Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

1. Procès-verbal

2. Hommage à un journaliste tué en Ukraine

M. le président

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

3. Questions d’actualité au Gouvernement

lycées professionnels

M. Xavier Iacovelli ; Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

manifestations d’extrême droite

M. David Assouline ; Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. David Assouline.

difficultés financières des collectivités territoriales malgré les dispositifs en place

M. Éric Gold ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

réforme des lycées

Mme Monique de Marco ; Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels ; Mme Monique de Marco.

difficultés des commerçants à s’assurer à la suite des dégradations subies pendant les manifestations

M. Jean-Pierre Grand ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; M. Jean-Pierre Grand.

enseignement de l’arabe et du turc

M. Philippe Tabarot ; M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Philippe Tabarot.

présence de la poste dans les territoires

M. Olivier Henno ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; M. Olivier Henno.

évasion fiscale

M. Éric Bocquet ; M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.

mise en œuvre de la consigne plastique

Mme Marta de Cidrac ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Marta de Cidrac.

financement des collectivités territoriales

M. Franck Montaugé ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Franck Montaugé.

accompagnants des élèves en situation de handicap

M. Cédric Vial ; M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

nomination des parlementaires dans les conseils d’administration des agences régionales de santé

Mme Jocelyne Guidez ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Mme Jocelyne Guidez.

industrie du bois

M. Vincent Segouin ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

places dans les crèches

Mme Émilienne Poumirol ; M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées ; Mme Émilienne Poumirol.

situation d’un détenu en centrafrique

M. Christophe-André Frassa ; M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger ; M. Christophe-André Frassa.

rassemblement des gens du voyage dans le loiret

M. Hugues Saury ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Hugues Saury.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

4. Attribution à une commission des prérogatives d’une commission d’enquête

5. Code monétaire et financier et diverses dispositions relatives à l’outre-mer. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Texte élaboré par la commission

Vote sur l’ensemble

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme

M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Victorin Lurel

M. Éric Bocquet

M. Jean-Michel Arnaud

M. Jean Louis Masson

M. Jean-Claude Requier

M. Antoine Lefèvre

M. Emmanuel Capus

M. Daniel Breuiller

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

6. Respect du droit à l’image des enfants. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Valérie Boyer, rapporteure de la commission des lois

M. Hussein Bourgi

Mme Cécile Cukierman

Mme Dominique Vérien

Mme Esther Benbassa

Mme Maryse Carrère

Mme Elsa Schalck

M. Jean-Pierre Decool

Mme Mélanie Vogel

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Else Joseph

Clôture de la discussion générale.

Article 1er – Adoption.

Article 2 (supprimé)

Article 3

Amendement n° 2 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Amendement n° 5 de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.

Adoption de l’article.

Après l’article 3

Amendement n° 4 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.

Article 4 (supprimé)

Article 5 (nouveau) – Adoption.

Après l’article 5

Amendement n° 3 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

7. Communication d’avis sur des projets de nomination

8. Permis de conduire. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois

Mme Cécile Cukierman

Mme Dominique Vérien

Mme Maryse Carrère

M. Antoine Lefèvre

M. Joël Guerriau

Mme Mélanie Vogel

M. Xavier Iacovelli

M. Hussein Bourgi

Mme Else Joseph

M. Olivier Jacquin

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 1er bis, 2 et 2 bis – Adoption.

Article 3

Amendement n° 2 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 3

Amendement n° 6 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Articles 3 bis et 3 ter (supprimés)

Article 3 quater – Adoption.

Après l’article 3 quater

Amendement n° 3 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Article 4 (suppression maintenue)

Vote sur l’ensemble

M. Olivier Jacquin

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à un journaliste tué en Ukraine

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, c’est avec une vive émotion que nous avons appris le décès du journaliste de l’Agence France-Presse (AFP) Arman Soldin, tué hier après-midi lors d’un bombardement dans l’est de l’Ukraine. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)

Ce jeune homme de 32 ans risquait sa vie chaque jour au cœur du conflit pour nous informer.

Au nom du Sénat tout entier, je présente nos condoléances à sa famille et à ses proches et je veux assurer de notre soutien l’ensemble des journalistes et techniciens qui exercent leur métier dans des circonstances particulièrement difficiles pour nous informer.

C’est avec une émotion aussi vive que nous avons appris l’attaque abjecte perpétrée à la synagogue de la Ghriba, à Djerba en Tunisie, qui a coûté la vie à quatre personnes, dont l’un de nos compatriotes, Benjamin Haddad. Nos pensées vont aux familles des victimes et à leurs proches. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, observent une minute de silence.)

La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite à mon tour, au nom du Gouvernement, exprimer toute mon émotion et ma solidarité après le décès, hier, en Ukraine, du journaliste Arman Soldin, qui couvrait le conflit pour l’AFP.

Mes premières pensées vont à sa famille et à ses proches. Elles vont à ses collègues de l’Agence France-Presse. Elles vont à tous les journalistes.

Arman Soldin accomplissait son métier, sa passion, sa vocation. Il est tombé parce qu’il voulait faire connaître des faits. Il est tombé parce qu’il croyait que le devoir d’informer ne doit reculer devant rien. Le journalisme, la presse libre sont essentiels pour nos concitoyens et notre démocratie.

Dans cet hémicycle, à mon tour, je veux rendre hommage à Arman Soldin.

Je veux également exprimer toute mon émotion après l’attentat qui s’est déroulé en Tunisie et toute ma solidarité aux proches des victimes.

M. le président. Je vous remercie de vos propos, madame la Première ministre.

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

lycées professionnels

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Après la réforme de l’apprentissage, le Président de la République a réaffirmé récemment aux Français son engagement de transformer la voie professionnelle.

Actuellement, dans notre pays, un tiers des lycéens sont scolarisés en lycée professionnel, soit 620 000 jeunes. Or un tiers d’entre eux n’arrive pas jusqu’au bac. Une proportion très importante de ceux qui l’obtiennent n’entre pas sur le marché du travail ; d’autres se dirigent vers des études supérieures, mais, pour la moitié d’entre eux, ne décrochent pas de diplôme.

Nous sommes donc face à une situation qui est loin d’être satisfaisante. Parallèlement, certains métiers ont du mal à recruter et ne trouvent plus de jeunes.

La souveraineté industrielle, numérique et énergétique nécessite aussi de placer le lycée professionnel au centre de nos enjeux de formation et de repenser le parcours des lycéens.

Le lycée professionnel doit donc redevenir, d’une part, un choix pour la plupart des jeunes à la recherche de métiers d’avenir et, d’autre part, une solution pour les entreprises qui doivent s’adapter aux grandes transitions économiques en cours et à venir.

En faisant évoluer l’offre de formations proposée par les lycées, nous redonnerons du sens à la valeur travail et préparerons les compétences de demain, en adéquation bien sûr avec les aspirations des jeunes, de leur temps et du monde dans lequel ils vivent.

Nos territoires, avec leurs spécificités et leurs bassins d’emploi, doivent également être associés étroitement à cette réforme. Tel devrait être le cas notamment pour la révision de la carte des formations. C’est là aussi une question d’égalité des chances.

Il est donc temps de faire en sorte que le lycée professionnel, avant d’être une filière d’excellence, devienne une véritable filière d’avenir.

Aussi, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la réforme de la carte des formations, au vu des enjeux économiques de demain, mais aussi des spécificités de nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Xavier Iacovelli, la réforme du lycée professionnel présentée par le Président de la République la semaine dernière répond à votre souhait que le lycée professionnel soit une voie de choix, une voie de réussite pour tous, pour les élèves, bien sûr, afin de les former aux compétences dont notre pays aura besoin dans le futur, comme pour les enseignants, auxquels il doit offrir de bonnes conditions de travail. Tel est bien le sens que nous avons voulu donner à cette réforme.

Pour ce faire, nous lutterons contre le décrochage et accompagnerons les élèves fragiles, pour qu’ils réussissent mieux dans leur parcours scolaire. Nous favoriserons également leur insertion professionnelle et la poursuite de leurs études. Enfin, nous valoriserons, dans tout le pays, ces filières stratégiques.

Au fond, ce que nous souhaitons, c’est un changement d’image de la voie professionnelle. Il est à notre portée si nous mettons en œuvre les conditions de la réussite et si cette filière offre de réelles perspectives aux jeunes.

Nous nous apprêtons ainsi à ouvrir de nouvelles formations d’avenir, en augmentant le nombre de places dans certaines filières, notamment dans les secteurs de l’énergie, de l’écologie, du numérique, mais aussi des soins. En revanche, nous fermerons des formations dont les taux d’insertion ou de poursuite d’études réussies ne sont pas satisfaisants.

Le lycée professionnel doit devenir une filière de réussite stratégique pour la préparation des compétences de la Nation. Bien que chaque territoire soit spécifique, sept des dix métiers les plus recherchés sont communs à l’ensemble des territoires.

Nous réaliserons un investissement inédit pour accompagner l’évolution de la carte des formations. Par ailleurs, avec un milliard d’euros supplémentaires par an, nous permettrons aux lycées professionnels de travailler sur la pédagogie.

Nous investirons également, via le plan France 2030, pour améliorer les plateaux techniques, en concertation avec les régions, former les professeurs, accroître l’attractivité de ces filières et organiser une dynamique pour les lycées professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

manifestations d’extrême droite

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Assouline. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous avons été choqués que vous ayez laissé se dérouler une manifestation non loin d’ici, en plein Paris, à la veille de la commémoration de la libération du joug nazi en Europe, manifestation dont les organisateurs et les participants comptent des proches de Marine Le Pen et ont menacé journalistes et badauds. Ils se réclament de l’idéologie nazie et pétainiste, appellent à abattre la République et incitent explicitement à la haine raciste et antisémite.

Nous avons ensuite été stupéfiés d’apprendre que le préfet de police, la Première ministre et des ministres avaient justifié un tel laisser-faire.

Comment ont-ils pu affirmer que cette manifestation ne constituait pas un trouble à l’ordre public et, dans le même temps, interdire des manifestations syndicales, au prétexte qu’on y faisait du bruit avec des casseroles ?

Je vous remercie, monsieur le ministre de l’intérieur – une fois n’est pas coutume ! – d’avoir recadré le Gouvernement, jusqu’à Mme la Première ministre, en ordonnant aux préfets d’interdire ce type de manifestations.

Vous le savez, le GUD, le Groupe union défense, qui était à la manœuvre lors de cette manifestation, s’est reconstitué en 2022. Avec d’autres, nous vous demandons une nouvelle dissolution de ce groupe.

Par ailleurs, comptez-vous engager des poursuites pour reconstitution de ligue dissoute ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur David Assouline, nous avons tous été choqués par les images de la manifestation de ce week-end, Mme la Première ministre l’a dit, comme M. le ministre de l’intérieur.

Vous avez entendu les propos très clairs prononcés par Gérald Darmanin hier.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Propos très tardifs !

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Le racisme et l’antisémitisme n’ont pas leur place dans la République. Désormais, toute manifestation portant de tels messages sera interdite.

La main du Gouvernement ne tremble pas quand il s’agit de combattre l’ultradroite. Ainsi, en cinq ans, douze groupuscules portant des messages à caractère raciste, antisémite ou homophobe ont été dissous. Plusieurs manifestations d’ultradroite ont été interdites ces derniers mois, à Lyon, à Montpellier et à Paris.

Dimanche prochain, la manifestation prévue à Opéra, en hommage à Jeanne d’Arc, organisée par des groupuscules d’ultradroite,…

M. Rachid Temal. Extrême droite !

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. … sera interdite par la préfecture de police.

Le Gouvernement continuera de combattre de toutes ses forces et par tous les moyens légaux à sa disposition les actions à caractère antisémite et raciste portées par l’ultradroite.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

M. David Assouline. Vous n’avez pas répondu à ma question, qui était très précise.

Le GUD, quand il s’est reconstitué en 2022, déclarait : « Nous sommes un groupe qui ne cache pas son racisme ni son antisémitisme ». Ce sont ses membres qui le disent !

Vous le savez, les groupes d’ultradroite violents, qui se propagent, sont considérés comme la principale menace en Europe, dans les démocraties occidentales. On vous demande d’agir vite ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

difficultés financières des collectivités territoriales malgré les dispositifs en place

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, l’Assemblée nationale a voté la semaine dernière, contre l’avis du Gouvernement, l’ouverture à la très grande majorité des communes du bouclier tarifaire sur l’électricité. Aujourd’hui, seules les communes qui comptent moins de dix salariés et dont le budget est inférieur à deux millions d’euros peuvent bénéficier des tarifs réglementés de vente d’électricité.

Il n’est certainement pas pertinent d’apporter la même aide à toutes les communes, quelles que soient leur taille et leur situation financière, mais la hausse du coût de l’énergie fragilise de très nombreuses collectivités. Il ne se passe pas une semaine sans que nous rencontrions des élus démunis face à des factures dont le montant a été multiplié par deux, trois ou quatre. Selon Intercommunalités de France, la facture d’énergie a au moins doublé pour les trois quarts des intercommunalités. Il y a sans doute une cote mal taillée qu’il serait bon d’ajuster, notamment pour les collectivités les plus en difficulté.

La dotation globale de fonctionnement est repartie à la hausse après des années de gel ou de baisse, ce qui devrait donner un peu de marge aux élus locaux. Toutefois, du fait de l’augmentation de dépenses incompressibles – inflation des prix de l’énergie et hausse du point d’indice –, ils ont eu bien du mal à boucler leur budget cette année.

Une telle réalité hypothèque la capacité des élus à assurer leur mission de service public, à investir et, donc, à soutenir l’économie locale. Je rappelle que les collectivités représentent 70 % de l’investissement public. L’enjeu est donc important. Il l’est d’autant plus que, pour réduire les factures d’énergie, l’opération de rénovation énergétique des bâtiments publics, déjà entamée, doit encore être accélérée, mais elle nécessite du temps et de l’argent.

Monsieur le ministre, envisagez-vous l’extension des dispositifs existants ayant fait leurs preuves à certaines collectivités qui en sont aujourd’hui exclues ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Gold, vous connaissez l’attention que nous portons aux finances des collectivités locales. Je sais à quel point il s’agit ici d’un sujet de préoccupation, sur toutes les travées.

Au 1er janvier de cette année, l’épargne brute de la totalité des collectivités locales avait progressé de 2,2 milliards d’euros par rapport au 1er janvier de l’année précédente, même si l’on constate des disparités entre les blocs de collectivités : l’épargne des communes a augmenté de 2 %, celle des intercommunalités de 12 %, celle des départements de 5,8 %, celle des régions de 8 %.

Ces chiffres, bien qu’ils soient agglomérés, reflètent des réalités très diverses. C’est cette diversité que nous avons voulu prendre en compte, en prévoyant 2,5 milliards d’euros dans le cadre du soutien spécifique aux dépenses d’énergie – bouclier tarifaire et amortisseur électricité – et 520 millions d’euros pour le filet de sécurité que vous avez voté.

Nous devons à présent faire le bilan de ce dernier dispositif et calculer son taux de consommation, afin de connaître nos éventuelles disponibilités. Nous venons de l’étendre aux dépenses ferroviaires des régions. Avec Clément Beaune, nous avions repéré la nécessité de compléter ce « trou dans la raquette ».

J’évoquerai également le fonds vert, doté de 2 milliards d’euros, qui viennent s’ajouter aux 2 milliards d’euros de soutien à l’investissement. Au total, 10 476 dossiers ont été déposés. Sur les 1 300 premiers lauréats, 600 portent sur des projets de rénovation énergétique. À l’échelon national, près de 4 000 dossiers portent uniquement sur les questions de rénovation énergétique, auxquels il convient d’ajouter 2 500 dossiers concernant la rénovation de l’éclairage public.

C’est dire si la volonté des élus de continuer d’investir et d’accélérer les rénovations énergétiques et thermiques est bien une réalité !

La Première ministre a annoncé la pérennisation de ce dispositif. Je recevrai le 17 mai toutes les associations d’élus, pour faire un point à la fois sur la territorialisation de la planification écologique, mais aussi sur les difficultés que vous avez remontées. Nous définirons alors ce qu’il convient de faire dans la suite de l’année et à l’occasion des prochains rendez-vous budgétaires.

réforme des lycées

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Monique de Marco. La réforme des lycées professionnels concerne un tiers des lycéens de notre pays.

Jeudi dernier, à Saintes, le Président de la République a présenté les détails de ce qu’il souhaite mettre en place : allongement de la durée des stages aux dépens des heures d’enseignements généraux, définition des formations par des « partenaires » et des entreprises, orientation des élèves vers les métiers en tension. Cela rejoint les propositions que vous portez depuis l’automne, madame la ministre.

La concertation n’a pas fait évoluer les grandes lignes de la réforme. Seules nouveautés : des revalorisations inconditionnelles destinées à apaiser les enseignants mobilisés contre vos propositions ont été annoncées, ainsi que le glissement vers l’apprentissage, avec la rémunération des élèves, à la charge de l’État et non pas des entreprises, entre 50 euros et 100 euros par semaine.

Beaucoup craignent aujourd’hui un rattachement pur et simple de la voie professionnelle au ministère du travail, ce qui constituerait une régression totale au regard de la mission émancipatrice du lycée.

Madame la ministre, quand assumerez-vous la contradiction, en débattant point par point devant le Parlement du contenu de cette réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Esther Benbassa et Émilienne Poumirol applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice de Marco, nul ne peut ici se satisfaire d’un statu quo, les échecs des jeunes dans les lycées professionnels étant trop nombreux. Je pense aux décrochages et aux difficultés d’insertion dans l’emploi ou lors de la poursuite d’études. Notre objectif est donc clair : zéro décrochage et un taux d’insertion de 100 %.

D’ailleurs, en 2022, le programme des écologistes prévoyait un enseignement professionnel placé au cœur de la transition écologique. Bonne nouvelle : avec cette réforme, c’est ce que nous faisons !

Nous voulons former les jeunes aux métiers qui leur ouvrent des perspectives dans le cadre des grandes transitions, que ce soit dans les secteurs de l’énergie, de l’alimentation, des mobilités douces ou du numérique, grâce à un investissement massif. Ainsi, plus d’un milliard d’euros supplémentaires par an seront affectés aux lycées professionnels. Ces crédits viendront s’ajouter au maintien des effectifs des professeurs de lycée professionnel à la rentrée prochaine, aux 400 équivalents temps plein qui renforceront les équipes des conseillers principaux d’éducation, des infirmiers et des autres personnels éducatifs, aux projets du Conseil national de la refondation (CNR) Éducation et aux investissements prévus dans le cadre du plan France 2030, notamment dans les plateaux techniques.

Dès la rentrée 2023, plus de 1 000 places seront ouvertes dans les nouvelles formations d’avenir. Dans votre territoire, madame la sénatrice, des formations supplémentaires en cybersécurité ou en biologie spécialisée seront mises en place.

Non, madame la sénatrice, le lycée professionnel n’a pas à apporter une réponse immédiate aux entreprises. Au travers de cette réforme, nous préparons l’avenir de ces jeunes, mais aussi les compétences dont notre pays aura besoin dans le futur.

Pour une réponse de plus court terme, d’autres dispositifs existent et sont déjà en vigueur, tels que le plan d’investissement dans les compétences, le compte personnel de formation (CPF), la validation des acquis de l’expérience (VAE), les plans de développement personnel.

Le Gouvernement souhaite donc faire du lycée professionnel une voie de choix, reconnue par tous et permettant la réussite des jeunes. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour la réplique.

Mme Monique de Marco. Madame la ministre, nous sommes vraiment loin du programme des écologistes ! Vous proposez d’augmenter la durée des stages au détriment des enseignements généraux, ce qui revient, à nos yeux, à accroître les inégalités entre la voie générale et les voies professionnelles.

Valoriser les stages en entreprise, c’est nier la force d’un enseignement associant formation générale et professionnelle.

Adapter les formations aux bassins d’emploi, c’est renforcer les inégalités territoriales, en rendant les lycées dépendants du tissu économique local.

Cette réforme mérite selon nous une loi spécifique et un véritable débat parlementaire. Nos lycéens valent mieux que la voie réglementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

difficultés des commerçants à s’assurer à la suite des dégradations subies pendant les manifestations

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Pierre Grand. Dans de nombreuses villes, les manifestations du 1er mai ont dégénéré en violences contre les forces de l’ordre, le mobilier urbain et des commerces. Tel est le cas à Montpellier.

Après avoir connu, ces dernières années, pendant deux ans, tous les samedis, les exactions des « gilets jaunes » – 140 manifestations en quatre ans ! –, les commerçants que j’ai rencontrés m’ont fait part de leur découragement, de leur peur et de leur colère.

Certains, qui ont eu à subir plusieurs sinistres liés aux manifestations et aux casseurs, ont vu leur contrat d’assurance résilié.

Ces commerçants retrouvent avec difficulté des compagnies d’assurances qui acceptent de les couvrir, ces dernières subordonnant le nouveau contrat à une période probatoire de deux ans sans sinistre.

Ces commerçants n’ont plus qu’un seul choix, incroyable : celui de ne pas déclarer le dernier sinistre lié aux manifestations du 1er mai s’ils veulent conserver une couverture pour des risques plus graves dans la période probatoire imposée.

Je sais combien cette situation préoccupe la chambre de commerce et d’industrie de l’Hérault et son président, qui, avec l’ensemble des commerçants, demande au Gouvernement de prendre des mesures législatives ou réglementaires afin de dissocier de toutes les autres clauses contractuelles les risques liés aux manifestations et aux casseurs.

Ces commerçants demandent que soit garanti le maintien d’une couverture assurantielle dès lors que leur responsabilité ne peut être mise en cause. Ils sont les victimes de ces sinistres à répétition ; ils n’en sont pas les responsables.

Je ne demande pas que l’État se substitue aux assureurs. Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions que le Gouvernement intègre ce problème vital pour nombre d’entre eux dans le prochain plan en faveur des commerces de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Grand, je vous prie d’excuser l’absence d’Olivia Grégoire, retenue à cette heure avec le ministre du tourisme chinois.

La situation des commerçants héraultais que vous évoquez est malheureusement la même que celle que les commerçants de Rennes, de Lille, de Lyon ou de Paris pourraient décrire.

Le Gouvernement déplore que les manifestations entraînent parfois des dégradations, mais également que ces difficultés emportent de lourdes conséquences pour les commerçants.

Concernant la couverture par les assurances, il faut distinguer le cas des dommages matériels, par exemple pour ce qui concerne les vitrines, et celui des pertes d’exploitation, lorsqu’un commerce, trop endommagé, nécessite des travaux entraînant sa fermeture.

Concernant les dommages matériels, les assureurs sont en première ligne, les conséquences des dégradations étant prises en charge dans les contrats multirisques professionnels contractés par les commerçants.

Quant à la garantie des pertes d’exploitation, elle peut être étendue aux conséquences d’autres événements que ceux qui sont prévus dans le contrat, comme les actes de vandalisme et les émeutes de manifestations, par exemple, à condition que ces événements soient intégrés au contrat.

La couverture des dégradations liées à des manifestations n’est donc pas systématique. Nous estimons la part d’artisans et de commerçants couverts en cas de perte d’exploitation à 54 %. Plus les entreprises sont grandes, plus elles sont couvertes.

Concernant la résiliation unilatérale des contrats par les assureurs, la loi prévoit une telle possibilité en cas d’aggravation du risque, mais le Gouvernement veille à ce que des délais de carence d’incidents ne soient pas demandés aux commerçants.

Enfin, je prends l’engagement, au nom de ma collègue Olivia Grégoire, d’étudier de plus près le cas très particulier que vous remontez, en lien avec la chambre de commerce et d’industrie de l’Hérault, si vous en êtes d’accord, monsieur le sénateur.

J’ajoute que l’État est et restera également présent pour accompagner les commerçants touchés. Consigne a été donnée à la direction générale des finances publiques et aux Urssaf d’appliquer avec souplesse les modalités de remise gracieuse aux commerçants affectés par les manifestations et les dégradations.

Ces interventions exceptionnelles s’ajoutent aux actions que le Gouvernement mène au quotidien pour soutenir les commerçants de proximité. Je pense notamment au plafonnement de l’indice des loyers, ainsi qu’au déploiement du plan Action cœur de ville et du programme Petites Villes de demain.

Vous pouvez donc compter sur la mobilisation permanente du Gouvernement, sous l’autorité de la Première ministre, de Bruno Le Maire et d’Olivia Grégoire, pour soutenir les commerçants. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Grand. Je vais me faire le porte-parole de nos concitoyens. Je veux dire avec calme ce que je ressens sur le terrain : le peuple ne supporte plus ces manifestations violentes. Aujourd’hui remonte du terrain un sentiment d’exaspération. Nous sommes en République, beaucoup l’ignorent. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

enseignement de l’arabe et du turc

M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Tabarot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Je suis l’heureux papa d’un garçon qui fera sa rentrée en CE1 au mois de septembre prochain. (Bravo ! et applaudissements sur de nombreuses travées.) À l’instar de milliers de familles des Alpes-Maritimes, j’ai été invité à étudier la proposition de l’inspection académique de permettre à mon fils de bénéficier de cours en arabe, en turc ou en portugais, dans le cadre des enseignements internationaux avec les pays dits « partenaires ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

J’avais cru naïvement le Président de la République en 2020, qui avait dit lors de son discours sur le séparatisme à Mulhouse vouloir mettre fin aux dérives des enseignements de langue et de culture d’origine, les Elco. Or cette proposition de votre ministère, transmise aux familles, prouve que tel n’est pas le cas.

En effet, qui valide le choix des enseignants, de leurs qualifications, le contenu des enseignements, pour qu’ils soient respectueux de nos valeurs républicaines, alors que nous apprenons par la presse que les contrôles sont encore et toujours inopérants ?

Pourquoi ne pas mettre fin aux risques de dérive communautariste, comme le pointaient déjà nos collègues sénateurs dès 2003 ?

Pourquoi, tout simplement, ne pas en finir avec les influences étrangères ? (Mme Laurence Cohen sexclame.)

Ces enseignements clivent au lieu de rassembler et, surtout, encouragent le repli communautaire. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Monsieur le ministre, prenons-nous véritablement le bon chemin de l’intégration en dispensant aux élèves des écoles primaires l’arabe, ou encore le turc, langue d’un pays avec lequel nous ne partageons aucune frontière, peu de valeurs, et dont l’influence en France est inquiétante ?

Alors que le niveau de nos élèves est en constante diminution, ne serait-il pas préférable de nous recentrer sur l’accès aux savoirs fondamentaux et sur une seule et véritable priorité, à savoir la maîtrise de la langue française ? (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Tabarot, tout d’abord, bonne rentrée à votre fils en septembre prochain en CE1 !

Comme vous le savez, depuis 2020 et le discours du Président de la République sur le séparatisme à Mulhouse, les enseignements internationaux de langues étrangères ont remplacé les enseignements de langues et de cultures d’origine. Ces enseignements ont été recadrés, les conditions d’exercice précisées.

Ces enseignements sont évidemment facultatifs à l’école élémentaire, du CE1 au CM2. Ils représentent une heure et demie de cours hebdomadaire en plus des enseignements obligatoires et ils concernent quatre langues : l’arabe, le turc, le portugais et l’italien. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Marie-Arlette Carlotti. Non, pas l’italien !

M. Pap Ndiaye, ministre. Afin d’éviter toute dérive communautaire ou toute influence étrangère, ce nouveau dispositif a permis d’instaurer un cadre homogène fondé sur un accord bilatéral entre les pays. Il a également permis d’imposer que les enseignants aient un niveau minimal de langue française, contrôlé dès leur entrée en fonction à un niveau B2 et d’adosser le programme d’enseignement de la langue au cadre européen de référence pour les langues. Enfin, comme vous l’indiquez, il a permis de renforcer les contrôles puisqu’un inspecteur de l’éducation nationale est missionné à cette fin dans chaque département.

Il ne s’agit donc non pas de faire une promotion particulière de ces langues, mais de permettre leur apprentissage dans le cadre de l’école républicaine et de l’éducation nationale plutôt que dans d’autres lieux, qui ne seraient pas nécessairement adéquats.

Cet enseignement, qui concerne environ 70 000 élèves, soit à peu près 1 % des enfants de l’école élémentaire, se déroule désormais dans des conditions acceptables. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.

M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, alors que j’habite à 40 kilomètres de l’Italie, l’italien ne m’a pas été proposé. (Rires sur des travées du groupe SER.)

Par ailleurs, je suis un farouche partisan de l’école libre. Pourtant, j’ai toujours été fier de dire que j’avais fait mon cursus scolaire au sein de l’école publique. J’avais le même souhait pour mes enfants, mais vous contribuez fortement, malgré des enseignants méritants, à faire de notre école un lieu de séparatisme, de communautarisme et d’échec scolaire ! (Protestations et huées sur les travées des groupes SER et CRCE. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

présence de la poste dans les territoires

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Ma question concerne le service public postal, symbolisé par le timbre rouge, mais aussi par la voiture jaune chère à Jacques Chirac, remplacée aujourd’hui par des vélos jaunes électriques, ce dont je me félicite.

Il ne s’agit pas de nier les évolutions technologiques – internet, les mails, le numérique. En outre, elles laissent toujours de la place pour un peu de poésie : qui n’a jamais eu le cœur qui vibrait à la réception d’une lettre d’amour dans sa boîte aux lettres et à sa lecture ? (Mouvements amusés sur plusieurs travées.)

Ma question porte sur les craintes des maires concernant de nouvelles vagues de fermetures de bureaux de poste dans les communes rurales, mais aussi dans les communes de moyenne importance.

Je ne vais pas, comme Georges Marchais face à Jean-Pierre Elkabbach – vous voyez, je connais les bons auteurs ! –, poser les questions et donner les réponses. C’est moins des explications que nous attendons de votre part, monsieur le ministre, que la vision du Gouvernement sur le service public postal. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Je vous remercie, monsieur le sénateur Henno, de votre question et de votre témoignage, qui sentait bon le vécu ! (Exclamations amusées.)

En mars dernier, comme vous le savez, nous avons signé le sixième contrat de présence postale territoriale, négocié entre l’Association des maires de France (AMF), La Poste et l’État, qui définit pour la période 2023-2025 les modalités d’évolution de la présence postale dans les territoires.

Ce contrat tient compte de la période passée et de son évaluation, ainsi que des recommandations formulées dans leur rapport par vos collègues Patrick Chaize, Rémi Cardon et Pierre Louault.

Dominique Faure, Bruno Le Maire, Gabriel Attal et moi-même avons veillé à ce que cinq priorités soient inscrites dans ce contrat.

Nous avons tout d’abord souhaité conforter la présence postale dans un contexte – vous l’avez souligné – de baisse significative de la fréquentation des guichets, en accompagnant notamment le déploiement du dispositif France Services, sur lequel veille Stanislas Guerini, dans les bureaux de poste : 17 000 points de contact sont ainsi maintenus sur le territoire.

Nous avons ensuite voulu préserver le niveau de financement à hauteur de 174 millions d’euros.

Par ailleurs, nous avons souhaité améliorer l’accessibilité horaire des bureaux de poste, qui seront ouverts plus souvent le samedi et les jours d’événements locaux.

De surcroît, nous avons voulu accompagner le développement des usages numériques et de la médiation sociale à destination des populations les plus vulnérables.

Enfin, nous avons souhaité optimiser les règles de gouvernance et de fonctionnement des commissions départementales, pour une meilleure utilisation du fonds de péréquation.

J’ajoute que les actions qui figurent dans ce contrat doivent bénéficier de manière prioritaire aux zones rurales, aux zones de montagne, aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux outre-mer.

Par ailleurs, l’État a indiqué son intention de poursuivre son soutien, en complément des abattements fiscaux, au moyen d’une dotation budgétaire dont le montant sera déterminé dans le cadre des projets de loi de finances pour 2024 et pour 2025. Nous aurons donc l’occasion d’en débattre ici.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement veille à ce que la présence postale sur les territoires reste intacte. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, vos propos sont implacables, mais il est essentiel dans ce domaine de ne pas pécher par excès de rationalité.

Le service postal dans notre pays est un symbole de l’État et de sa présence territoriale.

Pour conclure, j’ai la conviction que le service public postal constitue l’antidote au déclassement, mais qu’il est aussi un facteur – pardon pour ce mauvais jeu de mots – de reconquête territoriale ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

évasion fiscale

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. Éric Bocquet. Ma question s’adressait à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, mais je sais qu’il est empêché et que c’est M. le ministre Lescure, chargé de l’industrie, qui me répondra.

Le ministre Attal fut hier dans tous les médias afin de présenter son plan de lutte contre la fraude fiscale. Il a déclaré vouloir « faire payer les impôts aux ultra-riches et aux multinationales qui fraudent ». Fichtre, voilà un discours auquel nous n’avions pas été habitués depuis 2017 ! Vous étiez, en effet, plutôt sur le registre de Lhymne à lamour.

Vous annoncez vouloir renforcer le service d’enquête judiciaire, mais dans le même temps la direction générale des finances publiques va subir 3 000 suppressions d’emplois supplémentaires d’ici à 2027.

Nous notons avec intérêt l’idée d’une COP de la fiscalité et la création d’un conseil d’évaluation, sans doute une nouvelle mouture de l’observatoire imaginé par votre illustre prédécesseur en septembre 2018, une instance qui n’a malheureusement jamais vu le jour.

Je crains, monsieur le ministre, qu’il n’y ait un angle mort majeur dans votre dispositif : les paradis fiscaux. Considérez-vous, comme Bruxelles, qu’il n’existe pas de paradis fiscal au sein de l’Union européenne ?

Souvenez-vous un peu des révélations du journal Le Monde en février 2021 dans l’affaire OpenLux. Nous y apprenions que le Luxembourg hébergeait 55 000 sociétés offshore, dont 17 000 détenues par des compatriotes français cumulant ensemble 6 500 milliards d’euros d’actifs.

On ne peut pas, à cet instant, évoquer la fraude fiscale sans parler d’évasion fiscale. Allez-vous prendre des initiatives à l’échelon européen sur ce sujet ? N’y a-t-il pas lieu de mettre sérieusement à jour la liste française des paradis fiscaux, qui comprend aujourd’hui des États aussi fondamentaux – n’y voyez aucune marque de mépris de ma part – que le Vanuatu, les Palaos et les Fidji, mais aucun État membre de l’Union européenne ?

Albert Camus disait : « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde ».

Quant aux mesures répressives, elles doivent faire trembler d’effroi les potentiels fraudeurs fiscaux, qui pourraient être déchus de leurs droits civiques.

Enfin, je n’ai pu m’empêcher de sourire en imaginant un instant le PDG d’Amazon, M. Jeff Bezos, un pinceau à la main, en train de repeindre les murs de la perception d’Armentières, dans le Nord, dans le cadre d’une peine de travaux d’intérêt général ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, vous l’avez indiqué, Gabriel Attal est retenu avec Bruno Le Maire à l’Assemblée nationale pour un débat d’orientation des finances publiques.

Il m’a donc chargé de vous répondre, non pas sur l’air de Lhymne à lamour – je n’ai ni le talent ni la voix d’Édith Piaf –, mais pour vous remercier en son nom du travail que vous réalisez depuis longtemps sur la question que vous soulevez aujourd’hui.

M. Rachid Temal. Travail qui vous inspire !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous avez été le rapporteur d’une commission d’enquête au Sénat en 2012. Vous avez participé à toutes les réunions du groupe de travail lancé par Gabriel Attal en ce début d’année. Vous avez également été un membre extrêmement actif de la commission d’enquête du Sénat qui a travaillé durant l’année 2022. Ces travaux nous ont inspirés, notamment sur l’idée d’une COP fiscale, qui permettra de parfaire les relations et le travail de coopération à l’échelon international pour traquer la fraude fiscale là où elle se trouve.

Depuis six ans, le Gouvernement a fait des choses sur ce sujet.

M. Rachid Temal. Lesquelles ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Si les multinationales sont désormais taxées à un niveau minimal dans le monde, c’est grâce à la détermination du gouvernement français, qui a porté ce sujet à l’échelon international. Nous continuerons à le faire dans le cadre de cette COP fiscale.

Par ailleurs, nous allons renforcer les moyens domestiques pour traquer la fraude fiscale, 1 500 agents supplémentaires étant prévus d’ici à la fin du quinquennat. Nous allons aussi disposer de moyens nouveaux et modernes pour traquer les flux, y compris les flux des personnes, pour nous assurer que celles et ceux qui ne résident pas légalement en France n’y passent pas trop de temps.

De plus, nous allons aussi travailler sur la symétrie des relations entre l’administration et les contribuables. Quand un contribuable commet une erreur, il paie des intérêts de retard. Il est important que l’administration en fasse autant à l’égard des contribuables qui auraient eux-mêmes souffert d’une erreur.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, le Gouvernement ne mégote pas sur les moyens tant à l’échelon national qu’à l’échelon international. Nous continuons à lutter contre l’optimisation fiscale, voire contre la fraude fiscale. À cette fin, nous souhaitons augmenter les moyens que nous y consacrons et nous allons le faire ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

mise en œuvre de la consigne plastique

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Marta de Cidrac. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, promulguée en février 2020, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, fixe dans son article 66 les objectifs de collecte que la France doit atteindre en matière de recyclage des bouteilles en plastique.

Elle indique également les étapes à suivre pour pouvoir évaluer cette trajectoire. Surtout, elle précise que, en concertation avec les parties prenantes, notamment les collectivités, le Gouvernement peut définir après la publication du bilan de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), prévu et attendu en 2023, et après évaluation des impacts environnementaux et économiques, les modalités d’une éventuelle mise en œuvre de la consigne.

Tel était le préalable indispensable à toute décision sur la consigne, que l’on y soit favorable ou non. Or, sans attendre les résultats de l’étude de l’Ademe, vous avez lancé votre propre évaluation dès janvier, monsieur le ministre. Cette méthode interpelle, vous en conviendrez. Vous enjambez sans égard les engagements pris et fixés dans la loi,…

Mme Sophie Primas. Comme d’habitude !

Mme Marta de Cidrac. … laissant planer le doute sur vos intentions réelles.

Les parties prenantes, particulièrement les élus, s’inquiètent et s’interrogent, surtout au regard des investissements lourds engagés dans leur territoire en faveur de la transition écologique.

Ma question, monsieur le ministre, est simple : quelles sont franchement vos intentions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice de Cidrac, je m’adresse autant à la sénatrice qu’à la présidente du groupe d’études Économie circulaire.

La loi anti-gaspillage prévoit le lancement obligatoire, au premier semestre de 2023, d’une concertation par le Gouvernement. Celle-ci a été engagée par la secrétaire d’État Bérangère Couillard le 30 janvier dernier. Il s’agit d’une concertation : aucune décision n’a été prise, car il existe en réalité des disparités dans notre pays. Ces dernières doivent nous interpeller.

L’objectif de la loi anti-gaspillage est d’atteindre un taux de recyclage des bouteilles en plastique de 77 % en 2025 et de 90 % en 2029. Pour les emballages plastiques, le seuil est fixé à 50 % de recyclage en 2025 et à 55 % en 2029. Nous sommes à 60 % pour les bouteilles en plastique, pour un objectif de 77 % dans deux ans. Et nous sommes à seulement 25 % pour les emballages plastiques, l’objectif étant 50 % dans deux ans.

Pour autant, derrière ces chiffres, se cachent d’énormes disparités. La région Île-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, par exemple, sont aux alentours de 40 % pour les bouteilles en plastique contre une moyenne de 60 %.

À l’inverse, la Bretagne et les Pays de la Loire sont à plus de 70 %. Un département comme la Haute-Saône a même déjà atteint 90 % de recyclage des bouteilles en plastique. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est dire si, dans ce domaine, nous devons aussi nous inspirer de ce qui fonctionne !

La concertation vise, à la fois, dans le cadre de groupes de travail nationaux, à examiner comment faire plus et mieux et à profiter du retour des collectivités locales. Ces dernières ont avancé une première série de propositions le 18 avril dernier. Nous en attendons une deuxième le 24 mai prochain. Dans l’intervalle, le rapport de l’Ademe, qui sera publié d’ici à quelques jours, viendra compléter ce processus de concertation.

Aucune décision, je le répète, n’a été prise. Je sais les investissements réalisés par les collectivités locales. Ce qui nous importe, c’est d’être efficaces. Or il existe aujourd’hui un enjeu de souveraineté : nos filières de recyclage et de réemploi doivent pouvoir bénéficier de plastique. Il existe par ailleurs un enjeu budgétaire pour les collectivités locales.

De surcroît, il existe un enjeu de justice, à savoir que tout le monde paie les malus à l’échelon européen pour les kilos de plastiques non recyclables utilisés, que l’on soit dans une région qui réalise des efforts ou dans une région qui n’en fait pas. Il existe aussi des disparités assez saisissantes à l’échelle des grandes villes, qui permettent de mesurer à quel point ce ne sont pas nécessairement ceux qui parlent le plus d’écologie qui font le plus de recyclage ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir rappelé tous les objectifs chiffrés de la loi Agec.

Vous l’avez souligné, certaines régions et certains départements s’inscrivent tout à fait dans la bonne trajectoire, et ce sans consigne, ce qui laisse supposer que nous avons aussi d’autres moyens pour parvenir à atteindre nos objectifs.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, l’enjeu environnemental de la loi Agec n’est pas suffisamment défendu. Vous avez évoqué l’enjeu économique, mais il existe également un véritable enjeu de pouvoir d’achat pour les Français. Nous devons avoir ces considérations-là à l’esprit.

Enfin, je me félicite que le Sénat ait pris la décision d’instituer une mission d’information relative à la consigne pour recyclage ou réemploi sur les emballages, qui commence ses travaux. Nous menons un grand nombre d’auditions et nous voyons bien que la consigne est très loin de susciter un consensus.

J’espère, monsieur le ministre, que lors de votre rencontre avec les associations d’élus,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Marta de Cidrac. … vous tiendrez compte des quatorze propositions qui vous ont été faites. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez et M. Alain Duffourg applaudissent également.)

financement des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’inflation s’est installée durablement à un haut niveau dans notre société.

De très nombreux Français vivent au quotidien une austérité de fait, qui affecte sensiblement leur pouvoir de vivre.

Alors que les défis environnementaux et sociaux sont immenses, le rétablissement des comptes publics ne doit pas se faire au détriment de l’action publique, celle de l’État comme celle des collectivités, qui sont en première ligne auprès de nos concitoyens.

Au terme de l’année 2023, l’inflation se sera traduite par une perte, en euros constants, de plus de 1 milliard pour la seule dotation globale de fonctionnement (DGF). L’inflation est très supérieure à 10 % pour le panier du maire, et elle va durer.

À ce niveau, vous ne pouvez pas laisser l’action publique locale s’affaiblir durablement.

Dans ce contexte, les élus constatent que les filets de sécurité et autres amortisseurs ont des limites.

En matière d’investissement, des préfectures enregistrent des taux de réalisation d’à peine 60 % sur le cycle de mandat et rendent des crédits. Il n’est pas normal que des collectivités renoncent à l’action pour cause de capacité d’autofinancement dégradée par la conjoncture ou de complexité administrative de gestion des dossiers.

Par exemple, une gestion différente des dossiers éligibles à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) devrait être proposée par le Gouvernement pour soutenir les projets des élus locaux.

Madame la ministre, quelles mesures structurelles et durables envisagez-vous de prendre pour préserver, voire pour restaurer, les capacités de fonctionnement et d’investissement de nos collectivités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Montaugé, pour la première fois depuis treize ans, et vous le savez bien, le Gouvernement a décidé d’une hausse exceptionnelle de 320 millions d’euros en loi de finances, qui a permis à 90 % des communes de voir leur DGF augmenter. (Protestations sur les travées du groupe SER. – M. Franck Montaugé ironise.)

Dans la ruralité, que vous connaissez bien, monsieur le sénateur, la DGF de 94 % de nos communes a augmenté.

Mme Sophie Primas. De 400 euros !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Ces hausses de DGF s’ajoutent à l’ensemble des mesures décidées en loi de finances pour 2023 pour soutenir les finances des collectivités territoriales. Je pense au bouclier tarifaire, à l’amortisseur électricité, au filet de sécurité, au maintien des dotations d’investissement à leur plus haut niveau, à la création du fonds vert et à la revalorisation des bases de fiscalité locale à hauteur de 7 %.

M. Rachid Temal. C’est Byzance !

M. Mickaël Vallet. C’est trop ! N’en jetez plus !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. À cet égard, je rappelle que, pour 2023, la somme des mesures prévues pour les collectivités a été plus importante qu’une simple indexation de la DGF sur l’inflation : 2,8 milliards d’euros ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2023 alors qu’une indexation sur la DGF n’aurait conduit qu’à une augmentation de 1,1 milliard d’euros en 2023.

Cet effort significatif témoigne de la volonté du Gouvernement d’apporter un soutien continu aux communes, particulièrement à celles qui sont confrontées à des difficultés économiques et sociales. L’intégralité des conséquences de l’inflation doit faire l’objet d’un effort commun des collectivités territoriales et de l’État.

En résumé, comme l’a indiqué Christophe Béchu précédemment, bien que la situation financière des collectivités locales à la fin de l’année 2022 soit encore meilleure qu’à la fin de l’année 2021, il existe entre les situations beaucoup d’hétérogénéité (M. Loïc Hervé opine.), je suis d’accord, mais le nombre de communes dont l’épargne brute est négative diminue très significativement.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je suis à votre disposition, ainsi qu’à celle des communes de votre département. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. Je ne partage pas du tout votre analyse, madame la ministre. Nombre de collectivités vont connaître des jours très difficiles. J’ai compris, pour ma part, qu’elles seront partie intégrante du plan d’austérité que vous êtes en train de mettre en place.

À l’inverse, nous pensons que, pour répondre aux besoins des Français, les moyens des collectivités doivent être préservés à tout prix. Avec les élus locaux, nous restons dans l’attente de mesures rapidement efficaces. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Loïc Hervé et Mme Sophie Primas applaudissent également.)

accompagnants des élèves en situation de handicap

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Vial. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Monsieur le ministre, 430 000 élèves sont reconnus en situation de handicap, soit en moyenne un élève par classe.

Il est de la responsabilité de votre ministère, mais c’est aussi une question de justice sociale, d’humanité et d’honneur pour notre pays, d’accompagner au mieux ces enfants et adolescents vers plus d’autonomie et vers la réussite scolaire.

Il est vrai que ces dernières années des moyens importants ont été mis en œuvre par l’État pour favoriser leur prise en charge et leur accompagnement humain grâce au recrutement massif d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Au nombre de 135 000, ces derniers sont aujourd’hui le deuxième métier de l’éducation nationale.

Toutefois, en l’absence d’une organisation adaptée et d’une véritable approche éducative centrée sur les besoins spécifiques de ces élèves, notre système a atteint ses limites et ne permet pas de répondre aux attentes des enfants et des familles concernés. Il met même parfois l’institution scolaire en difficulté.

Dans un récent rapport que j’ai rendu au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, nous appelons à franchir une nouvelle étape dans la mise en œuvre d’une politique d’inclusion scolaire efficace et nous formulons une vingtaine de préconisations.

Nous vous proposons de mettre en place un cadre culturel rénové et une organisation administrative profondément corrigée, en faisant de l’accessibilité pédagogique la priorité qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, en prônant une prise en charge des élèves plus qualitative et continue, en améliorant les relations avec les familles, en renforçant les liens avec le secteur médico-social, ainsi qu’en respectant et en professionnalisant le beau métier d’AESH.

Alors que la Conférence nationale du handicap a créé plus de déceptions qu’elle ne suscite d’espoir, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à travailler sur la base des propositions du Sénat à la création d’un véritable service public de l’inclusion scolaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Mickaël Vallet, Mmes Marie-Arlette Carlotti et Cécile Cukierman applaudissent également.)

M. Max Brisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Cédric Vial, je veux d’abord vous remercier pour votre récent rapport d’information, dont je partage les constats et une bonne partie des propositions.

Vous l’avez souligné, 430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire. Plus de 130 000 AESH sont employés. Le budget annuel de l’école inclusive s’élève à 3,8 milliards d’euros. Il s’agit de chiffres importants.

Pour autant, les difficultés que vous pointez sont bien réelles. Elles ont motivé les propositions du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 26 avril dernier, propositions très substantielles – nous aurons l’occasion d’échanger ensemble à ce sujet.

Dès la rentrée 2023, tous les enfants scolarisés, y compris ceux qui sont en milieu médico-social, bénéficieront d’un identifiant national les rattachant à l’éducation nationale et permettant de suivre leur scolarité.

Par ailleurs, nous devons progresser concernant le temps de travail des AESH. Nous avançons du côté du périscolaire avec les collectivités, mais nous proposons aussi de rapprocher les AESH de la vie scolaire et des assistants d’éducation de manière à augmenter leur temps de travail, à les attacher à un établissement et à enrichir leur métier.

Par ailleurs, nous proposons également, en amont des notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) – vous connaissez les difficultés que nous rencontrons à leur sujet –, de transformer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) en structures capables d’accueillir les élèves, mais également d’évaluer leurs besoins.

Nous allons également permettre aux enseignants d’investir dans l’adaptation pédagogique via la formation des équipes, la mise en place d’enseignants référents dans les écoles et l’achat de matériel pédagogique adapté.

Enfin, nous allons vers le renforcement de la coopération entre le médico-social et l’école.

En bref, monsieur le sénateur, l’ambition que je porte avec le Gouvernement pour l’avenir de l’école inclusive est très largement partagée dans votre rapport. Nous aurons l’occasion d’échanger sur ce sujet.

nomination des parlementaires dans les conseils d’administration des agences régionales de santé

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Dynamiques tout au long de la crise sanitaire, les collectivités ont demandé à participer plus activement à la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) pour mieux coordonner les réponses institutionnelles sur le terrain.

Actuellement, les ARS sont présidées par un conseil de surveillance qui se réunit trimestriellement. La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a prévu le remplacement de ce conseil de surveillance par un conseil d’administration.

Cette mesure vise à renforcer l’ancrage territorial de ces établissements publics, ainsi que le rôle des parlementaires, afin de corriger le fonctionnement d’une administration trop centralisée.

En tant que membre du Sénat, j’ai été désignée le 22 avril 2022 par le président Gérard Larcher pour siéger, avec voix consultative, au sein du conseil d’administration de l’ARS Île-de-France. Ma collègue Nadia Sollogoub, que j’associe à ma question, l’a été pour l’ARS Bourgogne-Franche-Comté.

N’ayant pas reçu de convocation, à l’instar de tous mes collègues sénateurs, pour participer aux réunions de cette instance, j’ai découvert à ma grande surprise que les décrets d’application organisant l’évolution de ce conseil n’ont pas été publiés à ce jour. (M. Loïc Hervé opine.) Par conséquent, la direction des ARS ne peut pas modifier le fonctionnement actuel.

Pour contribuer aux projets qui répondent aux besoins des territoires, notamment pour faire face au défi de la désertification médicale, les membres titulaires de ce futur conseil d’administration attendent impatiemment la publication de ces décrets.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, m’apporter plus de précisions à ce sujet et m’indiquer votre plan d’action pour accélérer l’évolution de ces dispositions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Guidez, associer plus et mieux les élus au pilotage et à la refondation de notre système de santé, c’est l’esprit même du Conseil national de la refondation (CNR) Santé, qui est décliné dans tous les territoires, en concertation avec les élus, les citoyens et les professionnels de santé.

Telle est la méthode choisie par ce gouvernement, qui a le souci de dialoguer et de respecter la concertation avec le terrain.

Je ne peux donc que souscrire aux dispositions de la loi 3DS, voire m’en réjouir, car elles nous permettront de rénover le pilotage des ARS en donnant plus de place aux élus. Leur nombre sera en effet multiplié par deux dans les nouveaux conseils d’administration.

Vous le savez, l’une de mes priorités est également de mettre en application les lois votées par le Parlement, comme en témoigne la récente mise en œuvre de la loi longtemps attendue visant à plafonner l’intérim médical.

La présidente Catherine Deroche m’a également interpellé hier sur l’absence de parution du décret que vous évoquez, et que je déplore. Je puis vous rassurer, le travail se fait à l’échelle intergouvernementale et se poursuit avec les différentes parties prenantes, mon objectif étant que ce décret soit publié dans le courant de l’été.

Mme Corinne Féret. Un an et demi après !

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Mme Jocelyne Guidez. La situation est assez ubuesque. Nous avons été désignés depuis plus d’un an, mais nous ne pouvons toujours pas siéger dans ces conseils d’administration. Des élections sénatoriales vont avoir lieu en septembre : aurai-je la chance d’y siéger un jour ? Monsieur le ministre, dépêchez-vous, cela devient très urgent ! (Sourires et applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. Le Journal officiel portant nomination de Mme Guidez et d’autres collègues est daté du 10 juin 2022.

industrie du bois

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Vincent Segouin. Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le 15 avril dernier, la Caisse des dépôts et consignations, propriétaire de nombreuses forêts, a suspendu tous ses chantiers jusqu’à nouvel ordre. La direction interdépartementale des routes, qui veille à la sûreté routière, a fait de même. Ces arrêts font suite à une décision de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui se fonde sur l’article L. 411-1 du code de l’environnement, lequel permet d’interdire toute destruction d’habitat et de suspendre tout chantier en forêt ou sur bosquet.

Les entreprises de travaux forestiers voient leurs commandes être annulées. Chaque année, près de 200 000 chantiers de sylviculture, d’entretien et de récolte sont ouverts. Ces entreprises nous alertent, car elles se retrouvent sans activité pendant une période minimum de cinq mois, non définie, et dépendante de l’arbitrage de l’OFB. Elles seront dorénavant incapables d’exploiter les bois en milieu humide, de réaliser en sept mois les travaux annuels et de produire le besoin national en bois.

Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que les entreprises du bois contribuent à la protection contre les incendies, comme nous l’avons souhaité dans le texte visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie voté en avril dernier, en réponse aux sinistres importants que nous avons connus en 2022 ?

Le bois est aussi le matériau nécessaire à la construction et à la lutte contre la précarité énergétique des logements. La pénurie créera de l’inflation et contribuera à la crise du logement naissante.

Enfin, le bois est une source d’énergie renouvelable nous permettant de lutter contre la dépendance aux énergies fossiles.

Sans exploitation temporaire, les entreprises vont devoir recourir au chômage partiel, arrêter leurs investissements, voire se mettre en cessation d’activité. Seront-elles les prochaines victimes de la désindustrialisation de la France ?

De plus, l’interprétation de l’article du code de l’environnement par l’OFB, qui voit un danger dans tout chantier en forêt, me paraît abusive et éloignée de la volonté du législateur.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire dans un futur immédiat et de façon durable pour les entreprises du bois qui, comme toutes les autres, ne peuvent vivre sans travailler ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Segouin, pour vous répondre, j’évoquerai non pas ce que nous allons faire, mais ce que nous avons déjà fait. Les inquiétudes que vous évoquez nous ont été remontées, et vous avez raison de les pointer, mais nous faisons face à un enjeu crucial, qui va au-delà de la question que vous posez : je veux parler de l’ensemble de la gestion forestière en France, qui peut être à la fois un moyen de réindustrialisation, de soutien à la décarbonation et de stockage de carbone.

Cette brique essentielle de la planification écologique a été précisée, sous l’autorité de la Première ministre. Ainsi, un plan prévoyant la plantation d’un milliard d’arbres,…

M. Bruno Sido. Ce n’est pas la question !

M. Christophe Béchu, ministre. … a été annoncé, lequel soulève deux problèmes dont il faut nous occuper.

Le premier, qui n’est pas l’objet de votre question, concerne les ongulés, le deuxième, que vous soulevez, a trait aux injonctions liées, d’une part, à la transposition des directives européenne Habitat et Oiseaux, et, d’autre part, aux obligations légales en matière de débroussaillement, et, plus largement, de travaux sylvicoles de récolte, d’entretien ou tout simplement d’aménagement.

Sur 200 000 chantiers sylvicoles, il y a eu quinze verbalisations cette année.

M. Jean-François Husson. Ils font ce qu’ils peuvent !

M. Christophe Béchu, ministre. Ce nombre est exactement le même que l’année dernière à la même époque, sans qu’il y ait eu la moindre évolution dans la réglementation.

En revanche, cette incompréhension, dont vous vous faites le porte-parole, m’est parvenue. Aussi ai-je demandé au délégué ministériel forêt-bois de réunir l’ensemble des acteurs concernés – les ONG et toutes les entreprises sylvicoles –, en liaison étroite avec le ministère de l’agriculture, compétent s’agissant de la récolte sylvicole.

M. Jean-François Husson. Cela devient compliqué…

M. Christophe Béchu, ministre. Ses conclusions m’ont été remises à la fin du mois d’avril. Nous avons consulté les acteurs forestiers ces tout derniers jours et les propositions pour clarifier les règles leur conviennent.

J’y insiste, nous évoquons des lieux qui présentent un double enjeu : ce sont, certes, des sanctuaires de biodiversité, mais ils ont aussi vocation à être travaillés par l’homme. Concilier les deux aspects, tel est le sens des propositions que Marc Fesneau et moi-même rendrons publiques dans les tout prochains jours. Je le répète, celles-ci ont fait l’objet d’une consultation avec les têtes de réseau sylvicoles et les ONG afin de trouver la voie d’un compromis qui permette de tenir les deux bouts de cette chaîne absolument indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

places dans les crèches

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme Émilienne Poumirol. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Après des années d’immobilisme gouvernemental lors du quinquennat précédent, il aura fallu un drame pour que vous vous saisissiez du sujet de la petite enfance et des crèches.

La situation n’est pourtant pas nouvelle. Après des années de sous-investissement et de déréglementation, le constat que fait aujourd’hui l’inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport est sans appel. Elle souligne que, « sur le plan systémique, les conditions ne sont pas réunies, à ce jour, pour garantir une qualité d’accueil » dans les crèches.

L’inspection pointe à la fois la maltraitance institutionnelle qui pèse sur les professionnels, un taux d’encadrement trop faible, une formation insuffisante des personnels, des modes de financement inadéquats, une gouvernance et un contrôle qui doivent être renforcés. Et elle va plus loin en faisant le parallèle avec la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

En effet, elle relève dans son rapport que le secteur des crèches est également marqué par la domination de grands groupes privés à but lucratif, ce qui a conduit, ces dernières années, à « une dégradation progressive de la qualité d’accueil au profit de logiques financières ».

Après les hôpitaux, les Ehpad, c’est au tour des crèches d’être délaissées par la puissance publique, et ce au profit de la logique marchande.

Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin reformer le secteur de la petite enfance et investir pour permettre à chaque enfant d’être accueilli dans des conditions qui garantissent son développement et son bien-être ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Raymonde Poncet Monge et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice Poumirol, vous avez raison, la sécurité des enfants accueillis doit être la première de nos priorités collectives. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dès que j’ai été nommé ministre, en juillet dernier, j’ai diligenté une mission de l’inspection générale des affaires sociales pour faire la lumière sur la situation dans les crèches et nous assurer de la robustesse des règles qui y sont appliquées, ainsi que de la qualité des contrôles. J’ai également demandé que les inspecteurs nous fassent un certain nombre de propositions.

Vous avez rappelé un certain nombre de constats, mais il me semble important de préciser que la qualité de l’accueil est hétérogène dans tous les secteurs, tant dans le secteur public que dans le secteur associatif ou privé commercial. Cette hétérogénéité n’est pas l’apanage d’un seul secteur.

Beaucoup de problèmes sont dus à la pénurie de professionnels, mais aussi au manque d’intégration des connaissances sur le jeune enfant dans les projets d’établissement et dans la formation des professionnels. Enfin, le rapport met au jour les limites des contrôles qui sont assurés aujourd’hui par les services de protection maternelle et infantile (PMI) des départements.

Vous le savez, j’ai fait de la lutte contre les maltraitances une priorité de mon ministère. J’ai lancé récemment les états généraux des maltraitances. Cette lutte est le fil rouge de mon action à la tête du ministère dont j’ai la responsabilité.

Je précise par ailleurs que, la qualité et la sécurité d’accueil étant notre priorité, il n’est pas question de laisser ouvertes des crèches ou des places d’accueil en cas de manque de professionnels. La Première ministre a ainsi demandé l’été dernier à l’ensemble des préfets de fermer les crèches dans ce cas.

Enfin, sachez que j’aurai également à cœur de mettre en œuvre…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Christophe Combe, ministre. … les trente-neuf propositions qui ont été faites par les inspecteurs généraux des affaires sociales dans le cadre de la mise en place de la garantie d’accueil du jeune enfant.

Mme Laurence Rossignol. Qu’attendez-vous ?

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, vous évoquez les trente-neuf propositions formulées dans ce rapport de l’Igas. Certes, la qualité de l’accueil est hétérogène tant dans le secteur public que dans le secteur privé, mais il ne faut pas oublier que les normes en matière d’encadrement ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Or vous savez bien que le personnel représente le premier poste de dépenses des crèches.

Nous avons besoin d’actes, monsieur le ministre, et non pas d’intentions vagues et sans calendrier.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Émilienne Poumirol. Il est temps de mettre en place un véritable service public de la petite enfance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

situation d’un détenu en centrafrique

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christophe-André Frassa. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Il y a deux ans jour pour jour, le 10 mai 2021, notre compatriote Juan Rémy Quignolot a été arrêté à Bangui par les autorités centrafricaines, pour de prétendues atteintes à la sécurité intérieure de l’État, pour complot et espionnage.

Notre compatriote a été maintenu dans un premier temps en détention provisoire, ce qui a légitimement provoqué des tensions entre la France et la République centrafricaine. Désormais en liberté provisoire, et sous le coup d’une enquête judiciaire qui s’éternise pour d’ubuesques faits d’espionnage, il est hébergé par l’ambassadeur de France, dont je tiens ici à saluer l’aide et le soutien qu’il apporte à notre compatriote.

Juan Rémy Quignolot a entamé une grève de la faim pour dénoncer sa situation. Les allégations fantaisistes portées contre lui ne peuvent en aucun cas constituer le fondement d’une enquête judiciaire sérieuse. Pourtant, même si la France appelle à sa libération immédiate, la situation, hélas, n’évolue pas.

Ce cas relève, à bien des égards, du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire. Notre compatriote est désormais l’otage de Bangui, au cœur d’une relation délétère entre la France et la Centrafrique. Rien de plus ! Nous ne pouvons pas l’accepter !

Ce triste anniversaire doit être le dernier et la France doit tout mettre en œuvre pour que Juan Rémy Quignolot retrouve sa liberté et son pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Monsieur le sénateur Frassa, voici ce que je peux vous répondre à ce stade, avec toutes les précautions qui conviennent dans cette situation. J’espère que vous le comprendrez.

Effectivement, M. Quignolot a été arrêté à Bangui en mai 2021. Il a été placé en détention provisoire en République centrafricaine pendant plus de seize mois. La justice centrafricaine a décidé, le 28 septembre 2022, de sa mise en liberté provisoire, afin qu’il puisse recevoir les soins médicaux nécessaires dans l’attente de son procès.

Ce que je peux vous dire, c’est que, durant sa détention provisoire, M. Quignolot a bénéficié de ce que l’on appelle la protection consulaire, prévue par la convention de Vienne du 24 avril 1963. Il a reçu, à ce titre, un certain nombre de visites consulaires. Sa situation continue d’être suivie quotidiennement à la fois à Bangui et à Paris, et les services du Quai d’Orsay sont en relation étroite avec sa famille. Ils suivent la situation et nous espérons évidemment une résolution rapide de son cas.

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour la réplique.

M. Christophe-André Frassa. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Ce que je veux, c’est que M. Quignolot sache, comme sa famille, que, loin de Bangui, il y a des gens qui se préoccupent de lui et qui mettent tout en œuvre pour qu’il revienne vers les siens le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

rassemblement des gens du voyage dans le loiret

M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Hugues Saury. Madame la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, depuis de nombreuses années, pour les fêtes de Pentecôte, à Nevoy, dans le Loiret, des milliers de pèlerins issus de la communauté des gens du voyage provenant de la France entière convergent vers un terrain privé de l’association Vie et Lumière. En 2022, ils étaient plus de 30 000 et, depuis le 6 mai dernier, ils sont plus de 40 000 voyageurs dans une commune de 1 200 habitants, au sein d’un bassin de vie de 25 000 personnes autour de la petite ville de Gien.

Faute de places, des gens du voyage occupent illégalement des terrains agricoles, branchent leurs installations électriques et d’eau directement chez des particuliers, et les alentours, devenus un véritable cloaque, sont jonchés d’immondices en tout genre.

De fortes tensions sont en train d’éclater entre les habitants excédés et des gens du voyage. Cette situation pose de graves problèmes de sécurité, de salubrité et de santé publiques, d’autant que les urgences de l’hôpital de Gien sont fermées jusqu’au mois de septembre prochain, faute de personnel. Aucun des services publics n’est dimensionné pour un tel afflux.

Jusqu’à présent, les élus acceptaient le principe d’un unique rassemblement, dès lors que celui-ci respectait les capacités du terrain, soit 20 000 personnes. Ce n’est plus le cas et, depuis quelques années, un second rassemblement de gens du voyage venant de toute l’Europe est même organisé en août.

En 2015, les élus locaux et les parlementaires, dont nos collègues Sueur et Cardoux, avaient déjà alerté le Premier ministre, lequel s’était engagé à ce que l’État propose dorénavant un autre lieu pour un second rassemblement annuel. La promesse fut respectée pendant quelques années, mais elle ne tint qu’un temps. Depuis, les élus ont été promenés dans différents ministères et ont été reçus par plusieurs premiers ministres. En vain !

L’ensemble des habitants subissent au quotidien, nuisances et incivilités, et la commune de Nevoy demeure isolée.

Madame la ministre, pouvez-vous en priorité faire respecter la parole de l’État ? Comptez-vous faire preuve d’autorité pour enfin reprendre le contrôle de cette situation inadmissible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Stéphane Demilly et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Saury, j’ai bien conscience des difficultés que vous soulevez.

Je le sais pour avoir échangé avec Anthony Dubois, le rassemblement de Nevoy revêt une importance toute particulière pour les gens du voyage. Ce rassemblement évangélique, qui se déroule cette année du 6 au 14 mai, devait accueillir environ 20 000 personnes. Elles sont aujourd’hui plus de 40 000, comme vous l’avez indiqué, dans une commune de 1 200 habitants. Cela fait peser sur cette dernière et les services de l’État une très forte contrainte.

Je tiens à saluer l’implication des élus et des services de l’État pour que cet événement se déroule dans les meilleures conditions.

Cette surfréquentation de gens du voyage sur des terrains non prévus à cet effet pose de réels problèmes de circulation et en matière sanitaire. À cet égard, la préfète du Loiret et le Gouvernement ont pris des mesures fortes dans la perspective d’un second rassemblement au mois d’août.

J’entends les inquiétudes des riverains et des élus. Je le répète, le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce sujet. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je m’engage à ce que l’ensemble des parties prenantes – élus, associations d’élus, association Vie et Lumière – soient associées pour dégager des solutions pérennes pour les années à venir, dans le respect des sensibilités de chacun.

M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.

M. Hugues Saury. Madame la ministre, je constate que vous n’apportez aucune solution concrète pour le second rassemblement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Le Gouvernement fuit ses responsabilités, abandonne et livre à eux-mêmes les habitants de Nevoy. Ainsi, vous actez la totale démission de l’État pour protéger ses citoyens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 17 mai, à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Attribution à une commission des prérogatives d’une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen d’une demande de la commission des finances tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère, pour une durée de trois mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener une mission d’information portant sur la création du fonds Marianne, la sélection des projets et l’attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds.

Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de la séance du 3 mai dernier.

Je mets aux voix la demande de la commission des finances.

(La demande de la commission des finances est adoptée.)

M. le président. En conséquence, la commission des finances se voit conférer, pour une durée de trois mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener cette mission d’information.

Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d’être prise par le Sénat.

5

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer
Article 1er

Code monétaire et financier et diverses dispositions relatives à l’outre-mer

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer (projet n° 540, texte de la commission n° 573, rapport n° 572).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre vii du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer

Chapitre Ier

Ratification des ordonnances

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

Lordonnance n° 2021-1200 du 15 septembre 2021 relative aux titres Ier et II de la partie législative du livre VII du code monétaire et financier est ratifiée.

Lordonnance n° 2022-230 du 15 février 2022 relative aux titres III à VIII de la partie législative du livre VII du code monétaire et financier est ratifiée.

Lordonnance n° 2022-1229 du 14 septembre 2022 modifiant lordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021 modernisant le cadre relatif au financement participatif et lordonnance n° 2022-230 du 15 février 2022 relatif aux titres III à VIII de la partie législative du livre VII du code monétaire et financier est ratifiée.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer
Article 2

Article 1er bis (nouveau)

Au premier alinéa du II de larticle 48 de la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions dadaptation au droit de lUnion européenne dans le domaine des transports, de lenvironnement, de léconomie et des finances, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

Chapitre II

Modifications du livre VII du code monétaire et financier

Article 1er bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer
Article 3

Article 2

I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° La deuxième ligne du tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 773-4, L. 774-4 et L. 775-4 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 511-29

l’ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017

L. 511-33

la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022

» ;

2° La septième ligne du tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 773-5, L. 774-5 et L. 775-5 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 511-41

la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022

L. 511-41-1-A

l’ordonnance n° 2021-796 du 23 juin 2021

» ;

3° La dernière ligne du tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 773-28, L. 774-28 et L. 775-22 est ainsi rédigée :

 

«

L. 531-12

la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022

» ;

4° Le tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 783-15, L. 784-15 et L. 785-14 est ainsi rédigé :

 

«

Articles applicables

Dans leur rédaction résultant de

L. 634-1 à L. 634-3

la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022

L. 634-4

la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016

» ;

5° Le tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 732-3, L. 733-3 et L. 734-3 est ainsi modifié :

a) La douzième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 133-18

la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022

L. 133-19

l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017

» ;

b) La dix-septième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 133-26

la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022

L. 133-27

l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017

» ;

c) (Supprimé)

6° La cinquième ligne du tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 742-11, L. 743-11 et L. 744-11 est ainsi rédigée :

 

«

L. 221-6

la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022

» ;

7° La quatrième ligne du tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 783-2, L. 784-2 et L. 785-2 est ainsi rédigée :

 

«

L. 612-3

la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022

»

II (nouveau). – La dix-septième ligne du tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 732-3, L. 733-3 et L. 734-3 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur le 1er janvier 2024.

Article 2
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Article 4

Article 3

Le 8° de larticle L. 711-5 et le 6° de larticle L. 711-6 du code monétaire et financier sont abrogés.

Article 3
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Article 5

Article 4

La section 2 du chapitre II du titre II du livre VII du code monétaire et financier est ainsi modifiée :

1° Larticle L. 722-3 est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° “Argent liquide”, les espèces, les instruments négociables au porteur, les marchandises servant de réserves de liquides et les cartes prépayées. Constituent des marchandises servant de réserves de liquides les pièces contenant au moins 90 % dor et le métal non monnayé tel que lingots, pépites et autres agglomérats dor natif contenant au moins 99,5 % dor. » ;

2° Lintitulé du paragraphe 2 de la sous-section 2 est ainsi rédigé : « Les obligations de déclaration » ;

3° Au premier alinéa de larticle L. 722-20, les mots : « au II de larticle L. 722-18 et à larticle » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 722-18 et » ;

4° Au premier alinéa de larticle L. 722-21, les mots : « et L. 722-19 » sont remplacés par les mots : « à L. 722-20 ».

Article 4
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Article 6

Article 5

Le 14° des articles L. 752-3 et L. 753-3 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« 14° Le retrait despèces, par carte, dans un distributeur automatique. Toutefois, le retrait despèces, par carte, dans un distributeur automatique appartenant au réseau de la banque où le client a domicilié ses comptes, est gratuit ; ».

Article 5
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Article 7

Article 6

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À larticle L. 773-45, les mots : « du IV de larticle L. 773-43 et des III des articles L. 773-44 et L. 773-45 » sont remplacés par les mots : « de la section 8 du présent chapitre » ;

2° À larticle L. 774-45, les mots : « du IV de larticle L. 774-43 et des III des articles L. 774-44 et L. 774-45 » sont remplacés par les mots : « de la section 8 du présent chapitre ».

Chapitre III

Modernisation des missions de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer

Article 6
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Article 8

Article 7

La sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre VII du code monétaire et financier est ainsi modifiée :

1° Larticle L. 721-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« LInstitut démission des départements doutre-mer, lInstitut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques ministériels se transmettent, dans le respect des dispositions applicables, les données qui sont nécessaires à lexercice de leurs missions respectives. Les modalités de transmission peuvent faire lobjet de conventions. » ;

2° Le dernier alinéa de larticle L. 721-12 est supprimé ;

3° Larticle L. 721-14 est ainsi rédigé :

« Art. L. 721-14. – À Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, lInstitut démission des départements doutre-mer assure, sur le fichier tenu en application du présent article et de larticle L. 721-24, la centralisation des informations permettant didentifier les comptes de toute nature détenus par les personnes physiques et morales, ainsi que les locations de coffres-forts.

« LInstitut informe les établissements et les personnes habilités à tenir les comptes et à ouvrir notamment des comptes dépargne réglementée. » ;

4° Au premier alinéa de larticle L. 721-15, les mots : « sur lesquels des chèques peuvent être tirés » sont remplacés par les mots : « de toute nature et aux coffres-forts ».

Chapitre IV

Modernisation des missions de l’Institut d’émission d’outre-mer

Article 7
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Article 9

Article 8

La sous-section 2 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre VII du code monétaire et financier est ainsi modifiée :

1° Larticle L. 721-19 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lopposabilité aux tiers et la mise en œuvre des droits de lInstitut sur les instruments financiers, effets, créances ou sommes dargent nantis, cédés en propriété ou autrement constitués en garantie à leur profit ne sont pas affectées par louverture des procédures collectives de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires prévues au livre VI du code de commerce et par les dispositions équivalentes applicables localement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ayant le même objet, ou toute procédure judiciaire ou amiable équivalente sur le fondement dun droit étranger, ni par aucune procédure civile dexécution prise sur le fondement du droit français ou dun droit étranger, ni par lexercice dun droit dopposition.

« Nonobstant toute disposition contraire, aucun droit de compensation ne peut engendrer lextinction, en tout ou partie, des créances remises en garantie à lInstitut. » ;

2° Après le premier alinéa de larticle L. 721-21, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« LInstitut et les instituts ou services statistiques de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna peuvent se transmettre les données qui leur sont nécessaires pour lexercice de leurs missions respectives. » ;

3° Les deux premiers alinéas de larticle L. 721-24 sont ainsi rédigés :

« En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, lInstitut démission doutre-mer assure, sur le fichier tenu en application de larticle L. 721-14 et du présent article, la centralisation des informations permettant didentifier les comptes de toute nature détenus par les personnes physiques et morales ainsi que les locations de coffres-forts.

« LInstitut informe les établissements et les personnes habilités à tenir les comptes et à ouvrir notamment des comptes dépargne réglementée. » ;

4° Au premier alinéa de larticle L. 721-26, les mots : « sur lesquels des chèques peuvent être tirés, » sont remplacés par les mots : « de toute nature et aux coffres-forts » ;

5° Le paragraphe 2 est complété par un article L. 721-27 ainsi rédigé :

« Art. L. 721-27. – LInstitut démission doutre-mer peut entrer directement en relation avec les entreprises et groupements professionnels qui sont disposés à participer à ses enquêtes. Ces entreprises et groupements professionnels volontaires communiquent à lInstitut des informations sur leur situation financière.

« LInstitut peut communiquer tout ou partie des renseignements quil détient sur la situation financière des entreprises aux autres banques centrales, aux services fiscaux de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et des îles Wallis et Futuna pour leur mission économique, aux services locaux desdites collectivités à vocation économique ou financière intervenant dans la prévention et le traitement des difficultés des entreprises, aux établissements de crédit et aux sociétés de financement, aux sociétés de gestion de portefeuille, aux intermédiaires en financement participatif lorsquils exercent lintermédiation au sens de larticle L. 548-1 pour les opérations de prêt à titre onéreux ou à titre gratuit, aux prestataires des services de financement participatif ainsi quaux entreprises dassurance en matière dassurance-crédit régies par les dispositions équivalentes applicables localement ayant le même objet en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, sous réserve que leurs interventions sadressent à des entreprises. »

Chapitre V

Le fichier des comptes outre-mer

Article 8
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Article 10

Article 9

(Supprimé)

Chapitre VI

Dispositions transitoires et finales

Article 9
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Article 11

Article 10

Au V de larticle 18 de lordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les mots : « L. 711-7 et L. 712-5 » sont remplacés par les mots : « L. 721-14 et L. 721-24 ».

Article 10
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 11

Les articles L. 721-14, L. 721-15, L. 721-24 et L. 721-26 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sappliquent à partir du 1er janvier 2024 aux comptes dépargne réglementée et du 1er janvier 2025 à la déclaration des coffres-forts, des mandataires et des bénéficiaires effectifs de personnes morales.

Vote sur l’ensemble

Article 11
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, depuis la crise financière de 2008, de très nombreuses règles ont été adoptées en matière de régulation financière, principalement à l’échelon européen.

Les dispositions du code monétaire et financier qui sont relatives à l’outre-mer se sont multipliées, à l’instar de celles qui sont applicables en métropole. Aussi, leur réorganisation et leur clarification étaient nécessaires.

Tout d’abord, l’option d’un code spécifique à l’outre-mer a été envisagée par mes services. Toutefois, dans un souci de simplification et d’intelligibilité des règles juridiques, nous avons finalement préféré une nouvelle présentation et une réécriture de la quasi-totalité des articles.

Notre objectif était de rendre plus accessible le nouveau livre VII du code monétaire et financier relatif aux outre-mer, pour répondre besoins tant des services de l’État que des usagers, en particulier ultramarins, et pour faciliter l’activité des opérateurs financiers et des entreprises.

Pour mémoire, les dispositions du projet de loi sont applicables de plein droit aux départements, régions et collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte –, régies par le principe d’identité législative, et aux collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 – Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon –, dont les statuts prévoient que les lois et règlements y sont applicables de plein droit.

Pour les collectivités du Pacifique, soumises au principe de spécialité législative, relevant de l’article 74 de la Constitution – la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna – et pour la Nouvelle-Calédonie, les lois et règlements n’y sont applicables que dans les matières relevant statutairement de la compétence de l’État et sur mention expresse. Or c’est le cas en matière bancaire et financière. Les dispositions du projet de loi y sont donc applicables, sur mention expresse.

Le projet de loi qui vous est soumis est l’aboutissement d’un travail de recodification de plus de trois ans. Il prévoit notamment la ratification des ordonnances relatives à la partie législative du code monétaire et financier.

L’ordonnance du 15 février 2022, qui a été prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, prévoit une habilitation permanente pour étendre à l’outre-mer les dispositions législatives déjà existantes qui ressortent de la compétence de l’État, à la condition d’une ratification effective. Cela implique un vote au Parlement, dans les dix-huit mois suivant leur publication.

Le projet de loi doit donc être impérativement ratifié, sous peine de caducité, avant le 26 août 2023. C’est pourquoi ce projet de loi est examiné selon la procédure accélérée.

Les collectivités concernées ont été consultées sur un certain nombre d’articles. Je pense à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie, qui l’ont été sur l’article 5, relatif au retrait de billets aux distributeurs automatiques.

Les collectivités ultramarines relevant des articles 73 et 74 de la Constitution, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, ont été consultées sur les articles 7 et 8, relatifs à la modernisation des missions de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) et de l’Institut d’émission d’outre-mer (Ieom).

Ce projet de loi, qui ratifie les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et qui porte diverses dispositions relatives à l’outre-mer, vous est soumis après son examen attentif par la commission des finances. Une fois adopté, il permettra d’achever la refonte du livre VII du code monétaire et financier.

Derrière l’intitulé austère de ce texte, je suis absolument certaine que notre objectif, essentiel pour les territoires d’outre-mer, trouvera un écho favorable dans votre chambre, puisqu’il s’agit d’améliorer la lisibilité et l’intelligibilité du droit bancaire et financier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons en première lecture le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, qui a été examiné selon la procédure de législation en commission.

Dans le temps qui m’est imparti, en remplacement de M. le rapporteur Hervé Maurey, dont je salue la grande implication, je rappellerai avant tout les délais d’examen particulièrement contraignants dans lesquels vous nous avez contraints à travailler. En effet, deux semaines seulement ont séparé la présentation du texte en conseil des ministres et son examen en commission !

Je ne m’attarderai pas sur les corrections formelles et techniques inscrites dans le projet de loi. Vous venez, madame la ministre, de présenter l’essentiel d’entre elles.

Les deux premiers articles modifient en profondeur la partie législative du livre VII du code monétaire et financier, qui comporte les dispositions applicables à l’outre-mer.

Tout d’abord, deux des trois ordonnances dont l’article 1er prévoit la ratification organisent la recodification du livre VII, et c’est opportun. Il est en effet devenu illisible au fil des évolutions apportées par le législateur et par la transposition du droit de l’Union européenne.

L’une de ces ordonnances a été prise sur le fondement de l’habilitation permanente, prévue à l’article 74-1 de la Constitution, lequel prévoit que les ordonnances prises sur son fondement deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans un délai de dix-huit mois suivant leur publication. Voilà pourquoi la ratification de ces deux ordonnances nous est proposée aujourd’hui.

Ensuite, la troisième ordonnance – elle n’a rien à voir – modifie l’ordonnance du 22 décembre 2021, qui a pour objet de moderniser le cadre relatif au financement participatif. Le lien avec les outre-mer est assez ténu, puisque l’ordonnance ne concerne pas exclusivement les dispositions du code monétaire et financier qui y sont applicables. Il s’agit, en réalité, de modifier une ordonnance relative aux règles du financement participatif.

Je rappelle que nous avions voté, à l’issue de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue), une expérimentation de trois ans pour permettre aux collectivités territoriales métropolitaines et ultramarines de recourir au financement participatif obligataire pour leurs activités commerciales. Dans un souci d’encadrement d’une telle expérimentation, il était prévu qu’un arrêté précise les conditions d’éligibilité pour les collectivités territoriales. Or il n’a été publié que le 23 janvier 2023, soit plus de quinze mois après la promulgation de la loi, le 8 octobre 2021.

En outre, l’arrêté prévoit que les collectivités volontaires ne peuvent déposer leur dossier de candidature que jusqu’au 31 mars 2024. Les critères d’éligibilité sont donc particulièrement contraignants.

Alors que le législateur a voulu et voté une expérimentation de trois ans, il nous est désormais proposé une expérimentation, qui serait très strictement encadrée, d’à peine plus d’un an ! Madame la ministre, vous conviendrez qu’une telle mesure est tout à fait contraire à la volonté du Parlement.

C’est la raison pour laquelle notre commission a inscrit dans le présent projet de loi, sur l’initiative de M. le rapporteur, l’article 1er bis, qui prévoit de porter la durée totale de l’expérimentation à cinq ans, soit trois ans effectifs.

Si nous ne pouvons agir sur le contenu de l’arrêté, il convient à tout le moins de nous assurer que l’expérimentation puisse être véritablement mise en œuvre. Aussi, je compte sur vous, madame la ministre.

L’article 2 rend applicables aux collectivités du Pacifique les modifications de certains articles du code monétaire et financier intervenues après la publication des ordonnances. Sur ce point, la commission s’est contentée d’adopter un amendement rédactionnel.

Les articles 7 à 9 portent sur la modernisation des missions de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, société par actions simplifiée dont le capital est détenu par la Banque de France, et de l’Institut d’émission d’outre-mer, établissement public qui met en œuvre la politique monétaire dans la zone du franc Pacifique.

Les articles 7 et 8, qui apportent des modifications d’ampleur modeste aux missions de ces deux instituts, ne posent pas de difficultés. Il s’agit par exemple d’étendre leurs missions en matière d’identification et de suivi des comptes inscrits dans le fichier des comptes d’outre-mer, le Ficom.

En revanche, l’article 9 avait pour objet de donner une base législative au Ficom, équivalent du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) en métropole. La commission a constaté que cette disposition soulevait plusieurs difficultés. L’Ieom et l’Iedom participent conjointement, dans chacune de leurs zones géographiques respectives, à l’identification et au suivi des comptes détenus par les personnes physiques et morales sur lesquels peuvent être tirés des chèques. Il est prévu dans les articles 7 et 8 que le Ficom soit élargi aux comptes de toute nature et aux locations de coffres-forts.

La commission des finances a adopté l’amendement de suppression de l’article 9 proposé par M. le rapporteur, et ce pour trois raisons.

Premièrement, il ne semblait pas nécessaire d’apporter un fondement législatif au Ficom, dans la mesure où il n’existe rien de tel pour le Ficoba ni pour le fichier des contrats d’assurance vie, le Ficovie.

Deuxièmement, le Ficom a déjà une existence législative, qui est renforcée dans le cadre du présent projet de loi.

Troisièmement, l’encadrement des modalités d’accès n’était pas conforme à celui qui était prévu pour le Ficoba ou pour le Ficovie. L’absence d’une disposition créant ces fichiers a conduit à prévoir, pour y accéder, une habilitation expresse par la loi.

La logique aurait été inversée pour le Ficom. En effet, un arrêté devait définir les personnes ayant accès au fichier, sans habilitation législative. Or c’est le contraire qui est souhaité.

Aussi, la commission a supprimé l’article 9, en précisant expressément, par amendement, au sein des articles 7 et 8, que l’Iedom et l’Ieom peuvent renseigner conjointement le Ficom.

Pour achever la présentation des votes en commission sur ce texte, j’indique que les autres articles du projet de loi ont été adoptés sans modification. Il s’agit des articles 3 à 6, qui procèdent à diverses corrections, ainsi que des articles 10 et 11, le premier mettant à jour la numérotation des articles, le second différant l’entrée en vigueur de plusieurs dispositions.

Mes chers collègues, la commission des finances vous invite à adopter ce texte – vous l’avez compris, il est très technique, mais utile ! –, tel qu’il a été modifié lors de son examen, selon la procédure de législation en commission, le 4 mai dernier.

Madame la ministre, nous comptons sur vous pour que le sujet du financement participatif soit à l’avenir mieux traité qu’il ne l’a été jusqu’à présent.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi, examiné selon la procédure de législation en commission, ne fait pas partie de ces textes qui déchaînent les passions. Il ne donnera pas lieu à de grands affrontements politiques. Sa technicité nous oblige à la plus grande modestie.

Certains, à l’image de M. le rapporteur, ont déploré des délais d’examen réduits, mais la commission a salué le travail de fond et de réécriture. Les délais permettent au Gouvernement de demander la ratification du texte dans le délai imparti par la Constitution.

Ce texte répond avant tout à une obligation constitutionnelle de ratification de trois ordonnances. Ce sont autant d’ordonnances qui ont permis de simplifier, de corriger et de regrouper des articles de loi souvent épars et parfois privés de leur cohérence par des modifications successives.

En effet, au fil des années et des ajouts successifs, le plus difficile pour le législateur est de garder une vision d’ensemble de notre droit, afin qu’il reste simple et lisible, alors même qu’il est traversé par nombre de notions complexes et de principes parfois contradictoires.

Ce droit est avant tout un outil pratique pour l’administration, pour le juge, pour l’auxiliaire de justice et pour le justiciable. Ils doivent être en mesure de le connaître et de le comprendre pour pouvoir s’y conformer.

Trois années d’un long et fastidieux travail ont été nécessaires pour parvenir à simplifier et à corriger un droit financier souvent trop complexe.

La Commission supérieure de codification y a vu un progrès. M. le rapporteur a salué ce travail de fond, après avoir rappelé les modifications qu’il a apportées.

Ce projet de loi corrige et simplifie notre droit, mais il protège également les lanceurs d’alerte et les épargnants. Il codifie également les obligations qui s’imposent aux établissements de crédit.

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe votera ce texte. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi visant à ratifier les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer ne pose aucun problème de fond.

Je ne m’appesantirai pas sur la prolongation de l’expérimentation introduite par M. le rapporteur visant à permettre aux collectivités de recourir au financement participatif et offrant ainsi la possibilité aux collectivités territoriales de diversifier leurs sources de financement. Notre groupe y est favorable.

Tous les articles du projet de loi originel, tendant à réorganiser, à supprimer ou à coordonner certains dispositifs, pour des raisons de cohérence légistique, ne posent pas de difficultés majeures.

Tout ce travail de codification, que nous nous apprêtons à avaliser aujourd’hui, permettra, à mon sens, de rendre plus accessible notre droit, qui s’est considérablement complexifié, sous l’effet des crises financières majeures, telles que celle de 2008.

Tout ce travail de simplification facilitera surtout – c’est bien là l’essentiel – l’activité des opérateurs financiers et des entreprises outre-mer.

Ainsi, j’espère que les corrections auxquelles nous avons procédé permettront d’interroger utilement le Parlement et le Gouvernement sur l’intelligibilité et l’efficacité des lois que nous construisons pour nos concitoyens.

J’oserai même aller plus loin en suggérant d’explorer la piste, selon moi pertinente, consistant à regrouper dans un même code les principales dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent dans nos territoires d’outre-mer.

Voilà quelques années, l’association des chambres de commerce et d’industrie d’outre-mer (ACCIOM) avait édité un code de l’entreprise en outre-mer. D’ailleurs, il nous a été bien utile au cours de l’examen de quelques projets de loi de finances, jusqu’à ce qu’il ne cesse d’être actualisé, hélas !

Je crois que, sans porter atteinte à l’unicité de notre droit, une telle mesure permettrait de mieux user des dispositifs existants, voire de mieux les réformer.

Au-delà de ces considérations, je me permets de mettre un bémol à ce satisfecit global. Je regrette, en effet, que nous adoptions l’article 5 relatif à la tarification des retraits d’espèces dans un distributeur automatique. Il s’agit là de modifier une erreur, me rétorque-t-on. Mais pour une fois qu’une erreur a des conséquences positives sur le pouvoir d’achat des Ultramarins, j’aurais préféré que nous la préservions ! On va la supprimer, soit, mais c’est d’autant plus regrettable que l’on ignore le paysage bancaire. Peut-être va-t-on ainsi favoriser tel ou tel réseau ? L’impact de ce dispositif aurait dû être évalué.

Nous approuvons les dispositions relatives à l’Iedom et à l’Ieom, bien qu’elles soient modestes. Aussi, parler d’une véritable « modernisation des missions » de ces deux instituts me semble quelque peu exagéré… En disant cela, je pense aux déficits, aux béances devrais-je dire, statistiques à l’œuvre dans nos territoires. Ces béances nuisent à la qualité, à la mise en valeur et à l’évaluation des politiques publiques mises en place.

En somme, les décideurs politiques ultramarins sont souvent amenés à naviguer à vue. L’Ieom et l’Iedom réalisent déjà un travail précieux, notamment au travers des rapports annuels publiés pour chaque collectivité. Il me semble toutefois que nous pourrions aller plus loin, pour fournir des instruments utiles aux élus et aux acteurs locaux.

Madame la ministre, vous l’aurez compris après ces considérations de fond, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte.

Permettez-moi toutefois d’adresser au Gouvernement quelques remarques sur la méthode qu’il a employée. Non, elle n’est pas exempte de toute critique, comme cela a été pointé en commission !

Je pense tout d’abord au temps resserré dans lequel le Gouvernement nous enferme pour examiner un texte aussi technique. Ensuite, je rejoins les critiques de forme soulevées par l’assemblée de la Polynésie française, qui, à la suite de saisines multiples et urgentes du Gouvernement, et en dépit d’un accord sur le fond, a émis un avis défavorable sur le texte.

Comment voulez-vous associer pleinement les collectivités territoriales en ne laissant que moins d’une semaine aux administrations pour découvrir et analyser un texte de 300 pages et la recodification de près de 500 articles de loi ?

Eh bien, oui, la méthodologie employée par l’État continue de nuire gravement à l’intelligibilité du droit, pour reprendre les termes de nos collègues, et rend impossible, faute de temps et de concertation, l’évaluation des effets des modifications proposées.

Concertation et célérité ne sont pas antinomiques. Nous souhaitons donc que le Gouvernement améliore son action dans les outre-mer.

Pour autant, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà donc en train de discuter d’un texte visant à ratifier les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer. Il s’agit essentiellement d’une recodification à droit constant.

Il s’agit d’un texte sans réelle ambition, hormis celle de faciliter la compréhension de la loi.

La méthode demeure inchangée, mais nous en avons l’habitude ! Alors que c’est l’usage, et en dépit d’un processus qui a duré trois années, il n’y a pas eu de réel travail avec les assemblées des territoires concernés. Nous le déplorons.

Des normes vont-elles s’abattre une nouvelle fois sur des décideurs locaux, sans qu’ils aient pu se les approprier, sans qu’aient été remises à plat certaines règles désuètes, voire inadaptées, et en l’absence de dialogue et de consensus ?

L’assemblée de Polynésie française s’est dressée contre le rapport à la démocratie entretenu par le Gouvernement, en fustigeant des saisines multiples et en urgence. Elle a été contrainte d’émettre un avis défavorable sur ce texte, car « la méthodologie employée par l’État continue de nuire gravement à l’intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d’évaluer les effets des modifications proposées ».

Le Sénat n’a pas bénéficié d’un traitement de faveur. Il doit, lui aussi, examiner au pas de charge un projet de loi dont il ne peut saisir l’ensemble des implications et des conséquences. Nous avons en effet eu deux semaines, en comptant l’interruption des travaux parlementaires, pour examiner un texte qui résulte de trois années de travail !

Je m’arrêterai sur deux articles, qui nous semblent poser problème, l’article 1er bis et l’article 5.

L’article 1er bis, qui a été introduit par M. le rapporteur, tente d’imposer à un gouvernement récalcitrant la pleine application d’une volonté inscrite dans la loi du 8 octobre 2021. Il s’agit de permettre aux collectivités d’émettre des obligations à des créanciers qui pourraient être des personnes morales, donc des entreprises.

Cela revient à faire financer tous les services publics choisis par les collectivités par les entreprises via une plateforme en ligne. Du reste, mon collègue Pascal Savoldelli a eu l’occasion de demander, voilà quelques jours, s’il existait de meilleurs moyens que les impôts pour financer les services publics !

M. Yvon Goutal, avocat associé et professeur des universités, résume dans La Gazette des communes les raisons qui nous obligent à nous opposer à cette idée quelque peu saugrenue.

L’affectation budgétaire des montants collectés est interdite, car elle entre en contradiction avec le principe d’universalité budgétaire. La promesse politique d’utiliser cet argent pour un investissement particulier est possible, mais elle n’est soumise à aucune contrainte juridique.

L’universalité budgétaire est la manifestation d’une solidarité. En s’acquittant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), Total finançait les services publics de la petite enfance ou les services environnementaux. À l’avenir, Total pourrait choisir de financer un service public selon ses propres intérêts. Il en va de même pour les impôts locaux aux personnes physiques ! Vous me pardonnerez ces rudiments de finances publiques locales. (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)

De plus, le coût n’est pas intéressant, contrairement aux projections de la majorité sénatoriale. En effet, les intérêts versés aux prêteurs sont généralement supérieurs à ceux du marché bancaire et ils s’ajoutent de fait aux frais d’intermédiation des plateformes.

Donner cette responsabilité aux entreprises, c’est mettre en concurrence le système bancaire avec des entreprises, qui tiendraient en joue les finances locales. À terme, il en résulterait un désengagement budgétaire de l’État.

Il faudrait plutôt renforcer les prérogatives d’un pôle public financier, composé par la Caisse des dépôts et consignations, la Banque des territoires et la Banque postale, en lui permettant de déroger aux coûts traditionnels du crédit, indexés sur le taux du Livret A.

Par ailleurs, l’article 5 vise à revenir sur la gratuité des opérations de retrait d’espèces en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement évoque un recentrage dans l’étude d’impact, tandis que Bercy parle, en off, d’une erreur. Que disent les assemblées concernées, si ce n’est qu’elles n’y sont pas opposées ?

C’est un signal négatif envoyé aux habitantes et aux habitants de ces territoires, qui auraient pu constater une avancée – une seule ! –, dans un contexte de diminution du nombre de distributeurs de 8,7 % entre 2018 et 2021 en métropole, de réduction du nombre de retraits gratuits et de hausse du coût des retraits effectués dans une banque dans laquelle les comptes du débiteur ne sont pas domiciliés. Adopter cet article 5, c’est faire machine arrière !

La situation en Polynésie française est grave. Un accord triennal a été conclu entre le haut-commissaire et les banques, lequel est appliqué depuis le 1er avril de cette année. Il vise à réduire de 5,5 % les frais bancaires.

Ces frais, qui comprennent les frais de tenue de compte, l’abonnement à la consultation des comptes, les frais de paiement et les cartes à débit immédiat restent tout de même deux fois plus élevés là-bas qu’ici en métropole ou qu’en Nouvelle-Calédonie.

Le maintien de la gratuité des opérations de retrait aurait de ce fait été un moyen de compenser l’asymétrie qui oppose les clients aux banques dans ces territoires insulaires ; merci pour eux !

M. Victorin Lurel. C’est exact !

M. Éric Bocquet. Malgré ces réserves, nous soutiendrons ce projet de loi, sans autre ambition particulière que de simplifier la loi. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés, cet après-midi, à nous prononcer en première lecture sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, examiné suivant la procédure de législation en commission prévue par notre règlement.

Le recours à cette procédure s’est avéré une fois de plus fructueux, et je tiens à saluer la qualité du travail de notre rapporteur, dont il faut bien avouer que la tâche n’a pas été facilitée par le Gouvernement. En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un délai d’examen aussi bref, à plus forte raison lorsque celui-ci empiète sur la suspension de nos travaux. Nous nous permettons d’insister sur ce point, car ce n’est pas la première fois que le travail du Parlement se trouve ainsi entravé. Vous en conviendrez, madame la ministre, là n’est pas le meilleur moyen d’assurer le bon fonctionnement de la démocratie représentative ni d’impliquer et de respecter les collectivités concernées.

J’en viens au fond du texte, essentiellement technique, mais assez touffu, et dont la plupart des dispositions ne soulèvent pas de difficultés particulières.

Je ne reviendrai pas sur les articles 3 à 8 ni même sur les articles 10 et 11, qui, procédant à des corrections purement formelles ou à des modifications extrêmement limitées, n’appellent pas de commentaires particuliers.

Les articles 1er et 2 sont, en revanche, plus substantiels.

L’article 1er – cela a été rappelé par les orateurs précédents – procède à la ratification de trois ordonnances.

Les deux premières, en date respectivement du 15 septembre 2021 et du 15 février 2022, sont prises sur la base d’une habilitation qu’avait soutenue le Sénat lors de l’adoption de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Elles permettent d’organiser de façon thématique le livre VII du code monétaire et financier, devenu abscons à la suite des modifications apportées par le droit national et par le droit européen. Le contenu de l’ordonnance a été scindé en deux par le Gouvernement afin de respecter le délai d’habilitation octroyé par le Parlement.

Ce travail de recodification fut, certes, long et fastidieux, mais il se révèle utile, en ce qu’il offre aujourd’hui davantage de clarté et une meilleure lisibilité au droit applicable aux collectivités du Pacifique.

Je partage toutefois les interrogations du rapporteur sur la méthode retenue par le Gouvernement. Nous ne pouvons que nous associer aux critiques émises par Moihara Tupana et par notre collègue Teva Rohfritsch, tous deux membres de l’Assemblée de la Polynésie française, s’agissant des saisines rectificatives multiples faites par l’exécutif dans la précipitation. Là encore, la forme trahit une impréparation du Gouvernement qui soulève quelques interrogations.

La troisième et dernière ordonnance ratifiée par l’article 1er, en date du 14 septembre 2022, a trait au financement participatif. Il est ici question de prolonger le délai de transition laissé à l’ensemble des acteurs du secteur, au-delà donc des seules collectivités ultramarines.

Saluons la prolongation de deux ans, sur l’initiative du rapporteur, de l’expérimentation visant à ouvrir le financement participatif obligataire aux collectivités territoriales. En garantissant une expérimentation effective de trois ans, l’amendement adopté en commission permet, du même coup, de respecter la volonté du Parlement exprimée en 2021 dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue).

Enfin, je me contenterai de mentionner l’article 2, bienvenu lui aussi, puisqu’il rend expressément applicables aux collectivités du Pacifique les modifications de certains articles du code monétaire et financier intervenues postérieurement à la publication des ordonnances. Ces articles touchent notamment à la protection des lanceurs d’alerte – c’est un sujet important – dans la sphère financière et au plafonnement des frais de rejet prélevés par les établissements bancaires, comme Éric Bocquet vient de l’évoquer.

Sans surprise, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, les membres du groupe Union Centriste voteront les dispositions de ce texte tel qu’il a été amendé et adopté en commission, sur proposition notamment de notre ami et rapporteur Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en décidant de ratifier les ordonnances concernant le code monétaire et financier selon la procédure accélérée, le Sénat nous empêche de présenter des amendements en séance et même d’avoir un débat. C’est regrettable, car c’était l’occasion de remédier à l’atteinte exorbitante que ce code porte à la vie privée des clients des banques.

Si une banque suspecte un client de malversations, il est normal qu’elle alerte les services fiscaux ou la justice. En revanche, ce n’est pas à elle de conduire une enquête et encore moins d’enquêter systématiquement sur tous ses clients – même lorsqu’aucun indice ne laisse soupçonner l’existence de malversations.

Les articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier obligent malheureusement les banques à s’immiscer dans la vie privée de leurs clients. Sous prétexte de lutter contre les « risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme », les banques sont tenues d’obliger leurs clients, au besoin par un chantage à la fermeture du compte, à fournir des détails relevant de leur vie privée, tels que l’état de leur patrimoine et de leurs revenus ou le but de chèques émis, même d’un très petit montant. Cela peut se comprendre pour la souscription d’un emprunt, mais certainement pas pour la simple gestion d’un compte courant, surtout lorsqu’il n’y a aucun indice suspect.

Pour parvenir à leurs fins, les banques font croire à leurs clients qu’ils ont l’obligation de répondre, alors qu’aucun texte ne le prévoit. Afin de contourner un éventuel refus, le code susvisé permet aux banques de pratiquer un chantage, en menaçant les clients de fermer leur compte. Pire encore, le code permet aux banques de passer outre, même lorsque la Banque de France leur a enjoint d’appliquer le droit au compte. Les conséquences pour les clients en sont exorbitantes, car on ne peut plus vivre normalement dans notre société si l’on n’a pas un compte bancaire.

Un tel abus de droit relève du chantage et de l’atteinte à la vie privée. Pire encore, la démarche des banques devient systématique et s’applique même en l’absence du moindre indice laissant soupçonner du blanchiment ou du terrorisme. Afin de garantir le respect de la vie privée de nos citoyens, il faut réagir face à ces pratiques intrusives, qui violent les règles les plus élémentaires de l’État de droit.

Il est évident qu’il faut lutter contre le blanchiment des capitaux et contre le terrorisme, mais, les banques étant des organismes privés, elles n’ont pas à se charger d’enquêtes policières ou fiscales, notamment lorsqu’il n’y a aucun indice suspect. Si les banques ont des soupçons, la seule procédure respectueuse des libertés publiques est d’alerter les services fiscaux, la justice ou Tracfin.

Je veux en profiter pour protester, en tant que représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, contre le système d’examen des projets et des propositions de loi suivant la procédure de législation en commission.

En effet, on nous a fait croire qu’il y avait une forme de démocratie, puisque tous les parlementaires…

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.

M. Jean Louis Masson. En plus, on ne nous laisse pas le temps de nous exprimer ! C’est incroyable. Non seulement les sénateurs non inscrits ne peuvent pas voter en commission parce qu’ils ne siègent pas en commission, mais nous ne pouvons pas non plus parler !

M. Jean-François Husson. C’est faux ! C’était une législation en commission !

M. Jean Louis Masson. Nous n’avons pas de représentants à la commission !

M. le président. Mon cher collègue, chacun connaît le temps de parole qui lui est imparti lorsqu’il monte à la tribune.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas longuement sur ce qui a déjà été dit. Il s’agit d’un projet de loi assez technique – technique ne veut pas dire mineur –, qui a été déposé par le Gouvernement pendant la suspension des travaux parlementaires en avril dernier et que la commission des finances a d’ores et déjà examiné selon la procédure de législation en commission, en présence du ministre délégué Jean-Noël Barrot. Autant dire que nous n’avons pas beaucoup eu l’occasion de nous pencher sur ce texte, dont l’examen apparaît comme une quasi-procédure simplifiée.

Qu’est-ce que ce livre VII du code monétaire et financier ? Il s’agit du dernier livre de la partie législative de ce code, qui concerne le régime spécifique applicable outre-mer.

Les territoires ultramarins se caractérisent par une diversité de statuts juridiques : les cinq départements et régions d’outre-mer, qui sont régis par le principe d’identité législative avec la métropole, à l’inverse de la Nouvelle-Calédonie, qui est une collectivité sui generis, en passant par les collectivités d’outre-mer, les anciens territoires d’outre-mer (TOM), dont le statut est défini à l’article 74 de la Constitution et qui connaissent le principe de spécificité législative.

Il convient de noter que les territoires du Pacifique – Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française – ont une autonomie plus poussée, n’appartiennent pas à l’Union européenne et ne sont pas soumis à l’ensemble de ses règles – celles qui découlent de l’espace Schengen, de l’espace TVA, de l’union douanière… – et disposent de leur propre monnaie, le franc Pacifique, dont le cours, fixé par rapport à l’euro, est d’environ 1 euro pour 120 francs Pacifique – à ne pas confondre avec l’ancienne piastre, qui avait cours à l’époque de l’Indochine !

Cette diversité de statuts juridiques se traduit dans nos textes par nombre de dispositions spécifiques aux outre-mer.

Le présent projet de loi vient d’abord ratifier trois ordonnances, dont celle du 25 février 2022, qui nécessite une ratification impérative avant l’été selon la procédure, non pas de l’article 38, mais de l’article 74-1 de la Constitution.

J’évoquerai, à cette occasion, le souvenir de l’ordonnance du 9 février 2017 sur l’application du code de commerce en Polynésie française, qui avait déjà fait l’objet d’une loi de ratification adoptée selon cette procédure en 2018. A-t-on eu depuis une évaluation de l’impact de cette ordonnance sur la concurrence et le coût de la vie en Polynésie ?

Les dispositions suivantes du projet de loi concernent largement les territoires du Pacifique. À l’article 5, je m’étonne que le retrait d’espèces en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie ne soit gratuit que dans les établissements où l’on détient des comptes, ce qui diffère de la situation en métropole. Y a-t-il une raison précise à cette situation ?

Pour le reste, je n’aurai pas de remarque particulière. La situation économique, sociale et politique en outre-mer fait régulièrement l’actualité. Il est aujourd’hui particulièrement question de la situation sécuritaire à Mayotte, avec l’opération Wuambushu, déclenchée le 24 avril dernier. La situation en Guyane est également préoccupante, avec le décès, à la fin du mois de mars, d’un gendarme du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) dans une opération de lutte contre l’orpaillage illégal. Sur le plan politique, les récentes élections territoriales en Polynésie ont vu la victoire du camp indépendantiste, tandis que la situation post-référendaire en Nouvelle-Calédonie n’a pas encore débouché sur une solution pérenne. Enfin, dans les Antilles, la situation sociale reste caractérisée par une certaine défiance, alimentée par des scandales comme celui du chlordécone.

Le développement socio-économique en outre-mer reste donc une priorité, dans des territoires où le niveau de vie est, en moyenne, le tiers de celui de la métropole. Les territoires ultramarins représentent pourtant une richesse incomparable, à la fois naturelle et culturelle. C’est le premier réservoir de biodiversité en France et un domaine maritime exceptionnel, qu’il convient de préserver face aux effets déjà palpables du changement climatique.

L’enjeu est de permettre le plus possible aux habitants de ces territoires d’être eux-mêmes acteurs de ce développement.

En conclusion, mis à part les quelques remarques formulées, le groupe RDSE ne voit pas d’objection particulière à l’adoption de ce projet de loi ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet de ratifier plusieurs ordonnances relatives à l’outre-mer.

Nous nous méfions toujours du recours aux ordonnances, car il dépossède le Parlement de ses prérogatives législatives. Mais, en l’espèce, force est de reconnaître qu’il s’agit de dispositions très techniques, qui ne posent pas de difficultés. Nous resterons cependant extrêmement vigilants. Lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le nombre d’ordonnances avait quasiment doublé.

Les ordonnances de septembre 2021, février et septembre 2022, qu’il nous est proposé aujourd’hui de ratifier, ont un double objet.

Tout d’abord, il est proposé d’approuver la recodification du livre VII du code monétaire et financier pour améliorer sa lisibilité. Cette recodification de plus de 500 articles est le fruit d’un long travail, qui a duré trois années. Nous l’approuvons, car l’intelligibilité de la loi était remise en question pour nos compatriotes vivant outre-mer.

Il est également proposé de moderniser les missions de l’Institut d’émission d’outre-mer et de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer. Notre groupe approuve également cette mesure.

Nous saluons le travail du rapporteur, Hervé Maurey, qui a permis une amélioration du texte. La majorité des articles ont été amendés et adoptés la semaine dernière, dans le cadre de la procédure de législation en commission.

Parmi les améliorations essentielles, il nous paraît important de souligner que, l’expérimentation visant à ouvrir le financement participatif obligatoire aux collectivités territoriales ayant pris du retard, il était nécessaire de la prolonger de deux ans, afin qu’elle s’effectue sur le temps réellement imparti, soit le délai initial de trois ans.

Par ailleurs, concernant la modernisation des missions des Instituts d’émission, la centralisation des informations d’identification des comptes de toute nature sur le même fichier, telle que la propose la commission, nous semble pertinente.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, tel qu’il ressort des travaux de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos territoires d’outre-mer sont au cœur de la souveraineté nationale. L’actualité récente nous le rappelle tristement.

En effet, la situation à Mayotte est dramatique. L’autorité de l’État y est mise à rude épreuve, avec la complaisance d’un État étranger. Nous attendons beaucoup de l’opération Wuambushu lancée par le Gouvernement.

Paradoxalement, cette situation dramatique apporte aussi des signes d’espoir, puisqu’elle a rappelé à l’ensemble des Français l’attachement sans faille des Mahorais à la communauté nationale. L’État doit se montrer à la hauteur de ces espoirs.

L’exemple de Mayotte nous rappelle que, pour consolider l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, il faut que les lois soient appliquées partout.

Toutes proportions gardées, le projet de loi que nous examinons s’inscrit dans cette logique : garantir la bonne application des lois sur l’ensemble du territoire national. Il contient ainsi plusieurs mesures pour adapter le code monétaire et financier aux évolutions récentes.

Cela concerne principalement la ratification de trois ordonnances, prises entre septembre 2021 et septembre 2022.

Les modifications législatives apportées par ces ordonnances sont essentiellement techniques. Elles n’ont pas déchaîné de débats passionnés au sein de notre commission.

Cependant, elles n’en sont pas moins importantes. Elles parachèvent, en effet, un travail de réorganisation législative entrepris il y a plus de quatre ans, au moment de la promulgation de la loi Pacte.

Le livre VII du code monétaire et financier est ainsi réécrit de façon thématique, ce qui rendra notre droit applicable plus lisible. Cette réécriture était, de toute façon, rendue nécessaire par les récentes évolutions législatives, tant au niveau français qu’au niveau européen.

Je ne reviens pas sur la méthode retenue pour procéder à la ratification des ordonnances, mais il est vrai qu’il y a toujours quelque chose d’étonnant à présenter une réforme comme urgente alors qu’elle parachève un travail de plusieurs années… L’essentiel est que nous puissions désormais avancer.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte.

Pour conclure, mes chers collègues, je souhaite évoquer deux amendements adoptés par la commission des finances.

Le premier concerne l’article 1er bis. Ce nouvel article prévoit de prolonger l’expérimentation sur l’accès des collectivités au financement participatif.

J’ignore si le délai de publication de l’arrêté ministériel révèle quelque réticence de la part de Bercy. Ce que je crois, en revanche, c’est que nous devons donner davantage de libertés aux collectivités, et davantage de moyens aux élus locaux. Il faut faire confiance aux territoires.

Le second amendement concerne la suppression de l’article 9, qui visait à donner une base législative au fichier des comptes d’outre-mer (Ficom). J’espère que la navette parlementaire permettra de trouver la solution qui sera à la fois la plus respectueuse des libertés publiques et la plus efficace pour l’ordre public.

C’est dans cette tension, mes chers collègues, que nous parviendrons à garantir la cohésion nationale, sur l’ensemble du territoire de la République. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Mme Esther Benbassa applaudit.)

M. Daniel Breuiller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis le neuvième à intervenir sur ce projet de loi, qui est un texte particulièrement technique, un texte de correction rédactionnelle et d’adaptation de fond du code monétaire et financier pour certaines collectivités d’outre-mer, pour lequel je risque de verser dans l’ultracrépidarianisme. Vous connaissez ce terme, qui qualifie un comportement consistant à donner son avis sur des sujets à propos desquels on ne possède pas de compétence crédible ou démontrée.

Je remercie d’ailleurs notre collègue Hervé Maurey pour son analyse. Il a rendu ce texte compréhensible et l’a amélioré par ses amendements.

Je ne veux pas non plus prendre le risque de dire moins bien que d’autres que l’adoption de ce projet de loi est nécessaire, puisque les ordonnances, dont l’échéance est désormais très proche, doivent être consolidées.

Deux mesures contenues dans ce projet de loi appellent notre vigilance.

Tout d’abord, la nécessité de proroger de deux années supplémentaires l’expérimentation en matière de financement participatif, défendue par le rapporteur et adoptée à l’unanimité des votants de notre commission, mérite évidemment d’être retenue.

La seconde mesure est la fin de la règle de gratuité totale des retraits d’espèces par carte effectués en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Si la plupart des banques et leurs filiales sont représentées dans les grandes villes-métropoles, ce n’est pas toujours le cas en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, dans les atolls, où il faut parfois aller très loin pour trouver le bon distributeur. L’avis argumenté du Conseil d’État doit se conjuguer avec la préservation du pouvoir d’achat, moins élevé pour nos concitoyens qui y résident que pour la plupart de ceux qui vivent dans l’Hexagone.

À propos des ordonnances, nous ne nions pas leur utilité sur des sujets techniques tels que celui qui nous réunit aujourd’hui. Toutefois, comme le rappelait le président de notre groupe, Guillaume Gontard, lors du débat sur le suivi des ordonnances, en février 2022, « sous le quinquennat Macron, 345 habilitations par ordonnances ont été accordées, et ce nombre a doublé en dix ans – sans doute est-ce d’ailleurs sur ce doublement qu’il faut insister… »

Les ordonnances ne doivent pas devenir un mode d’élaboration de la loi. Pas plus, au passage, selon moi, que le recours aux articles 49, alinéa 3, ou 47-1 de la Constitution. Ces modus operandi affaiblissent le Parlement, dans son pouvoir d’initiative et d’amendement.

Aussi, nous sommes déterminés à ce que ce pouvoir ne soit pas corseté lors des débats qui touchent aux sujets essentiels de la vie de nos concitoyens, comme celui des retraites, et soit peut-être moins sollicité sur des sujets dont la technicité nous éloigne parfois des problèmes les plus essentiels des Ultramarins.

Il est vrai que, quand je pense aux outre-mer, je ne pense pas en premier lieu au code monétaire et financier, même si ce sujet technique est sérieux. Je pense plutôt à la précarité qui fait rage dans nos territoires, à l’inflation qui frappe plus brutalement les portefeuilles là-bas qu’ici, à la vie chère, au manque d’emplois, à une jeunesse qui manque parfois de perspectives, autant de réalités qui sont le quotidien des habitants des outre-mer.

Lorsque je pense aux outre-mer, je pense aussi aux sargasses, à l’orpaillage illégal en Guyane, à la construction controversée de la nouvelle route du littoral à La Réunion, à la défense de la biodiversité des fonds marins, du vivant et des écosystèmes, qui figurent parmi les plus riches au monde et doivent être au cœur de nos actions dans les territoires d’outre-mer, plus encore qu’ailleurs.

Je pense également aux batailles juridiques, menées notamment par Harry Durimel, maire écologiste de Pointe-à-Pitre et par d’autres – certains siègent sur nos travées –, pour faire reconnaître les préjudices liés au chlordécone, un scandale sanitaire, social et environnemental dont l’État s’est rendu coupable et dont je ne suis pas certain que les leçons aient été tirées.

Voilà, mes chers collègues, les sujets qui me viennent à l’esprit lorsque je pense aux outre-mer. Il est nécessaire que l’État tienne ses promesses, loin des effets d’annonce auxquels il recourt parfois.

Merci au livre VII du code monétaire et financier de m’avoir permis d’évoquer, un peu par effraction – je le reconnais volontiers –, ces sujets qui nous tiennent à cœur.

Nous voterons ce texte, tel qu’il a été amendé par la commission. (Mme Esther Benbassa applaudit.)

Mme Cécile Cukierman et M. Victorin Lurel. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-trois, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Discussion générale (suite)

Respect du droit à l’image des enfants

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (proposition n° 396, texte de la commission n° 561, rapport n° 560).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre d’un sujet majeur et ô combien d’actualité : comment mieux protéger la vie privée, notamment l’image de nos enfants ?

C’est l’objet de la présente proposition de loi, portée avec conviction par M. le député Bruno Studer et, je le rappelle, adoptée à l’unanimité en première lecture par l’Assemblée nationale.

L’essor des réseaux sociaux invite à repenser les moyens de protection pour faire face aux nouvelles dérives qui mettent à mal la vie privée et l’image de nos enfants.

Avant l’âge de 13 ans, un enfant apparaît, en moyenne, sur le compte de ses parents ou de ses proches sur 1 300 photographies publiées en ligne. Dans le même temps, les parents d’enfants âgés de moins de 13 ans partagent en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an sur les réseaux sociaux. Un cinquième des parents ont des profils Facebook publics, et la moitié partagent des photos avec des amis virtuels qu’ils ne connaissent pas vraiment.

À cette vitesse, d’ici à la fin de la décennie, les informations partagées en ligne par les parents seront la première cause d’usurpation d’identité pour leurs enfants.

Que l’on ne s’y trompe pas : les images des enfants sont bel et bien des données personnelles sensibles, qui soulèvent des enjeux de pédocriminalité, d’identité numérique, d’exploitation commerciale ou encore de harcèlement.

Je veux partager avec vous le constat alarmant des auteurs de la présente proposition de loi : en 2020, près de 50 % des images qui s’échangent sur les sites pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents.

Parallèlement, les données personnelles des enfants mises en ligne par leurs parents interrogent les notions de droit à l’oubli et, bien sûr, d’identité numérique.

Sur le long terme, mesdames, messieurs les sénateurs, les contenus publiés – même en toute bonne foi – par leurs parents pourraient porter préjudice aux enfants et compromettre, par exemple, leur crédibilité lors d’une candidature scolaire ou professionnelle.

Face à ces risques et dans l’intérêt supérieur et bien compris de l’enfant, il est nécessaire de cadrer les conditions d’exercice par les parents de leur autorité parentale en matière de vie privée et de droit à l’image de leurs enfants. Pendant la minorité de l’enfant, ce sont, en effet, les parents qui sont en charge de la protection de sa vie privée et de son droit à l’image.

La loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, dite loi Enfants influenceurs, a constitué une première étape importante dans l’exercice du droit à l’image des enfants exposés sur les réseaux sociaux. Hier même, votre assemblée examinait en première lecture sur une nouvelle proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. C’est dire si le monde de l’internet a décidément un grand besoin de régulation, pour les adultes, bien sûr, mais également pour les enfants, en particulier ceux qui n’ont aucune prétention d’être des influenceurs.

Cette proposition de loi vise donc à aller plus loin. Dans une démarche pédagogique, sans bouleverser l’état du droit, elle vise à s’assurer de la bonne utilisation par les parents de l’image de leur enfant.

L’article 1er modifie l’article 371-1 du code civil afin d’introduire la notion de « vie privée » de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale. À ce sujet, je salue le travail de la commission qui a repositionné l’ajout de la notion de « vie privée » à la fin de l’article 371-1 du code civil : il est plus cohérent de formaliser le droit à la vie privée du mineur au sein des droits dus à sa personne.

L’article 2, en revanche, a été supprimé. La commission a fait ce choix alors qu’il me semblait présenter plusieurs intérêts. D’abord, il inscrivait dans la loi le droit à l’image, ce droit n’étant pour l’instant consacré que par la jurisprudence. Ensuite, il rendait ce droit plus visible pour les parents. Je prends néanmoins acte de la position de la commission sur cet article.

L’article 3 a également été modifié pour faire de tous les actes « relatifs à la vie privée de l’enfant » des actes non usuels. Permettez-moi d’exprimer des réserves sur cette nouvelle rédaction.

Premièrement, j’en émettrai une sur son emplacement à l’article 372-2 du code civil. Cet article a, en effet, pour objet de définir le régime juridique de l’acte usuel relatif à la personne de l’enfant et non de définir ou d’énumérer les actes relevant du régime juridique des actes non usuels. Outre que cette disposition fragilise l’économie générale de l’article 372-2, elle comporte le risque de constituer un précédent en invitant le législateur à dresser une liste des actes usuels et non usuels dans la loi. Or l’établissement d’une telle liste, qui, pour être utile, devrait être exhaustive, n’est en pratique pas possible : l’appréciation de ce qui relève d’un acte usuel ou non usuel est nécessairement casuistique. Elle nécessite donc d’être appréciée finement par un juge pour préserver au mieux l’intérêt de l’enfant.

Deuxièmement, la notion de « contenus relatifs à la vie privée de l’enfant » est trop large : elle dépasse la publication de la seule image de l’enfant, puisqu’il suffirait que la publication soit relative à la vie privée de l’enfant pour être qualifiée d’acte non usuel et nécessiter alors l’accord des deux parents. Cela induit, à mon sens, un cadre juridique trop contraignant.

Surtout, cet article complexifie et rigidifie le quotidien des familles, puisque l’accord des deux parents pourra être systématiquement exigé par les tiers pour toute diffusion de contenu relatif à la vie privée de l’enfant. Or un tel recueil ne sera pas toujours possible en pratique, par exemple en cas de conflit parental ou d’absence de l’autre parent.

Mme Valérie Boyer, rapporteure. C’est déjà le cas !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Troisièmement, cet article instaure surtout une hiérarchie entre les différents droits de l’enfant, au sommet de laquelle se trouverait le droit au respect de sa vie privée. Cela nous semble contestable. Le droit à la vie privée doit-il être plus protégé que le droit à la santé par exemple ? Avec cet article, l’accord des deux parents serait systématiquement exigé pour toute diffusion de « contenus relatifs à la vie privée de l’enfant », alors que, en ce qui concerne la santé de l’enfant par exemple, l’accord d’un seul des parents pourrait, dans certains cas, suffire.

Pour toutes ces raisons, je soutiendrai l’amendement de votre collègue Thani Mohamed Soilihi qui permet de rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale tout en l’adaptant afin de mieux protéger le droit à l’image des enfants.

L’article 4 a été supprimé par la commission : je le regrette. Le dispositif de délégation partielle de l’exercice de l’autorité parentale me semblait pourtant équilibré : il permettait de compléter utilement la réglementation existante en matière de protection des enfants, notamment en ce qui concerne l’assistance éducative.

Votre commission a introduit un nouvel article qui permet à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) de saisir le tribunal judiciaire pour demander en référé le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits d’un mineur. Ce dispositif est intéressant, mais devra probablement être réservé aux atteintes les plus graves. Je suis également sensible à l’idée selon laquelle la saisine de la Cnil doit faire suite à la plainte d’un tiers. La navette parlementaire pourra utilement améliorer la rédaction.

Face à une exposition accrue des mineurs sur internet et à des risques provenant du foyer familial, il est indispensable de repenser la notion de droit à l’image des enfants et de responsabiliser davantage leurs parents. Je me réjouis donc des débats qui s’annoncent et, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, je soutiendrai cette proposition de loi. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer, rapporteure de la commission des lois. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur à la fois pour les familles et pour les pouvoirs publics, en particulier en matière d’éducation et de santé publique. Nous commençons seulement à prendre la mesure des répercussions qu’a sur la santé, le bien-être et le développement de nos enfants un accès potentiellement permanent aux contenus des réseaux sociaux ou des sites internet via les smartphones.

C’est pourquoi je regrette que ce sujet ne soit pas pris à bras-le-corps par le Gouvernement dans le cadre d’une politique publique nationale réunissant tous les acteurs pouvant agir en la matière.

Actuellement, le Sénat est invité à se prononcer sur quatre initiatives visant la protection des mineurs dans l’univers numérique. Outre cette proposition de loi, nous ont été transmises de l’Assemblée nationale, premièrement, une proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans, qui rappelle une initiative et des travaux de notre collègue Catherine Morin-Desailly en 2018, deuxièmement, une proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, dont la rapporteure pour le Sénat sera Mme Borchio Fontimp, et, troisièmement, une proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, que le Sénat a adoptée hier soir, dont Mme Amel Gacquerre était la rapporteure.

Nous ne pouvons pas continuer à légiférer ainsi, en ordre dispersé, sur des sujets variés mais tous connexes, sans vision globale. Monsieur le garde des sceaux, je pense que les Français n’attendent pas du Parlement cette façon de travailler ; ils l’attendent encore moins pour un enjeu aussi important. Ce dernier aurait nécessité que les ministres de la santé, de la justice et de l’éducation nationale, entre autres, œuvrent tous ensemble avec le Parlement. Envisager une élaboration collective aurait fait consensus. Malheureusement, nous travaillons de façon tronçonnée…

Surtout, une réponse législative n’est pas suffisante : tous les acteurs s’accordent à dire que c’est la prévention, l’éducation et la sensibilisation qui sont efficaces en la matière.

S’agissant du sujet qui nous occupe, tous les moyens devraient être mobilisés pour alerter les parents des conséquences d’une diffusion d’images ou, plus généralement, de contenus relatifs à la vie privée de leur enfant dans l’espace numérique en raison des utilisations préjudiciables qui peuvent en être faites par la suite : harcèlement scolaire, détournement sur des sites pédocriminels, usurpation d’identité, atteinte à la réputation… Malheureusement, j’en oublie.

Il est particulièrement important que la sensibilisation soit organisée par l’État de manière uniforme sur tout le territoire, car les inégalités en fonction du milieu social sont très importantes en la matière, comme l’ont rappelé la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants, que nous avons auditionnés.

Pour ma part, je souhaite exprimer trois requêtes au Gouvernement.

Ma première demande est la réactualisation du carnet de santé, qui n’a pas été mis à jour depuis 2018 : le conseil de ne pas mettre de téléviseur dans la chambre des enfants est totalement obsolète. Il faudrait passer à autre chose, à l’heure des tablettes et des smartphones, et prévoir une information précise sur l’utilisation des écrans et sur l’exposition à ces derniers.

Utilisons ce moyen important et encore sous format papier pour faire le lien entre parents, éducateurs, école… On ne peut pas en rester à la situation actuelle ; l’information serait ainsi diffusée à tous. Il faudrait à mon avis – je l’ai mentionné – deux volets : l’un sur la consommation d’écrans par les enfants en fonction de leur âge, l’autre sur le sujet de cette proposition de loi, à savoir l’exposition des enfants et de leur vie privée sur les réseaux sociaux.

Ma collègue Alexandra Borchio Fontimp a eu la même idée, déposant des amendements en ce sens, mais, comme il s’agit d’une mesure réglementaire, elle a été déclarée irrecevable au nom de l’article 41 de la Constitution. Nous ne pouvons donc pas en discuter aujourd’hui, même dans le cadre d’un amendement d’appel, ce que je regrette. Pour cette raison, monsieur le garde des sceaux, je vous demande que cette modification soit prise en compte.

Ma deuxième demande est l’élaboration d’un véritable programme de santé publique qui permettrait à chaque âge, de la crèche en passant par la maternelle jusqu’au lycée, d’établir des critères précis sur les connaissances que les enfants doivent acquérir, par exemple les dangers auxquels ils sont exposés : exposition aux écrans, harcèlement, alimentation, drogues…

Ma troisième demande est l’insertion dans le code de la santé publique d’un livre consacré aux politiques de protection et de prévention à mener en matière de numérique, notamment sur le temps d’exposition aux écrans et sur la protection de la vie privée des enfants. Il y a plusieurs années, lorsque j’étais députée, j’avais permis, dans le cadre de l’examen de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, la création d’un livre dans le code de la santé publique sur les troubles du comportement alimentaire. Désormais, il est plus qu’urgent d’accomplir la même chose pour le numérique. Cela relève du domaine législatif : aussi, j’espère que nous pourrons bientôt nous en charger. C’est pour cela que je regrette vraiment que nous n’ayons pas examiné un texte traitant le sujet dans son ensemble.

Vous l’aurez compris, si je suis convaincue par l’objet de cette proposition de loi, ses auteurs mettant le doigt sur un phénomène certes émergent, mais préoccupant, il me semble que, pour être efficace, la réponse ne peut pas être seulement législative et sectorielle, comme proposé. Elle doit être plus globale. Cependant, la proposition de loi que nous examinons a le mérite de favoriser une prise de conscience collective sur le droit à l’image des enfants. Bruno Studer lui-même l’a décrite comme « une loi de pédagogie » à destination des parents.

Je pense que nous pouvons souscrire à cet objectif en recentrant cette proposition de loi sur l’essentiel, sans oublier que veiller au respect de la vie privée de l’enfant fait déjà partie de la mission exercée conjointement par les parents dans le cadre de l’autorité parentale, à savoir « protéger [l’enfant] dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Il me semble que, puisque beaucoup d’entre nous ont été maires, nous connaissons bien ces paroles pour les avoir prononcées lors des mariages.

C’est pourquoi la commission a adopté l’article 1er qui vise à introduire la protection de la vie privée de l’enfant parmi les obligations des parents au titre de l’autorité parentale. Nous en avons préféré la rédaction initiale qui rattache la vie privée de l’enfant au « respect dû à sa personne », sans la placer sur le même plan que la sécurité, la santé et la moralité. En effet, pour assurer ces trois finalités fondamentales, les parents ont un devoir de surveillance dont le degré d’intensité varie selon l’âge, la maturité et la capacité de discernement de l’enfant. Ce devoir peut justifier une atteinte à la vie privée de l’enfant, par exemple pour vérifier avec qui il correspond ou qui il rencontre, dans le but de le protéger.

En revanche, la commission a supprimé l’article 2, qui n’est qu’une simple répétition, spécifiquement consacrée au droit à l’image, des dispositions des articles 371-1 et 372 du code civil. L’utilisation du code à des fins pédagogiques doit être limitée à l’essentiel. C’est déjà ce que vise l’article 1er.

À l’article 3, qui n’était qu’un simple rappel du droit existant, nous avons inscrit que « la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant », ce qui comprend photos et vidéos, nécessite l’« accord de chacun des parents ». Cette disposition éviterait toute divergence d’approche entre juridictions pour décider s’il s’agit d’un acte usuel ou non usuel et permettrait au parent non consentant de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) d’une demande d’interdiction.

Il s’agirait là d’instaurer un véritable changement de paradigme pour mettre fin à l’insouciance avec laquelle les parents postent dans des proportions incroyables des photos de leur enfant sur les réseaux sociaux, comme vous l’indiquiez, monsieur le garde des sceaux. Ils seraient obligés de réfléchir ensemble avant de diffuser au public une image de leur enfant qui pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour celui-ci. Je précise bien « au public » et non sur des réseaux privés, intrafamiliaux. Nous avons choisi une formulation large pour inclure toute information relative à la vie privée et couvrir ainsi toute situation, comme la divulgation d’un bulletin de santé.

La commission a supprimé l’article 4 qui tendait à permettre une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image de l’enfant lorsque la diffusion de l’image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale, ce qu’on appelle les prank. L’article ne semble en effet pas opérant : en pratique, cette délégation n’aurait que peu d’effet, puisque le parent continuerait à pouvoir filmer ou photographier l’enfant dans son quotidien et poster ces images sur les réseaux sociaux.

Par ailleurs, ce serait mettre sur le même plan des comportements de gravités très différentes, la délégation d’autorité parentale étant réservée au « désintérêt manifeste » des parents, à « l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale » ou au meurtre d’un parent par l’autre. Avouez que mettre les images à la suite serait un peu curieux.

Dans tous les cas, je rappelle que la diffusion d’images de l’enfant « port[ant] gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de celui-ci » caractérise des carences éducatives qui peuvent justifier la saisine du juge des enfants en vue du prononcé de mesures d’assistance éducative. Il n’y a donc pas de vide juridique en la matière, ce qui nous a été confirmé lors de toutes les auditions que nous avons réalisées.

Enfin, pour compléter l’article 3 qui pose le principe d’un accord des deux parents pour publier une photo ou une vidéo d’un enfant, la commission a adopté un article 5 permettant à la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’agir en référé dès lors qu’il y a une atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel, sans condition de gravité ou d’immédiateté. La Cnil pourrait sur cette base demander le blocage d’un site internet dont l’éditeur ne répondrait pas aux demandes d’effacement ou ne prouverait pas avoir l’accord des deux parents pour la publication relative à l’enfant.

Voilà, mes chers collègues, le texte que je vous invite à adopter. La question de la protection des enfants est importante ; aussi, je répète mes regrets de l’examiner de cette façon, elle qui touche chaque foyer en France et concerne tous les acteurs, quels qu’ils soient, à presque tous les âges. C’est vraiment dommage. Ensemble, nous aurions établi – je le pense – un texte qui aurait été adopté à la fois par l’Assemblée nationale et par le Sénat, et par tous les groupes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Dominique Vérien applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la numérisation progressive de la société est inéluctable. Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, c’est un fait qui s’impose à nous toutes et à nous tous : nous constatons la multiplication des réseaux sociaux et nous mesurons la massification de leurs usages, pour le meilleur et, parfois, pour le pire.

Nous sommes toutes et tous susceptibles d’être exposés numériquement, souvent de notre plein gré, mais parfois contre notre volonté. Il en va de même pour les mineurs, à ceci près que, en raison de leur vulnérabilité, ces derniers méritent une attention toute particulière de la part de ceux qui sont censés les protéger, à savoir leurs parents, mais aussi le législateur, qui doit prendre sa part et qui l’assume.

Cela s’est traduit ces dernières années par une multiplication d’initiatives parlementaires visant à faire évoluer notre législation et à l’adapter aux risques d’un genre nouveau. Madame la rapporteure a mis en avant les textes en question, tout à l’heure : je les citerai de nouveau.

Le 19 octobre 2020, la loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, plus communément appelée loi Enfants influenceurs, a été promulguée. Elle permet aux mineurs de demander l’effacement de leurs données personnelles et des images les concernant sans l’accord préalable de leurs parents. Hier, nous étudiions la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, nous débattons de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants. Le 23 mai prochain, nous devrons nous prononcer sur une autre initiative parlementaire, visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

Il est à noter que tous ces textes, en tant que propositions de loi, émanent de parlementaires, en l’espèce de députés de la majorité présidentielle. Face aux dangers pouvant être causés par ce nouvel environnement numérique, il est évidemment salutaire que le législateur se saisisse de cette thématique.

Pour autant, je rejoindrai là aussi Mme la rapporteure en m’adressant à M. le garde des sceaux : une législation véritablement protectrice ne saurait se bâtir par la multiplication de petites propositions de loi, au champ et à la portée limités, dont les objectifs non coordonnés pourraient être de nature à nuire à la cohérence d’ensemble de notre droit. Ces initiatives parlementaires sont certes les bienvenues, mais force est de constater qu’elles sont partielles et parcellaires.

Une fois n’est pas coutume, il nous semble que, pour faire preuve d’efficacité face à un sujet complexe, il eût été préférable que l’exécutif présente un projet de loi transversal et global. Vous savez, monsieur le garde des sceaux, que, pour rédiger ses projets de loi, l’exécutif dispose de moyens et d’une expertise sans commune mesure avec ceux dont disposent les parlementaires,…

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Exactement !

M. Hussein Bourgi. … ne serait-ce que pour l’élaboration des études d’impact.

Permettez-moi de rappeler que le dernier texte d’origine gouvernementale date de 2016 et avait été défendu à l’époque par Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique lors du quinquennat de François Hollande. Ces travaux de Mme Lemaire avaient abouti à l’adoption de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, comprenant la dernière grande avancée digitale pour les enfants, à savoir une amélioration substantielle du droit à l’oubli des mineurs sur le Net.

À l’ère des mutations numériques, 2016, c’est très loin ! Depuis, le cyberenvironnement a beaucoup évolué. Les problématiques qui y ont trait se sont encore multipliées, en particulier pour les personnes mineures. Un rapport de 2018 de Mme Rachel de Souza, commissaire à l’enfance pour le Royaume-Uni, peut nous éclairer sur l’ampleur du phénomène dont il est ici question. Selon cette étude, un enfant paraîtrait en moyenne sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, sur ses propres comptes, sur ceux de ses parents ou des proches de ces derniers.

Si le fait de poster des photos d’enfants sur les réseaux sociaux peut sembler anodin de prime abord, la situation devient plus grave lorsque celles-ci sont détournées à des fins sordides. Selon les rapports du Centre national pour les enfants disparus ou exploités, qui œuvre aux États-Unis, la moitié des photographies d’enfants s’échangeant sur les réseaux pédophiles et pédopornographiques ont été à l’origine postées sur le Net par leurs parents, par leur famille ou par leurs proches. Ces publications, innocentes dans l’intention, peuvent donc être source de détournements, mais aussi de cyberharcèlement.

Aussi, face à ces risques et à ces dangers aux multiples facettes, nous devons nous interroger sur la pertinence, sur l’utilité et sur l’efficacité du texte que nous étudions aujourd’hui.

Il semble que, dans sa forme initiale, cette proposition de loi était dotée d’une portée normative limitée. En effet, ses articles 1er, 2 et 3 semblaient relativement superflus, car déjà plus ou moins satisfaits par le droit positif. Tout au plus garantissaient-ils une meilleure lisibilité de notre législation. L’article 4, relatif à la délégation partielle, sous contrainte, de l’autorité parentale, concernait principalement des cas rares, ce qui prédestinait cette mesure à être peu usitée.

En raison de ces faiblesses, le texte tel qu’il a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale pouvait davantage être considéré comme une proposition de loi déclarative, visant à sensibiliser l’opinion et notamment les parents aux risques auxquels sont exposés les enfants faisant l’objet de publications sur internet.

Déclarer, déclamer, proclamer, c’est bien ; avoir le souci de l’efficacité, c’est mieux. Je sais, madame la rapporteure, que vous avez une appréciation similaire au sujet de cette initiative parlementaire. Vous avez donc souhaité amender ce texte afin d’en garantir une meilleure application et une plus grande efficacité. Je vous en remercie.

Cependant, tous les apports et toutes les modifications effectués par la commission ne sont pas de nature à nous convaincre totalement.

Nous soutenons évidemment la suppression de l’article 2, dont l’apport n’était pas nécessaire, répétant simplement des dispositions déjà en vigueur dans le droit.

Nous nous montrons davantage circonspects quant aux réécritures des articles 1er et 3. Dans les deux cas, il semble que les rédactions choisies puissent donner lieu à interprétation et compliquer, dans la pratique, le travail du juge. Le mérite initial de ces articles était pourtant d’assurer aux professionnels du droit une plus grande clarté de notre législation.

Le nouvel article 5 suscite également quelques interrogations. Celui-ci est venu conférer au président de la Cnil, par voie de référé, le droit d’ordonner aux juridictions compétentes toute mesure nécessaire à la sauvegarde de la vie privée d’un mineur sans que soient requis des critères de gravité ou d’immédiateté, comme c’est le cas actuellement. Le concept même du référé est intrinsèquement lié au caractère urgent d’une situation : il nous semble donc contradictoire d’autoriser une procédure en référé sans que la considération d’urgence du cas d’espèce entre en ligne de compte. De grâce, ne banalisons pas la notion de référé !

Enfin, nous nous montrons plutôt défavorables à la suppression de l’article 4 de cette proposition de loi. En effet, son dispositif ayant été encadré à l’Assemblée nationale et ne devant concerner que de rares affaires, cette nouvelle mesure aurait pu trouver sa place au sein de notre arsenal législatif.

Ces doutes étant exprimés, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra malgré tout cette initiative parlementaire. Lacunaire, ne couvrant qu’un pan extrêmement restreint de la thématique que ses auteurs souhaitent traiter, cette proposition de loi ne permettra sans doute pas à elle seule de protéger les mineurs des dangers d’internet. Elle a cependant pour mérite de mettre en lumière ces nouveaux risques liés à l’univers numérique, en particulier pour les enfants, et elle ouvrira certainement de nouveaux débats en la matière.

Aussi, je forme le vœu que le Gouvernement se saisisse pleinement de ce sujet afin que nous puissions rapidement nous doter d’une législation encore plus volontariste et plus protectrice pour toutes et pour tous. La balle est désormais dans le camp de l’exécutif. S’il juge le sujet digne d’intérêt, ce que je crois, il saura saisir l’occasion. (Mmes Valérie Boyer, rapporteure, et Esther Benbassa applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la protection de l’enfant est une question fondamentale – cela a été rappelé – qui doit être constamment prise en compte dans nos sociétés. L’ambition de tout parent est d’assurer la sécurité et le bien-être de son enfant, tant sur le plan physique et émotionnel que psychologique.

Toutefois, avec l’omniprésence des écrans et des réseaux sociaux, l’exposition des enfants sur internet est un phénomène en constante augmentation. Il est de notre responsabilité de moderniser notre législation pour mieux protéger leur vie privée.

Je m’associe aux propos tenus par notre rapporteure et par M. Bourgi : nous aurions pu, au regard des enjeux qui se profilent pour les prochaines années, dans le cadre d’une semaine réservée par priorité au Gouvernement, espérer un véritable projet de loi en la matière. Celui-ci devrait appréhender de façon plus générale les défis auxquels sont confrontés nos enfants, et auxquels ils le seront plus encore à l’avenir si nous n’agissons pas.

La rapidité des développements technologiques au cours des dernières décennies a créé de nouveaux défis pour la protection des mineurs. Tout comme l’ont dénoncé la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants dans leur dernier rapport annuel sur la protection des droits des enfants, l’utilisation généralisée des écrans et des réseaux sociaux signifie que les enfants sont plus exposés que jamais à des risques tels que le harcèlement en ligne, la cyberintimidation et la violation de leur vie privée.

Nous, parents, devons prendre conscience de ces dangers et prendre des mesures pour protéger nos enfants. Nous, législateurs, devons moderniser la loi, y compris le code civil, pour protéger la vie privée des enfants dans le contexte du développement du numérique.

Certains pourraient s’inquiéter que des changements dans la loi puissent limiter la liberté des parents d’éduquer leurs enfants comme ils l’entendent. Cependant, il convient de rappeler que l’intention des auteurs de cette proposition de loi n’est pas de restreindre cette liberté, mais plutôt de renforcer la protection des mineurs contre les risques liés à une exposition en ligne. Il est important de souligner que les atteintes à la vie privée des enfants ne sont pas toutes le fait d’intentions malveillantes. Beaucoup n’ont pas conscience des dangers que représentent les réseaux sociaux pour les plus jeunes.

Nous regrettons que la proposition de loi actuelle ne contienne pas de mesures de sensibilisation des parents. Nous devons nous assurer que les intéressés soient pleinement conscients des dangers de publier des photos ou des vidéos de leurs enfants en ligne, même si ces actions sont bien intentionnées. Nous devons les aider à comprendre les risques afin qu’ils prennent des décisions éclairées quant à la façon dont ils exposent leurs enfants.

Il est important de souligner que la protection de la vie privée et de l’image des enfants sur internet est une question qui ne peut être résolue par la législation seule. Les entreprises qui fournissent des plateformes en ligne et les réseaux sociaux ont également une responsabilité dans la protection de la vie privée des plus jeunes. Elles doivent mettre en place des politiques efficaces pour prévenir le harcèlement en ligne, la cyberintimidation et la violation de la vie privée de ce public. Elles doivent également s’assurer qu’ils ne soient pas exposés à des contenus inappropriés.

Il est crucial que nous ayons une compréhension claire et nuancée de la façon dont les enfants utilisent internet et les réseaux sociaux. Les recherches montrent qu’ils ont souvent des comportements en ligne qui peuvent les exposer à des risques, mais qu’ils sont également capables de gérer ces risques s’ils sont correctement informés. Nous devons également tenir compte des différents âges et du développement des enfants lors de l’élaboration de politiques de protection de la vie privée en ligne, parce que, inévitablement, les problématiques ne sont pas les mêmes.

En l’état, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, mais nous demeurons convaincus qu’il reste encore beaucoup à faire. (Mme Michelle Gréaume applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, 300 millions, c’est le nombre de photographies qui sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux.

Cette appétence pour le partage de contenus témoigne certainement de la capacité du numérique à créer et entretenir du lien social avec nos proches et nos moins proches. Toutefois, nul n’ignore, de nos jours, que toute notre activité en ligne, même la plus anodine, est enregistrée, analysée, décortiquée et finalement monétisée. Ces traces, que l’on croyait éphémères et restreintes, sont en réalité visibles par le plus grand nombre et pour longtemps.

En outre, on estime qu’un enfant apparaît, en moyenne, sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches. Il s’agit de l’un des principaux risques d’atteinte à la vie privée des mineurs, principalement du fait de la difficulté à contrôler la diffusion de son image.

En effet, 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux. Pis, les informations diffusées sur le quotidien des enfants peuvent permettre à des individus d’identifier leurs lieux et habitudes de vie à des fins de prédation sexuelle.

Enfin, au-delà du risque pédophile, les contenus mis en ligne sont susceptibles de porter préjudice à l’enfant à long terme, sans que celui-ci puisse obtenir leur effacement définitif.

À ces questions s’ajoutent des considérations économiques. En effet, prenant exemple sur leurs aînés, il existe désormais de véritables « bébés influenceurs », comme en témoigne le succès des vidéos mettant en scène des mineurs, seuls ou avec leur famille.

Il s’agit donc d’enjeux économiques forts, à la fois pour les marques, en quête de relais auprès d’un jeune public, et pour les parents. Dès lors, ces derniers doivent assumer un double rôle : celui de gestionnaire et celui de protecteur de l’image de leur enfant.

Ces enjeux peuvent parfois donner lieu à un arbitrage délicat, car les parents peuvent entrer en conflit avec leur enfant en raison des avantages financiers, sociaux ou émotionnels que l’exploitation de l’image de l’enfant peut apporter. L’enfant peut alors être confronté à un conflit de loyauté entre ses propres aspirations et la volonté de ses parents. D’ailleurs, selon une étude, 40 % des adolescents estiment que leurs parents les exposent trop sur internet.

Enfin, l’exposition excessive des enfants au jugement de tiers sur internet et la course aux likes et autres appréciations peuvent engendrer des problèmes psychologiques, en particulier dans l’acceptation de soi et de son image. Nous voyons parfois les ravages de ce phénomène sur des adultes, alors imaginez sur des enfants… En outre, le cyberharcèlement y trouve un terreau fécond.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il est utile de légiférer sur ce sujet. Or si le constat dressé apparaît inquiétant et nécessite une intervention de notre part, le texte que nous examinons privilégie nettement la pédagogie, la sensibilisation des parents et les mesures consensuelles.

Certes, la puissance publique ne doit pouvoir se substituer aux parents qu’en dernier recours, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, mais peut-être aurait-il fallu faire preuve d’un peu plus d’ambition. En l’état, nous ne pouvons qu’espérer que ce texte suffise.

En attendant, notre commission – et je salue le travail de notre rapporteure, Valérie Boyer – a fait le choix d’enrichir et de rendre plus efficace le texte qui nous est proposé, avec pour principal objectif d’éduquer et de sensibiliser les parents.

Ainsi, l’article 1er introduit la notion de vie privée de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale, pour mieux faire prendre conscience aux parents qu’il leur appartient d’assurer le respect de la vie privée de leur enfant dans le cadre de leur obligation de protection et de préservation de ses intérêts.

L’article 2 ne faisant que reprendre des dispositions déjà consacrées dans le code civil et précisées par l’article 1er, notre commission a choisi de le supprimer.

L’article 3 précise que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant nécessite l’accord des deux parents, ce qui évitera toute divergence d’approche entre juridictions pour décider s’il s’agit d’un acte usuel ou non usuel. J’entends, monsieur le garde des sceaux, votre désaccord sur ce point, mais je pense qu’il n’y a aucune raison urgente de diffuser des images de son enfant et que nous avons donc le temps de demander aux deux parents leur accord pour faire une telle chose.

Enfin, l’article 5 permet à la Cnil de saisir les juridictions compétentes pour demander le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits des mineurs.

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Dominique Vérien. Elle pourra ainsi agir en référé dès lors que les droits de personnes mineures sont concernés, sans condition de gravité ou d’immédiateté de l’atteinte. Tous ceux qui travaillent à protéger les enfants ne peuvent que se réjouir de cette avancée.

En conclusion, il s’agit d’un texte pédagogique et de prévention que le groupe Union Centriste votera. (M. Yves Détraigne applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la moitié des photographies échangées sur les réseaux pédopornographiques avaient initialement été publiées sur les réseaux sociaux par des parents, ceux-ci les croyant banales.

Mais ce n’est pas le seul danger auquel sont exposés ces enfants : mises en scène dégradantes pour faire rire, influenceurs qui font commerce de leur vie de famille… Ces pratiques favorisent le harcèlement scolaire et les problèmes liés à l’intimité, l’acceptation de soi et de son image.

Un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 photos publiées avant l’âge de 13 ans, alors qu’il n’a pas encore la maturité nécessaire pour y consentir. Selon une étude menée en 2019, près de 40 % des enfants sont en désaccord avec l’utilisation que font leurs parents de leur image et, une fois adultes, ils leur demandent des comptes.

La protection de leur vie privée manque cruellement à ces enfants et la proposition de loi que nous examinons n’augure pas de progrès majeur. Certes, elle devient un devoir des détenteurs de l’autorité parentale. Pour autant, ce texte est-il suffisant pour responsabiliser les parents, de plus en plus nombreux, dont les intérêts entrent clairement en conflit avec celui de leurs enfants ?

Cette proposition de loi aurait pu suffire il y a quelques années encore, mais la situation actuelle est tout autre : l’avènement des réseaux sociaux, par-delà la simple image des enfants, conduit à exposer des comportements et de nombreux autres aspects de leur personnalité, qui pourront un jour leur porter préjudice.

Ce texte ouvre la voie à des relations conflictuelles aussi bien entre les parents et leurs enfants qu’entre les parents eux-mêmes. Le respect de la vie privée de l’enfant devant toujours rester notre priorité, des propositions complémentaires seraient nécessaires afin de mieux sensibiliser aux conséquences de cet exercice du droit à l’image.

Lorsque cette image est exploitée par des parents qui en font leur fonds de commerce, peut-être serait-il juste, par exemple, que ces enfants perçoivent une rémunération appropriée à leur majorité.

Si nous ne devons pas nous satisfaire de cette proposition de loi, elle a toutefois le mérite de poser les fondements d’une protection du droit à l’image des enfants.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si chacun s’accorde à voir dans l’essor du numérique une chance, notamment pour la jeunesse – en matière d’éducation, de loisir, d’information… – il représente un défi, en cela qu’il charrie des risques n’épargnant pas les plus jeunes. Nous pensons, par exemple, au cyberharcèlement ou à la collecte de données.

Il va sans dire que la protection de l’enfance intéresse, naturellement, le Sénat – et la commission des lois en particulier – au-delà de la seule question des nouvelles technologies. En 2020, nous avons d’ailleurs rendu, Catherine Deroche, Marie Mercier, Michelle Meunier et moi-même, un rapport d’information sur l’obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs.

Comme nous l’avions souligné dès les premières lignes de ce rapport d’information : « Les violences sur mineurs, qu’elles soient de nature physique, sexuelle ou psychologique, ou les privations qui leur sont infligées, parce qu’elles concernent les plus fragiles d’entre nous, sont devenues insupportables dans notre société. »

De plus, j’ai défendu, dans mes rapports réalisés à l’occasion de l’examen des précédentes lois de finances, une augmentation des moyens pour la protection judiciaire de la jeunesse.

L’objet de cette proposition de loi pourrait donner le sentiment d’être plus léger que les violences sur mineurs. Ce n’est évidemment pas le cas, car, d’une part, rien n’est léger quand il est question des plus jeunes et, d’autre part, l’ampleur des difficultés rencontrées avec le numérique ne doit pas être sous-estimée.

De manière générale, et avant de parler du fond, je partage les regrets exprimés par certains de mes collègues : ce texte appelle à faire davantage. Traiter le sujet des enfants et du numérique exige un travail d’envergure, mêlant un ensemble de questions particulièrement complexes touchant, au fond, toutes les générations.

D’ailleurs, la Cnil nous alerte depuis plusieurs années sur ces sujets et nous incite à prendre en compte le point de vue et les droits de l’enfant dans la conception des services et l’élaboration des réglementations.

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Maryse Carrère. Il nous faut aussi protéger les enfants contre l’exploitation commerciale de leurs données. De même, nous devons soutenir le rôle fondamental d’accompagnement des parents et des acteurs de l’éducation.

En effet, si les contenus par lesquels les enfants sont souvent happés sur les réseaux sociaux sont parfois un danger en soi, l’ignorance des parents et la méconnaissance de certains outils en sont d’autres.

Aussi avons-nous le sentiment que cette proposition de loi, qui va certes dans la bonne direction, est insuffisante. J’en veux pour preuve le fait que nous allons examiner dans quelques jours une proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

Ces sujets devraient être traités d’un seul tenant, de sorte que nos rapports et nos analyses tiennent compte des dangers tentaculaires qui guettent notre jeunesse lorsqu’elle s’initie aux mondes faussement virtuels des réseaux sociaux et autres plateformes numériques.

Malgré ces regrets sur la démarche adoptée, je salue la position de notre rapporteure sur le texte que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci s’est montrée constructive, notamment en maintenant l’article 1er, qui intègre à la définition de l’autorité parentale le respect de la vie privée de l’enfant.

Je pense que chacun a déjà, d’expérience, vu des parents partager une photo de leur enfant, livrant l’intimité de celui-ci, qui n’a pas lieu d’être exposée. Or introduire la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale soulignera l’importance que les parents doivent accorder à cette question, au même titre qu’ils doivent veiller à la sécurité, à la santé ou à la moralité de leur enfant.

D’aucuns doutent qu’une telle disposition puisse produire des effets efficaces et concrets, mais elle indique la bonne démarche.

De la même manière, la nouvelle rédaction de l’article 3 semble satisfaisante : la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant devra être l’objet d’un accord de chacun des parents. J’entends toutefois vos réserves, monsieur le garde des sceaux.

Enfin, l’article 5, ajouté par notre rapporteur, permet à la Cnil d’agir en référé pour demander le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits et aux libertés d’un mineur. Il s’agit d’une bonne disposition, qui présente surtout l’intérêt de montrer combien le sujet mobilise des acteurs variés et combien il mériterait d’être élargi.

En conclusion, malgré ces quelques remarques, le groupe RDSE est favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Elsa Schalck. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la protection des mineurs dans un univers numérique devenu omniprésent constitue un défi majeur pour notre société. Il s’agit d’un enjeu à la fois pour les familles, en premier lieu les parents, et pour les institutions, en matière d’éducation et de santé publique.

À l’heure où les réseaux sociaux inondent notre quotidien, plus de 300 millions de photos y étant diffusées chaque jour, et où le like est devenu une valeur de référence, le phénomène de surexposition sur internet est une réalité. Cette réalité présente de multiples dangers, souvent pas ou peu connus des parents et toujours largement sous-estimés.

Il convient de rappeler que diffuser une photo, donc la rendre publique, au vu et au su de tous, revient à s’exposer au risque qu’elle soit détournée, notamment s’il s’agit d’une photo d’enfant. Les fins de ces détournements d’images sont malheureusement nombreuses et dramatiques : harcèlement – c’est devenu un véritable fléau dans nos écoles –, exploitation commerciale, usurpation d’identité, pédocriminalité…

Je rappelle que la moitié des images qui se trouvent sur les sites pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents. Par ailleurs, en moyenne, avant l’âge de 13 ans un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne, et un tiers des enfants ont une existence sur internet avant même d’être nés.

Ces chiffres expliquent les nombreuses initiatives législatives sur ce sujet et je partage les propos de plusieurs intervenants qui m’ont précédé : il est dommage qu’elles soient examinées de manière séparée.

Pour ce qui concerne le texte qui nous intéresse aujourd’hui, je salue le travail de mon collègue alsacien Bruno Studer, qui s’était déjà mobilisé en déposant et en faisant adopter, en 2020, une proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne.

Notre droit interne et notre droit européen consacrent et protègent le droit à la vie privée. Toutefois, les textes ne concernent pas spécifiquement la vie privée des mineurs, dont la vulnérabilité doit être prise en considération. Au reste, l’examen de la jurisprudence nous démontre que cette question est déjà soumise aux juridictions, notamment en cas de conflit entre les parents.

Je salue le travail mené par la commission des lois, en particulier par notre collègue rapporteure Valérie Boyer, dont je sais l’engagement de longue date sur le sujet. Comme l’a indiqué cette dernière, la vocation de ce texte est avant tout pédagogique, afin de sensibiliser, informer et alerter les parents sur les dangers que peut présenter un tel affichage de leur enfant.

Les parents appartenant de plus en plus à une génération du tout-numérique, le partage des photos peut leur paraître anodin tant cet acte est simple et quotidien. Pourtant, un tel acte peut avoir des conséquences durables, dont nous ne mesurons pas encore pleinement la portée – il n’y a qu’à voir les questions que pose l’intelligence artificielle quant à l’exploitation et au détournement des images.

Alors oui, cette proposition de loi vaut davantage pour sa dimension pédagogique que pour son réel apport juridique. Mais voyons en ce texte une première étape, car sans pédagogie, sans explication et sans information, aucune politique publique ne peut être efficace. C’est d’autant plus vrai que les parents sont les premiers éducateurs des enfants.

Cette proposition de loi appelle donc à une prise de conscience collective : au regard de l’ampleur du défi que constitue le respect de la vie privée à l’heure des réseaux sociaux, il appartient au Gouvernement de mener une véritable politique publique en la matière.

En ce sens, je partage l’avis de notre rapporteure, dont le travail a également permis de formuler des recommandations que je salue, notamment la création d’une page dans le carnet de santé sur l’exposition aux écrans.

Par une approche constructive du texte, la commission a choisi d’intégrer la notion de vie privée à la définition de l’autorité parentale. À cet égard, je me réjouis du retour à la rédaction initiale du texte de la proposition de loi. Cette référence explicite à la vie privée met en lumière cet enjeu, même si nous savons que son respect incombe déjà aux parents dans le cadre de l’autorité parentale.

De même, j’approuve la suppression par la commission de l’article 2, puisque le droit à l’image est d’ores et déjà exercé en commun par les deux parents, ainsi que la suppression de l’article 4, qui ouvrait une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image, qui peut être jugée inefficace au regard de ce que peut d’ores et déjà décider le juge des enfants dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative.

Par ailleurs, la réécriture de l’article 3 de manière à inscrire dans la loi que la diffusion de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant nécessite l’accord des deux parents évitera des interprétations multiples sur la notion d’acte usuel.

Enfin, l’article 5 permet à la Cnil d’agir en référé en cas d’atteinte aux droits des mineurs. Je salue cet ajout de la part de notre rapporteure et de la commission. En effet, il paraît important qu’une autorité comme la Cnil puisse solliciter le blocage d’un site internet qui ne répondrait pas aux demandes d’effacement.

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Elsa Schalck. Mettre en lumière le respect de la vie privée des mineurs, c’est aussi sensibiliser les jeunes eux-mêmes. Je rappelle que 63 % des moins de 13 ans ont un compte sur un réseau social et que 80 % des parents déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants y font. Sensibiliser les parents revient donc à sensibiliser également les enfants, qui sont de futurs ou d’actuels utilisateurs des réseaux sociaux.

En conclusion, ce texte met en évidence un problème émergent, mais pourtant déjà bien ancré dans notre société, qui nécessite de trouver un point d’équilibre entre, d’une part, la liberté d’expression des parents et, d’autre part, l’intérêt supérieur des enfants.

En tout état de cause, il appelle à une prise de conscience, dans le sens d’une responsabilisation des parents, pour qu’internet reste un outil au service de l’apprentissage, de la connaissance, de la découverte et des liens entre jeunes et ne devienne pas un univers où l’exposition de l’intimité de ces derniers ouvrirait la voie à de multiples dangers.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.Mme la rapporteure applaudit également.)

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le développement de l’usage du numérique présente bien des avantages, notamment en permettant de conserver un lien social et familial malgré la distance géographique.

La diffusion de photographies de famille ou de vidéos sur les réseaux sociaux remplace nos anciens albums photos. Une fête de famille, des vacances, des loisirs, un événement sportif ou culturel, la fête de l’école… : tout est prétexte à partager la vie de ses enfants.

Or si la généralisation de l’usage d’internet et des réseaux sociaux dans nos vies a fait émerger de nouvelles opportunités, elle expose également nos concitoyens à de nouveaux risques et menaces que nous devons prendre en considération.

En effet, dans le cyberespace, ces photos, ces vidéos, ces renseignements personnels peuvent être visualisés et repartagés à l’insu des intéressés. Ainsi, la moitié des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques auraient été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux. Ces derniers diffusent bien souvent des photos et des vidéos de leurs enfants sans penser à tous ces risques ; il est urgent de mieux les informer !

Aussi, en raison de la surexposition grandissante de l’image de l’enfant et de l’usage malveillant qui pourrait en être fait par des tiers, il semble primordial d’adapter notre arsenal juridique pour mieux appréhender l’exercice des droits des enfants dans cet environnement numérique.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi ne réglera pas tous les problèmes. Elle ne rendra pas non plus à certains parents le bon sens qui leur manque, mais elle permettra sensibilisation et responsabilisation des parents pour protéger les droits des enfants.

En faisant œuvre de pédagogie, elle aura le mérite de rappeler à tous que l’enfant n’est pas un objet, mais une personne titulaire de droits fondamentaux pour sa propre construction, comme le droit à l’image.

Lors de l’examen du texte en commission, des modifications utiles et pertinentes ont été apportées.

Je rejoins la position de la commission, qui a consacré de façon expresse l’obligation des parents de veiller au respect de la vie privée de leur enfant, y compris de son droit à l’image, au titre de leurs prérogatives liées à l’exercice de l’autorité parentale.

Je me réjouis également que la commission ait souhaité que la diffusion au public d’images relatives à la vie privée d’un enfant – photos ou vidéos – nécessite l’accord des deux parents.

De plus, je me félicite que la commission ait renforcé le pouvoir de la Cnil en cas d’atteinte aux droits des mineurs. Ainsi, celle-ci pourra agir en demandant de bloquer un site internet dans les cas où l’éditeur ne répondrait pas aux demandes d’effacement ou ne prouverait pas avoir obtenu l’accord des deux parents pour la publication concernant l’enfant.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à l’ère de l’ultra-digitalisation, les enfants sont plus que jamais mis en danger par leur surexposition sur internet, particulièrement sur les réseaux sociaux. Il est donc nécessaire que nous nous accordions sur un texte opérant, afin de continuer à garantir à l’ensemble des mineurs une protection suffisante.

Le groupe Les Indépendants accompagnera toute démarche tendant à préserver les intérêts de l’enfant. Avec conviction, il votera en faveur de cette proposition de loi, utilement modifiée en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en 1965, le chimiste et physicien Gordon Moore théorisait que, chaque année, la complexité des semi-conducteurs – qui sont au cœur de nos ordinateurs et de nos téléphones portables – allait, à coût constant, doubler.

Jusqu’à présent, sa théorie s’est vérifiée, année après année. Cette complexification constante et à coût constant a démocratisé l’accès au numérique, au point que nous avons désormais toutes et tous des téléphones portables, des iPads – comme celui sur lequel je lis mon intervention –, des ordinateurs, qui nous permettent de tout photographier, de filmer chaque moment de la vie et de les partager en direct sur les réseaux sociaux.

Or, comme souvent, le cadre législatif ne suit guère, ou tout du moins pas assez rapidement. C’est particulièrement vrai pour ce qui concerne le droit à l’image des enfants, qui n’est plus du tout adapté à notre époque. Pour beaucoup d’individus, ce qu’ils auront fait enfants pourra être vu par tous parce que des parents ont trouvé amusant de publier, à un moment donné, une vidéo de leurs enfants sur Instagram.

Souvent, les parents n’ont pas conscience des répercussions que peut avoir la publication de telles images, notamment celle de séquences qui mettront potentiellement leurs enfants – qui n’avaient pas la maturité nécessaire pour décider de publier ou non ces images – très mal à l’aise des années plus tard et susciteront des moqueries, voire du harcèlement.

En outre, il existe un risque réel de détournement des images des mineurs, à des fins d’usurpation d’identité, de chantage, de cyberharcèlement ou de pédopornographie. En effet, les pédocriminels se nourrissent très souvent d’images qui ont été postées à la légère par des parents.

Aussi est-il évident qu’il nous faut mieux encadrer le droit à l’image des enfants dans la loi pour enfin tenir compte de la démocratisation du numérique et de l’exposition des mineurs.

C’est pourquoi le groupe écologiste soutient pleinement cette proposition de loi. Nous saluons en particulier l’introduction de la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale. Si l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre le droit à la vie privée et que la convention internationale des droits de l’enfant précise que ce droit s’applique bien également aux enfants, la définition de l’autorité parentale dans le droit français n’y fait à ce jour pas référence. Il était donc urgent de l’ajouter.

De plus, nous approuvons l’ajout, en commission, de l’article 5, qui prévoit que la Cnil puisse ordonner le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits et aux libertés des enfants. Actuellement, la loi prévoit ce blocage pour les atteintes subies par les mineurs et majeurs, mais uniquement si l’atteinte est grave ou immédiate. Cet assouplissement des conditions de recours pour les mineurs renforce leur protection en ligne. Je remercie donc la rapporteure de son initiative.

Cette disposition vient utilement compléter une proposition de loi qui comportait jusque-là un angle mort : au-delà des mesures visant à responsabiliser les parents, la responsabilité des opérateurs de réseaux sociaux avait été quelque peu oubliée. Pourtant, les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans les atteintes au droit à l’image des enfants. Au bout du compte, où ces images sont-elles diffusées ? Elles ne sont pas placardées dans la rue ; elles sont publiées sur les réseaux sociaux !

En complément du droit à l’oubli, qui permet aux enfants ou aux enfants devenus majeurs de demander le retrait de ces publications – il s’agit d’un élément très important –, nous souhaitons permettre aux titulaires de l’autorité parentale de demander le retrait d’images montrant leurs enfants diffusées par des tiers.

Concrètement, le groupe écologiste demande que tout opérateur d’un réseau social mette en place un mécanisme de signalement afin que les parents puissent signaler des images de leurs enfants ayant été diffusées sans ou contre leur accord.

Enfin, je rappelle que les mineurs ne sont pas des êtres dénués d’avis. Bien sûr qu’il faut responsabiliser les parents – c’est l’objet de ce texte –, mais il ne faut pas oublier que les enfants sont doués de droits fondamentaux et, aussi, de cerveaux ! Un enfant peut être gêné par une photo et exprimer une opposition à sa publication en ligne ; il faut en tenir compte.

Ce n’est pas facile à faire : j’ai moi-même fait l’expérience de tenter d’expliquer ce qu’implique la publication d’une photo sur les réseaux sociaux à ma nièce de 6 ans. Il s’agissait d’un dessin qu’elle avait fait. Elle a fini par me répondre qu’elle n’était pas assez grande pour comprendre ce que je lui expliquais – ce qui est déjà une grande preuve de maturité.

Mais, dans la plupart des cas, les parents ne prennent pas soin de demander l’avis de leurs enfants avant de publier une image, et même lorsqu’ils le font, tous n’ont pas conscience de l’importance de cette demande ni de la manière de la formuler. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans la loi le fait que les parents doivent associer leurs enfants à l’exercice du droit à leur image en fonction de leur âge et de leur degré de maturité.

Au fond, la réponse au développement du numérique doit être triple : responsabiliser les parents vis-à-vis des conséquences de la diffusion d’images, faciliter la suppression des images en ligne et associer les enfants.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’essor du numérique et l’avènement des réseaux sociaux ont profondément révolutionné la vision que nous avons de notre image et l’usage que nous en faisons pour nous-mêmes, mais aussi pour nos enfants.

Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à mieux faire respecter le droit à l’image des enfants par leurs parents, qui en sont responsables.

Cela a été répété, mais il faut le redire, à l’âge de 13 ans, un enfant a déjà en moyenne 1 300 images de lui qui circulent sur internet !

Ce comportement numérique des parents, apparemment anodin, n’est pourtant pas dénué de risques.

Ces risques sont d’abord pédocriminels, puisque 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux.

Ces risques sont ensuite liés à la prédation sexuelle, car les lieux fréquentés par les enfants ou les informations personnelles qu’ils livrent peuvent être identifiés sur des photos.

Des risques de cyberharcèlement, de harcèlement scolaire ou encore d’usurpation d’identité, enfin, peuvent aussi exister.

Évidemment, l’immense majorité des parents agit par naïveté. La fierté et la méconnaissance des dangers liés au partage de l’image de leur enfant sur internet les poussent parfois à l’imprudence. Quelques-uns le font par bêtise, malveillance ou profit.

C’est pourquoi il était nécessaire d’essayer de trouver un équilibre entre liberté d’expression et intérêt supérieur de l’enfant, entre sensibilisation aux risques et répression.

Ce texte, à visée pédagogique surtout, s’inscrit dans la droite ligne de plusieurs initiatives parlementaires qui ont été prises au cours des dernières années en vue de renforcer la protection du droit à l’image des enfants sur internet.

Je pense notamment à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a reconnu aux mineurs un droit à l’oubli numérique, à la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, grâce à laquelle les mineurs n’ont pas besoin du consentement de leurs parents pour demander l’effacement de leurs données personnelles.

Je pense également à la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne et à la proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans, toujours en cours de navette parlementaire.

Le Gouvernement s’est également engagé à accompagner les parents face aux enjeux de parentalité numérique pour prévenir les usages excessifs et inappropriés des écrans, en soutenant ces initiatives parlementaires, en lançant une campagne nationale de prévention consacrée à la parentalité numérique ou encore au travers de la création d’une plateforme d’information et d’accompagnement à la parentalité numérique.

Plus précisément, la proposition de loi qui est soumise à notre examen prévoit d’introduire dans la définition de l’autorité parentale la notion de vie privée, afin de sensibiliser les parents à l’importance qu’ils doivent accorder à cet enjeu, au même titre que la sécurité, la santé ou la moralité de leur enfant.

La commission a, en revanche, choisi de supprimer l’article 2, qu’elle a jugé redondant, et l’article 4, dont les dispositions ont été considérées comme inopérantes. Je salue à cette occasion le travail de Mme la rapporteure.

Ce texte, issu des travaux de l’Assemblée nationale, permettait aussi au juge aux affaires familiales d’interdire à un parent de publier ou diffuser toute image de son enfant sans l’autorisation de l’autre parent lorsqu’il y avait désaccord entre eux sur l’exercice des actes non usuels relevant du droit à l’image de l’enfant. Afin d’éviter une interprétation différente de la notion d’actes usuels ou non usuels entre juridictions, la commission a décidé d’inscrire dans la loi que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant nécessiterait l’accord des deux parents et que, en cas d’atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel, la Cnil pourrait agir en référé.

Il nous semble important de renforcer la protection des enfants tout en évitant de rigidifier à l’excès le quotidien des familles, ce que, à notre sens, cette nouvelle rédaction risque de provoquer. Aussi, nous vous soumettrons un amendement proposant de permettre au juge d’interdire à un parent de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent, sans faire référence aux actes non usuels de l’autorité parentale qui figurait dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Le groupe RDPI se félicite de l’examen de ce texte qui répond à un défi sociétal actuel et accompagnera les parents dans l’exercice de leur parentalité numérique, afin d’éviter un usage abusif du droit à l’image des enfants et leur surexposition sur les plateformes sociales. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le développement des réseaux sociaux et leur utilisation massive par un public jeune et moins jeune ont créé une situation d’immersion massive de nos enfants dans l’espace numérique. Nous n’avons pas fini de découvrir ce nouveau continent, qui a ses espoirs, mais aussi ses travers.

Ce n’est pas la première fois que le législateur ou les pouvoirs publics interviennent dans le champ numérique par rapport aux enfants.

Dans le passé, nous avons réagi au phénomène de cyberharcèlement ; récemment, nous l’avons fait sur les enfants influenceurs et sur la majorité numérique. On le voit, nous sommes véritablement au cœur d’une préoccupation qui touche tous les éducateurs, tous les parents.

Internet peut en effet donner le meilleur comme le pire. Le romantisme des stories ou l’innocence des likes ne doivent pas occulter ce sombre terrain de chasse pour les prédateurs et autres usagers malveillants.

Les chiffres sont terrifiants. Plus de 300 millions de photographies sont diffusées par jour sur les réseaux sociaux, 1 300 photographies par enfant sont publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux – sans oublier les nombreuses images détournées.

Dans ce souci de protéger les plus fragiles, nous devons donc préserver le droit à l’image des enfants, des enfants exposés, trop exposés.

Le respect du droit à l’image n’est au fond qu’une application des exigences de l’autorité parentale qui s’imposent aux parents au titre de l’article 371-1 du code civil, que beaucoup de ceux qui, parmi nous, ont été officiers d’état civil comme maires ou adjoints au maire connaissent.

Comme l’a rappelé la rapporteure, l’autorité parentale implique vis-à-vis de l’enfant « le respect dû à sa personne », donc le droit à la vie privée. Cette notion de vie privée de l’enfant met l’accent sur le devoir qu’ont les parents de la respecter. C’est aussi la pratique par certains parents du prank, ces canulars aux dépens de l’enfant, qui peuvent provoquer chez ce dernier des troubles psychologiques altérant l’acceptation de soi et de son image. (Mme la rapporteure acquiesce.)

En effet, c’est d’abord aux parents qu’incombe la protection de leurs enfants dans cet univers numérique. La solution est donc dans ces obligations qui s’imposent aux parents au nom de l’exercice de l’autorité parentale.

Puisqu’ils veillent à la sécurité et à la santé de leurs enfants dans le respect dû à leur personne, comme l’affirme le code civil, les parents doivent en tirer toutes les conséquences.

Aux parents de limiter l’exposition des enfants aux écrans. Cela a été dit, mais cela doit être encore rappelé. Il faut fixer des limites et éviter une familiarisation précoce aux écrans. C’est un enjeu de santé et de sécurité dans la protection des enfants. Rien ne pourra remplacer la responsabilité des parents, qui est immense dans ce domaine !

Aux parents eux-mêmes de faire preuve de sobriété en évitant de communiquer des photos ou des vidéos où l’on voit leurs enfants. Cette sobriété numérique doit profiter à tout le monde et respecter l’intimité de l’enfant, surtout à un moment où les vies privées sont encore liées et, dans tous les sens du terme, connectées.

C’est par ailleurs pour cette raison que la commission des lois a préféré une rédaction plus modeste de l’article 1er du texte pour tenir compte du fait que la sécurité, la santé et la moralité peuvent justifier une atteinte à la vie privée de l’enfant par les parents.

Cette obligation de veiller au respect de la vie privée de l’enfant s’inscrit dans l’exercice de l’autorité parentale.

Parce que l’enfant est encore sous la dépendance de ses parents, même s’il publie souvent seul les photos, la commission des lois a rappelé le nécessaire accord des deux parents pour la diffusion au public de contenus relatifs la vie privée de l’enfant.

Cela permet de rappeler la gravité de cet acte, donc de mieux réfléchir à la publication de ces images. Cela permettra aussi d’éviter des divergences éventuelles entre juridictions, par exemple sur l’autorisation de l’un ou des deux parents pour publier une image. Quid des parents divorcés pas toujours en accord ?

Si la protection du droit à l’image des enfants revient aux deux parents, encore faut-il les aider dans cette tâche lourde et pourtant noble.

Au-delà de l’utilité ou de la pertinence de tel dispositif dans notre législation, nous souffrons surtout de l’absence d’une véritable politique publique de l’espace numérique.

Toutes les familles ne sont pas logées à la même enseigne et la prévention reste encore un domaine lacunaire.

Il faut une véritable politique globale, et non une simple réaction au coup par coup. Certes, rien ne remplace les parents, mais on peut tout de même les aider et les accompagner. Il faut une aide à la parentalité dans ce domaine, comme nous le voyons au travers de certaines initiatives de terrain. La société, l’école ont aussi un rôle à jouer.

L’information à l’égard des parents doit être développée. Ils sont les premiers garants de la protection de leurs enfants et doivent être alertés notamment sur la conséquence de la diffusion d’images.

La santé doit aussi englober le volet numérique. Il faut en effet parler de « santé numérique », laquelle reste évidemment dans le prolongement de la santé physique ou mentale, mais tend tout de même à devenir un domaine spécifique.

Il faut utiliser les vecteurs traditionnels et les adapter à ce nouveau contexte. Dans son rapport, notre collègue Valérie Boyer préconise la création d’une nouvelle page dans le carnet de santé, qui pourrait contenir des informations sur l’exposition des enfants aux écrans ou aux réseaux sociaux. Je salue cette initiative.

Parce qu’il n’y a pas de prévention sans mise en cause des dangers, il faut élaborer un véritable programme de santé publique, qui doit accompagner tous les enfants dans leur parcours scolaire, et ce de la maternelle au lycée.

Dans toutes les étapes de leur scolarité, les enfants doivent, dès leur plus jeune âge, être sensibilisés aux risques d’internet, afin que leur droit à l’image soit préservé. Plus ce sera tôt, mieux ce sera, et ce de la manière la plus pédagogique possible. Ce que nous avons fait contre la drogue ou contre l’obésité, nous pouvons le faire sur l’usage d’internet et sur celui des réseaux sociaux.

N’ayons pas peur de sensibiliser les enfants et de leur parler des dangers auxquels ils sont exposés. C’est toujours en le disant que les choses vont mieux ! N’attendons pas des drames et ne nous résignons pas à rester les bras croisés au prétexte que l’on ne peut pas faire grand-chose dans cet univers complexe. La fluidité d’internet ne saurait justifier l’absence d’interdits ni surtout d’appréhension des conséquences pérennes de ces diverses publications, tout comme l’absence du droit à l’oubli. Le passé numérique ne doit pas devenir un passif.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le défi est vaste, mais les enfants sont l’avenir de notre société et nous devons à tout prix les préserver ! L’impératif de protection doit l’emporter quand il s’agit de la jeunesse.

Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article 2

Article 1er

Le deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil est complété par les mots : « , et notamment à sa vie privée ».

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article 3

Article 2

(Supprimé)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 4

Article 3

L’article 372-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant fait l’objet d’un accord de chacun des parents. »

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Iacovelli, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le troisième alinéa de l’article 373-2-6 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent. Ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement vise à éviter que le texte que nous nous apprêtons à voter n’entraîne des effets de bord.

En commission, l’article 3 a été entièrement réécrit : désormais, la diffusion publique de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant est subordonnée à l’accord des deux parents. Si nous saluons la volonté de la rapporteure de créer les conditions d’une harmonisation de la jurisprudence, nous craignons que la notion très large de « contenus relatifs à la vie privée de l’enfant » ne complexifie le quotidien des familles. En effet, la rédaction retenue par la commission aurait notamment pour conséquence d’obliger les tiers à recueillir l’accord des deux parents pour les diffusions restreintes et conformes à l’intérêt de l’enfant, par exemple dans le cadre scolaire.

Par ailleurs, nous considérons que le dispositif proposé par la commission tend à instaurer une hiérarchie injustifiée entre les différents droits de l’enfant. Il entraînerait en effet une sanctuarisation du droit à la vie privée, alors que, pour les actes concernant d’autres droits, tels que le droit à la santé, l’accord d’un seul parent pourrait suffire.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, tout en supprimant la référence aux actes non usuels de l’autorité parentale. Concrètement, nous proposons d’accorder au juge la possibilité d’interdire à un parent de diffuser tout contenu relatif à son enfant, sans l’autorisation de l’autre parent en cas de désaccord sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant. Cette interdiction concernerait à la fois les actes usuels et les actes non usuels de l’autorité parentale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Mon cher collègue, même si je comprends votre intention, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait.

Si elle va dans le sens que nous souhaitons, la rédaction que vous proposez n’ajoute rien au droit existant. En effet, elle n’est qu’un simple rappel de ce que peut déjà faire le juge aux affaires familiales.

L’apport que la commission a proposé est de soumettre à l’accord des deux parents toute diffusion d’informations relatives à la vie privée de l’enfant au public. En fait, nous proposons un véritable changement de paradigme, puisque les parents seront obligés de réfléchir avant de poster des images de leur enfant sur des réseaux sociaux ouverts au public, car ce n’est pas un acte qui va de soi.

Comme l’a souligné Dominique Vérien dans son intervention, il n’y a aucune urgence à diffuser publiquement des photos de son enfant. Je trouve que c’est une bonne formule. Par ailleurs, Else Joseph a parlé de sobriété numérique : là encore, il est très important pour la protection des plus fragiles d’adopter ce nouveau paradigme.

C’est pourquoi la commission des lois propose de mettre fin à cette sorte d’insouciance numérique dont font montre les parents en publiant des photos de leurs enfants. Tous nos collègues qui ont pris la parole dans la discussion générale ont dénoncé la diffusion d’un nombre incroyable d’images d’enfants, le fait qu’elles se retrouvent sur des sites pédopornographiques pour la moitié d’entre elles, qu’elles soient exploitées…

Il me semble important d’adopter cette sobriété et de mettre fin à cette insouciance. Comme le souligne Bruno Studer lui-même, l’apport de ce texte est pédagogique. Si l’on veut qu’il le soit de façon effective, il faut que les parents prennent conscience qu’ils ne peuvent plus agir comme ils le font aujourd’hui.

Certes, nous pouvons poursuivre la réflexion dans le cadre de la navette parlementaire, mais je répète que cet amendement est à mon sens totalement satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je trouve votre amendement pertinent et utile, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, vous proposez de supprimer la disposition de l’article 3 qui qualifie d’acte non usuel la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant ; or le Gouvernement considère que la qualification d’actes usuels ou non usuels doit rester à l’appréciation du juge. Au cours de la discussion générale, j’ai dit à quel point il était difficile de dresser la liste de ce qui serait un acte usuel ou un acte non usuel.

En second lieu, vous souhaitez permettre aux parents, en cas de désaccord sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant, de saisir le juge aux affaires familiales, y compris en référé, pour solliciter l’interdiction de diffuser tout contenu relatif à l’enfant. J’y suis favorable, parce que, dans un contexte d’exposition accrue de l’image des enfants, ce que nous déplorons tous, il me semble tout à fait important de rappeler que le juge aux affaires familiales peut interdire la diffusion d’images d’enfants.

Dans ces conditions, tout le monde l’a compris, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. J’ai entendu les explications de Mme la rapporteure : il est vrai que le sujet mérite d’être encore travaillé. Pour ma part, je défends une position inverse de celle de la commission, à savoir adopter cet amendement et tenter d’aboutir à une meilleure réécriture dans le cadre de la navette parlementaire. En nous appuyant sur la rédaction issue des travaux du Sénat, nous aurons matière à « négocier ».

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à corriger une lacune de la proposition de loi. En effet, quand bien même l’enfant s’opposerait à la publication d’une image, les parents pourront la diffuser sans que celui-ci puisse les en empêcher.

Cette lacune a deux inconvénients majeurs.

D’une part, la publication reste visible jusqu’à l’aboutissement éventuel d’une procédure de demande de retrait et elle peut être partagée. Cela a été dit, de nombreuses photos se retrouvent ainsi sur des sites pédocriminels et on ne peut pas faire comme si ce n’était pas un danger majeur.

D’autre part, cela exclut des enfants plus jeunes qui pourraient dire non à leurs parents, mais qui seraient, de fait, incapables de remplir un formulaire pour demander a posteriori le retrait d’une photo déjà publiée.

Afin de donner plus de droits aux enfants, nous proposons de rétablir une disposition qui a été supprimée en commission. Plus concrètement, il s’agit de demander aux parents d’associer l’enfant à l’exercice de son droit à l’image.

J’ai bien conscience que l’on ne peut pas facilement associer un enfant de 2 ans à l’exercice de son droit à l’image. Pour autant, c’est possible pour une adolescente de 14 ans. C’est la raison pour laquelle il est précisé dans l’amendement « selon son âge et son degré de maturité » ; une telle formulation permet de distinguer entre un bébé de 6 mois et une adolescente de 17 ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Cet amendement est satisfait, puisqu’il réintroduit une disposition qui figure déjà à l’article 371-1 du code civil. S’il y a un article que nous connaissons ici – il a été rappelé au cours de la discussion générale et beaucoup d’entre nous ont été maires ou adjoints et ont célébré des mariages –, c’est bien celui-là. Cet article pose les grands principes de l’exercice de l’autorité parentale.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement, dont elle partage par ailleurs la philosophie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mme la rapporteure a tout dit et très bien : l’article 371-1 satisfait déjà les précautions que vous que vous souhaitez prendre, madame la sénatrice Vogel.

M. le président. Madame Vogel, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?

Mme Mélanie Vogel. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article 4

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les supports de communication relatifs aux usages du numérique ainsi que sur l’offre et le développement des stages et interventions pédagogiques de sensibilisation aux risques du numérique.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Il s’agit d’un amendement d’appel, puisqu’il s’agit de demander un rapport au Gouvernement.

Ce texte contient de nombreuses mesures visant à responsabiliser les parents et à modifier le périmètre de l’autorité parentale. Nous y sommes favorables et nous soutenons cette démarche.

Pour autant, on ne peut pas ignorer que, si la plupart des parents commettent l’erreur de publier à la légère des images ou des vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux, c’est aussi par manque d’information et d’éducation, c’est-à-dire de démocratie numérique.

C’est tout le sens de cet amendement : demander un rapport afin d’obtenir une évaluation des outils d’éducation mis à disposition par les ministères. Par ce biais, il s’agit de prendre conscience que seule l’information nous permettra de mieux gérer l’outil numérique et d’éviter les abus. Certes, le contrôle et la répression sont utiles, mais ils ne modifieront pas du jour au lendemain le comportement des parents qui publient une image de l’enfant sans réfléchir aux conséquences.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Chère collègue, nous partageons tous ici vos objectifs et la nécessité d’une politique publique d’ampleur pour éduquer les parents, les adultes de façon plus générale, aux usages du numérique.

Cependant, je m’oppose totalement à la façon de procéder. Les associations font du bon travail, la question n’est pas là ; pour autant, je ne pense pas qu’il faille leur déléguer ce genre de missions et se reposer uniquement sur elles.

Nous sommes nombreux à l’avoir dit ici, quel que soit le mérite de ces structures, c’est à l’État de prendre en charge cette question sur la base d’un programme qui soit identique sur tout le territoire. Si l’on parle bien de démocratie numérique, il nous faut avoir une visibilité sur ce qui se passe aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle j’ai préconisé trois mesures, qui relèvent malheureusement du domaine réglementaire et non législatif.

Premièrement, le carnet de santé est l’un des rares outils dont nous disposons encore pour faire le lien entre tous les acteurs qui sont en contact avec l’enfant et les parents. Il s’agit d’un outil concret, en papier, qui sert véritablement de guide notamment aux parents les plus démunis dans tous les sens du terme. Je voudrais sincèrement qu’on le réactualise de manière précise.

Deuxièmement, un programme de santé publique dans le domaine est souhaitable, je l’ai dit tout à l’heure.

Troisièmement, il est à mon sens important d’ouvrir un livre consacré au numérique dans le code de la santé publique. Si une telle mesure est frappée d’irrecevabilité au titre de l’article 41 de la Constitution, il s’agit d’une urgence, car cela permettra à tous les acteurs de travailler sur ce sujet. Il doit surtout s’agir d’une politique nationale globale qui permettra d’atteindre les objectifs en matière de pédagogie et d’alerte que nous visons tous.

J’en profite pour faire remarquer que le texte que nous examinons aujourd’hui ne contient aucune mesure répressive.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est vrai.

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Quand des mesures répressives sont prises, c’est que les images sont inappropriées, ce qui est totalement en dehors du champ du texte que nous examinons aujourd’hui. Je regrette d’ailleurs que nous examinions cette question de façon « saucissonnée ».

Sur cet amendement, oui pour l’esprit, mais non pour les moyens.

J’en appelle une nouvelle fois au Gouvernement, monsieur le garde des sceaux, pour que nous ayons une politique véritablement globale sur cette question.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la rapporteure, j’entends votre souhait d’un plan plus global. Comment pourrais-je y être sourd ?

Qu’il me soit toutefois permis de vous faire remarquer que je ne peux pas entraver les initiatives parlementaires. Au contraire, je les appelle de mes vœux ! Quand un député ou un sénateur me présente un texte qui va dans le bon sens – certains ici s’en souviennent parfaitement –, il n’y a aucune raison que le Gouvernement n’y aille pas, si vous me permettez cette familiarité. Le texte sur lequel nous sommes en train de réfléchir a beaucoup de sens.

J’en viens à l’amendement. Madame la sénatrice Vogel, je suis par principe – mais tout principe peut connaître des exceptions – contre les rapports. Vous avez tous les moyens dans une belle démocratie de contrôler ce que fait le Gouvernement – et c’est très bien ainsi.

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Une belle démocratie, oui, mais pas tous les moyens…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous sommes d’accord, c’est une belle démocratie. Quant aux moyens, vous avez notamment les questions d’actualité au Gouvernement. Ceux qui veulent me poser des questions savent que ma porte est ouverte à la Chancellerie : d’ailleurs, madame la rapporteure, elle vous est grande ouverte, ainsi qu’à vous, madame la sénatrice Vogel.

Je confirme que ce texte ne contient aucune mesure répressive. Si un certain nombre d’images diffusées comportent la preuve d’infractions pénales, nous ne sommes plus dans le champ du texte.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article 5 (nouveau)

Article 4

(Supprimé)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 3 (début)

Article 5 (nouveau)

Au IV de l’article 21 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « ou d’atteinte à ces mêmes droits et libertés dès lors qu’il s’agit d’un mineur ». – (Adopté.)

Article 5 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 3 (fin)

Après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :

1° Après le quatrième alinéa du 7 du I de l’article 6, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment du droit à l’image de l’enfant mineur inhérent à son droit à la vie privée au sens de l’article 9 du code civil, les personnes mentionnées aux 1 et 2 du présent article ont l’obligation de lutter contre la diffusion publique d’images ou de vidéos d’enfants mineurs portant atteinte au droit à l’image de l’enfant et provenant d’un destinataire du service non titulaire de l’autorité parentale au sens de l’article 371-1 du même code.

« À ce titre, elles doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant aux titulaires de l’autorité parentale de porter à leur connaissance les cas de diffusion d’images ou de vidéos portant atteinte au droit à l’image de l’enfant. » ;

2° Aux a des 7°, 8° et 9° du I de l’article 6-4, après les mots : « présent I », sont insérés les mots : « et du cinquième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la présente loi ».

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement a un objet assez simple.

Sur les réseaux sociaux, il existe des mécanismes de signalement de contenus inappropriés, option qu’il m’arrive d’utiliser quand je reçois des messages d’insultes.

Même si de tels mécanismes de signalement existent, quoi que l’on pense de leur efficacité, ils ne permettent pas aux parents de signaler qu’une photo de leur enfant circule sans leur accord.

Évidemment, je ne mets pas sur le même plan les signalements pour incitation à la haine, harcèlement, etc. et l’initiative d’une tante qui a publié sur Instagram une photo de son neveu sans l’accord des parents. Pour autant, les conséquences peuvent être très graves.

Face à cela, la solution est très simple : il s’agit de permettre que ce clic puisse aussi servir à cela. Tel est l’objet de cet amendement. La solution technique existe, elle permettrait de résoudre rapidement nombre de situations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Nous partageons tous, me semble-t-il, votre désir d’améliorer la protection des enfants sur internet. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons proposé au Sénat d’adopter l’article 5, qui permet à la Cnil d’engager plus facilement des référés à l’encontre des éditeurs dès lors qu’il s’agit de données personnelles de mineurs.

Cela étant, la commission n’est pas favorable à la mise en place d’un mécanisme de signalement ad hoc par les plateformes. En effet, et M. Bourgi l’a indiqué à juste titre au cours de la discussion générale, il peut être difficile de résister aux propositions de loi de nos collègues députés. Néanmoins, quand on fait partie de la majorité ou du Gouvernement, on a tous les moyens – vous et vos collègues l’avez prouvé à plusieurs reprises, monsieur le garde des sceaux – de déposer un texte traitant de la globalité d’un sujet et permettant à tout député ou sénateur ayant des idées d’amélioration législative de s’exprimer.

Chère collègue Mélanie Vogel, nous devrons reprendre cette discussion dans le cadre de la réflexion sur les obligations des grands acteurs d’internet. L’examen du projet de loi pour sécuriser l’espace numérique, que le Gouvernement annonce pour cet été en vue d’adapter le droit français au règlement européen sur les services numériques, en sera peut-être l’occasion. Nous aurions pu débattre du dispositif que vous suggérez si le périmètre du texte dont nous sommes saisis avait été plus large. Mais, en l’occurrence, une telle mesure est un peu en dehors du champ de la présente proposition de loi.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le règlement Digital Services Act étant d’application directe, il n’est pas utile d’en dupliquer une disposition.

Madame la sénatrice Vogel, je comprends parfaitement le sens de votre amendement. Mais se pose la question de l’opérationnalité et de l’effectivité de la norme législative. Et de ce point de vue, le compte n’y est pas.

Au demeurant, votre amendement vise spécifiquement les titulaires de l’autorité parentale. En pratique, comment les plateformes en ligne pourront-elles reconnaître que la notification est vraiment faite par un titulaire de l’autorité parentale ? Question sans réponse…

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. J’aurais pu retirer mon amendement si j’avais eu la certitude de pouvoir le redéposer lors de l’examen d’un autre texte législatif sur le sujet. Mais là, je vais le maintenir.

D’abord, si cet amendement n’est pas tombé sous le coup de l’article 45 de la Constitution, c’est bien qu’il entre dans le champ de la présente proposition de loi.

Surtout, je déduis de la réponse de M. le garde des sceaux que ma proposition ne sera pas reprise dans le futur projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures sept.)

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 3 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
 

7

Communication d’avis sur des projets de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 20 voix pour, 2 voix contre – à la nomination de M. Jean-François Delfraissy à la présidence du Comité consultatif national d’éthique.

Par ailleurs, en application des mêmes dispositions, la commission de l’aménagement du territoire a émis un avis défavorable – 8 voix pour, 28 voix contre – à la nomination de M. Marc Papinutti à la présidence de la Commission nationale du débat public.

8

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire
Discussion générale (suite)

Permis de conduire

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter le passage et l’obtention de l’examen du permis de conduire (proposition n° 453, texte de la commission n° 565, rapport n° 564).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire
Article 1er

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 31 décembre 1922, la dénomination « permis de conduire » voyait le jour. Un peu plus de cent ans plus tard, le permis de conduire est le premier examen de France. Plus d’un million et demi de candidats s’y présentent chaque année aujourd’hui. C’est dire le caractère essentiel qu’il revêt.

Bien que le célèbre papier rose à trois volets ait laissé place à un nouveau format, commun à tous les pays de l’Union européenne, son caractère primordial reste inchangé. Nous partageons tous – j’en suis convaincue – le constat qu’il s’agit d’un sujet essentiel, au cœur des préoccupations de tous les Français.

Toutefois, le Gouvernement n’ignore pas que la préparation à cet examen se révèle parfois laborieuse et est encore bien trop souvent freinée par des enjeux de coûts et de délais. Afin de lever de tels obstacles, le permis de conduire a fait l’objet de réformes ambitieuses, engagées par le Président de la République.

La loi du 6 août 2015 a permis de réduire de manière significative les délais d’obtention du permis de conduire grâce à l’externalisation de son épreuve théorique. Dans cette même dynamique, le Gouvernement a présenté en 2019 un plan « pour un permis pour tous, moins cher et plus rapide », avec dix mesures pour réformer le permis de conduire. Parmi celles-ci figuraient des modes d’apprentissage plus modernes, moins chers et plus rapides, comme le simulateur de conduite, l’apprentissage avec une boîte automatique, mais aussi l’encouragement à la conduite accompagnée ou supervisée. En 2021, la plateforme RdvPermis a révolutionné le processus d’attribution des places à l’examen en responsabilisant davantage les candidats.

À l’heure de dresser le bilan, force est de constater que les délais d’attente, bien que diminués, demeurent aujourd’hui encore un obstacle dans l’obtention du permis de conduire.

La présente proposition de loi, portée par la majorité présidentielle et adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 mars dernier, a pour objectif de poursuivre le travail de modernisation. Elle est le fruit d’un travail de terrain, au plus près des préoccupations de nos concitoyens et des difficultés que peuvent rencontrer, notamment, les jeunes.

L’article 1er vise à créer une nouvelle plateforme numérique, « 1 jeune, 1 permis », recensant l’intégralité des aides mises en œuvre par l’État et les collectivités territoriales pour financer le passage du permis de conduire.

Le coût moyen du permis en France est de 1 592 euros. Pour alléger la charge que peut représenter son financement, différentes aides publiques existent, mais leur visibilité reste limitée par la dispersion de l’information. La plateforme « 1 jeune, 1 permis » y remédiera.

Pôle emploi a déjà développé une plateforme, mes-aides.pole-emploi.fr, orientée vers les demandeurs d’emploi et recensant les aides et conditions d’éligibilité des collectivités territoriales ayant transmis volontairement ces informations.

Afin de limiter les coûts d’investissements et de capitaliser sur la visibilité de la plateforme, le Gouvernement proposera un amendement visant à en confier la gestion à Pôle emploi, qui deviendra prochainement France Travail. Il engagera des travaux pour l’améliorer et la rendre accessible depuis un nouveau portail, « 1 jeune, 1 permis », afin de ne pas limiter l’information au public des seuls demandeurs d’emploi et de gagner en visibilité auprès de tous les publics, et notamment des jeunes.

L’article 1er bis prévoit que la préparation et le passage de l’épreuve théorique pourront être organisés hors temps scolaire dans les locaux des établissements scolaires. Cet apport du député Pierre Henriet facilitera les conditions de préparation à l’examen pour nos jeunes.

Face au frein que représente le coût du passage de l’examen du permis de conduire, l’article 2 prévoit d’étendre les possibilités d’utilisation du compte personnel de formation (CPF) à toutes les catégories de permis.

La prise en charge de la préparation à l’examen de conduite par le CPF constitue un réel atout pour la réalisation d’un projet professionnel. En 2021, sur 1 120 000 permis de conduire délivrés, 322 000, soit près d’un tiers, ont été financés par le CPF.

Aujourd’hui, le CPF ne peut être mobilisé que pour préparer l’examen des permis voitures, poids lourds et transports en commun. Demain, grâce à l’adoption de la présente proposition de loi, le financement par ce compte sera étendu aux permis motos, voiturettes et remorques plus lourdes.

Le Gouvernement espère que cet élargissement constituera un outil précieux d’autonomie et d’insertion professionnelle.

Un des ultimes freins à l’obtention du permis est aussi le manque d’examinateurs et le nombre insuffisant de places pour l’examen pratique qui en découle. Parmi les efforts déjà engagés, en adoptant la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), vous avez acté le recrutement exceptionnel de 100 inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière supplémentaires sur quatre ans. Cela permettra déjà d’accroître durablement l’offre d’examens.

En supprimant la limite fixée pour mobiliser des agents publics ou contractuels pour les départements où le délai médian entre deux présentations à l’examen est supérieur à quarante-cinq jours, l’article 3 permettra de réduire encore plus les délais d’attente.

Notre boussole demeure l’accès au permis de conduire pour tous. Nous nous sommes engagés auprès de la députée Piron à trouver des solutions concrètes face aux difficultés de certains jeunes ayant quitté le système scolaire français pour obtenir l’attestation de sécurité routière (ASR). Les solutions identifiées, auxquelles nous associerons les parlementaires, passeront par la voie réglementaire.

Enfin, nous connaissons tous les préjugés, parfois sexistes, qui pèsent lorsque l’on parle de permis de conduire. Je connais l’engagement des deux rapporteurs sur les enjeux d’égalité femmes-hommes. Le Gouvernement continuera d’apporter son entier soutien aux travaux qui pourraient être menés sur le sujet.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Lever les obstacles au passage du permis de conduire, c’est favoriser la mobilité de nos jeunes, contribuer au désenclavement des territoires les plus éloignés et soutenir l’accès des actifs à un outil essentiel.

Lever les obstacles au passage du permis de conduire, c’est garantir l’émancipation, aussi bien personnelle que professionnelle, des Français.

Lever les obstacles au passage du permis de conduire, c’est agir concrètement sur le quotidien des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi du député Sacha Houlié, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, vise à faciliter le passage et l’obtention du permis de conduire.

Vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, le permis de conduire est le premier examen de France. Il attire plus d’un million et demi de candidats chaque année et demeure un élément structurant de notre société. Il permet de se déplacer, mais aussi, bien souvent, d’accéder à un emploi.

Cependant, le dispositif coûte très cher. D’abord, le coût moyen du passage du permis de conduire est de 1 592 euros, ce qui correspond à une durée moyenne de formation de près de trente heures pour un prix horaire moyen de 53 euros. Et une fois l’examen obtenu, l’achat et l’entretien du véhicule représentent également des sommes importantes.

C’est la raison pour laquelle une réflexion a été engagée depuis quelques années sur les moyens de réduire le coût du passage du permis de conduire. La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, puis la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ont tenté de réduire les coûts d’obtention et de diminuer les délais de passage des examens pratiques et théoriques. Plus ces délais sont longs, plus les candidats sont amenés à prendre des heures supplémentaires de conduite pour maintenir leur niveau, et, au final, plus le coût est élevé.

La proposition de loi de notre collègue Sacha Houlié s’inscrit dans cette perspective et a pour objectif de faire face à deux difficultés majeures dans le passage du permis de conduire : le coût et les délais d’obtention.

Il s’agit en premier lieu de faire mieux connaître et de renforcer les aides disponibles pour l’apprentissage de la conduite.

En ce sens, l’article 1er vise à recenser sur une plateforme unique l’ensemble des aides financières existantes à la préparation des examens du code de la route et du permis de conduire. Cette plateforme permettrait de s’assurer de la contribution de l’ensemble des financeurs du permis de conduire, renforçant ainsi l’accessibilité des aides proposées. Une plateforme similaire est actuellement gérée par Pôle emploi. Un amendement du Gouvernement tend à lui confier également cette nouvelle plateforme, sous la nouvelle bannière « 1 jeune, 1 permis. » Cela me semble être une bonne idée ; cette proposition paraît plus pratique que le texte initial.

Afin de renforcer les aides disponibles pour la formation à la conduite, l’article 2 de la proposition de loi prévoit de rendre éligible au CPF la préparation du code de la route et de l’épreuve pratique de l’ensemble des catégories de permis de conduire à compter du 1er janvier prochain. Seraient ajoutés à la situation actuelle les permis motos, voiturettes et remorques. La commission des lois y a souscrit, et je vous propose de faire de même en séance. Il faut cependant souligner que les concertations qui seront conduites avec les partenaires sociaux devront répondre à deux enjeux forts : la soutenabilité financière de cette extension et la préservation d’un lien avec l’emploi dans les dispositifs financés par le CPF.

Le troisième enjeu du financement du permis de conduire par le CPF est celui de la lutte contre la fraude. C’est justement à celui-ci que propose de répondre l’article 2 bis, qui rendrait destinataire la Caisse des dépôts, gestionnaire du CPF, des informations relatives au permis de conduire. Cet ajout lui permettra de vérifier que les personnes souscrivant à un financement du CPF sont bien celles qui passent l’examen. Cela paraît évident et logique, mais il faut renforcer le contrôle.

Le deuxième objectif de la proposition de loi est d’améliorer les délais de passage des épreuves du permis de conduire.

L’article 3 étend à l’ensemble des départements le recours aux agents publics ou contractuels comme examinateurs des épreuves de conduite. Ce recours n’est aujourd’hui possible que dans les départements où le délai médian entre deux présentations à l’épreuve pratique du permis de conduire est supérieur à quarante-cinq jours. Cet élargissement permettra d’affecter des examinateurs dans des départements où le délai médian, même s’il est modéré, cache une situation de tension sur les effectifs des inspecteurs.

La rédaction proposée transformait cependant une obligation en une simple possibilité à la main du Gouvernement. La commission des lois a donc complété la rédaction de l’article, afin qu’un effort particulier de recrutement soit réalisé dans les départements où le délai de présentation au permis de conduire est excessif. Il est vrai que nous ne disposons que du délai entre un échec et une nouvelle présentation à l’examen, mais les préfets peuvent prendre ces décisions sur une base empirique dans leurs départements.

L’Assemblée nationale a également souhaité simplifier la procédure permettant d’organiser dans les lycées, en dehors du temps scolaire, l’épreuve théorique du permis de conduire, et l’élargir à la préparation de cette même épreuve. C’est l’article 1er bis de la proposition de loi. La simplification proposée conduisait à écarter complètement la collectivité propriétaire, à savoir le conseil régional, de la décision d’occupation des locaux. Nous avons décidé de la réintégrer.

Enfin, l’Assemblée nationale a adopté un article 3 bis prévoyant qu’un décret préciserait les cas dans lesquels la présentation de l’ASR n’est pas nécessaire pour passer le permis. Cela répond à une vraie problématique pour les jeunes qui, déscolarisés ou ayant étudié à l’étranger, n’ont pas passé leur attestation scolaire de sécurité routière de deuxième niveau (ASSR 2) et n’ont pas de place pour passer l’ASR qui doit la remplacer. Le Gouvernement est conscient du problème, et ces exigences ne relèvent pas du niveau législatif. Nous avons donc supprimé l’article en commission, en espérant que vous prendrez les mesures nécessaires pour régler ces situations individuelles fâcheuses pour les personnes concernées, madame la secrétaire d’État.

Je vous proposerai également, par un amendement portant article additionnel, d’aligner les peines encourues en cas d’agression sur un examinateur du code de la route sur celles encourues en cas d’agression sur un inspecteur du permis de conduire. Il convient en effet de mieux protéger les examinateurs pour s’assurer du bon fonctionnement de ces épreuves, qui sont désormais souvent externalisées.

Enfin, l’Assemblée nationale a adopté deux demandes de rapport.

La première concernait le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre du passage de l’examen du permis de conduire. Nous avons obtenu des chiffres, et nous les avons fait figurer dans le rapport de la commission. Il existe un écart notable dans les taux de réussite aux examens théorique et pratique du permis de conduire entre les femmes et les hommes. Mais cet écart ne peut pas être expliqué sans la réalisation d’un travail de recherche universitaire ou d’une étude comparative avec les pays voisins, ce qui n’est pas compatible avec la demande d’un rapport du Gouvernement au Parlement. J’ai également saisi la délégation aux droits des femmes, dont je suis membre, car il s’agit, me semble-t-il, d’un sujet d’étude intéressant pour elle. La commission des lois a supprimé cette première demande de rapport.

La seconde demande concerne l’abaissement de l’âge d’obtention du permis de conduire. Cela s’inscrit dans le cadre de réflexions actuellement conduites par le Gouvernement, qui envisage la création d’un permis provisoire limité au cadre professionnel, sur le modèle d’un dispositif existant en Belgique. Des discussions sur les conditions d’âge pour l’accès à chaque catégorie du permis de conduire sont également en cours. Nous avons donc conservé cette demande de rapport. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, aujourd’hui, près de 7 millions de personnes – cela représente environ 20 % de la population en âge de travailler – connaissent des difficultés pour se déplacer. Et 28 % des personnes en insertion professionnelle abandonnent leur emploi ou leur formation pour des raisons de mobilité. Le dernier chiffre que je vais évoquer montre que nous ne sommes pas près d’inverser la courbe : le prix moyen pour passer le permis de conduire avoisine désormais les 2 000 euros.

Que fait un étudiant face à cela ? Un chômeur qui doit absolument obtenir le permis ? Le smicard qui compte ses fins de mois, encore plus dans une situation de crise ? Et j’en passe…

Les freins à la mobilité sont nombreux : le coût, mais aussi l’absence de transports en commun dans certaines communes, surtout en zone rurale. Le permis est nécessaire, indispensable parfois, pour espérer obtenir un travail ou répondre aux besoins personnels. Le droit à la mobilité est un réel sujet, auquel il faut apporter des solutions concrètes pour que les Français et les Françaises puissent s’émanciper, être autonomes et construire sereinement leur parcours de vie.

Aujourd’hui, le permis conditionne fortement l’accès à l’emploi et à la formation. C’est un sujet structurant de notre société ; il faut consacrer de réels moyens et prévoir un accompagnement à la hauteur.

Ne pas répondre à ce défi aura inévitablement pour conséquences d’accroître et d’aggraver les inégalités sociales et territoriales dans notre pays. Nous aurions pu, là encore, nous attendre, dans le cadre d’une semaine réservée par priorité au Gouvernement, à un véritable projet de loi, visant à répondre à ces défis. C’est indispensable pour que chacune, chacun, quel que soit son lieu de vie, quelle que soit sa condition sociale, puisse tout simplement bien vivre.

Nous nous satisferons donc de la proposition de loi transmise par l’Assemblée nationale. En effet, il existe de nombreux dispositifs d’aide pour le financement du permis de conduire. Ce texte permettra de rendre plus lisibles les aides des collectivités territoriales en créant une plateforme numérique. Pourquoi pas ? Espérons tout de même que cette plateforme aura un meilleur succès que « 1 jeune, 1 solution »…

Notons enfin que cette proposition de loi n’est pas une révolution, qu’elle n’apporte pas de solutions concrètes face aux problématiques majeures que sont, notamment, le coût du passage du permis de conduire et les délais d’attente très longs entre deux épreuves.

Une meilleure connaissance des aides financières mises à disposition dans certaines collectivités territoriales suffira-t-elle à répondre à la demande des millions de Français que j’évoquais précédemment ? Nous le verrons dans les années à venir. L’emploi d’agents publics contractuels permettra-t-il réellement de réduire les délais de passage ? Nous le verrons dans les années à venir.

Comme nous ne nous opposons pas à cette volonté de relever les défis, nous voterons cette proposition de loi. Mais, je le répète, si ces défis ne sont pas relevés, nous aurons demain de gros soucis, avec l’aggravation des différentes fractures déjà évoquées.

La mobilisation du CPF apportera une réelle aide financière. Mais elle soulève des questions. D’abord, les auto-écoles qui ne proposent pas cette option pourraient se trouver en difficulté demain. Et à l’heure où le CPF montre ses limites dans un certain nombre de domaines, est-il vraiment pertinent de le mobiliser dans le cadre de la formation au permis de conduire ? Malgré ces réserves, nous voterons la présente proposition de loi.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 7 millions de personnes – cela représente environ 20 % de la population en âge de travailler – connaissent des difficultés pour se déplacer.

Si, pour les urbains, les transports en commun sont un bon moyen de déplacement, pour les ruraux, la voiture individuelle reste souvent la seule option disponible. Ainsi, pour les jeunes, l’obtention du permis de conduire est le sésame vers l’émancipation et l’autonomie. C’est un prérequis indispensable à l’insertion professionnelle.

Le permis de conduire constitue le premier examen de France, avec plus d’un million et demi de candidats chaque année. Pourtant, l’âge moyen d’obtention augmente ; il est aujourd’hui de 23 ans.

La principale raison d’un tel désintérêt réside probablement dans le coût d’obtention. Certes, le permis de conduire n’a jamais été peu coûteux, mais il faut aujourd’hui débourser entre 1 600 euros et 2 000 euros pour l’obtenir, et ce avec de fortes disparités territoriales.

Les délais à rallonge pour passer l’examen sont aussi une cause de surcoût, les candidats étant naturellement amenés à prendre plus d’heures de conduite, sans que cela garantisse la réussite à l’examen. Le taux de réussite, qui est en baisse par rapport aux années précédentes, n’est que de 58,7 % à l’examen de conduite, et de 50,2 % au code.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Exact !

Mme Dominique Vérien. Dans l’Yonne, il y a malheureusement un certain nombre de jeunes qui, après avoir été décrocheurs scolaires, sont en grande difficulté pour trouver du travail. L’une de ces difficultés réside dans l’absence de permis de conduire et de véhicule. La plupart du temps, ils ont essayé de passer le permis, et ont échoué au code : j’ai bien dit au code ! Ils ne viennent donc pas encombrer les files d’attente pour passer l’examen pratique. En revanche, ils encombrent celles du RSA…

Avez-vous essayé, vous qui, pour beaucoup, devez avoir le permis, de repasser le code ? On cherche moins à vous apprendre à vous diriger sur la route qu’à vous piéger avec des questions improbables, questions qui se poseront peut-être une fois dans votre vie, mais dans vingt ans, à un moment où vous aurez alors oublié la réponse ! Mieux encore, parfois, hésitant entre deux réponses, vous en choisissez une, mais – pas de chance ! – il fallait cocher les deux… Bref, c’est une machine à échec, qui fait un tri certain entre les différents niveaux d’étude et de culture. C’est une machine à échec, qui fait que nombre de jeunes conduisent quand même, au mieux un scooter, au pire une voiture. Et lorsqu’ils se font arrêter sans permis, on leur demande de se rendre au tribunal, à 50 kilomètres de là, sans transport en commun…

Une telle situation n’est pas satisfaisante au regard de l’importance de cet examen. Toutefois, comme cela relève du règlement, je n’ai pas déposé d’amendement.

La présente proposition de loi tente de réduire les coûts et les délais pour passer le permis.

Comme pour le code, nombre de ces nouvelles mesures auraient pu être prises par voie réglementaire – je pense en particulier au recrutement des inspecteurs –, ce qui aurait probablement permis d’aller plus vite. Il faut croire que le calendrier parlementaire n’est pas aussi rempli que celui de nos auto-écoles…

Mais ce texte n’est pas totalement dépourvu d’intérêt ; il contient même des mesures de bon sens.

Dans le détail, l’article 1er prévoit la création d’une plateforme recensant l’intégralité des aides disponibles pour la préparation du permis de conduire.

Oui, il existe des aides pour financer son permis de conduire. La délégation à la sécurité routière ne recense pas moins de douze dispositifs régionaux, trente-cinq dispositifs départementaux et plus d’une centaine de dispositifs communaux ou intercommunaux.

Beaucoup d’aides donc, sans doute un peu trop pour que l’aspirant conducteur s’y retrouve. La création de cette plateforme nationale sera donc un précieux outil, de nature réglementaire bien sûr, mais utile.

Notre commission – je salue ici le travail et l’enthousiasme de notre rapporteur, Loïc Hervé – a fait le choix de supprimer une disposition adoptée en séance à l’Assemblée nationale : il était prévu que les collectivités et structures apportant un financement aux candidats pour le permis de conduire établissent chaque année un bilan de leurs interventions. C’était probablement la meilleure façon de les dégoûter d’aider !

Sinon, dans ce texte, l’article 1er bis vise à simplifier le cadre juridique permettant d’organiser dans les lycées, en dehors du temps scolaire, l’épreuve théorique du permis de conduire et sa préparation, en se contentant de l’autorisation du représentant de l’établissement.

L’article 2 étend la possibilité d’utiliser le CPF à toutes les catégories de permis de conduire d’un véhicule terrestre à moteur. Il est largement utilisé, aujourd’hui, pour le permis B : 90 % des 783 000 formations. Les autres permis seront finançables dès le 1er janvier 2024 par ce biais.

C’est un fort enjeu financier là aussi, puisque environ 160 000 personnes passent chaque année le permis moto.

Attention toutefois à préserver le lien entre formation et emploi et à ne pas dénaturer le CPF.

Enfin, l’article 3 étend les possibilités de recourir aux agents publics comme examinateurs des épreuves de conduite du permis B, en supprimant la condition limitant cette possibilité aux seuls départements où le délai médian entre deux présentations d’un même candidat est supérieur à quarante-cinq jours. La commission a rendu obligatoire ce recours, si les quarante-cinq jours sont dépassés. Merci pour les candidats au permis !

En conclusion, le groupe Union Centriste votera ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 14 août prochain, nous fêterons les 130 ans du décret du préfet Lépine aux termes duquel nul « ne pourra conduire un véhicule à moteur mécanique s’il n’est porteur d’un certificat » pour lequel il aura fait « la preuve, devant l’ingénieur en chef des mines chargé du service des appareils à vapeur, qu’il possède l’expérience nécessaire pour l’emploi prompt et sûr des appareils de mise en marche et d’arrêt et pour la direction du véhicule ». Cette première à Paris allait se généraliser moins de dix ans plus tard.

Ce bref détour historique nous rappelle combien le sujet du permis de conduire n’a rien d’anodin. La question de son obtention est primordiale, notamment dans les territoires ruraux, où la voiture reste pour les habitants le meilleur, si ce n’est le seul, moyen de déplacement.

La problématique peut se décliner de plusieurs manières. Une première est celle des carences en matière de mobilité collective. Dans de nombreux territoires, les transports en commun sont encore trop peu développés.

À l’heure où chacun scrute son bilan carbone, à l’heure où le prix de l’énergie et des carburants s’envole, l’État doit donner les moyens aux Français de vivre, en recourant le moins possible à la voiture individuelle.

La tâche a été réalisée dans les grandes villes et souvent de manière réussie. Le chantier est d’envergure dans le milieu rural et souvent impossible. Malgré tout, il faut continuer d’avancer.

La question du permis de conduire nous pousse aussi à réfléchir aux problématiques de sécurité routière. C’est d’ailleurs l’essence de ce certificat de capacité qu’avait institué le préfet Lépine.

Après une tendance à la baisse au début des années 2010, nous observons une stagnation des chiffres de l’accidentalité routière dans notre pays. Sans surprise, les plus touchés, notamment par les accidents mortels, sont les jeunes conducteurs, en particulier ceux âgés de 18 ans à 25 ans.

Il y a évidemment une part d’inéluctable dans ce constat : l’inexpérience des novices. Mais il existe certainement des axes d’amélioration. Cela peut venir des outils pédagogiques comme du développement de la conduite accompagnée, mais également des campagnes de sensibilisation ou du renforcement des sanctions, notamment en ce qui concerne l’alcoolémie ou la consommation de stupéfiants.

Enfin, s’interroger sur l’obtention du permis de conduire revient à s’interroger sur son coût et sur l’accès à l’examen.

Nous arrivons ici au cœur de cette proposition de loi, qui ne sera peut-être pas la plus révolutionnaire et la plus attendue de la législature, mais qui aborde une difficulté que rencontre chaque jeune majeur.

Si l’on en croit une étude récente, le coût moyen du permis de conduire en France est de 1 804 euros lorsqu’il est passé dans une auto-école traditionnelle.

C’est un montant évidemment important, surtout lorsqu’on le demande à quelqu’un qui doit aussi financer ses études, voire un logement. Tout le monde n’a pas la chance de pouvoir compter sur ses parents pour tout cela.

Bien entendu, comme l’ont souligné les auteurs du texte, il existe de nombreux dispositifs d’aide pour le financement, comme le permis à un euro par jour pour les jeunes, l’aide financière pour certaines personnes inscrites à Pôle emploi ou encore la mobilisation du compte personnel de formation pour certains permis.

Je ne vois donc aucune difficulté à la mise en place d’une plateforme numérique nationale d’information sur les dispositifs de financement du permis de conduire, même si je ne suis pas sûre qu’une loi soit nécessaire pour cela.

Je rejoins la position de notre commission, qui, sur l’initiative de son rapporteur, a supprimé l’obligation de bilan annuel, trop lourde et peu utile, pour les collectivités et structures apportant un financement.

Le groupe du RDSE ne voit pas de difficulté à suivre la commission en votant son texte.

Je conclurai en évoquant l’article 3, qui prévoit le recours élargi à des agents publics ou contractuels comme examinateurs autorisés à faire passer l’épreuve de permis de conduire. Ce dispositif est sans doute nécessaire pour répondre dans l’urgence aux besoins en examinateurs, afin de réduire les délais pour passer l’examen.

Pour autant, cela ne me semble pas être une solution pérenne. Il existe un corps de métier spécifique, celui des inspecteurs du permis de conduire, qui suivent un parcours et une formation adaptés.

Nous pensons qu’il vaudrait mieux valoriser ce métier et recruter davantage d’inspecteurs plutôt que de participer à une tendance à laquelle notre groupe n’est pas favorable : l’augmentation du nombre des agents contractuels dans la fonction publique.

Le groupe du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il était hier un sésame incontournable et convoité ; il est désormais boudé pour son coût, sa difficulté et une utilité jugée moindre. Le permis de conduire, qui a fêté son centenaire l’année passée, se heurte aux aléas de notre époque.

D’abord, les contraintes liées à la sécurité routière ont amplement complexifié son obtention, notamment en zone urbaine. On dénotait ainsi 47 % de réussite à l’examen pratique dans le Rhône ou à Paris contre 75 % en Lozère ou encore 78 % à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ensuite, son coût a considérablement augmenté : de 1 500 francs en moyenne, soit 200 euros, en 1981 contre 1 592 euros en moyenne en 2022, là encore, avec de grandes disparités territoriales.

Enfin, le développement des nouvelles mobilités ou les considérations écologiques rendent son obtention moins nécessaire qu’elle ne l’était par le passé, notamment pour les résidents des zones urbaines.

Pourtant, le permis de conduire demeure le passeport vers la liberté pour un grand nombre de jeunes au lendemain de leurs 18 ans. C’est le seul moyen pour nombre de nos concitoyens d’assurer leur autonomie dans les territoires ruraux ou les petites villes, où l’offre de transports est souvent insuffisante, voire inexistante.

Il est par ailleurs indispensable au quotidien à la mobilité de millions de travailleurs, au point d’être une condition sine qua non de recrutement sur certains emplois.

C’est pourquoi il paraît aujourd’hui quasiment anachronique que le permis de conduire demeure un parcours du combattant pour autant de personnes : 20 % des Français en âge de travailler, soit 7 millions d’individus, se trouveraient en situation de précarité en termes de mobilité ; 28 % des personnes en insertion professionnelle auraient même déclaré avoir dû refuser une formation ou un emploi en l’absence de moyens de déplacement.

Il convient bien évidemment de saluer l’initiative de cette proposition de loi. Les rectifications apportées par notre collègue rapporteur, Loïc Hervé, vont dans le sens d’un assouplissement des contraintes techniques et administratives qui pèsent sur l’examen.

Je pense plus spécifiquement à la suppression du bilan mentionné à l’article 1er, qui imposait aux collectivités de retracer l’ensemble des financements apportés aux candidats au permis. L’objectif de transparence est louable ; imposer une nouvelle contrainte sur les collectivités ou les missions locales l’est moins.

Je salue aussi la suppression de l’article introduit par les députés qui tendait à renvoyer à un décret en Conseil d’État la tâche d’assouplir l’exigence de présenter l’ASR ou l’ASSR 2 pour les moins de 21 ans.

Cependant, il reste plusieurs points sur lesquels le texte ne répond pas pleinement aux problématiques identifiées sur le sujet.

Le recrutement de nouveaux inspecteurs du permis par voie externe est une première avancée, mais elle ne saurait résoudre durablement la question des délais de présentation de l’examen, quand on sait que les facteurs susceptibles de prolonger ceux-ci sont davantage d’ordre financier pour bon nombre de nos concitoyens.

Le financement par le CPF est une solution judicieuse pour les personnes en emploi. La proposition d’une cessibilité au sein d’un seul et même foyer, comme entre parents et enfants, est le fruit d’une bonne intention, mais devra être retravaillée pour combler les risques de fraude et de mésusage et pour atténuer les risques d’iniquité.

Les droits à la formation sont en effet variables selon la profession, généralement plus généreux pour les professions les plus qualifiées. Cela risquerait donc de pénaliser les ménages les moins aisés.

Le principal problème réside, sans surprise, dans le coût de l’épreuve et des heures de conduite. Les aides financières sont insuffisantes et cette proposition de loi n’y apporte pas de solutions concrètes.

Les missions locales pour l’emploi et la formation, les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les agences de Pôle emploi peuvent apporter un complément de financement pour aider les plus en difficulté, mais elles ont des moyens d’action limités.

Le plan gouvernemental « 1 jeune, 1 solution » devra aller plus loin sur les financements proposés et associer les collectivités dans le pilotage de ces fonds.

Enfin, je ne suis pas favorable à un abaissement trop important de l’âge légal d’obtention du permis. On a pu observer dans les dernières statistiques fournies par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière que la mortalité décroissait avec l’âge : le ratio moyen atteint 101 tués par million d’habitants pour les jeunes de 18-24 ans, avant de descendre à 61 pour les 25-34 ans, puis à 52 pour les 35-74 ans.

Si un abaissement de l’âge venait à être adopté, il faudrait absolument mettre les bouchées doubles sur la sensibilisation et la prévention routières dans les collèges et les lycées. À l’heure actuelle, les campagnes font effet, mais elles ne sont pas encore suffisantes.

Bien évidemment, la demande des jeunes provenant des territoires ruraux s’entend, mais la réponse ne doit pas entraîner un retour en arrière sur les progrès réalisés en matière de sécurité routière.

La route est encore longue pour faire du permis de conduire une étape accessible à tous financièrement et matériellement, tout en gardant comme finalité suprême la lutte pour la sécurité routière.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, mais appelle le Gouvernement à consolider les moyens de son action en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, 1,5 million de nos concitoyens aspirent à obtenir leur permis de conduire, un rite de passage vers l’indépendance et la mobilité. Cependant, les candidats se heurtent à des obstacles financiers et à des difficultés pour obtenir des heures de formation ou un créneau pour l’examen pratique.

Si le permis demeure pour les plus jeunes une première étape vers davantage d’autonomie, c’est aussi un passeport incontournable pour l’emploi, ainsi qu’un outil primordial de l’insertion sociale, en particulier dans les territoires ruraux. Je le mesure dans les 207 communes de mon département.

Cette réalité justifie que le législateur cherche à lever les obstacles qui freinent l’accès au permis de conduire, afin de permettre à tous les candidats de se présenter à l’examen dans des conditions de délai et de coût raisonnables.

La proposition de loi que nous examinons ce soir tend ainsi à faciliter le passage et l’obtention de l’examen du permis de conduire. Ce texte s’articule autour de trois objectifs : rendre l’accès au permis moins coûteux, plus simple et plus rapide.

L’article 1er a pour objet la création d’une plateforme numérique unifiée destinée à rassembler toutes les aides financières accessibles aux jeunes pour les accompagner dans l’obtention de leur permis de conduire. Cette initiative revêt une importance cruciale, car elle vise à offrir une visibilité nationale et simplifiée sur les soutiens disponibles de la part tant des collectivités territoriales que de l’État.

Trop souvent, nos jeunes concitoyens se voient contraints d’abandonner leur projet de préparation au permis en raison du coût moyen de 1 600 euros qui peut représenter un obstacle insurmontable pour certains. En facilitant l’accès aux aides existantes, cette plateforme numérique incarne un véritable enjeu d’égalité des chances permettant à chaque jeune de bénéficier d’un accompagnement adapté pour franchir cette étape déterminante de sa vie.

L’article 1er bis vise, quant à lui, à simplifier la procédure permettant d’organiser la préparation et le passage de l’épreuve théorique dans les établissements scolaires. Il présente une indéniable utilité, car il renforce l’accès au permis de conduire, notamment pour les élèves des zones rurales souvent délaissés et éloignés des écoles de conduite et des centres d’examen.

L’article 2, en étendant le financement du permis de conduire à toutes les catégories grâce au compte personnel de formation, offre une nouvelle perspective aux personnes en quête d’emploi. Plus de la moitié de celles qui ont utilisé leur CPF pour obtenir leur permis ont vu leur situation professionnelle s’améliorer.

Le permis de conduire est un véritable levier pour redonner confiance et espoir à ceux qui cherchent un emploi, en leur permettant de surmonter les obstacles et d’accéder à de nouvelles perspectives professionnelles.

L’article 2 bis procède à l’ajout de la Caisse des dépôts et consignations, au titre de sa mission de gestion du système d’information du CPF, à la liste des autorités, organismes et agents auxquels sont communiquées les informations relatives à l’existence, la catégorie et la validité du permis de conduire, afin de protéger l’intégrité du permis et de combattre les fraudes.

L’enjeu de l’article 3 est de réduire le délai entre deux passages de l’examen. L’élargissement des postes d’examinateur à d’autres catégories d’agents publics pallie le manque d’inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière, mais peut susciter une inquiétude catégorielle.

Enfin, l’article 3 quater apparaît intéressant, en prévoyant la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement qui permettra d’analyser les conséquences d’un éventuel abaissement de l’âge d’obtention du permis de conduire.

Je profite de l’examen de cette proposition de loi pour attirer votre attention sur la dématérialisation des cartes grises et la possibilité de réaliser des plaques d’immatriculation à l’étranger.

Cela peut être à l’origine de nouvelles fraudes qui peuvent avoir pour conséquence des retraits de points et de permis pour des personnes victimes de plaques dupliquées. Ces personnes peuvent se retrouver, si leur permis est annulé, sans emploi et acculées à un parcours dispendieux et complexe pour défendre leurs droits, alors qu’elles n’y sont pour rien. Il s’agit d’une nouvelle forme de délinquance. Nous devons y être particulièrement attentifs, parce que les conséquences sont catastrophiques pour les personnes concernées.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans les territoires ruraux, les petites villes et les montagnes, la mobilité passe inévitablement par le permis de conduire, qui constitue un passeport pour l’embauche, les visites du quotidien, les loisirs ou encore la vie sociale.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires partage évidemment la volonté de faciliter le passage et l’obtention du permis de conduire et votera, vous l’aurez compris, en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’excuser Guy Benarroche, qui a suivi ce texte au nom du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, mais qui n’est pas disponible à cet instant pour venir présenter notre position. Je le remplace donc au pied levé ! Vous me pardonnerez de ne pas connaître par cœur l’ensemble des dispositions en discussion.

Je vais peut-être surprendre certains de nos collègues, en particulier celles et ceux qui aiment nous dépeindre comme des anti-voitures, mais les écologistes soutiennent ce texte, qui a pour objet de faciliter l’obtention du permis de conduire, donc potentiellement l’utilisation de la voiture individuelle.

Les écologistes savent en effet qu’obtenir son permis de conduire plus facilement est d’abord une question de justice sociale. L’un des freins à l’obtention du permis de conduire est son coût, et il n’est pas juste que cela soit facile pour certains et beaucoup plus difficile pour d’autres. En particulier quand on est jeune, la voiture, c’est le début de la liberté, la capacité à être mobile de façon indépendante.

Obtenir son permis de conduire plus facilement, c’est aussi une question de justice territoriale.

Quand on habite dans un endroit où la première gare est à trente kilomètres et qu’un train passe toutes les trois heures, on ne peut pas demander aux gens de privilégier le train ! De toute façon, il faut bien une voiture pour aller à la gare… Nous devons réparer les fractures territoriales.

Par ailleurs, et je le dis sans aucune difficulté, la voiture a son rôle à jouer dans les questions environnementales. Je pense notamment à l’autopartage ou au covoiturage. Il existe parfois des situations dans lesquelles l’usage partagé de la voiture est la meilleure solution de mobilité. Je pense en particulier aux zones très isolées ou aux îles, où construire des infrastructures ferroviaires n’est pas forcément la meilleure solution.

Oui, nous voulons réduire l’usage de la voiture et la place qu’elle a prise dans nos villes et dans notre économie, mais nous considérons qu’elle a encore un rôle à jouer.

Nous soutenons donc cette proposition de loi, en particulier la disposition permettant d’utiliser le compte personnel de formation pour passer les épreuves pratiques et théoriques du permis de conduire ; c’est une mesure de bon sens que nous approuvons pleinement.

Nous soutenons aussi la volonté de mieux recenser les aides grâce à une nouvelle plateforme. Mais, au-delà du recensement de l’existant, nous souhaiterions surtout élargir ces aides et notamment rendre gratuites les formations théoriques.

Toutefois, nous n’aimons pas franchement l’article 3, qui autorise tout agent public ou contractuel à faire passer les épreuves pratiques. Demander à des personnes dont ce n’est pas le métier de faire passer le permis de conduire n’est pas une solution. Je préfère que l’on forme des professionnels. Il n’est quand même pas anodin de faire passer le permis de conduire ; c’est une question de sécurité.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, faciliter l’obtention du permis de conduire ne va pas résoudre nos problèmes de mobilité. Comme il faut bien que je tombe un peu dans les clichés écologistes, je vais vous parler du train !

Nous devons absolument développer notre réseau ferroviaire.

À la sortie de la Première Guerre mondiale, la France comptait 70 000 kilomètres de voies ferrées, nous en avons aujourd’hui moitié moins ; 30 000 kilomètres. Ce n’est quand même pas normal ! Nous devons mettre l’argent public en priorité sur cette politique.

Au-delà du développement du réseau en kilomètres de voies et en fréquence de passage des trains, nous devons aussi mettre en place une tarification abordable.

Aucun modèle n’est parfait, mais nous pouvons nous inspirer de nombre de pays de l’Union européenne, en particulier là où les écologistes ont été ou sont au pouvoir, par exemple en Allemagne, en Espagne, au Luxembourg ou en Autriche. Ainsi, l’Allemagne vient de mettre en place un ticket-climat à 49 euros qui permet un accès à tout le réseau ferroviaire régional.

Développement du réseau ferroviaire et tarification accessible : nous devons avancer dans ce sens, si nous voulons réduire nos émissions de gaz à effet de serre et offrir de nouvelles formes de mobilités à la population. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du groupe RDPI, je tiens tout d’abord à saluer l’excellent travail de notre rapporteur, Loïc Hervé. Nous souscrivons pleinement aux modifications qu’il a proposé d’apporter au texte adopté par l’Assemblée nationale et porté par les députés Aurore Bergé et Sacha Houlié.

Le permis de conduire est souvent qualifié de précieux sésame. Cette expression n’est pas galvaudée, bien au contraire. En effet, pour de nombreux jeunes, en particulier ceux qui vivent dans les zones rurales et périurbaines, le permis de conduire constitue, plus que jamais, un passeport vers l’autonomie personnelle et professionnelle.

Chacun de nous se souvient probablement de l’émotion ressentie au moment de la remise du fameux « papier rose » à l’issue de l’épreuve pratique.

Ce sésame est d’autant plus précieux qu’il demeure cher et long à obtenir, et ce malgré les mesures mises en œuvre depuis 2014.

Il faut reconnaître que la crise sanitaire n’a pas facilité les choses. Elle a eu pour effet d’allonger les délais d’attente. Ainsi, en 2021, le délai d’attente médian pour un candidat entre sa première et sa deuxième présentation à l’examen pratique du permis B était de cinquante-trois jours.

En dépit des nombreux efforts déployés ces dernières années, le coût moyen de la formation à la conduite reste élevé : 1 592 euros.

Le texte soumis à notre examen est donc bienvenu. Plus de 100 ans après la création du permis de conduire, il apparaît nécessaire de faciliter le passage de ce permis, qui est le premier examen de France en volume.

Le groupe RDPI souscrit totalement à l’objectif de la proposition de loi : passer le permis de conduire doit être plus simple, plus rapide et moins cher. Vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, c’est une liberté essentielle à la mobilité sociale et professionnelle.

Selon nous, le texte dont nous sommes saisis participe de la concrétisation de la promesse républicaine d’émancipation portée par le Président de la République depuis 2017.

Il s’agit ici de renforcer l’accessibilité de l’information relative au financement du permis de conduire, d’élargir les possibilités de financement par le compte personnel de formation et de faciliter le recours à des agents publics ou contractuels en tant qu’examinateurs, en plus du recrutement de 100 inspecteurs supplémentaires d’ici à 2025.

Toutes ces dispositions vont dans le bon sens. Elles viennent utilement compléter la réforme déployée par le Gouvernement depuis 2019.

Le périmètre du texte est relativement restreint – vous en conviendrez, monsieur le rapporteur –, et je souhaite élargir quelque peu notre discussion. Le permis de conduire est synonyme d’émancipation pour nos concitoyens les plus jeunes, d’autonomie bien sûr, mais aussi de responsabilité, et ce à tout âge de la vie.

Je tiens à insister sur ce point, car j’ai récemment eu l’occasion de recueillir le témoignage poignant d’une jeune sportive, Pauline Déroulède. Voilà quelques années, elle a été fauchée par un conducteur très âgé qui a perdu le contrôle de sa voiture et a accéléré au lieu de freiner. Malheureusement, elle a perdu sa jambe sur le coup, et sa vie a radicalement changé. Depuis, cette championne de tennis a su rebondir : elle est devenue maman et elle s’apprête à représenter la France aux jeux Paralympiques de Paris. Je veux ici saluer son courage et son engagement en faveur de la sécurité routière.

Je vous parlais, mes chers collègues, d’autonomie et de responsabilité. Il ne s’agit pas ici de discriminer les personnes les plus âgées ni même d’envisager de leur retirer un vecteur d’autonomie. Mais, trop régulièrement, des drames de ce genre font la une des journaux et nous ramènent au même débat, sans apporter de réponses concrètes.

C’est pourquoi j’invite tous les parlementaires qui souhaitent se pencher sur la question à explorer de nouvelles pistes en vue de prévenir la survenance de ce genre d’accident de la route. L’instauration de visites médicales obligatoires, qui auraient lieu régulièrement tout au long de la vie, est une piste possible. Ces examens permettraient de valider l’aptitude des conducteurs.

De nombreux voisins européens ont mis en place des législations variées sur le sujet, et je pense que nous pourrions nous inspirer de certains exemples. Je sais que nous ne pourrons pas en discuter ce soir, mais je souhaitais tout de même évoquer ce point.

Je reviens à cette proposition de loi, qui doit nous réunir, sans clivage, car elle concerne un grand nombre de nos concitoyens. Réduire le coût et les délais de passage du permis de conduire, c’est finalement améliorer la mobilité, favoriser le désenclavement des territoires ruraux et faciliter l’accès des actifs à un outil souvent indispensable.

Pour conclure, j’aimerais rappeler que, si la mobilité pour tous est un droit, nous devons accorder une attention accrue aux publics les plus précaires, car ils subissent une immobilité imposée, avec tout ce que cela implique en matière d’accès à l’emploi, à la santé ou, tout simplement, de vie sociale.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, comportait initialement trois dispositions ne soulevant pas de difficulté particulière.

La première consiste en la création d’une plateforme numérique nationale recensant l’intégralité des aides distribuées par l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements à destination des particuliers.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne peut qu’approuver l’objectif d’une meilleure information de nos concitoyens potentiellement éligibles à ces aides. C’est de nature à diminuer les inégalités et à augmenter le recours à ces aides.

En commission, nous avons d’ailleurs contribué à améliorer le dispositif qui nous était proposé, en insistant sur la nécessité de mettre à jour ces informations.

Nous avons de même renvoyé explicitement au pouvoir réglementaire le soin de préciser quels services de l’État seront responsables de la gestion et du suivi de la nouvelle plateforme numérique.

Le Gouvernement, par son amendement n° 4, propose, dans un souci d’économie, que la plateforme numérique en question soit celle sur laquelle Pôle emploi travaille déjà ; nous n’y voyons pas d’inconvénient.

Nous savons à quel point le coût du permis de conduire représente une dépense importante pour un grand nombre de Françaises et de Français, alors même que la détention d’un permis de conduire de catégorie B est bien souvent une nécessité pour entrer sur le marché du travail. Ce permis de conduire est un levier utile pour l’insertion tant professionnelle que sociale.

Aussi, nous saluons l’amendement de nos collègues écologistes tendant à la remise d’un rapport gouvernemental sur les possibilités de création d’un service public gratuit de l’enseignement théorique du permis de conduire de catégorie B. Nous comprenons le sens de cet amendement d’appel, que nous soutenons.

Le permis de conduire n’est pas seulement la condition première de l’entrée sur le marché du travail : il est aussi synonyme de liberté et d’indépendance pour de nombreux adolescents et jeunes adultes, pour celles et ceux qui vivent dans les territoires ruraux où la voiture reste indispensable.

L’allégement du coût du passage du permis de conduire, voire sa gratuité, est donc un enjeu majeur.

Par l’article 1er bis, on crée la possibilité de préparer et de passer l’épreuve théorique du permis de conduire dans les locaux des lycées et des établissements régionaux d’enseignement adapté. Le rapporteur Loïc Hervé, que je veux saluer à cette occasion, a amélioré la rédaction du dispositif, tout en maintenant son contrôle par la collectivité propriétaire des locaux. Nous aurions toutefois aussi souhaité recueillir l’avis du conseil d’administration de l’établissement, l’auteur de cette mesure de simplification adoptée à l’Assemblée nationale ayant avancé qu’elle s’inscrivait dans un objectif pédagogique global porté par l’établissement. Le conseiller régional d’Occitanie que je suis ne peut que souscrire à une telle analyse et, par conséquent, regretter que la disposition n’ait pas été retenue.

Le périmètre de certaines aides au passage de l’examen de conduite du permis de conduire est actuellement trop restreint, en particulier s’agissant du compte personnel de formation, et ce alors même que l’on connaît l’importance que revêt l’obtention du permis, quelle que soit sa catégorie, dans la recherche d’un travail.

Nous ne pouvons donc qu’approuver le dispositif prévu à l’article 2, qui étend les possibilités d’utilisation du CPF à toutes les catégories du permis de conduire, ainsi qu’à la préparation théorique de ces épreuves.

Je vais vous parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître : l’époque du service national. Lorsque je l’ai effectué, à Nîmes,…

M. Laurent Burgoa. Belle ville ! (Sourires.)

M. Hussein Bourgi. … j’ai rencontré beaucoup d’enfants de familles françaises modestes qui venaient accomplir leur devoir. Souvent, ils profitaient du service militaire pour passer le permis, dont le coût aurait autrement été important pour leur famille. Aujourd’hui, il n’y a plus de service national. Alors, utilisons les leviers qui existent ! Le compte personnel de formation en fait partie. Comme je l’ai indiqué, le périmètre de certaines aides est actuellement trop restreint. C’est pourquoi le recours au CPF est bienvenu.

Nous approuvons donc l’article 2, ainsi que l’article 2 bis, qui le complète en introduisant des garde-fous contre d’éventuels détournements du CPF auxquels pourrait donner lieu sa mobilisation dans ce cadre.

Les candidats au permis sont parfois confrontés à une autre difficulté : l’indisponibilité chronique, dans de nombreux territoires, des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière. Aussi, l’article 3 légèrement modifié par le rapporteur, permettrait l’externalisation de certaines missions de manière à compléter les effectifs des inspecteurs.

Si nous partageons le constat, nous ne soutenons pas nécessairement la solution apportée. Comme ma collègue Maryse Carrère, je considère qu’il y a toujours mieux à faire que de recourir à des contractuels pour pallier un manque d’effectifs. Mais nous savons aussi que le Gouvernement a affirmé que l’externalisation n’était pas son objectif. En témoigne le fait que le Parlement a récemment acté le recrutement de 100 nouveaux inspecteurs, au sein de la Lopmi.

Vous l’aurez compris, si nous regrettons que la demande de rapport introduite dans le texte par nos collègues socialistes à l’Assemblée nationale ait été supprimée par le rapporteur, bien qu’il ait maintenu celle qui figure à l’article 3 quater, mon groupe votera en faveur de ce texte.

En conclusion, mes chers collègues, je voudrais simplement vous faire remarquer que, si les textes inscrits à l’ordre du jour du Sénat de cette semaine d’ordre du jour gouvernemental sont intéressants et importants, leur ambition est néanmoins bien minime au regard des enjeux et des crises que traverse notre pays, de l’inflation à la crise de l’hôpital public. Je le constate, comme nous tous, et je le déplore, certainement comme beaucoup d’entre vous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Xavier Iacovelli. Il faut soutenir les textes du Gouvernement, alors !

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour beaucoup de Français, la maîtrise de la conduite est une étape importante dans l’accès à l’autonomie, une condition sine qua non pour l’exercice d’une vie professionnelle.

L’automobile, rappelons-le, n’est ni un luxe ni un plaisir futile : c’est d’abord un outil indispensable dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

L’apprentissage de la conduite est une démarche complexe, qui reste très souvent à la charge de celui ou de celle qui envisage de conduire. Les coûts en sont élevés, même si beaucoup a été fait pour faciliter l’accès au permis de conduire et que les collectivités locales, souvent pionnières dans ce domaine, sont impliquées. Néanmoins, en général, pour obtenir le fameux sésame, il faut débourser – les chiffres ont déjà été cités – autour de 1 500 euros. Les prix des leçons de conduite varient beaucoup selon les départements et les délais pour passer l’examen sont parfois énormes du fait de l’indisponibilité des inspecteurs.

Le texte qui est soumis à notre assemblée vise justement à améliorer un peu la fluidité d’un parcours qui peut décourager les bonnes volontés, par quelques solutions pratiques.

Cela passe d’abord par l’information.

L’absence de visibilité des dispositifs de financement laisse trop de nos concitoyens dans l’ignorance.

Aussi sera mise en place une plateforme numérique, destinée à faire connaître les dispositifs de financement de la formation à la conduite que l’État, les collectivités locales ou toute autre structure publique seront susceptibles de proposer aux particuliers. Cette plateforme devra également permettre de choisir son établissement de conduite et de s’inscrire à l’examen du permis.

Je m’étonne que cela n’ait pas été fait plus tôt, alors que le numérique occupe une place croissante dans nos vies. Honneur au Parlement d’avoir pris les devants et proposé un dispositif officiel d’information à la charge de l’administration !

Se pose ensuite la question de la formation.

C’est aussi un volet complexe, car l’apprentissage de la conduite demande des sacrifices financiers, mais aussi de son temps et de ses déplacements. Il faut faciliter la vie de ceux qui veulent passer le code de la route. Cela passe par un meilleur appui aux jeunes, qui se destinent forcément à une vie professionnelle.

Aussi, ce texte permet que la préparation et le passage de l’épreuve théorique soient organisés dans les locaux des lycées et des établissements régionaux d’enseignement adapté. C’est reconnaître que les établissements d’enseignement sont appelés à être des lieux de formation.

Animé par le souci d’aider ceux qui se destinent à la vie professionnelle, le Sénat avait par ailleurs ouvert la voie voilà quelques mois, en adoptant au sein du projet de loi de finances un amendement tendant à faire financer par France compétences l’aide au passage du permis de conduire de nos apprentis.

Il faudra donc davantage aider ce jeune public désireux d’acquérir un instrument précieux pour son autonomie, mais aussi réfléchir à une meilleure formation au permis de conduire sur tous les lieux de travail ou d’apprentissage à la vie professionnelle.

Le CPF pourra enfin être utilisé pour la préparation aux épreuves théoriques et pratiques de l’examen du permis de conduire.

Dans le débat, récurrent et souvent polémique, sur les formations éligibles au CPF, voire sur son avenir même, on avait peut-être oublié qu’il existait des formations indispensables à privilégier. L’apprentissage de la conduite en est une. Mieux vaut tard que jamais ! Cela donnera également plus de visibilité au CPF, qui n’est pas toujours connu et qui semble encore compliqué à utiliser.

Enfin, ce texte est le fruit de travaux effectués par les parlementaires. Il a été précédé par plusieurs études et observations faites sur le terrain, dans le cadre tant de la fonction législative que de la mission de contrôle de nos assemblées.

Cette proposition de loi démontre que le législateur peut, après un minutieux travail d’évaluation, se saisir des sujets du quotidien et proposer des solutions pratiques, un exemple qui doit être poursuivi dans d’autres domaines. L’intelligence collective, c’est aussi celle de nos assemblées !

Le groupe Les Républicains votera donc en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été souligné, en particulier par mon collègue Hussein Bourgi, cette proposition de loi va dans le bon sens, car elle permet de faciliter l’obtention du permis de conduire, en agissant principalement sur son coût.

En effet, nous en convenons tous, le coût est bien le principal obstacle pour les jeunes et les familles. D’ailleurs, des propositions sont régulièrement faites lors des campagnes présidentielles ; on est allé jusqu’à proposer l’intégration de cet examen au sein du parcours scolaire des lycéens.

J’ai cependant été très étonné, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que trop peu de cas soit fait des taux de réussite à l’examen, ainsi que des moyens de les augmenter, dans les réflexions qui nous conduisent à examiner ce texte aujourd’hui. Ce taux n’est que de 57 % à l’échelle nationale, et même de 52 % seulement dans mon département ; c’est bien cette double réalité qui m’a conduit à m’intéresser au sujet et à chercher des solutions.

À ce titre, la conduite accompagnée présente bien des avantages. D’abord, elle permet de mieux former et préparer à l’examen de conduite, puisque 3 000 kilomètres doivent être parcourus. Elle fait d’ailleurs ses preuves : alors que le taux national de réussite à l’examen de conduite est de 57 %, il passe à 75 % pour ceux qui ont pu bénéficier de ce dispositif ! Surtout, puisque tel est l’objet de cette proposition de loi, la conduite accompagnée est généralement moins onéreuse pour les candidats, car ils n’ont pas besoin d’ajouter des heures au forfait de base grâce à cette expérience accumulée.

Dès lors, pour des raisons de maîtrise des délais, mais aussi financières et même sécuritaires, il incombe au législateur de faciliter le recours à la conduite accompagnée, qui est aujourd’hui beaucoup trop faible.

C’est la raison pour laquelle j’avais déposé un amendement visant à demander au Gouvernement un rapport qui nous aurait permis, en premier lieu, de dresser un bilan du dispositif en vigueur depuis l’arrêté du 16 juillet 2019, qui « a ouvert la possibilité de se présenter à l’examen pratique du permis de conduire dès l’âge de 17 ans pour les candidats ayant choisi une formation en conduite accompagnée, afin de pouvoir commencer à conduire en autonomie dès le premier jour du 18e anniversaire », comme il est très bien rappelé dans le rapport de la commission.

Alors qu’en Meurthe-et-Moselle, seuls 25 % des jeunes ont recours à la conduite accompagnée, ce qui est déjà un très bon score, ce rapport aurait permis de mieux comprendre les motivations et les freins à l’engagement dans cette procédure.

Je suggérais également que le Gouvernement, à l’occasion de ce rapport, se penche sur l’opportunité de créer un vivier d’accompagnateurs bénévoles pour accompagner les jeunes dont le foyer n’a pas de voiture, ou dont les parents n’ont pas le permis ou la disponibilité nécessaire pour effectuer les 3 000 kilomètres dans le temps imparti. Même si, dans les faits, l’accompagnateur à la conduite accompagnée peut être choisi hors du cadre familial du jeune, la quasi-totalité des accompagnateurs sont les parents ou, éventuellement, les grands-parents, ce qui est logique.

Ma démarche est bien de comprendre comment on pourrait élargir le vivier d’accompagnement et ainsi mettre à mal l’injustice qui sévit entre ceux qui peuvent bénéficier de la conduite accompagnée et ceux qui ne le peuvent pas, parce qu’ils ne disposent pas d’une personne proche répondant aux conditions nécessaires : permis B depuis plus de cinq ans, accord de l’assurance automobile, absence d’annulation ou d’invalidation du permis dans les cinq années précédentes, etc.

La création de ce vivier officiel de bénévoles, qui pourrait même être labélisé, serait une partie de la solution aux problèmes et aux freins que rencontrent ces jeunes et leurs familles. Bien entendu, il faudrait définir les profils des personnes de confiance et les modalités d’engagement dans cette procédure, ou encore déterminer quelle institution opérera les contrôles et la supervision…

Alors, madame la secrétaire d’État, puisque je ne peux vous présenter formellement mon amendement, je profite de cette intervention pour vous proposer de mener à bien cette démarche, ou du moins d’expérimenter cette création d’un vivier dans quelques départements, en lien avec les missions locales et avec l’ensemble des acteurs qui interviennent sur les questions de jeunesse. Ce n’est pas dans cet hémicycle, mes chers collègues, que je vais vous apprendre à quel point le permis de conduire est un sésame indispensable à la vie quotidienne ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à faciliter le passage et l’obtention de l’examen du permis de conduire

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire
Article 1er bis

Article 1er

Après l’article L. 221-3 du code de la route, il est inséré un article L. 221-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-3-1. – L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements rendent publics, sur une plateforme numérique nationale créée et gérée par l’État, les dispositifs de financement de la formation à la conduite qu’ils proposent aux particuliers.

« Cette plateforme oriente les particuliers vers les dispositifs numériques permettant de choisir son établissement d’enseignement de la conduite et de s’inscrire à l’examen du permis de conduire.

« Un décret précise les services de l’État chargés de la création, de la gestion et de la mise à jour des informations publiées sur la plateforme mentionnée au premier alinéa. »

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

créée et gérée par l’État

par les mots :

gérée par Pôle emploi

II. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent article.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. L’article 1er de cette proposition de loi vise à mieux faire connaître les aides actuellement disponibles pour financer le permis de conduire. Elles sont nombreuses et ont différentes origines – régions, départements, communes –, mais elles ne sont pas toujours lisibles. C’est pour y remédier qu’est prévue, à cet article, la mise en place d’une plateforme unique recensant l’ensemble de ces aides financières. Or il existe déjà une plateforme qui remplit ce rôle : il s’agit du site mes-aides.pole-emploi.fr, qui recense les aides offertes par plus de 250 collectivités. Cette plateforme est le fruit d’un travail important réalisé par les préfectures en lien avec les collectivités de toutes tailles et les services de Pôle emploi.

Le présent amendement vise à capitaliser sur cette plateforme existante et sur la visibilité qu’elle a déjà acquise, en confiant la gestion de la future plateforme de recensement des aides à cet opérateur majeur du ministère du travail.

Bien entendu, comme l’objectif est de s’adresser à tous les publics et non pas uniquement aux demandeurs d’emploi, Pôle emploi fera évoluer la plateforme actuelle. Pour les jeunes, en particulier, un nouveau portail intitulé « 1 jeune 1 permis » pourra être développé. Cet outil sera également accessible sur toutes les plateformes publiques pertinentes, par exemple Mon compte formation, avec une bannière gouvernementale adaptée.

Il convient de relever que confier la gestion de cette plateforme à Pôle emploi fait particulièrement sens dans le cadre de la mise en place de France Travail. Ainsi, grâce à la gouvernance partagée entre l’État et les collectivités territoriales, le recueil d’information et l’actualisation des aides mises en place dans les territoires seront facilités. C’est une chose de disposer d’une plateforme ; la maintenir à l’état de l’art en est une autre : c’est en soi un défi, et ce n’est pas le plus simple. France Travail permettra de le relever !

Enfin, je précise que les modalités de mise en œuvre par l’opérateur seront définies par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article 1er bis

L’article L. 312-13 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le second alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « passage », sont insérés les mots : « et la préparation » ;

b) Les mots : « peut être organisé » sont remplacés par les mots : « peuvent être organisés » ;

c) Les mots : « , dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 214-6-2 du présent code, » sont supprimés ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le représentant de l’établissement peut autoriser, après accord de la collectivité territoriale propriétaire des bâtiments, l’utilisation de locaux et d’équipements scolaires des lycées et des établissements régionaux d’enseignement adapté, pendant les heures ou les périodes au cours desquelles ils ne sont pas utilisés pour les besoins de la formation initiale et continue, par des entreprises ou des organismes de formation afin d’organiser la préparation et le passage de l’épreuve théorique du permis de conduire.

« Cette autorisation est subordonnée à la passation d’une convention entre le représentant de l’établissement, le représentant de la collectivité propriétaire des bâtiments et la personne physique ou morale qui désire organiser ces activités, précisant notamment les obligations pesant sur l’organisateur en ce qui concerne l’application des règles de sécurité, la prise en charge des responsabilités et de la réparation des dommages éventuels ainsi que les conditions financières de l’utilisation des locaux et des équipements, dans le respect du code général de la propriété des personnes publiques. » – (Adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire
Article 2 bis

Article 2

(Non modifié)

I. – Le 3° du II de l’article L. 6323-6 du code du travail est ainsi rédigé :

« 3° La préparation aux épreuves théoriques et pratiques de toutes les catégories de permis de conduire d’un véhicule terrestre à moteur ; ».

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2024. Les conditions et les modalités d’éligibilité au compte personnel de formation de la préparation aux épreuves théoriques et pratiques de toutes les catégories de permis de conduire d’un véhicule terrestre à moteur sont précisées par décret, après consultation des partenaires sociaux. – (Adopté.)

Article 2
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Article 3

Article 2 bis

(Non modifié)

Après le 11° de l’article L. 225-5 du code de la route, il est inséré un 12° ainsi rédigé :

« 12° À la Caisse des dépôts et consignations pour sa mission de gestion du système d’information du compte personnel de formation mentionné au II de l’article L. 6323-8 du code du travail. » – (Adopté.)

Article 2 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 6

Article 3

Le premier alinéa de l’article L. 221-5 du code de la route est ainsi rédigé :

« L’autorité administrative peut recourir à des agents publics ou contractuels comme examinateurs autorisés à faire passer l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger. L’autorité administrative recourt à ces agents en nombre suffisant pour garantir que le délai médian entre deux présentations d’un même candidat à cette épreuve pratique n’excède pas quarante-cinq jours. »

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Nous demandons la suppression de l’article 3.

En effet, comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, l’article 3 a pour objet de permettre que des agents publics ou contractuels puissent faire passer les épreuves pratiques de l’examen du permis de conduire. Or nous considérons que ce n’est pas forcément le meilleur chemin à suivre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Il ne nous semble pas pertinent de supprimer l’article 3 : l’extension du dispositif qui y figure vise à soutenir les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) dans leur mission principale, celle d’examinateurs de l’examen pratique du permis B, ce qui permettra de réduire les délais d’attente pour le passage de l’épreuve pratique du permis de conduire.

L’article 3 ne vise en aucun cas à remplacer les inspecteurs du permis de conduire ou à faire disparaître leur corps. Au contraire, ce dispositif favorise même le recrutement d’agents supplémentaires : ainsi, trente-huit des agents de La Poste recrutés en tant qu’examinateurs ont choisi leur intégration dans le corps des IPCSR. Je tiens également à rappeler que le Sénat a voté, dans la Lopmi, le recrutement de 100 inspecteurs supplémentaires entre 2023 et 2026.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 3 bis

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le livre 2 du code de la route est ainsi modifié :

1° À la première phrase du I de l’article L. 211-1 A, les mots : « ou d’un examinateur, agent public ou contractuel » sont remplacés par les mots : « , d’un examinateur mentionné à l’article L. 221-5 du code de la route ou d’un examinateur auquel a recours l’organisateur agréé mentionné à l’article L. 221-6 du même code » et après le mot : « examen », sont insérés les mots : « théorique ou pratique » ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 211-1, les mots : « un inspecteur du permis de conduire et de la sécurité routière » sont remplacés par les mots : « l’une des personnes mentionnées au I de l’article L. 211-1 A » ;

3° Le deuxième alinéa de l’article L. 221-5 est supprimé.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement vise à faire bénéficier les examinateurs des centres organisant, pour le compte de l’État, le passage de l’examen du code de la route ou des épreuves pratiques des permis de conduire de véhicules du groupe lourd de la même protection que les inspecteurs ou examinateurs du permis de conduire lorsque celui-ci est organisé par l’État.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Effectivement, les examinateurs de l’épreuve théorique générale et les examinateurs agents publics ou contractuels chargés des examens pratiques de la catégorie B, qui ont pour mission d’assurer le respect des règles de passage de ces épreuves, font régulièrement l’objet de menaces, voire d’agressions, de la part de certains candidats. Or les dispositions des articles L. 211-1 et L. 211-1 A du code de la route ne leur permettent pas de bénéficier d’une protection analogue à celle qui existe pour les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière.

La modification ici proposée à ces articles permettra de sanctionner les agresseurs de ces examinateurs de l’interdiction administrative de se présenter à l’examen du permis de conduire pour une durée de deux à six mois, en anticipation de la peine complémentaire judiciaire d’interdiction de se présenter à l’examen pour une durée de trois ans ou plus.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 6
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Article 3 ter

Article 3 bis

(Supprimé)

Article 3 bis
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Article 3 quater

Article 3 ter

(Supprimé)

Article 3 ter
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Article additionnel après l'article 3 quater - Amendement n° 3

Article 3 quater

(Non modifié)

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité d’abaisser l’âge d’obtention du permis de conduire. Ce rapport aborde les conséquences d’un changement de la législation en la matière et les modalités de sa mise en pratique. – (Adopté.)

Article 3 quater
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Article 4

Après l’article 3 quater

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de mettre en œuvre un service public gratuit de l’enseignement théorique du permis de conduire de catégorie B, afin de faciliter le passage et l’obtention de celui-ci.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Par cet amendement, nos collègues du groupe écologiste souhaitent demander au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de mettre en place un service public du code de la route, afin d’en faciliter le passage et l’obtention.

Aujourd’hui, le tarif du passage de cette épreuve est fixé par l’État ; il s’élève à 30 euros. C’est sa préparation qui peut être plus onéreuse, aux environs de 300 euros.

Vous connaissez la jurisprudence constante de la commission des lois sur les demandes de rapport. Certes, nous y avons fait une exception tout à l’heure. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.) Mais, comme je l’ai expliqué, elle concerne des travaux déjà en cours !

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement ; nous ne souhaitons pas de nouveau rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 quater - Amendement n° 3
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

(Suppression maintenue)

Vote sur l’ensemble

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Madame la secrétaire d’État, je tenais à reprendre la parole pour vous interpeller à la suite de mon intervention dans la discussion générale.

Comment répondre à l’injustice entre ceux qui peuvent bénéficier de la conduite accompagnée et ceux qui ne le peuvent pas, parce que leur foyer n’a pas de voiture ou que leurs parents n’ont pas le permis ou la disponibilité nécessaire pour effectuer les 3 000 kilomètres requis dans le temps imparti ? Que pensez-vous de ma proposition de création d’un vivier d’accompagnateurs bénévoles, par exemple des pompiers ou gendarmes retraités, qui pourraient être labélisés, pour aider les jeunes ?

C’est une idée que je défends depuis quelques mois, grâce au remarquable travail d’un stagiaire de troisième accueilli l’année dernière, Sacha Vettese, qui est présent dans nos tribunes ce soir.

Après nos rendez-vous avec le préfet de Meurthe-et-Moselle et la générale de gendarmerie déléguée à la sécurité routière, Florence Guillaume, il nous apparaît qu’une telle idée est vraiment à creuser et qu’il y a matière à expérimenter. Elle apporterait une partie de la solution aux problèmes et aux freins que rencontrent les jeunes et leurs familles.

Je regrette donc que mon amendement et ma demande d’un rapport gouvernemental ne puissent pas être examinés, mais je ne doute pas que ma proposition retiendra toute l’attention du ministère de l’intérieur, tout comme elle a retenu celle de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, de la déléguée interministérielle à la sécurité routière, ou encore du syndicat Mobilians.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à faciliter le passage et l’obtention de l’examen du permis de conduire.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire
 

9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 mai 2023 :

À neuf heures trente :

Questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

Proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos, présentée par Mme Catherine Deroche, MM. Stéphane Piednoir, Claude Nougein et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 585, 2022-2023) ;

Proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, présentée par MM. Laurent Duplomb, Pierre Louault, Serge Mérillou et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 590, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER