M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Carlotti, nous partageons ce constat inacceptable.

Depuis le début de l’année, dix-sept personnes ont été tuées dans le cadre d’homicides liés au trafic de stupéfiants. Je voudrais ici, au nom de Gérald Darmanin, de Mme la Première ministre et de l’ensemble du Gouvernement, avoir une pensée pour leurs familles et leurs proches endeuillés.

Toutefois, face à cette situation intolérable – c’est là que nous divergeons –, le ministère de l’intérieur et des outre-mer est d’ores et déjà pleinement mobilisé. En effet, il s’agit non pas de ce que nous comptons faire, mais de ce que nous faisons, et que je veux rappeler.

Entre 2021 et 2022, 300 policiers ont été envoyés en renfort ; contrairement à ce que vous disiez, en début d’année, dix nouveaux policiers ont renforcé la police judiciaire, ce qui permet de créer un groupe supplémentaire au sein de l’Office anti-stupéfiants.

Trois compagnies de CRS ont également été affectées de façon permanente à Marseille, soit un total de plus de 140 policiers.

Depuis le 2 mai dernier, trente jeunes policiers en sortie d’école ont été envoyés à Marseille, madame la sénatrice.

M. François Bonhomme. C’est efficace !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. D’ici à septembre prochain, onze nouveaux policiers arriveront à la police judiciaire pour renforcer la brigade de recherche et d’intervention.

Rien que pour Marseille, quatre-vingt-dix postes ont été ouverts dans le cadre du prochain mouvement de mutation et seront pourvus en septembre prochain.

Enfin, grâce à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), que vous avez votée au début de l’année, une nouvelle compagnie de type CRS 8 sera implantée à Marseille d’ici à la fin de 2023.

M. François Bonhomme. Pour quel changement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Madame la sénatrice, cette politique montre d’ores et déjà des effets concrets, même s’ils sont bien sûr insuffisants.

Toutefois, il faut le rappeler, de janvier à mars 2023, 362 opérations visant des points de deal ont été effectuées à Marseille, aboutissant à la saisie de 500 kilogrammes de drogue, de 40 armes et de 800 000 euros d’avoirs criminels.

Oui, madame la sénatrice, nous devons poursuivre nos efforts – et vous avez raison de nous interroger à ce propos –, mais entendez les réponses que nous apportons d’ores et déjà ! (M. François Patriat applaudit.)

mixité sociale à l’école et laïcité

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, après un long silence, votre entrée en scène était particulièrement attendue.

Or vos annonces, loin de répondre au besoin de réforme de l’école, furent plus polémiques que saluées. Elles ont cependant ouvert de nouveaux débats sur la laïcité et la mixité sociale.

J’ai donc trois questions à vous poser.

À l’aune de la composition du nouveau Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République, entendez-vous redéfinir ce principe fondamental de notre République qui prévaut jusqu’à présent à l’école publique ?

Alors que le chef de l’État vous invite à ne pas « réveiller de vieux conflits », pourrez-vous mettre en œuvre votre plan sur la mixité sociale à l’école ?

Enfin, avez-vous la confiance du Président de la République pour réformer et diriger l’éducation nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Brisson, trois questions… ou plutôt deux auxquelles je répondrai.

La première porte sur la laïcité.

D’abord, j’ai déjà eu l’occasion de dire devant vous que la laïcité doit être observée de manière ferme et stricte. Nous devons respecter strictement la loi de 2004, qui est notre boussole en la matière, et être fermes à l’égard de celles et de ceux qui contreviennent au principe de laïcité. Depuis l’automne dernier, des conseils de discipline se sont ainsi tenus et des sanctions ont été prononcées.

Ensuite, comme je vous l’ai déjà également indiqué, la laïcité est aussi une pédagogie. Elle doit être non pas seulement crainte, mais aimée – comme le disaient les républicains à la fin du XIXe siècle de la République. Il est donc très important que nous développions une pédagogie de la laïcité pour convaincre, afin de ne pas simplement faire respecter au sens strict du terme la laïcité.

Pour cela, nous disposons d’un Conseil des sages qui oriente l’action du ministre, et qui fournit des éléments intellectuels et de doctrine. En parallèle, nous avons aussi une administration, comptant plus de 600 personnes au sein des équipes Valeurs de la République qui travaillent à faire respecter la laïcité sur le terrain, en faisant preuve de discernement, mais de manière très ferme.

Pour ce qui concerne votre deuxième question, je dévoilerai ce soir le plan pour la mixité sociale. Nous allons en effet signer un accord avec le Secrétariat général de l’enseignement catholique pour ce qui concerne l’enseignement privé, et j’annoncerai une batterie de mesures de nature à favoriser la mixité dans les établissements publics.

La mixité, c’est bon pour le climat scolaire, pour le climat social et pour le niveau des élèves, et c’est aussi bon pour la laïcité. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais sans rien de contraignant !

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. Acte I : le Président de la République, face caméra, multiplie depuis un an les annonces sur l’organisation scolaire et son évolution.

Acte II, seul et en militant, pour enfin exister, vous vous concentrez, monsieur le ministre, sur deux sujets. Une laïcité à géométrie variable, qui conduit au torpillage du Conseil des sages et qui laisse sans directive professeurs et proviseurs, et un ciblage éculé de l’enseignement privé, qui serait – vieux fantasme de la gauche – la source des défaillances de l’enseignement public.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, mais de l’absence de mixité sociale, oui !

M. Max Brisson. Acte III : le Président de la République vous rappelle à l’ordre et vos plans sont rangés au placard.

Le problème est qu’à force de tirer à hue et à dia, la rue de Grenelle et l’Élysée passent à côté de l’essentiel : la réforme d’un service public à bout de souffle.

Cessez donc de jouer avec l’Élysée ce bien mauvais vaudeville !

Monsieur le ministre, au-delà de vos idées personnelles et clivantes, la France a besoin d’un élan réformateur pour son école. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

augmentation du nombre de mineurs non accompagnés

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste.

Mme Élisabeth Doineau. Ma question concerne les mineurs non accompagnés.

Ce sujet, qui n’est pas nouveau, appelle en réalité une réponse interministérielle. En effet, sont concernés aussi bien le ministère de l’intérieur, s’agissant des flux migratoires, le ministère de la justice, pour l’évaluation de la minorité, que les ministères chargés de la solidarité, de la protection de l’enfance, de l’éducation et même du travail, lorsque des chefs d’entreprise demandent le maintien de jeunes sur notre territoire pour répondre à des offres d’apprentissage ou travailler dans nos entreprises artisanales.

C’est donc véritablement un ensemble de réponses qui est attendu.

Aujourd’hui, le cri d’alarme est lancé par le président de l’Assemblée des départements de France, François Sauvadet. Et il a raison, la situation est grave ! Depuis le début de l’année, 5 000 mineurs non accompagnés sont arrivés sur notre territoire, dont 2 000 dans les Alpes-Maritimes. Pour rappel, entre 2021 et 2022, on comptait 900 mineurs non accompagnés supplémentaires dans ce seul département.

Je le redis, la situation est vraiment catastrophique. Nous devons agir. Alors, je vous demande simplement : dans le projet de loi « immigration », sera-t-il question des mineurs non accompagnés ? Car, à ce jour, rien ne figure sur ce point dans le texte, alors que nous devons accompagner ces jeunes à la fois avec humanité, mais aussi avec responsabilité, dans des conditions acceptables par la population.

Ensuite, dans la loi relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, du 7 février 2022, trois articles concernent les mineurs non accompagnés. Mais, aujourd’hui, rien ne peut être fait, les mesures d’application n’ayant pas passé le Conseil d’État.

Enfin, comment comptez-vous aider financièrement les conseils départementaux, qui sont aujourd’hui à bout de souffle, et dont les moyens ont diminué ces dernières années ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Évelyne Perrot. Vous avez bien fait de venir !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Doineau, vous le savez, le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, et moi-même sommes pleinement mobilisés sur cette question des mineurs étrangers non accompagnés,…

Mme Laurence Rossignol. Et les moyens de la protection de l’enfance ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … qui est à la fois complexe et cruciale pour nos territoires et nos départements.

Mme Laurence Rossignol. Et pour eux, accessoirement !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Bien sûr, madame la sénatrice.

Cette question est particulièrement actuelle puisque, en 2022, on comptait 14 782 mineurs étrangers non accompagnés contre 11 315 en 2021. D’après les départements, qui sont chargés – vous l’avez indiqué – de l’accueil de ces jeunes, ce chiffre devrait continuer à croître.

Nous partageons cette préoccupation. C’est la raison pour laquelle la mission mineurs non accompagnés de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice est pleinement mobilisée et tient compte des remontées des départements. (Mme Laurence Rossignol sexclame ironiquement.)

Je suis moi-même en contact régulier avec le président de l’Assemblée des départements de France, François Sauvadet.

Une rencontre a été organisée, la semaine dernière, place Vendôme, au cours de laquelle le ministre de l’intérieur et la secrétaire d’État chargée de l’enfance ont reçu les élus et les représentants du département des Alpes-Maritimes, tout particulièrement exposé dans ce contexte.

Nous allons ainsi apporter des réponses concrètes à la situation de tension – vous l’avez décrite – que connaît ce département en particulier, mais qui en touche également d’autres, comme vous l’avez souligné.

Soutien aux équipes départementales chargées de l’évaluation ; mise en œuvre de solidarités interdépartementales ; suspension de la clé de répartition ; concours exceptionnel de l’État : nous étudions actuellement l’ensemble de ces pistes pour améliorer encore notre dispositif, en lien avec les collectivités et tout particulièrement avec l’Association des départements de France.

Pour l’accomplissement de cette mission très sensible, l’État apporte un soutien total aux départements. Comme vous l’indiquez, il est indispensable de prendre en charge ces mineurs. Nous devons, de même, préserver les équilibres de notre République et ceux des territoires. (M. François Patriat applaudit.)

sondage sur l’absence de liberté ressentie par les français et arrêtés préfectoraux « abusifs »

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dominati. Madame le ministre, il y a quelques jours, un quotidien a publié son enquête annuelle sur l’inquiétude que ressentent les Français au sujet de leurs libertés individuelles.

Au total, 64 % de nos concitoyens considèrent que les atteintes aux libertés individuelles se sont aggravées au cours de la dernière décennie. Toutes les catégories de Français éprouvent le même sentiment, qu’il s’agisse des électeurs de gauche, à plus de 70 %, ou des entrepreneurs, à 78 %.

Les interdictions pleuvent. Elles sont désormais quotidiennes et les collectivités territoriales y contribuent. Je n’ai pas le temps de les énumérer, mais elles vont de la possibilité de se laver, d’arroser son jardin ou de chasser aux sujets d’ordre médical – choisir son médecin, se faire vacciner ou non, ou encore décider de sa fin de vie.

Pourtant, les Français sont les contribuables les plus prodigues au monde. Ils payent la dette publique. Ils payent les impôts les plus élevés des démocraties. Ils payent le plus grand nombre d’agents publics. Bref, l’État mord la main de ceux qui le nourrissent.

Je suis un républicain. Je n’ai pas de passion particulière pour les monarchies : je suis toujours étonné de voir des contribuables payent pour enrichir le patrimoine de leurs princes. Mais force est de constater le contraste entre les milliers d’Anglais présents au couronnement de Charles III et la solitude de notre Président de la République sur les Champs-Élysées, entouré de dix policiers pour un spectateur…

M. Philippe Dominati. Madame la Première ministre, quelles instructions comptez-vous donner à l’administration pour qu’elle arrête d’enquiquiner les Français, qu’elle cesse d’exiger d’eux des précautions toujours plus nombreuses au nom de la frilosité de votre gouvernement ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Dominati, vous interrogez le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, sur un récent sondage de l’Institut français d’opinion publique (Ifop).

Personne, bien entendu, ne conteste le sérieux de cet organisme ; mais ne perdons pas de vue que nous parlons d’une perception subjective, d’un sentiment… (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)

Pour s’en tenir aux réalités juridiques et factuelles, insistons sur le fait que nous sommes dans un État de droit. (M. François Bonhomme sexclame.) L’action du Gouvernement, tout comme celle des forces de l’ordre, est guidée par nos principes constitutionnels et nos règles juridiques, que nous approuvons tous.

La liberté d’expression et, en son sein, la liberté de manifestation sont des droits constitutionnels auxquels nous sommes tous attachés.

M. Mickaël Vallet. Et les casseroles ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Toutefois, rappelons que des restrictions aux libertés individuelles sont possibles dans notre État de droit, sous conditions, évidemment.

Ainsi, les restrictions à la liberté de manifester doivent être strictement proportionnées au motif d’intérêt général à défendre. Elles doivent aussi être motivées par un risque avéré de trouble à l’ordre public. Vous le savez sans doute, mais il me semblait opportun de le rappeler.

En outre, dans notre pays, toute restriction aux libertés individuelles est soumise au strict contrôle d’un juge. Des arrêtés préfectoraux interdisant telle ou telle manifestation ont été confirmés par le juge ; mais d’autres – faut-il le rappeler ? – ont été annulés par la justice.

Samedi dernier, le 13 mai, un colloque de l’Action française a été autorisé par le tribunal administratif de Paris alors qu’il faisait l’objet d’un arrêté d’interdiction pris par le préfet de police. Une manifestation organisée le lendemain, dimanche 14 mai, par la même Action française a également eu lieu en hommage à Jeanne d’Arc.

La démonstration est donc faite que nos institutions fonctionnent et que l’État de droit est respecté.

pause en matière de réglementation environnementale annoncée par le président de la république

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Je vais changer de sujet et, ce faisant, tenter d’offrir une petite pause à Mme la ministre Faure, qui l’a bien méritée ! (Sourires.)

En quarante ans, un quart des oiseaux, soit 800 millions d’entre eux, ont disparu en Europe…

M. Jérôme Bascher. Des rossignols ? (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. Ne vous laissez pas aller à ces plaisanteries faciles !

Cet effondrement est directement imputable aux pesticides et à l’agriculture intensive.

Chaque année, 300 000 personnes, dont 12 000 enfants, meurent prématurément de la pollution de l’air en Europe. Le niveau des nappes phréatiques est dramatiquement bas. L’Europe du Sud brûle déjà, alors que l’été est encore loin. Et voilà que le Président de la République annonce vouloir « une pause dans la réglementation environnementale européenne » : c’est consternant.

C’est d’autant plus consternant que, dans ce domaine, deux directives majeures sont en discussion : celle relative aux pesticides et celle sur les produits chimiques. Je n’oublie pas non plus le Green Deal, lui aussi en cours d’examen, et, avec lui, le principe pollueur-payeur.

Par de telles déclarations, le Président de la République ne rapprocherait-il pas la France du côté obscur de la force, c’est-à-dire de ces pays qui, cédant aux lobbies économiques, font le choix du cynisme, celui de l’efficacité économique immédiate au détriment de la santé humaine ?

Si ces déclarations sont suivies d’effet, la France risque de torpiller les efforts que l’Europe doit accomplir pour accélérer sa transition écologique.

Aujourd’hui, nous sommes dans une course de vitesse contre la destruction du vivant. À l’échelle de l’Union européenne, d’âpres négociations sont à l’œuvre. Dans quel camp se trouve la France ? Qui faut-il croire : le ministre Béchu, qui, le 1er janvier dernier, nous souhaitait à tous une année d’accélération de la transition écologique, ou le ministre Lescure, qui demande cinq ans de pause dans la transition écologique ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Rossignol, tout d’abord, je vous remercie d’avoir mentionné l’étude, publiée hier, qui pointe l’inquiétante augmentation de la mortalité des oiseaux à l’échelle européenne. Les causes de cette hausse sont avérées.

Dans quelques jours, un rendez-vous majeur doit avoir lieu à l’Unesco pour la négociation d’un traité sur la fin de la pollution plastique. Comme l’a souhaité le Président de la République, cette séquence se déroulera en France ; et je suis heureux que vous m’interrogiez au sujet de ses propos, qui ne doivent pas être mal compris.

M. Christophe Béchu, ministre. Avant tout, je tiens à rappeler dans quel cadre ces mots ont été prononcés : c’était lors d’une conférence de presse organisée sur l’initiative du Président de la République, à l’Élysée, pour expliquer qu’il faut accélérer la réindustrialisation écologique du pays.

Cette conférence de presse a commencé par la projection d’une diapositive reprenant les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), pour résumer ce qui est en train de se passer et montrer que nous devons changer de braquet. Pendant trop d’années, nous avons baissé nos émissions en désindustrialisant.

Ceux qui parlent le plus d’écologie ne sont pas nécessairement ceux qui en font le plus. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.) Au cours du quinquennat que vous avez ardemment soutenu, la baisse des émissions était de 1 % par an : elle a doublé pendant le dernier quinquennat, et notre ambition est de la doubler de nouveau.

Ce qui a été annoncé ce jour-là, c’est que nous allons nous saisir d’un texte européen négocié par le Président de la République – le Net-Zero Industry Act – afin d’attribuer les subventions aux projets d’excellence en matière environnementale…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Alors, pas de pause ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le cadre sera celui de la planification écologique, souhaitée par le Haut Conseil pour le climat (HCC), qui relèvera de la Première ministre, afin que sa transversalité soit assurée.

Toutefois, étant donné le nombre de textes qui viennent d’être votés et ceux qui sont encore devant nous,…

M. Hussein Bourgi. Pause ou pas pause ?

M. Christophe Béchu, ministre. … à savoir les règlements Reach et Sure, la question est la suivante : ne vaut-il pas mieux mettre les financements – ce sont les mots du Président de la République – pour appliquer les dispositions qui ont été prises, plutôt que d’ajouter des textes à des textes, sachant – je le répète – que nous en avons déjà beaucoup devant nous ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pause ou pas pause ?

M. Hussein Bourgi. Qu’en dit M. Lescure ?

M. Christophe Béchu, ministre. Par exemple, au sujet de la norme Euro 7, nous avons dit ensemble il y a quelques mois qu’il fallait aller vers la planification de la transition écologique des voitures par l’électrification. L’évolution de la norme doit non pas concerner le moteur – c’est la pause dont il s’agit –, mais se concentrer sur les autres éléments.

Il n’y a pas de contradiction dans les termes : nous devons intensifier notre action sur la base des textes existants, qui sont déjà nombreux, tout en continuant à en négocier de nouveaux,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Christophe Béchu, ministre. … mais sans ajouter, chaque jour, un texte qui vient en remplacer un précédent.

Notre ambition est totale, la pause n’est pas dans l’ambition ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On n’y comprend rien !

réglementation européenne en matière de lutte contre les incendies et de sécurité civile

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Dumont. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer…

Madame la ministre (Exclamations sur les mêmes travées.), en juin 2022, la Commission européenne a publié une proposition de règlement intitulée « loi sur la restauration de la nature ». Il s’agit d’une des mises en application de la stratégie européenne du Pacte vert.

La commission Environnement du Parlement européen, qui examine au fond le texte, doit entériner sa position le 15 juin prochain.

Par son article 10, cette « loi » prévoit que les États membres devront – écoutez bien ! – augmenter la quantité de bois mort debout et au sol, la connectivité forestière, les stocks de carbone organique dans les sols, ainsi que la part des forêts d’âges différents. Ces diverses hausses devront être mesurées tous les trois ans dans l’ensemble des États membres à compter de 2030.

Cet article contrevient complètement à la doctrine française de lutte contre les incendies de forêt, que nous avons, ici, au Sénat, renforcée et sécurisée en adoptant la proposition de loi de nos collègues Jean Bacci, Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin et Olivier Rietmann, visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie.

Cette proposition de loi prévoit, entre autres, de gérer et d’améliorer l’aménagement et la valorisation des forêts en appréhendant la défense contre les incendies à l’échelle du massif tout en finançant la reconstitution de forêts plus résilientes après l’incendie.

Au sujet du texte européen de « restauration de la nature », quelles initiatives la France a-t-elle prises pour faire reconnaître son expertise et son particularisme dans la lutte contre les feux de forêt ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Dumont, le 4 avril dernier, j’étais au banc du Gouvernement quand le Sénat a adopté, à l’unanimité, la proposition de loi ambitieuse que vous venez de citer, visant à renforcer les moyens de prévention et de lutte contre les incendies.

Ce texte, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, est essentiel pour notre avenir. Avec vos collègues députés, nous y avons consacré les journées de lundi et de mardi. En ce moment même, les débats se poursuivent en présence de Marc Fesneau, et je l’en remercie. Ils se déroulent de la manière la plus constructive possible.

Les incendies que nous avons connus l’été dernier et ceux qui frappent déjà les Pyrénées-Orientales cette année nous rappellent l’urgence d’agir face à des phénomènes amplifiés par le réchauffement climatique.

Votre question m’offre l’occasion de rappeler l’engagement de nos sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires. En notre nom à tous, je leur apporte tout notre soutien.

J’en viens à présent au sujet spécifique du bois mort.

Aucune règle européenne ne s’oppose, de manière générale, à l’enlèvement du bois mort sur une parcelle forestière ; il s’agit d’un enjeu important pour la prévention des feux de forêt et la limitation de leur propagation.

Certes, la réglementation dite Habitats, que transcrit l’article L. 411-1 du code de l’environnement, interdit la destruction de l’habitat d’une espèce protégée ; mais elle n’empêche pas l’enlèvement du bois mort sur une parcelle.

En ce sens, la réglementation européenne actuelle et l’application de la réglementation Habitats nous semblent concilier ces deux enjeux : d’une part, la préservation des habitats et de la biodiversité ; de l’autre, la prévention des incendies et la lutte contre ces derniers.

Je suis ouverte à tout échange sur ce sujet,…