M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 46 est présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 137 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 209 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 46.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet article me rappelle quelque peu les Shadoks, ou plutôt le sapeur Camember, qui creusait un trou pour en remplir un autre.

M. le garde des sceaux nous expliquera certainement dans un instant, avec beaucoup de conviction dans la voix, qu’il s’agit d’offrir plus de souplesse, etc. (M. le garde des sceaux le confirme.) Cependant, le mécanisme que l’on met en place a vocation à permettre des transferts de compétences sur un certain nombre de sujets qui, quoiqu’ils relèvent tous des libertés, ne relèveraient plus forcément de la compétence du juge des libertés et de la détention (JLD). Il a donc aussi pour objet, on le voit bien, de compenser le manque de magistrats dans un certain nombre de domaines, en confiant des affaires relevant de ces domaines à d’autres magistrats.

Ce qui nous préoccupe là, c’est d’abord que la pratique des libertés est quelque chose de très particulier, une compétence spécifique. Il nous semble donc que l’on dénaturerait la mission des JLD en la rendant incomplète. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 137.

M. Guy Benarroche. On constate un mouvement depuis de nombreuses années : de nouvelles missions sont régulièrement ajoutées à celles des juges des libertés et de la détention, sans qu’il y ait d’ailleurs une réelle cohérence entre elles ou une vision d’ensemble des missions qui leur sont confiées. Cela augmente leur charge de travail, ce qui entraîne une situation de sous-effectif et des conditions de travail particulièrement difficiles. Cela explique d’ailleurs qu’un certain nombre de juges manquent pour des effectifs complets : c’est aussi lié aux servitudes de la fonction, avec des horaires décalés, des audiences tardives et des permanences de nuit ou le week-end. N’importe quel JLD vous le dira : quand ils ne sont que deux dans une juridiction, chacun est de permanence une nuit et un week-end sur deux.

Leurs missions premières, de contrôle des libertés des personnes mises sous main de justice, retenues, détenues ou enfermées, sont donc de plus en plus difficiles à exercer. Nous regrettons la surcharge de travail dont souffrent ces juges spécialisés.

Cependant, au lieu de recentrer leurs missions sur les domaines dans lesquels ils sont spécialisés, ou de multiplier les recrutements nécessaires sur ces postes, ce qui semble en effet difficile, au vu des conditions actuelles, le Gouvernement propose de les dessaisir de leurs prérogatives en ce qui concerne le droit des étrangers et les prolongations des soins sans consentement.

Je connais les problèmes liés à ces pics d’activité, j’étais d’ailleurs sur place lors de l’épisode de l’Ocean Viking, mais l’ensemble des acteurs du terrain – j’en ai encore rencontré plusieurs la semaine dernière à Grasse – nous confirment que les dispositions en vigueur du code de l’organisation judiciaire permettent déjà le soutien ponctuel par d’autres juridictions.

Le dessaisissement spécifique des JLD sur ces missions nous paraît aberrant : on part d’un constat juste de surcharge de travail, mais on y répond de manière purement gestionnaire…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mais non !

M. Guy Benarroche. … et à côté de la plaque, si j’ose dire, monsieur le garde des sceaux, en retirant au JLD les missions qui sont au cœur de son office pour les confier à un juge non spécialisé.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 209.

Mme Cécile Cukierman. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Les auteurs de ces amendements proposent de supprimer le transfert des fonctions civiles du JLD à un magistrat du siège.

Certes, nous partageons un constat : l’accroissement continu du nombre des missions des JLD est peu contestable et l’augmentation de leur charge de travail est difficilement soutenable. J’entends bien qu’on pourrait embaucher davantage, mais le taux de vacance sur ce type de poste est aujourd’hui de 16 % déjà. Le rapport issu des États généraux de la justice y voit également une conséquence directe de la croissance du contentieux civil des JLD : c’est bien parce qu’il y a trop de contentieux civil qu’il y a moins de juges des libertés et de la détention. Créer des postes supplémentaires sans supprimer ce qui fait fuir les candidats ne réglera pas le problème : ces postes ne seront pas pourvus.

Par ailleurs, je rappelle que le JLD avait été conçu, à l’origine, comme un tiers impartial disposant de suffisamment d’autorité pour déjuger l’un de ses pairs au cours d’une procédure. Or ce besoin n’existe pas dans les matières purement administratives que sont le droit des étrangers et l’hospitalisation sous contrainte, soit justement les matières que l’on envisage ici de pouvoir transférer d’un JLD à un juge du siège. La spécialisation du JLD sur ces matières civiles n’est plus nécessaire ; c’est pourquoi elles peuvent être transférées à un juge du siège. Cela ne pose d’ailleurs pas de problème au Conseil d’État, puisque les magistrats du siège, dans leur ensemble, sont les garants de la liberté individuelle, et non les seuls JLD.

M. le président. Il faudrait conclure, madame la rapporteure !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Rien n’interdira aux JLD de continuer à assumer ces missions lorsque cela est possible. Cet article offre simplement une souplesse nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame de La Gontrie, il n’y a ici ni Shadoks, ni Gibis, ni sapeur Camember, seulement des choses pratico-pratiques !

Que se passe-t-il ? Les magistrats nous disent qu’ils ont besoin que nous leur fassions confiance sur le terrain. Aujourd’hui, pour avoir une armoire métallique, il faut passer par la centrale. Les magistrats disent : « Stop, arrêtez, il faut déconcentrer ! »

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il ne s’agit pas de cela !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Laissez-moi terminer, madame la sénatrice ; souffrez que je vous réponde !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je souffre déjà ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Souffrez encore un peu, alors : je serai bref, et moins vous m’interromprez, moins longtemps vous souffrirez ! (Nouveaux sourires.)

Pour les relations humaines, c’est pareil : tout doit remonter à la centrale. Que disent les JLD ? Le contentieux qu’ils traitent est devenu de plus en plus important. D’où l’idée de faire en sorte que, sur place, les chefs de juridiction discutent avec leurs JLD et puissent les décharger d’une partie de ce contentieux. Ces affaires seraient confiées, évidemment, à un juge de l’ordre judiciaire, appartenant au même tribunal judiciaire. Aux termes de notre Constitution, ce juge aussi est garant de la liberté individuelle ; ce n’est pas plus compliqué que ça !

Il y a des JLD qui disent vouloir assurer tout le contentieux ; il y en a d’autres qui disent en avoir un peu trop : ce n’est pas à moi de régler cela de façon caporaliste. Ni fantasmes ni mauvaises idées : c’est tout simplement pratico-pratique !

S’il y a des JLD qui expriment à leur chef de juridiction qu’ils aimeraient bien un petit coup de main, celui-ci pourra y être sensible ; quant à ceux qui diront vouloir tout conserver, parce que tout va très bien pour eux, ils conserveront tout : c’est simple ! Le projet de loi que je défends ici a bien pour objet de simplifier les choses.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Les compétences qui pourraient être transférées des JLD à des juges non spécialisés, ce sont le contentieux en droit des étrangers et celui qui est relatif au code de la santé publique, dont on sait qu’ils sont complexes et qu’ils nécessitent, peut-être plus que d’autres – surtout le droit des étrangers –, l’examen du dossier par un juge spécialisé ; nous sommes tous bien placés ici pour le savoir. On peut même dire que ce sont des litiges de nature politique ; dans un tel cas, la délégation est forcément source d’inquiétudes.

En outre, permettez-moi de vous dire, monsieur le garde des sceaux, que cette possibilité risque aussi de mettre le chef de juridiction dans une situation délicate, puisque c’est lui qui aura le pouvoir de désigner, via une ordonnance de roulement, les magistrats qui se verront attribuer les fonctions du JLD. Il y a donc là aussi, quand même, un point d’inquiétude.

Par ailleurs, je n’ai pas rencontré un seul JLD qui m’ait dit qu’il voulait être dessaisi de ces litiges.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Moi si !

M. Guy Benarroche. Je n’en ai pas rencontré ; je n’ai pas dit que vous n’en aviez pas rencontré, monsieur le garde des sceaux ! Ceux que j’ai vus ne le demandent pas, même quand ils ont trop de travail, puisqu’on leur en donne toujours plus…

Voilà ce que je relève : on commence par surcharger de travail ces magistrats dans un certain nombre de domaines, puis on leur dit qu’on va permettre de leur retirer des affaires, mais on leur en enlève dans les domaines où ils sont les plus compétents ! Je ne comprends pas la logique du raisonnement.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le week-end, les choses se passent déjà ainsi : des magistrats qui ne sont pas des JLD prennent la place des JLD. Cela tourne ainsi dans les juridictions, et ça marche ! J’ai l’avantage de venir de la société civile et de connaître un peu cet écosystème…

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout cela n’est pas anodin. Vous nous dites, monsieur le garde des sceaux, qu’il s’agit d’une disposition pratico-pratique. Vous faites désormais preuve d’un pragmatisme intégral…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je ne suis pas un idéologue, ça, c’est sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous estimez que les autres juges du ressort peuvent faire le même travail que les juges des libertés et de la détention. Pourtant, j’avais cru comprendre que ces derniers bénéficiaient d’une spécialisation et que celle-ci était particulièrement importante s’agissant des étrangers et des demandeurs d’asile.

Vous savez qu’il s’agit d’un sujet très sensible qui baigne dans un épais brouillard. En effet, nous ne connaissons pas la teneur de la future législation sur les immigrés et le droit d’asile (M. le garde des sceaux ironise.), même si nous avons entendu les propos de Mme la Première ministre et ceux du Président de la République.

Car nous avons également entendu ceux de plusieurs membres du groupe Les Républicains – largement représentés ici –, qui traduisent un changement de logique considérable par rapport à l’histoire – y compris récente – de leur mouvement.

Dans ce contexte particulier, que nous ne pouvons pas ignorer, il est légitime de s’interroger sur l’aspect purement pratico-pratique de cette mesure, qui modifie de nombreux articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), ce qui n’est pas anodin.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 46, 137 et 209.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 15.

(Larticle 15 est adopté.)

Chapitre II

Diverses dispositions portant modernisations processuelles et relatives aux professions

Article 15
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 17

Article 16

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 814-2 est ainsi rédigé :

« Le conseil national met en place un portail électronique qui permet l’envoi et la réception des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations et des rapports par les administrateurs, les mandataires judiciaires et les personnes désignées en application du deuxième alinéa de l’article L. 811-2 et du premier alinéa du II ou du III de l’article L. 812-2. Les caractéristiques de ce portail sont fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;

2° L’article L. 814-13 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est supprimé ;

b) À la première phrase du second alinéa, après le mot : « actes », sont insérés les mots : « de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations et des rapports » et les mots : « expressément demandé ou consenti à ce qu’il soit procédé selon » sont remplacés par les mots : « consenti à l’utilisation de ». – (Adopté.)

Article 16
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 18

Article 17

I. – L’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice est ainsi modifiée :

1° A (nouveau) Le 1° du I de l’article 1er est complété par les mots : « , après avoir tenté de susciter un accord entre les parties » ;

1° L’article 16 est ainsi modifié :

a) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis D’assurer l’organisation de la formation nécessaire à l’activité de commissaire de justice répartiteur lors d’une procédure de saisie des rémunérations et de diffuser annuellement la liste des commissaires de justice ayant accompli cette formation ; »

b) Après le 12°, il est inséré un 12° bis ainsi rédigé :

« 12° bis De mettre en place, sous sa responsabilité, un registre numérique des saisies des rémunérations permettant, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés :

« a) Le traitement des informations nécessaires à l’identification des commissaires de justice répartiteurs, des débiteurs saisis, des créanciers saisissants, des employeurs tiers saisis ;

« b) La conservation et la mise à disposition des informations nécessaires à l’identification du premier créancier saisissant, du débiteur saisi et du commissaire de justice répartiteur.

« Elle en transmet au ministre de la justice, à titre gratuit, les données statistiques, dans les conditions fixées par arrêté du ministre de la justice. Elle lui transmet également un rapport annuel relatif à la mise en œuvre de la procédure de saisie des rémunérations ; ».

II. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 3252-4, après le mot : « chapitre », sont insérés les mots : « et le code des procédures civiles d’exécution » ;

2° Les articles L. 3252-8 à L. 3252-13 sont abrogés.

III. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire est supprimé.

IV. – Le code des procédures civiles d’exécution est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa de l’article L. 121-4, les mots : « Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3252-11 du code du travail, » sont supprimés ;

2° L’article L. 211-1 est complété par les mots : « et le présent code » ;

3° La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II est ainsi rédigée :

« Section 1

« Dispositions communes

« Sous-section 1

« Dispositions générales

« Art. L. 212-1. – Tout débiteur peut, pour le paiement de ses dettes, céder à un ou plusieurs créanciers une fraction des sommes qui lui sont dues à titre de rémunération mentionnées à l’article L. 3252-1 du code du travail.

« Art. L. 212-2. – Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, un mois après la signification d’un commandement, saisir entre les mains d’un employeur les sommes dues à son débiteur à titre de rémunération mentionnées à l’article L. 3252-1 du code du travail.

« Le commandement est inscrit par le commissaire de justice sur le registre numérique des saisies des rémunérations, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Tout créancier remplissant les conditions précisées au premier alinéa du présent article peut se joindre aux opérations de saisie déjà existantes par voie d’intervention.

« Art. L. 212-3. – Dès la signification du commandement de payer en vue d’une saisie des rémunérations, le commissaire de justice informe le débiteur qu’il entre dans sa mission de lui permettre de parvenir à un accord avec le créancier, dans le respect de ses obligations déontologiques. Le procès-verbal d’accord conclu entre le débiteur et le créancier sur les modalités de paiement de la dette suspend la procédure de saisie des rémunérations lorsqu’il intervient avant la signification du procès-verbal de saisie.

« Celle-ci reprend à l’initiative du créancier :

« 1° En cas de non-respect par le débiteur des modalités de paiement prévues au procès-verbal d’accord ;

« 2° En cas de signification au premier créancier saisissant d’un acte d’intervention mentionné à l’article L. 212-2.

« Art. L. 212-4. – Le débiteur peut, à tout moment, saisir par requête le juge de l’exécution d’une contestation de la mesure.

« Le juge peut d’office contrôler le montant des frais d’exécution dont le recouvrement est poursuivi.

« La contestation ne suspend pas la procédure de saisie des rémunérations, sauf lorsqu’elle est formée dans le mois suivant la signification du commandement.

« Art. L. 212-5. – Les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables ou cessibles que dans les proportions définies au code du travail.

« Sous-section 2

« Le procès-verbal de saisie

« Art. L. 212-6. – Le procès-verbal de saisie est signifié au tiers saisi dans les trois mois suivant la délivrance du commandement. À défaut, le commandement est caduc.

« Le premier alinéa n’est pas applicable lorsqu’un procès-verbal d’accord est établi dans ce délai.

« Art. L. 212-7. – Le procès-verbal de saisie est inscrit au registre numérique des saisies des rémunérations dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 212-8. – Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier :

« 1° La situation de droit existant entre lui-même et le débiteur saisi, et le montant de la rémunération versée au débiteur ;

« 2° Les cessions, saisies, saisies administratives à tiers détenteur ou paiements directs des pensions alimentaires en cours d’exécution.

« Sous-section 3

« Les opérations de saisie

« Art. L. 212-9. – À la demande du créancier, un commissaire de justice répartiteur est désigné par la chambre nationale des commissaires de justice, dans les conditions définies par décret en Conseil d’État, parmi ceux figurant sur la liste diffusée à cette fin.

« Il est chargé de recevoir les paiements du tiers saisi, de les reverser au créancier saisissant et de répartir les fonds en cas de pluralité de créanciers.

« L’identité et les coordonnées du commissaire de justice répartiteur sont portées à la connaissance du tiers saisi et du débiteur. Elles sont mentionnées sur le registre numérique des saisies des rémunérations.

« Art. L. 212-10. – En cas d’intervention, les créanciers viennent en concours sous réserve des causes légitimes de préférence.

« Toutefois, les créances résiduelles les plus faibles, prises dans l’ordre croissant de leur montant, sans que celles-ci puissent excéder un montant fixé par décret, sont payées prioritairement dans les conditions fixées par ce même décret.

« Art. L. 212-11. – En cas de saisie portant sur une rémunération sur laquelle une cession a été antérieurement consentie et régulièrement notifiée, le cessionnaire est de droit réputé intervenant pour les sommes qui lui restent dues, tant qu’il est en concours avec d’autres créanciers saisissants.

« Art. L. 212-12. – Le tiers saisi verse mensuellement entre les mains du commissaire de justice répartiteur les retenues pour lesquelles la saisie est opérée dans les limites des sommes disponibles.

« Art. L. 212-13. – Le juge peut décider, à la demande du débiteur et en considération de la fraction saisissable de la rémunération, du montant de la créance et du taux des intérêts dus, que la créance cause de la saisie produit intérêt à un taux réduit à compter du procès-verbal de saisie ou que les sommes retenues sur la rémunération s’imputent d’abord sur le capital.

« Les majorations de retard prévues à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier cessent de s’appliquer aux sommes retenues à compter du jour de leur prélèvement sur la rémunération.

« Sous-section 4

« La responsabilité du tiers saisi

« Art. L. 212-14. – Le tiers saisi qui s’abstient, sans motif légitime, de procéder à la déclaration prévue à l’article L. 212-8 ou fait une déclaration mensongère peut être condamné par le juge, à la demande du créancier saisissant ou intervenant, au paiement d’une amende civile sans préjudice d’une condamnation à des dommages et intérêts.

« S’il ne procède pas aux versements prévus à l’article L. 212-12, il peut être condamné au paiement des retenues qui auraient dû être opérées.

« Le recours du tiers saisi contre le débiteur ne peut être exercé qu’après mainlevée de la saisie. » ;

4° La section 2 du même chapitre II est ainsi modifiée :

a) L’article L. 212-2 devient l’article L. 212-15 ;

b) Au premier alinéa de l’article L. 212-15, tel qu’il résulte du a du présent 4°, les mots : « des articles mentionnés à l’article L. 212-1 relatives à la saisie et à la cession des rémunérations » sont remplacés par les mots : « de la section 1 du présent chapitre » ;

c) L’article L. 212-3 devient l’article L. 212-16 ;

d) À l’article L. 212-16, tel qu’il résulte du c du présent 4°, la référence : « L. 212-2 » est remplacée par la référence : « L. 212-15 » ;

5° Le premier alinéa de l’article L. 213-5 est ainsi rédigé :

« La demande de paiement direct est faite par l’intermédiaire d’un commissaire de justice. Lorsqu’elle s’exerce sur des sommes dues à titre de rémunération, elle est inscrite au registre numérique des saisies des rémunérations. »

V. – À la fin du dernier alinéa de l’article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale, les mots : « L. 3252-1 à L. 3252-13 du code du travail » sont remplacés par les mots : « L. 212-1 à L. 212-14 du code des procédures civiles d’exécution ».

VI. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. Ce décret définit le nombre maximum d’actes autorisés dans le cadre d’une procédure de saisie des rémunérations.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 47 est présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 138 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 47.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous abordons un nouveau thème au sein de ce projet de loi, qui est très varié : les saisies des rémunérations. Je pense que nombre de mes collègues ont été interpellés sur ce sujet.

Il s’agit de transférer la compétence procédurale d’exécution des saisies des rémunérations aux commissaires de justice – nouveau nom des huissiers de justice –, alors qu’elle relevait, jusqu’à présent, du juge.

Il faut savoir que la saisie des rémunérations est un contentieux de masse, à la fois banal et extrêmement volumineux. Aussi comprenons-nous bien l’idée : décharger les magistrats en confiant l’une de leurs missions aux commissaires de justice.

Toutefois, cela pose plusieurs problèmes.

Tout d’abord, la procédure retenue ne sera pas plus rapide que la précédente, puisqu’elle lui ressemble comme une sœur jumelle.

Surtout, cela renchérira le coût pour les personnes concernées. Comme vous le savez, lorsqu’une mesure d’exécution est prise, il s’ensuit l’envoi d’une facture. Celle-ci comprend les frais du commissaire de justice – qui seront évidemment plus importants, puisque ces derniers rempliront une fonction qu’ils ne remplissaient pas auparavant –, mais aussi les intérêts et le capital.

Des magistrats nous ont alertés lors des auditions que nous avons menées en commission sur un renchérissement très important. Nous ne sommes pas loin du sapeur Camember et de ses trous : on se défausse en transférant au commissaire de justice la charge des magistrats, au détriment des débiteurs.

C’est d’autant plus préoccupant qu’il s’agit de personnes qui ont peu de moyens et risquent de se trouver en grande difficulté pendant des mois.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 138.

M. Guy Benarroche. Je m’inscris dans le prolongement de la très belle présentation de Mme de La Gontrie.

Le Conseil d’État s’est interrogé sur les effets de cette mesure, qui seraient « tant sociaux, sur une population souvent vulnérable qu’une dérive même modique des coûts maintiendrait dans l’endettement, qu’économiques, privant les créanciers d’une part peut être plus importante de ce qui leur revient ». En réalité, c’est du perdant-perdant.

Monsieur le garde des sceaux, nous nous interrogeons sur la cohérence de ce projet de loi et sommes dubitatifs sur notre vote final. Cet article supprime un passage devant le juge, qui implique actuellement une tentative préalable de conciliation entre les parties. Or vous avez vous-même souligné à l’instant l’intérêt d’un amendement de Thani Mohamed Soilihi, dont l’objet est de remettre de la médiation et de la conciliation.

En l’occurrence, vous en enlevez ! Pourtant, l’un des objectifs du Gouvernement – inscrit dans le rapport annexé de ce projet de loi – est de développer, dans les prochaines années, une « politique de l’amiable ».

Aussi, je ne vois pas l’intérêt de cet article, ni en matière d’efficacité ni en matière de cohérence politique. Nous en demandons donc la suppression.