’enfant et provenant d’un destinataire du service non titulaire de l’autorité parentale au sens de l’article 371-1 du même code.

« À ce titre, elles doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant aux titulaires de l’autorité parentale de porter à leur connaissance les cas de diffusion d’images ou de vidéos portant atteinte au droit à l’image de l’enfant. » ;

2° Aux a des 7°, 8° et 9° du I de l’article 6-4, après les mots : « présent I », sont insérés les mots : « et du cinquième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la présente loi ».

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement a un objet assez simple.

Sur les réseaux sociaux, il existe des mécanismes de signalement de contenus inappropriés, option qu’il m’arrive d’utiliser quand je reçois des messages d’insultes.

Même si de tels mécanismes de signalement existent, quoi que l’on pense de leur efficacité, ils ne permettent pas aux parents de signaler qu’une photo de leur enfant circule sans leur accord.

Évidemment, je ne mets pas sur le même plan les signalements pour incitation à la haine, harcèlement, etc. et l’initiative d’une tante qui a publié sur Instagram une photo de son neveu sans l’accord des parents. Pour autant, les conséquences peuvent être très graves.

Face à cela, la solution est très simple : il s’agit de permettre que ce clic puisse aussi servir à cela. Tel est l’objet de cet amendement. La solution technique existe, elle permettrait de résoudre rapidement nombre de situations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Nous partageons tous, me semble-t-il, votre désir d’améliorer la protection des enfants sur internet. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons proposé au Sénat d’adopter l’article 5, qui permet à la Cnil d’engager plus facilement des référés à l’encontre des éditeurs dès lors qu’il s’agit de données personnelles de mineurs.

Cela étant, la commission n’est pas favorable à la mise en place d’un mécanisme de signalement ad hoc par les plateformes. En effet, et M. Bourgi l’a indiqué à juste titre au cours de la discussion générale, il peut être difficile de résister aux propositions de loi de nos collègues députés. Néanmoins, quand on fait partie de la majorité ou du Gouvernement, on a tous les moyens – vous et vos collègues l’avez prouvé à plusieurs reprises, monsieur le garde des sceaux – de déposer un texte traitant de la globalité d’un sujet et permettant à tout député ou sénateur ayant des idées d’amélioration législative de s’exprimer.

Chère collègue Mélanie Vogel, nous devrons reprendre cette discussion dans le cadre de la réflexion sur les obligations des grands acteurs d’internet. L’examen du projet de loi pour sécuriser l’espace numérique, que le Gouvernement annonce pour cet été en vue d’adapter le droit français au règlement européen sur les services numériques, en sera peut-être l’occasion. Nous aurions pu débattre du dispositif que vous suggérez si le périmètre du texte dont nous sommes saisis avait été plus large. Mais, en l’occurrence, une telle mesure est un peu en dehors du champ de la présente proposition de loi.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le règlement Digital Services Act étant d’application directe, il n’est pas utile d’en dupliquer une disposition.

Madame la sénatrice Vogel, je comprends parfaitement le sens de votre amendement. Mais se pose la question de l’opérationnalité et de l’effectivité de la norme législative. Et de ce point de vue, le compte n’y est pas.

Au demeurant, votre amendement vise spécifiquement les titulaires de l’autorité parentale. En pratique, comment les plateformes en ligne pourront-elles reconnaître que la notification est vraiment faite par un titulaire de l’autorité parentale ? Question sans réponse…

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. J’aurais pu retirer mon amendement si j’avais eu la certitude de pouvoir le redéposer lors de l’examen d’un autre texte législatif sur le sujet. Mais là, je vais le maintenir.

D’abord, si cet amendement n’est pas tombé sous le coup de l’article 45 de la Constitution, c’est bien qu’il entre dans le champ de la présente proposition de loi.

Surtout, je déduis de la réponse de M. le garde des sceaux que ma proposition ne sera pas reprise dans le futur projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures sept.)

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 3 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
 

7

Communication d’avis sur des projets de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 20 voix pour, 2 voix contre – à la nomination de M. Jean-François Delfraissy à la présidence du Comité consultatif national d’éthique.

Par ailleurs, en application des mêmes dispositions, la commission de l’aménagement du territoire a émis un avis défavorable – 8 voix pour, 28 voix contre – à la nomination de M. Marc Papinutti à la présidence de la Commission nationale du débat public.

8

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire
Discussion générale (suite)

Permis de conduire

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter le passage et l’obtention de l’examen du permis de conduire (proposition n° 453, texte de la commission n° 565, rapport n° 564).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire
Article 1er

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 31 décembre 1922, la dénomination « permis de conduire » voyait le jour. Un peu plus de cent ans plus tard, le permis de conduire est le premier examen de France. Plus d’un million et demi de candidats s’y présentent chaque année aujourd’hui. C’est dire le caractère essentiel qu’il revêt.

Bien que le célèbre papier rose à trois volets ait laissé place à un nouveau format, commun à tous les pays de l’Union européenne, son caractère primordial reste inchangé. Nous partageons tous – j’en suis convaincue – le constat qu’il s’agit d’un sujet essentiel, au cœur des préoccupations de tous les Français.

Toutefois, le Gouvernement n’ignore pas que la préparation à cet examen se révèle parfois laborieuse et est encore bien trop souvent freinée par des enjeux de coûts et de délais. Afin de lever de tels obstacles, le permis de conduire a fait l’objet de réformes ambitieuses, engagées par le Président de la République.

La loi du 6 août 2015 a permis de réduire de manière significative les délais d’obtention du permis de conduire grâce à l’externalisation de son épreuve théorique. Dans cette même dynamique, le Gouvernement a présenté en 2019 un plan « pour un permis pour tous, moins cher et plus rapide », avec dix mesures pour réformer le permis de conduire. Parmi celles-ci figuraient des modes d’apprentissage plus modernes, moins chers et plus rapides, comme le simulateur de conduite, l’apprentissage avec une boîte automatique, mais aussi l’encouragement à la conduite accompagnée ou supervisée. En 2021, la plateforme RdvPermis a révolutionné le processus d’attribution des places à l’examen en responsabilisant davantage les candidats.

À l’heure de dresser le bilan, force est de constater que les délais d’attente, bien que diminués, demeurent aujourd’hui encore un obstacle dans l’obtention du permis de conduire.

La présente proposition de loi, portée par la majorité présidentielle et adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 mars dernier, a pour objectif de poursuivre le travail de modernisation. Elle est le fruit d’un travail de terrain, au plus près des préoccupations de nos concitoyens et des difficultés que peuvent rencontrer, notamment, les jeunes.

L’article 1er vise à créer une nouvelle plateforme numérique, « 1 jeune, 1 permis », recensant l’intégralité des aides mises en œuvre par l’État et les collectivités territoriales pour financer le passage du permis de conduire.

Le coût moyen du permis en France est de 1 592 euros. Pour alléger la charge que peut représenter son financement, différentes aides publiques existent, mais leur visibilité reste limitée par la dispersion de l’information. La plateforme « 1 jeune, 1 permis » y remédiera.

Pôle emploi a déjà développé une plateforme, mes-aides.pole-emploi.fr, orientée vers les demandeurs d’emploi et recensant les aides et conditions d’éligibilité des collectivités territoriales ayant transmis volontairement ces informations.

Afin de limiter les coûts d’investissements et de capitaliser sur la visibilité de la plateforme, le Gouvernement proposera un amendement visant à en confier la gestion à Pôle emploi, qui deviendra prochainement France Travail. Il engagera des travaux pour l’améliorer et la rendre accessible depuis un nouveau portail, « 1 jeune, 1 permis », afin de ne pas limiter l’information au public des seuls demandeurs d’emploi et de gagner en visibilité auprès de tous les publics, et notamment des jeunes.

L’article 1er bis prévoit que la préparation et le passage de l’épreuve théorique pourront être organisés hors temps scolaire dans les locaux des établissements scolaires. Cet apport du député Pierre Henriet facilitera les conditions de préparation à l’examen pour nos jeunes.

Face au frein que représente le coût du passage de l’examen du permis de conduire, l’article 2 prévoit d’étendre les possibilités d’utilisation du compte personnel de formation (CPF) à toutes les catégories de permis.

La prise en charge de la préparation à l’examen de conduite par le CPF constitue un réel atout pour la réalisation d’un projet professionnel. En 2021, sur 1 120 000 permis de conduire délivrés, 322 000, soit près d’un tiers, ont été financés par le CPF.

Aujourd’hui, le CPF ne peut être mobilisé que pour préparer l’examen des permis voitures, poids lourds et transports en commun. Demain, grâce à l’adoption de la présente proposition de loi, le financement par ce compte sera étendu aux permis motos, voiturettes et remorques plus lourdes.

Le Gouvernement espère que cet élargissement constituera un outil précieux d’autonomie et d’insertion professionnelle.

Un des ultimes freins à l’obtention du permis est aussi le manque d’examinateurs et le nombre insuffisant de places pour l’examen pratique qui en découle. Parmi les efforts déjà engagés, en adoptant la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), vous avez acté le recrutement exceptionnel de 100 inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière supplémentaires sur quatre ans. Cela permettra déjà d’accroître durablement l’offre d’examens.

En supprimant la limite fixée pour mobiliser des agents publics ou contractuels pour les départements où le délai médian entre deux présentations à l’examen est supérieur à quarante-cinq jours, l’article 3 permettra de réduire encore plus les délais d’attente.

Notre boussole demeure l’accès au permis de conduire pour tous. Nous nous sommes engagés auprès de la députée Piron à trouver des solutions concrètes face aux difficultés de certains jeunes ayant quitté le système scolaire français pour obtenir l’attestation de sécurité routière (ASR). Les solutions identifiées, auxquelles nous associerons les parlementaires, passeront par la voie réglementaire.

Enfin, nous connaissons tous les préjugés, parfois sexistes, qui pèsent lorsque l’on parle de permis de conduire. Je connais l’engagement des deux rapporteurs sur les enjeux d’égalité femmes-hommes. Le Gouvernement continuera d’apporter son entier soutien aux travaux qui pourraient être menés sur le sujet.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Lever les obstacles au passage du permis de conduire, c’est favoriser la mobilité de nos jeunes, contribuer au désenclavement des territoires les plus éloignés et soutenir l’accès des actifs à un outil essentiel.

Lever les obstacles au passage du permis de conduire, c’est garantir l’émancipation, aussi bien personnelle que professionnelle, des Français.

Lever les obstacles au passage du permis de conduire, c’est agir concrètement sur le quotidien des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi du député Sacha Houlié, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, vise à faciliter le passage et l’obtention du permis de conduire.

Vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, le permis de conduire est le premier examen de France. Il attire plus d’un million et demi de candidats chaque année et demeure un élément structurant de notre société. Il permet de se déplacer, mais aussi, bien souvent, d’accéder à un emploi.

Cependant, le dispositif coûte très cher. D’abord, le coût moyen du passage du permis de conduire est de 1 592 euros, ce qui correspond à une durée moyenne de formation de près de trente heures pour un prix horaire moyen de 53 euros. Et une fois l’examen obtenu, l’achat et l’entretien du véhicule représentent également des sommes importantes.

C’est la raison pour laquelle une réflexion a été engagée depuis quelques années sur les moyens de réduire le coût du passage du permis de conduire. La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, puis la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ont tenté de réduire les coûts d’obtention et de diminuer les délais de passage des examens pratiques et théoriques. Plus ces délais sont longs, plus les candidats sont amenés à prendre des heures supplémentaires de conduite pour maintenir leur niveau, et, au final, plus le coût est élevé.

La proposition de loi de notre collègue Sacha Houlié s’inscrit dans cette perspective et a pour objectif de faire face à deux difficultés majeures dans le passage du permis de conduire : le coût et les délais d’obtention.

Il s’agit en premier lieu de faire mieux connaître et de renforcer les aides disponibles pour l’apprentissage de la conduite.

En ce sens, l’article 1er vise à recenser sur une plateforme unique l’ensemble des aides financières existantes à la préparation des examens du code de la route et du permis de conduire. Cette plateforme permettrait de s’assurer de la contribution de l’ensemble des financeurs du permis de conduire, renforçant ainsi l’accessibilité des aides proposées. Une plateforme similaire est actuellement gérée par Pôle emploi. Un amendement du Gouvernement tend à lui confier également cette nouvelle plateforme, sous la nouvelle bannière « 1 jeune, 1 permis. » Cela me semble être une bonne idée ; cette proposition paraît plus pratique que le texte initial.

Afin de renforcer les aides disponibles pour la formation à la conduite, l’article 2 de la proposition de loi prévoit de rendre éligible au CPF la préparation du code de la route et de l’épreuve pratique de l’ensemble des catégories de permis de conduire à compter du 1er janvier prochain. Seraient ajoutés à la situation actuelle les permis motos, voiturettes et remorques. La commission des lois y a souscrit, et je vous propose de faire de même en séance. Il faut cependant souligner que les concertations qui seront conduites avec les partenaires sociaux devront répondre à deux enjeux forts : la soutenabilité financière de cette extension et la préservation d’un lien avec l’emploi dans les dispositifs financés par le CPF.

Le troisième enjeu du financement du permis de conduire par le CPF est celui de la lutte contre la fraude. C’est justement à celui-ci que propose de répondre l’article 2 bis, qui rendrait destinataire la Caisse des dépôts, gestionnaire du CPF, des informations relatives au permis de conduire. Cet ajout lui permettra de vérifier que les personnes souscrivant à un financement du CPF sont bien celles qui passent l’examen. Cela paraît évident et logique, mais il faut renforcer le contrôle.

Le deuxième objectif de la proposition de loi est d’améliorer les délais de passage des épreuves du permis de conduire.

L’article 3 étend à l’ensemble des départements le recours aux agents publics ou contractuels comme examinateurs des épreuves de conduite. Ce recours n’est aujourd’hui possible que dans les départements où le délai médian entre deux présentations à l’épreuve pratique du permis de conduire est supérieur à quarante-cinq jours. Cet élargissement permettra d’affecter des examinateurs dans des départements où le délai médian, même s’il est modéré, cache une situation de tension sur les effectifs des inspecteurs.

La rédaction proposée transformait cependant une obligation en une simple possibilité à la main du Gouvernement. La commission des lois a donc complété la rédaction de l’article, afin qu’un effort particulier de recrutement soit réalisé dans les départements où le délai de présentation au permis de conduire est excessif. Il est vrai que nous ne disposons que du délai entre un échec et une nouvelle présentation à l’examen, mais les préfets peuvent prendre ces décisions sur une base empirique dans leurs départements.

L’Assemblée nationale a également souhaité simplifier la procédure permettant d’organiser dans les lycées, en dehors du temps scolaire, l’épreuve théorique du permis de conduire, et l’élargir à la préparation de cette même épreuve. C’est l’article 1er bis de la proposition de loi. La simplification proposée conduisait à écarter complètement la collectivité propriétaire, à savoir le conseil régional, de la décision d’occupation des locaux. Nous avons décidé de la réintégrer.

Enfin, l’Assemblée nationale a adopté un article 3 bis prévoyant qu’un décret préciserait les cas dans lesquels la présentation de l’ASR n’est pas nécessaire pour passer le permis. Cela répond à une vraie problématique pour les jeunes qui, déscolarisés ou ayant étudié à l’étranger, n’ont pas passé leur attestation scolaire de sécurité routière de deuxième niveau (ASSR 2) et n’ont pas de place pour passer l’ASR qui doit la remplacer. Le Gouvernement est conscient du problème, et ces exigences ne relèvent pas du niveau législatif. Nous avons donc supprimé l’article en commission, en espérant que vous prendrez les mesures nécessaires pour régler ces situations individuelles fâcheuses pour les personnes concernées, madame la secrétaire d’État.

Je vous proposerai également, par un amendement portant article additionnel, d’aligner les peines encourues en cas d’agression sur un examinateur du code de la route sur celles encourues en cas d’agression sur un inspecteur du permis de conduire. Il convient en effet de mieux protéger les examinateurs pour s’assurer du bon fonctionnement de ces épreuves, qui sont désormais souvent externalisées.

Enfin, l’Assemblée nationale a adopté deux demandes de rapport.

La première concernait le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre du passage de l’examen du permis de conduire. Nous avons obtenu des chiffres, et nous les avons fait figurer dans le rapport de la commission. Il existe un écart notable dans les taux de réussite aux examens théorique et pratique du permis de conduire entre les femmes et les hommes. Mais cet écart ne peut pas être expliqué sans la réalisation d’un travail de recherche universitaire ou d’une étude comparative avec les pays voisins, ce qui n’est pas compatible avec la demande d’un rapport du Gouvernement au Parlement. J’ai également saisi la délégation aux droits des femmes, dont je suis membre, car il s’agit, me semble-t-il, d’un sujet d’étude intéressant pour elle. La commission des lois a supprimé cette première demande de rapport.

La seconde demande concerne l’abaissement de l’âge d’obtention du permis de conduire. Cela s’inscrit dans le cadre de réflexions actuellement conduites par le Gouvernement, qui envisage la création d’un permis provisoire limité au cadre professionnel, sur le modèle d’un dispositif existant en Belgique. Des discussions sur les conditions d’âge pour l’accès à chaque catégorie du permis de conduire sont également en cours. Nous avons donc conservé cette demande de rapport. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, et sur des travées du groupe Les Républicains.)