M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable, dans le droit-fil de la position de la majorité sénatoriale. Au regard du niveau et du volume des déficits, nous pensons que chacun doit faire un effort.

En revanche, nous ne suivons pas du tout le Gouvernement lorsqu’il demande aux collectivités locales un effort beaucoup plus important qu’à l’État, ce qui est totalement inadmissible. Nous souhaitons simplement que ces dernières prennent leur part, évidemment raisonnable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Encore une fois, il est légitime que les efforts soient partagés. En 2018, nous avions 2,3 % de déficit public. C’est l’État qui a pris à sa charge les crises successives, permettant de protéger les salariés, les commerçants, les collectivités territoriales et les associations.

Aujourd’hui, nous devons redresser nos finances publiques. Nous demandons donc un effort à l’État, aux collectivités territoriales, à la sécurité sociale. Cela me semble d’autant plus légitime – nous avons eu l’occasion d’échanger sur ce sujet lors du débat sur la taxe foncière – que la Cour des comptes, ayant examiné à la fin de l’année 2022 la situation financière des collectivités territoriales, avait estimé que celles-ci ne s’étaient jamais aussi bien comportées, même par rapport à l’avant-crise. Je ne nie pas qu’il puisse exister des situations hétérogènes et qu’il faille tout examiner dans le détail…

De quel effort parle-t-on ? Il s’agit non pas de diminuer les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, mais de faire en sorte qu’elles évoluent un peu moins vite que l’inflation. Au final, une fois enlevée la charge de la dette, cet effort des collectivités est beaucoup moins important que celui qui est demandé à l’État. Par ailleurs, il porte bien – j’y insiste – sur les dépenses de fonctionnement, et pas sur les dépenses d’investissement.

Lorsque nous avons réuni le Haut Conseil des finances publiques locales, nous nous sommes mis d’accord sur une méthode. Il ne s’agit pas d’une approche unilatérale avec un contrat de Cahors et des sanctions. Il s’agit de regarder ensemble comment faire des économies.

Les élus locaux savent très bien où faire des économies. Ils demandent par exemple, à cette fin, que la loi, les règlements ou l’organisation de l’État évoluent. On s’accorde alors – et c’est une nouvelle méthode – sur des revues de missions conjointes.

Considérer que le cas des collectivités territoriales et le redressement des finances publiques sont deux sujets complètement différents, c’est tomber dans la caricature !

Nous dialoguons en responsabilité avec les collectivités pour trouver des accords. C’est la méthode que le Gouvernement a retenue.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Monsieur le ministre, je pense que vous devez d’emblée changer de posture.

Vous ne pouvez pas dire devant le Sénat qu’en 2022 la situation des collectivités était satisfaisante : c’est inentendable et inacceptable !

M. Bruno Belin. Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur. Vous parlez d’une période durant laquelle les collectivités n’ont pas pu faire d’investissements en raison de l’augmentation des coûts, de l’allongement des délais nécessaires aux travaux et de la crise sanitaire.

Vous avez ensuite évoqué le Haut Conseil des finances publiques locales. Cela suffit ! Il existe un Parlement, constitué de l’Assemblée nationale et du Sénat : faites travailler nos assemblées et les collectivités, sans ajouter de commissions, de hauts conseils, sans oublier France Travail, France Ruralités, etc. Stop ! Vous avez des circuits courts qui permettent d’être efficaces ; utilisez-les ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Sans vouloir prolonger exagérément le débat, certains propos méritent réaction.

Tout d’abord, l’inflation ne correspond pas à l’augmentation des dépenses des collectivités. La structure de ces dépenses est en effet particulière, et ne saurait être comparée à l’inflation que subit, par exemple, un ménage français moyen. On le sait, l’augmentation de certaines dépenses, en particulier les prix de l’énergie, pèse bien davantage sur les collectivités que sur les ménages ; nous avons payé pour le savoir…

Ensuite, nous comprenons que le Gouvernement et l’État entendent faire la leçon aux collectivités, en leur expliquant comment maîtriser leurs dépenses. C’est un peu gros !

Vous dites, monsieur le ministre, que l’État a fait face à la crise sanitaire et à la crise de l’énergie, raison pour laquelle la modération des dépenses est désormais nécessaire, et que les collectivités doivent y prendre leur part. Vous semblez oublier que, dès 2019, hors période de pandémie et hors crise de l’énergie consécutive à la guerre en Ukraine, un dérapage considérable des dépenses publiques avait déjà eu lieu : plus de 80 milliards d’euros !

Il faut ne pas oublier ces faits et éviter de faire la leçon aux collectivités, qui, étant tenues de respecter la règle d’or, sont les bons élèves de la France ! (Bravo et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Au vu des réactions que notre amendement suscite, et notre groupe les partage en partie, je me dis qu’il est pertinent !

Monsieur le ministre, vous indiquez qu’il faut ralentir le fonctionnement des collectivités territoriales au vu de l’inflation, mais vous refusez d’indexer la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation ! Faites attention à ne pas se prendre les pieds dans le tapis… Vous invoquez l’inflation d’un côté, mais pas de l’autre.

Avec les membres de mon groupe, nous sommes très contents que le point d’indice des fonctionnaires ait été relevé. C’est une bonne mesure, que nous avons votée, mais qui a des conséquences pour les collectivités territoriales.

Si je suis votre raisonnement, vous allez donc aider « les élus et les gestionnaires de collectivités à se positionner en apportant des éléments d’objectivation et de comparaison sur l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement ». Que doivent faire ces élus et gestionnaires pour appliquer le relèvement de l’indice ? Ne pas remplacer les postes vacants ? Ne plus créer aucun emploi ?

Je veux bien que l’on nous dise que tout va bien, mais votre raisonnement est réversible… Il faudrait peut-être faire preuve de modestie et d’humilité s’agissant des résultats que l’on affiche !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 147

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les moyens pour la rénovation énergétique devront progressivement être augmentés en vue d’atteindre un engagement de l’État de 14 milliards d’euros d’ici 2030.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Il s’agit d’un amendement d’appel, ou d’illustration de notre propos liminaire.

Selon nous, il est urgent d’adopter une loi de planification des investissements liés à la transition écologique. Nous pensons en effet que l’on ne se rend pas compte, collectivement, des ordres de grandeur des besoins en la matière.

Notre amendement vise à inscrire dans le rapport annexé, dont nous connaissons la portée peu normative, un engagement de l’État en faveur de la rénovation énergétique à hauteur de 14 milliards d’euros.

Le chiffre de 14 milliards d’euros ne sort pas du chapeau : il figure dans plusieurs rapports, notamment dans celui de nos collègues députées Julie Laernoes, du groupe Écologiste, et Marjolaine Meynier-Millefert, du groupe Renaissance. Nous proposons d’inscrire ce montant en toutes lettres dans le rapport annexé afin d’indiquer l’ordre de grandeur des moyens que nous devons consacrer d’ici à 2030 à la rénovation énergétique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Comme M. Dossus l’a indiqué lui-même, l’engagement proposé excède la durée du présent projet de loi de programmation.

Et le chiffre est tout de même sorti d’un chapeau « vert »… Il faudra traiter du sujet des dépenses de transition écologique le moment venu, dans le cadre d’une loi de programmation ambitieuse et des budgets que nous allons examiner prochainement.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Un tel ordre de grandeur n’est pas atteignable ; il faut considérer le tissu d’entreprises de BTP et la formation nécessaire pour conduire de tels travaux de rénovation énergétique.

Dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits du secteur ont été portés à 5 milliards d’euros : nous avons dédié 1,6 milliard d’euros de crédits de l’État à la rénovation énergétique, auxquels s’ajoutent des crédits de collectivités territoriales, lorsqu’il s’agit de la rénovation de bâtiments publics locaux, voire des fonds de particuliers cofinançant une partie de ces travaux. Ces 5 milliards d’euros n’épuisent donc pas l’ensemble des financements qui participent à ce grand chantier.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 199

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 199, relatif aux effets de la réforme des retraites sur l’emploi.

Le Gouvernement se targue du fait que la réforme des retraites est entrée en vigueur le 1er septembre 2023, après – rappelons-le – quatorze journées de mobilisation, plusieurs recours à l’article 49.3 à l’Assemblée nationale, les coups de force de la droite sénatoriale, le refus du Conseil constitutionnel de permettre aux citoyennes et citoyens du pays de s’exprimer sur le texte et des manœuvres grossières pour éviter l’abrogation de la réforme.

Monsieur le ministre, pouvez-vous expliquer les raisons vous conduisant à croire que 200 000 emplois seront créés grâce à la réforme des retraites, notamment parmi nos concitoyens les plus âgés ? Selon vous, les entreprises créeront spontanément des emplois spécifiques pour les travailleurs seniors… On peut toujours rêver !

Les études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), qui paraissent autrement plus sérieuses, rappellent que le taux d’emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans était au quatrième trimestre 2021 l’un des plus bas de l’Union européenne : 56,1 %. Seules l’Espagne, l’Italie et la Roumanie étaient plus mal placées. Et chez les travailleurs âgés de plus de 60 ans, ce taux d’emploi s’effondre à 35,5 %.

Les inégalités sociales n’épargnent pas les plus laborieux d’entre nous. Quand 61 % des cadres sont en activité, à peine plus d’un quart des ouvrières et des ouvriers travaillent encore.

Tout le monde sait désormais que la réforme des retraites n’a pas permis d’ouvrir les questions du travail, de la sécurité au travail et de la pénibilité.

Combien d’emplois d’ouvriers seront-ils créés parmi les 200 000 emplois que vous prévoyez ? Quel rôle jouera votre contre-réforme des retraites pour les 28 % de travailleurs âgés de 60 ans et plus qui ne sont ni en emploi ni à la retraite, une proportion en augmentation de 11 % entre 2014 et 2021 ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Ma chère collègue, je profite de l’occasion pour m’exprimer sur les amendements de suppression déposés par votre groupe aux articles 2, 4 et 6.

Conformément à loi organique relative aux lois de finances (Lolf), modifiée par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, les articles concernés prévoient la trajectoire du solde structurel, la trajectoire des finances publiques et la trajectoire d’effort structurel, autant d’éléments obligatoires des lois de programmation des finances publiques.

En l’absence de telles trajectoires, il y aurait une fragilité juridique et un risque d’inconstitutionnalité.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement, comme je le ferai sur les autres amendements de suppression déposés par votre groupe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’étude d’impact de la loi portant réforme des retraites détaille l’impact positif sur le taux d’emploi. Je vous renvoie également aux travaux de l’Insee portant sur l’impact de la réforme de 2010.

Souhaitant le maintien de la référence à cet impact positif, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué par l’article 1er et le rapport annexé, modifié.

(Larticle 1er et le rapport annexé sont adoptés.)

Chapitre Ier

Le cadre financier pluriannuel de l’ensemble des administrations publiques

Article 1er et rapport annexé
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
Article 3

Article 2

L’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné au b du 1 de l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles le 2 mars 2012, est fixé à -0,4 % du produit intérieur brut potentiel.

Dans le contexte macroéconomique et selon les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation sur la période 2023-2027, décrits dans le rapport mentionné à l’article 1er de la présente loi, l’objectif d’évolution du solde structurel des administrations publiques, défini au rapport annexé à la présente loi, s’établit comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut potentiel)

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

-4,1

-3,6

-2,5

-1,9

-1,7

Ajustement structurel

0,1

0,5

1,1

0,6

0,3

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Nous en arrivons à des articles importants, engageant les finances publiques dans une trajectoire que nous qualifions d’« austéritaire ».

Un solde structurel à 1,7 point de PIB potentiel, dans la perspective d’une croissance atteignant 1,35 %, c’est un mirage !

Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse, monsieur le ministre : lorsque vous citez les avis du Fonds monétaire international, vous ne retenez que les points qui vous arrangent. Le FMI a notamment indiqué que l’enrichissement actuel de certains, à un niveau jamais atteint auparavant, était l’un des facteurs de l’inflation.

Revenons-en à l’article 2.

La présence d’un tel article dans le projet de loi de programmation des finances publiques est liée au pacte de stabilité et de croissance (PSC) et au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ratifié en 2012, qui a recueilli une grande majorité des suffrages au Sénat ; seul notre groupe avait voté à l’unanimité contre l’aggravation de cette perte de souveraineté budgétaire.

L’une des injonctions dudit traité est ainsi formulée : « …pour déterminer si des progrès suffisants ont été accomplis pour réaliser les objectifs à moyen terme, il y a lieu de procéder à une évaluation globale prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes… »

Ce diktat est au fondement de l’une des quatre raisons nous ayant incités à déposer une motion tendant à poser la question préalable. Il y a là un véritable problème de souveraineté parlementaire.

Pourtant, en 2012, si je me souviens bien, il y avait, certes, un « non » de gauche, mais il y avait aussi un « non » de droite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En points de produit intérieur brut potentiel)

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

-4,1

-3,7

-3,3

-2,9

-2,7

Ajustement structurel

0,1

0,5

0,4

0,3

0,2

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La commission des finances du Sénat n’a pas modifié l’objectif de solde structurel de moyen terme, mais elle a considéré que les efforts proposés par le Gouvernement pour parvenir à cet objectif étaient insuffisants, voire trop lents. Elle souhaite, comme en première lecture, un retour du déficit public sous le seuil de 3 % dès 2025, et non en 2027, comme nous le proposons.

Pour atteindre un tel objectif, elle a adopté un amendement visant à imposer une réduction significative de la dépense publique de l’État, qu’elle prévoit de réduire de 25 milliards d’euros en 2025 par rapport à la trajectoire du Gouvernement, et jusqu’à 33 milliards d’euros en 2027.

Trouver ces 25 milliards d’euros d’économies supplémentaires ne nous paraît ni crédible ni souhaitable.

Par ailleurs, la commission critique l’imprécision de la méthode du Gouvernement en vue de réaliser 12 milliards d’euros d’économies en 2025. Nous avons cependant expliqué que nous procéderions à des revues de missions.

Porter l’effort à 33 milliards d’euros en 2027 sans esquisser de pistes concrètes d’économies n’est, là encore, pas crédible.

Le présent amendement vise à rétablir la trajectoire de solde structurel telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, et sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité, en prévoyant un retour du déficit à 2,7 % d’ici à 2027.

Je tiens à le souligner, cette trajectoire est plus ambitieuse que celle qui figurait dans le texte initial : nous vous avons donc entendus.

Je le rappelle, les dépenses publiques ont augmenté en moyenne de 1,8 % entre 2005 et 2008, et autour de 1 % entre 2010 et 2019. La trajectoire que nous construisons est donc très ambitieuse en termes de ralentissement de la croissance de la dépense publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Nous avons là un désaccord, monsieur le ministre : vous citez des chiffres qui vous arrangent, 2007-2010 et 2010-2019, et vous invoquez le niveau des dépenses publiques pour masquer le fait que vous demandez un effort moindre à l’État qu’aux collectivités locales. Or nous avons toujours rappelé ici que ce n’étaient pas les dépenses des collectivités locales qui contribuaient fortement à la dégradation de nos comptes publics.

Puisque vous proposez d’en revenir à votre trajectoire, permettez que le Sénat confirme son choix de première lecture ! Nous pouvons, certes, avoir des désaccords. Mais il faut mettre tous les éléments sur la table, sans recourir à certains raccourcis qui portent préjudice à la qualité du débat public et politique.

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Ce débat entre le rapporteur et le ministre me semble relever de la mise en scène d’un faux désaccord portant non sur le fond de la mesure, mais sur son rythme : faut-il ramener le déficit à 2,7 % dès 2025 ou en 2027 ?

Vous faites beaucoup d’efforts en direction de la majorité sénatoriale, monsieur le ministre, mais ils ne seront visiblement pas récompensés par un vote favorable.

Pour notre part, nous trouvons la trajectoire proposée par le Gouvernement d’ores et déjà déraisonnable. Celle que prévoit la majorité sénatoriale l’est encore plus, et elle s’accompagne d’une diminution de 5 % du nombre de fonctionnaires d’ici à 2027.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Non ! De « l’emploi public » ; c’est différent !

M. Rémi Féraud. Nous ne voterons évidemment aucune de ces deux versions.

Attention aux faux-semblants : il n’y a pas de véritable désaccord de fond entre le Gouvernement et la commission. Ils sont d’accord, à la fois, sur le volet recettes et sur l’objectif de dépenses. Le rythme et le volume diffèrent, mais c’est le même cap !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
Article 4

Article 3

Dans le contexte macroéconomique et selon les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation mentionnée à l’article 2, la trajectoire des finances publiques sur la période de programmation s’établit, au sens de la comptabilité nationale, comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Ensemble des administrations publiques

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

-4,2

-4,1

-3,6

-2,5

-1,9

-1,7

Solde conjoncturel (2)

-0,5

-0,7

-0,6

-0,4

-0,2

0,0

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

0,0

0,0

Solde effectif (1+2+3)

-4,8

-4,9

-4,3

-3,0

-2,1

-1,7

Dépense publique

57,7

55,9

55,3

54,2

53,4

52,8

Dépense publique (en milliards d’euros)

1 523

1 575

1 620

1 643

1 675

1 711

Évolution de la dépense publique en volume (en %)*

-1,1

-1,3

0,3

0,5

0,2

0,4

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

1 401

1 480

1 543

1 576

1 602

1 630

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

-0,8

0,8

1,8

0,1

-0,1

0,0

Agrégat des dépenses d’investissement** (en milliards d’euros)

-

25

30

34

35

36

Évolution de l’agrégat de dépenses d’investissement en volume (en %)

-

-

15

10

1

1

Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôt)

45,4

44,0

44,1

44,4

44,4

44,4

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

45,6

44,4

44,4

44,4

44,4

44,4

Dette au sens de Maastricht

111,8

109,7

109,6

109,0

107,5

105,7

État et organismes divers d’administration centrale

Solde effectif

-5,2

-5,4

-4,6

-3,5

-3,2

-3,1

Dépense publique (en milliards d’euros)

625

631

637

634

648

663

Évolution de la dépense publique en volume (en %)*

-0,1

-3,6

-1,8

-2,0

0,7

0,8

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

522

544

567

573

582

588

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

-3,4

-0,1

-0,3

-0,6

-0,5

-0,6

Administrations publiques locales

Solde effectif

0,0

-0,3

-0,3

-0,2

0,2

0,4

Dépense publique (en milliards d’euros)

295

312

322

329

329

331

Évolution de la dépense publique en volume (en %)*

0,1

1,0

0,8

0,1

-1,9

-0,9

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

294

310

320

326

326

328

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

-2,2

0,7

0,8

-0,2

-1,9

-0,9

Administrations de sécurité sociale

Solde effectif

0,4

0,7

0,6

0,7

0,9

1,0

Dépense publique (en milliards d’euros)

704

730

761

779

798

817

Évolution de la dépense publique en volume (en %)*

-2,4

-0,5

1,7

0,3

0,7

0,6

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

687

723

757

775

795

814

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coûts des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

-0,1

1,2

2,0

0,3

0,9

0,6

* Hors crédits d’impôt, hors transferts, à champ constant

 

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. La droite sénatoriale a décidé de s’inscrire dans la surenchère et de surprogrammer l’austérité, ce qui nous conduit à proposer un amendement de suppression.

Le seul levier que vous proposiez est la dépense publique : vous ne touchez pas aux prélèvements obligatoires, ni pour les diminuer ni pour les augmenter.

Surtout, vous faites peser l’effort de réduction de la dépense publique en fin de trajectoire. Vous faites le choix de soustraire des dépenses publiques celles qui s’inscrivent dans le cadre de mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique, et hors charge des intérêts de la dette.

Vous essayez de nous faire croire qu’il y aurait des dépenses légitimes et d’autres qui ne le seraient pas. C’est, de notre point de vue, une classification tout à fait artificielle. Je prendrai l’exemple, concret, de l’investissement dans les six paires d’EPR (réacteur pressurisé européen) visant à garantir notre souveraineté énergétique. S’agit-il de dépenses ordinaires ? Ne protégeront-elles pas à l’avenir nos concitoyennes et nos concitoyens précisément face à la crise énergétique ?

Je note au passage que personne ne s’étonne du montant dérisoire des investissements dans notre pays. Les investissements sont définis dans la loi organique, compte tenu de leur contribution à la croissance potentielle du produit intérieur brut, à la transformation structurelle du pays, à son développement social et environnemental à long terme.

Or, sur 25 milliards d’euros en 2023, seulement un tiers, soit 9 milliards d’euros, devraient servir à rénover 800 000 logements par an. Et 1,5 % des dépenses des administrations publiques correspondraient à de l’investissement : ce chiffre particulièrement faible m’étonne et m’inquiète.

Ce projet de loi de programmation – nous l’avons dit en défendant notre motion – est un projet de division et de mise en concurrence entre les différentes administrations publiques, qui perdront toutes leurs moyens d’agir. C’est précisément ce qui nous conduit à proposer cet amendement de suppression.