Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. En effet, on peut déjà répondre aujourd’hui aux préoccupations que vous soulevez avec le code de la propriété intellectuelle.

Il y a quelque chose qui me gêne derrière votre amendement, car cela conduit à considérer que la restitution représente un appauvrissement des collections qu’il convient de compenser. Au contraire, si nous restituons ces œuvres, c’est parce qu’elles n’auraient jamais dû entrer dans les collections publiques. Elles doivent donc retrouver leurs propriétaires avec quatre-vingts ans de retard, voire plus, le temps que ces derniers soient retrouvés.

La question n’est pas celle du partage universel d’un bien culturel, comme vous le dites. Nous parlons du retour d’un bien privé à ses propriétaires qui ont été spoliés.

Je ne suis pas à l’aise avec votre amendement. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour explication de vote.

M. Lucien Stanzione. L’article que j’ai cité est clair sur ce point : nous parlons bien de l’œuvre d’art et de son auteur.

Madame la ministre, je suis d’accord avec vous : nous ne faisons que réparer ce qui n’aurait jamais dû advenir, c’est-à-dire le vol. En même temps, une œuvre culturelle peut avoir une dimension universelle. À ce titre, elle doit pouvoir être partagée par tous.

Pour nous, il faut bien évidemment restituer, mais il n’est pas concevable que personne ne puisse plus profiter de certaines œuvres majeures. En plus, cela permettra de faire œuvre de pédagogie sur ce qui s’est passé dans cette période.

Je vois donc un double intérêt à notre amendement : la connaissance de l’œuvre d’art elle-même, ainsi que la démarche de restitution que nous entreprenons, nous tous, ici, qui nous permettra d’expliquer à nos enfants ce qui s’est passé dans notre histoire récente. Il me paraît essentiel de perpétuer le souvenir de ces tragiques événements. Cela fait écho à la discussion que nous avons eue précédemment.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je partage le malaise qui vient d’être exprimé par Mme la ministre. Je ne voterai donc pas cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’avis de la commission est rendu public.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. À la suite des travaux engagés au Sénat sur l’initiative de notre ancienne collègue Corinne Bouchoux, ce projet de loi instaure une procédure permanente de déclassement d’œuvres spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous soutenons cette volonté d’accélérer la restitution.

Cette procédure lève une importante rigidité, qui nous obligeait à recourir à une loi, déclassement par déclassement, comme nous l’avons fait, par exemple, avec la loi du 21 février 2022.

Afin de consolider encore les droits des propriétaires spoliés et de leurs ayants droit, nous proposons de renforcer l’opposabilité de la décision de la CIVS en prévoyant que ses avis soient rendus publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. La CIVS est aujourd’hui chargée de proposer au Premier ministre des mesures de réparation, de restitution et d’indemnisation pour les diverses spoliations intervenues du fait des législations antisémites pendant l’Occupation. C’est la raison pour laquelle ses avis ne sont pas jusqu’ici rendus publics, même s’ils sont évidemment transmis aux demandeurs.

Le projet de loi confie à la CIVS le soin, non pas de formuler des recommandations, mais de donner son avis sur l’origine spoliée de biens appartenant aux collections. Afin d’assurer la plus grande transparence de la procédure, il paraît souhaitable que ces avis puissent être rendus publics. Cela permettra sans doute de faciliter l’établissement progressif d’une doctrine. Plusieurs commissions équivalentes à la CIVS à l’étranger publient d’ailleurs le contenu de leurs avis.

La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Étant toujours d’accord pour plus de transparence, j’émets un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 14 rectifié

Article 2

La sous-section 3 de la section 2 du chapitre 1er du titre V du livre IV du code du patrimoine est complétée par un article L. 451-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 451-10-1. – Par dérogation à l’article L. 451-10, les biens des collections des musées de France appartenant aux personnes morales de droit privé à but non lucratif acquis par dons et legs ou avec le concours de l’État ou d’une collectivité territoriale ayant fait l’objet d’une spoliation entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées par l’Allemagne nazie et par les autorités des territoires qu’elle a occupés, contrôlés ou influencés, notamment l’autorité de fait se disant “gouvernement de l’État français” peuvent être restitués au propriétaire ou à ses ayants droit après avis de la commission mentionnée à l’article L. 115-3 et approbation de l’autorité administrative. Le Haut Conseil des musées de France en est préalablement informé.

« D’un commun accord, la personne morale de droit privé à but non lucratif et le propriétaire ou ses ayants droit peuvent convenir de modalités de réparation de la spoliation autres que la restitution du bien.

« Le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 115-4 fixe les modalités d’application du présent article. »

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

1° Après le mot :

nazie

remplacer le mot :

et

par le signe :

,

2° Remplacer le mot :

notamment

par les mots :

et par

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Nous proposons, par coordination, de reprendre la formulation que nous avons adoptée précédemment.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

se disant “gouvernement de l’État français”

par les mots :

“L’État français”

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, avec votre permission, je souhaite rectifier mon amendement pour en harmoniser la rédaction avec celle de l’amendement n° 7 rectifié.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

se disant “gouvernement de l’État français”

par les mots :

“le régime de Vichy”

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Avis défavorable, par cohérence avec la position que j’ai exprimée sur l’amendement n° 7 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 7 rectifié, il faudra retravailler la rédaction de l’article 1er.

En effet, le texte du Gouvernement et de la commission était ainsi rédigé : « notamment l’autorité de fait se disant “gouvernement de l’État français” ». Vous avez remplacé les mots : « se disant “gouvernement de l’État français” » par les mots : « le régime de Vichy ». Mais il reste les mots : « notamment l’autorité de fait ». Je ne suis pas juriste, mais je pense qu’un ajustement rédactionnel s’impose.

Pour ma part, je souhaite en rester au texte initial, qui avait fait l’objet de plusieurs échanges avec le Conseil d’État. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot

sont

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. En miroir avec l’article 1er, qui concerne les collections publiques, l’article 2 établit des règles de restitution applicables aux personnes privées labellisées Musée de France. Parmi les plus de 1 200 musées de France, 13 % relèvent de personnes morales de droit privé, associations ou fondations.

Pour les personnes privées, ce label donne accès à des subventions publiques et à des dispositions fiscales avantageuses. En outre, il permet des transferts de propriété d’un autre musée de France et de bénéficier de dépôts de musées nationaux.

Pendant l’Occupation, des collectionneurs privés ont pu acquérir des biens culturels spoliés à des familles juives au même titre que des collectionneurs publics. Or, pour ces fondations et associations privées, l’article 2 ne prévoit qu’une possibilité de restitution, ce qui existait déjà, et non une restitution systématique.

À terme, cela risque de fragiliser les collections publiques face aux collections privées, qui ne sont pas soumises à l’obligation de restitution.

Les principes de Washington et l’obligation de réparation sont supérieurs, me semble-t-il, à la protection de la propriété privée, qui plus est lorsqu’elle est mal acquise. Les États-Unis, par exemple, sont beaucoup plus intransigeants dans l’application du principe : « Bien mal acquis ne profite jamais » dans ce cas précis. C’est pourquoi nous proposons de remplacer les mots : « peuvent être » par le mot : « sont ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Il n’est malheureusement pas possible de contraindre un musée privé à restituer un bien spolié : dans la mesure où il est le propriétaire de ses collections, la décision de restitution ne relève que de lui.

Je veux croire que les dispositions de l’article 2 auront néanmoins un rôle incitatif sur les musées privés, quand bien même il ne prévoit qu’une simple faculté. D’une part, la CIVS sera préalablement saisie pour avis pour caractériser la spoliation. D’autre part, la procédure ménage la possibilité d’une supervision par le Haut Conseil des musées de France. Il est évident que le service des musées de France à la direction générale des patrimoines, qui assure le secrétariat de ce Haut Conseil, engagera un dialogue avec le propriétaire de l’établissement si celui-ci refuse de restituer malgré la spoliation établie.

En tout état de cause, le respect du droit de propriété fait à mon sens obstacle à l’adoption de votre amendement. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Le juge judiciaire, gardien de la propriété privée, est seul à même d’ordonner des mesures de restitution à une personne morale de droit privé en cas de litige, en application des dispositions de l’ordonnance du 21 avril 1945.

Le texte permet seulement d’inviter les personnes morales de droit privé à suivre l’avis de la CIVS, mais, en cas de non-restitution en méconnaissance de l’avis de la CIVS, les ayants droit disposeront de cet avis pour étayer en fait et en droit leur requête devant le juge judiciaire. Je comprends votre intention, mais je ne peux pas vous suivre, pour des raisons juridiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 17 rectifié

Après l’article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 213-2 du code du patrimoine est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. - Ces dérogations ne s’appliquent pas aux demandes de communication émanant de la commission administrative mentionnée à l’article L. 115-3 du présent code, pour la stricte fin de recherche des propriétaires ou des ayants droit des biens ayant fait l’objet d’une spoliation entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées par l’Allemagne nazie et par les autorités des territoires qu’elle a occupés, contrôlés ou influencés, notamment l’autorité de fait se disant “gouvernement de l’État français”. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Madame la rapporteure, vous mentionnez dans votre rapport les travaux conduits au Sénat en 2013 par notre ancienne collègue historienne Corinne Bouchoux, que j’ai déjà évoquée plusieurs fois. À la page 4 de sa note de synthèse, la mission d’information soulignait le frein résultant d’une inaccessibilité des archives pour établir la trajectoire des œuvres : « L’accessibilité des archives est limitée, ce qui est contraire au principe n° 2 de Washington. Non seulement certains accès sont limités ou inexistants, comme certaines archives du Louvre, mais, parfois, les conditions matérielles de stockage et d’indexation constituent un obstacle à la recherche de provenance. L’action entreprise par le ministère des affaires étrangères pour moderniser ses archives de La Courneuve met en évidence le retard de la France par rapport à d’autres pays. »

Les archives nécessaires à la mission de restitution ne sont pas seulement celles du ministère de la culture. Il faut également viser tous les ministères ayant été concernés par les lois d’aryanisation, les spoliations et les déportations. C’est pourquoi il importe de lever toutes les entraves juridiques d’accès aux archives nationales et de prévoir une dérogation exceptionnelle aux règles d’accès aux documents administratifs sensibles habituellement protégés par le secret.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. L’accès aux documents d’archives est une condition essentielle pour parvenir à rechercher et documenter correctement le parcours des biens culturels. La CIVS ne semble pas pour autant rencontrer de difficultés particulières pour accéder aux fonds d’archives. Elle a conclu plusieurs partenariats avec des institutions en France, comme à l’étranger, afin de faciliter leur consultation.

Le décret de 2015 a de surcroît permis d’ouvrir les archives des juridictions d’exception de Vichy, celles des juridictions d’exception du Gouvernement provisoire de la République, de la police judiciaire de 1939 à 1945, et de 1945 à 1960 pour les affaires relatives à des faits de guerre survenus entre 1939 et 1945, etc. Ces documents, y compris ceux couverts par le secret-défense, et qui étaient soumis à des délais de communication assez longs, sont maintenant ouverts.

Il n’y a donc pas lieu de prévoir une dérogation particulière à ces règles de communicabilité au profit de la CIVS, d’autant que l’article L. 213-3 du code du patrimoine rend de toute façon possible la consultation de documents d’archives publiques avant l’expiration des délais de communicabilité fixés, dès lors que l’intérêt qui s’attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.

Je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Aujourd’hui, nous ne voyons aucune difficulté dans l’accès aux archives publiques qui concernent la période de la Seconde Guerre mondiale et les spoliations. Il a pu y en avoir dans le passé, mais ce n’est plus le cas. Les archives de l’État sont accessibles. Les Archives nationales, ainsi que celles du ministère de l’Europe et des affaires étrangères accueillent de très nombreux chercheurs sur ce sujet.

Le délai de consultation des procès-verbaux des commissaires-priseurs, qui doivent être versés par ces derniers aux archives départementales, reste fixé à soixante-quinze ans, mais les procès-verbaux des ventes de la période de la guerre sont accessibles, puisque nous sommes aujourd’hui soixante-dix-neuf ans après la fin de la guerre en France. Pour des ventes plus récentes, il est toujours possible de demander un accès dérogatoire.

Je veux aussi vous rappeler que le Gouvernement a, en deux temps, accordé une dérogation concernant l’accès aux archives relatives à la Seconde Guerre mondiale. Il y a eu l’arrêté du 24 décembre 2015, qui a permis la libre consultation avant l’expiration des délais prévus dans le code du patrimoine de l’ensemble des archives, notamment celles qui relèvent des ministères de l’intérieur et de la justice, mais aussi du ministère des affaires étrangères. Enfin, il y a eu une circulaire relative à l’accès aux archives publiques de la période 1940-1945, en date du 2 octobre 1997.

Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

Mme la présidente. Madame de Marco, l’amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?

Mme Monique de Marco. Non, madame la présidente : les explications de Mme la rapporteure et de Mme la ministre m’ayant convaincue, je le retire.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 14 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945
Article 3

Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié est retiré.

L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 13° de l’article L. 321-18 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° De prévenir la vente de biens ayant fait l’objet d’une spoliation entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées par l’Allemagne nazie et par les autorités des territoires qu’elle a occupés, contrôlés ou influencés, notamment l’autorité de fait se disant “Gouvernement de l’État français”. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. La restitution ou la réparation doivent constituer un effort nécessaire pour les personnes publiques, y compris pour les collectivités territoriales. Afin que la responsabilité ne pèse pas que sur elles, tous les intermédiaires du marché de l’art devraient être responsabilisés pour mener à bien la mission de restitution. C’est parfois déjà le cas : je pense notamment au geste d’une maison d’enchères, sur l’initiative du maire de la ville de Sannois, au moment de la restitution du tableau Carrefour à Sannois du peintre Maurice Utrillo, spolié en 1942.

Cette participation active des maisons d’enchères et des marchands d’art devrait être systématisée. C’est pourquoi nous proposons de fixer la lutte contre la vente des biens spoliés parmi les missions du Conseil des maisons de vente. Si nous voulons accélérer les restitutions, nous devons nous doter de tous les moyens nécessaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Dans la mesure où nous avons déjà tout ce qu’il faut, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame de Marco, l’amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?

Mme Monique de Marco. Non, madame la présidente : si Mme la rapporteure pense que nous avons tout ce qu’il faut, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 17 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 1 rectifié quater

Article 3

La présente loi s’applique aux demandes de restitutions en cours d’examen à la date de sa publication. – (Adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Après l’article 3

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié quater, présenté par MM. Fialaire, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Pantel et MM. Requier et Cabanel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un rapport du Gouvernement, remis annuellement au Parlement, dresse l’inventaire des biens culturels des collections publiques, des biens culturels des collections des musées de France appartenant aux personnes de droit privé à but non lucratif et des biens Musées Nationaux Récupération ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 restitués à leurs ayants droit au cours de l’année calendaire écoulée.

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Le présent amendement vise à permettre au Parlement de rester informé de l’ensemble des restitutions de biens spoliés réalisées au cours de l’année calendaire écoulée.

L’adoption de cette loi-cadre sur les restitutions des biens spoliés dans le contexte de 1933 à 1945 ne peut pas faire l’économie ni d’un inventaire précis de nos collections ni d’une information de qualité sur l’évolution de ces restitutions. Il y va du respect des ayants droit spoliés et de la vigilance que nous devons porter sur nos collections.

Or le présent projet de loi écartera de la procédure de restitution le Parlement, puisqu’il a vocation à substituer aux lois d’espèce un dispositif pérenne dérogeant au principe d’inaliénabilité des biens culturels du domaine public, afin de simplifier le dispositif de restitution des biens.

Les parlementaires que nous sommes se voyant retirer leur capacité d’examen et d’appréciation du bien-fondé de ces restitutions, la remise de ce rapport permettrait au Parlement de ne pas être définitivement et totalement écarté.

Par ailleurs, face à l’éparpillement lié aux différentes procédures de restitution de ces biens et par souci de clarté, il paraît nécessaire de pouvoir prendre connaissance de l’ensemble des biens restitués en consultant un unique document.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. Même si cet amendement ne revêt aucune portée normative, puisqu’il s’agit d’une demande de rapport, et même si le Sénat évite en général d’adopter ce type de dispositions, il peut sembler logique d’assurer une information du Parlement dès lors qu’il n’autorisera plus au cas par cas les restitutions.

La commission émet un avis de sagesse sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 1 rectifié quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux remercier le Gouvernement et la commission, qui ont mené un travail de qualité.

Cependant, même si les ordonnances de 1944 et de 1945 ont une valeur législative, même si le Conseil d’État doit se référer à des textes existants, je reste convaincue que l’expression « se disant » est inappropriée en 2023. Nous devons donc retravailler cette rédaction, peut-être dans le cadre de la commission mixte paritaire si cela est possible.

À mon sens, l’expression « se disant » pose problème au regard de la réalité de l’Histoire et mérite un éclaircissement, qui reste en suspens. À cette réserve près, je trouve le texte parfait ! Il convient d’apporter cette précision, qui, je crois, est utile d’un point de vue historique.

Comparaison n’est pas raison, mais je rappelle que l’on a modifié des dizaines de textes qui faisaient référence à des montants exprimés en francs pour y substituer des montants exprimés en euros. Le changement de vocabulaire au fil du temps a donc conduit à des évolutions législatives sur un certain nombre de points.

Je crois qu’il faut retravailler les alinéas de ce texte de façon qu’ils soient plus en conformité avec l’Histoire telle qu’on l’analyse aujourd’hui, plutôt qu’avec la perception de l’immédiat après-guerre.

Bien évidemment, notre groupe votera avec enthousiasme ce texte, tel que proposé par la commission et amendé par notre Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Bien entendu, notre groupe votera ce texte, et je remercie Béatrice Gosselin, la rapporteure, pour son travail.

Comme l’a indiqué en particulier Pierre-Antoine Levi, ce texte est le premier volet d’un triptyque. Un deuxième interviendra en juin sur les restes humains. Reste, madame la ministre, à travailler sur le troisième. Sur ce dernier, les choses sont peut-être un peu moins acquises, comme vous avez pu l’entendre dans la bouche de notre ami Pierre-Antoine Levi.

Le texte que nous avons examiné cet après-midi me rend un peu mal à l’aise, du fait de ce qu’on pourrait appeler une « discordance » entre l’article 1er et l’article 2. Ce point méritera que nous y retravaillions.

La navette suivra son cours, mais je regrette que, sur un sujet aussi important, nous ne soyons pas parvenus à une écriture plus satisfaisante, à partir du texte que vous avez porté.

Cela dit, je le répète, nous voterons bien entendu ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Ce texte est d’apparence technique, et je crois que c’est justifié.

En effet, comme le président Roger Karoutchi l’a dit avec beaucoup de force, jamais un texte de loi ne pourra réparer ce qu’a été la Shoah. La Shoah est une plaie ouverte au flanc de notre humanité. Lorsque nous faisons la loi, nous devons, très humblement, chercher à apporter une réponse de droit, et non à réparer l’irréparable.

Madame la ministre, ce que nous avons essayé de faire, ensemble, avec le Gouvernement, dans une relation de confiance et dans le cadre d’un travail collaboratif, que je salue et qui aurait peut-être pu nous guider sur les lois précédentes – je ferme la parenthèse –, c’est de poser des critères juridiques très forts pour permettre la pleine transparence des procédures de transposition.

Je le répète, l’organisation de l’instruction des dossiers telle que vous l’avez conçue, avec une commission scientifique et une commission administrative, est un très bon modèle, parce qu’il permet la recherche scientifique. J’espère vivement que, demain, les universités y participeront pleinement. En tant qu’ancien enseignant à l’université, je vois d’innombrables projets de recherche, de thèse : je crois que l’on peut faire collaborer la jeune génération à tout ce travail de mémoire et de récolement des données.

À côté, la commission administrative qui donne un avis au Gouvernement est composée de juristes.

Je pense que c’est la bonne voie, et je m’associe aux propos de mon collègue Max Brisson pour souhaiter que le troisième texte puisse s’inspirer de la méthode utilisée ce soir.