Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 374 rectifié.

Mme Mélanie Vogel. Notre amendement vise également à supprimer l’article.

Avec cet article, vous voulez restreindre encore plus qu’aujourd’hui le droit au regroupement familial. Nous nous y opposons, et ce pour trois raisons.

La première raison est que le droit au regroupement familial est déjà largement limité et restrictif en France. Le délai de dix-huit mois est bien supérieur à celui qui est en vigueur dans certains pays européens, tels que l’Espagne, l’Italie, la Belgique ou les Pays-Bas. Certes, il est inférieur à celui qui existe dans certains autres pays, cependant il n’est pas très court.

En outre, les règles en vigueur imposent déjà au demandeur de disposer de ressources suffisantes et stables, d’un logement de taille appropriée, etc.

La deuxième raison est qu’il existe une contradiction intrinsèque entre la nécessité que vous invoquez pour les étrangers de s’intégrer de manière acceptable et votre volonté de restreindre le regroupement familial. On le sait très bien, pour qu’un étranger puisse bien vivre en société, il faut qu’il puisse faire venir sa famille afin de bénéficier d’un entourage affectif minimal autour de lui. C’est là une condition essentielle.

La troisième raison est que les autres ajouts de l’article, en plus de l’allongement du délai, qui a déjà été commenté, sont complètement absurdes ; je suis désolée de le dire.

L’article prévoit ainsi que, désormais, le demandeur devra disposer de ressources qui soient non seulement stables, mais également régulières. Pour ma part, je ne sais pas exactement ce que sont des ressources « régulières ». Qu’est-ce exactement que la régularité ? Vous allez ainsi potentiellement exclure du droit au regroupement familial des journalistes, des artistes, des travailleurs indépendants, dont les ressources sont stables et suffisantes sur l’année, mais pas régulières.

Enfin, vous demandez que l’étranger dispose d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille. Cela n’a aucun sens ! Si sa famille n’est pas en France, elle ne peut pas être affiliée à la sécurité sociale. Elle peut avoir une assurance privée dans son pays de résidence, mais elle ne sera pas valide en France. Je le répète, cette exigence n’a aucun sens !

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 449.

M. Ian Brossat. Je ne reviendrai pas sur les arguments que viennent d’avancer mes collègues. Notre amendement vise lui aussi à supprimer l’article.

Loin de moi l’idée de vouloir être désagréable, mais je trouve que ce débat nous montre la droite sous un jour tout à fait nouveau. (Non ! sur les travées du groupe LeRépublicains.)

Vous vous faites fort en permanence, par exemple, de défendre la valeur travail, mais vous être contre la régularisation des travailleurs sans-papiers.

M. Ian Brossat. Vous défendez en permanence les valeurs familiales – certains d’entre vous ont d’ailleurs manifesté pour défendre la famille, il est vrai dans une conception différente de celle de la gauche –, mais vous êtes contre le regroupement familial, c’est-à-dire contre la possibilité de vivre en famille quand on est un étranger.

Je trouve tout de même que tout cela est assez contradictoire et paradoxal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mes chers collègues, je vous trouve bien durs avec la directive européenne relative au droit au regroupement familial. Somme toute, nous ne faisons qu’en reprendre les termes.

Pour répondre à M. Kerrouche, nous ne sommes certainement pas en infraction avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme – ou alors, la directive européenne l’est également.

Le texte que vous souhaitez supprimer prévoit en effet des conditions différentes pour bénéficier d’un regroupement familial, qu’elles rendent probablement plus compliqué, mais nous ne cachons pas notre volonté de mieux maîtriser les entrées sur notre territoire. En outre, contrairement à ce que vous pouvez penser, ces conditions faciliteront sans doute l’intégration des étrangers, car disposer d’une certaine stabilité financière et pouvoir assurer de façon autonome l’assurance sociale de sa famille sont aussi, me semble-t-il, des critères d’intégration.

La commission ayant souhaité resserrer les conditions d’accès au regroupement familial, elle a porté de dix-huit à vingt-quatre mois la durée de séjour exigée pour qu’un étranger puisse demander un regroupement familial. L’étranger devra en outre disposer de ressources qui soient non seulement stables, mais également régulières et d’une assurance sociale pour lui-même et pour sa famille.

Ces conditions sont, je le répète, directement copiées de la directive européenne relative au droit au regroupement familial.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Cet article, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, a été ajouté par la commission des lois du Sénat.

On peut, certes, débattre du regroupement familial dans le cadre d’un texte sur l’immigration : d’une part, les Français en parlent ; d’autre part, c’est une source d’immigration. Pour autant, l’importance du regroupement familial est-elle proportionnelle à la place que cette question occupe dans le débat public ? Sans doute pas.

L’immigration familiale concerne 90 000 personnes par an. Sur ces 90 000 personnes, le regroupement familial dont il est question à l’article 1er B, que la gauche de cet hémicycle propose de supprimer, concerne entre 12 000 et 14 000 personnes par an.

Je rappelle que l’essentiel des regroupements familiaux – plus de la moitié en fait – concerne des conjoints de Français ou des personnes de l’Union européenne, dont nul ne cherche à interdire l’accès au territoire et qui sont, par nature, difficiles à maîtriser.

Chaque année, le regroupement familial ne concerne en moyenne que 13 % à 14 % des 90 000 personnes de l’immigration familiale ; les conjoints de Français ou de citoyens européens en représentent plus de 50 %. Et la réunification familiale, dont on a parlé précédemment, concerne entre 4 000 et 5 000 réfugiés.

Cela étant dit, je pense que la rapporteure a raison de le dire, il est une question qu’il n’est pas interdit de se poser : les personnes qui demandent un regroupement familial peuvent-elles vivre avec leur famille dans de bonnes conditions d’intégration ? Il me semble possible de s’interroger à cet égard sans créer de polémique particulière.

Il me semble d’ailleurs que l’article 1er D est plus important encore que celui que nous examinons. Pour cette raison, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat à la fois sur le présent article tel qu’il nous est proposé par la commission et sur les amendements visant à le supprimer, car je pense que cet article mérite d’être davantage travaillé. Nous y reviendrons sans doute à l’Assemblée nationale.

Cela étant, je le répète, l’article 1er D me paraît plus important. Il porte sur la vérification par le maire des conditions de logement et de ressources attendues d’un étranger désireux d’accueillir sa famille sur notre territoire.

Lorsque j’ai été élu maire de ma commune en 2014, je me suis aperçu que c’était au maire qu’il revenait de signer les attestations relatives à la rémunération et à la surface du logement du demandeur d’un regroupement familial. C’est le maire – personne ne me l’avait dit – qui donne son blanc-seing.

Combien de maires de France font personnellement ces vérifications ? J’imagine que peu de demandes sont déposées dans les plus petites communes et que le maire, puisqu’il fait tout, procède lui-même aux vérifications. En revanche, qui les effectue dans les grandes communes, qui sont les principaux lieux d’immigration ?

Dans ma ville de 100 000 habitants, des dizaines de demandes étaient déposées chaque semaine ; je m’en souviens très bien. Quand on veut faire le travail sérieusement, cela prend beaucoup de temps. L’un de mes adjoints réalisait l’instruction avec les services et je mettais un point d’honneur à signer pour le préfet une vérification sur laquelle je pouvais m’engager.

Je refusais, je me le rappelle, 70 % des demandes qui m’étaient faites, non pas par volonté de refuser le regroupement familial, mais parce que les conditions fixées par les lois de la République n’étaient pas remplies : la surface du logement n’était pas suffisante. Le fait est que cela prend beaucoup de temps d’envoyer la police municipale vérifier le nombre de mètres carrés que compte un logement.

Vous pouvez inscrire autant de critères que vous le souhaitez dans la loi, en termes de surface de logement ou de rémunération – et vous avez raison d’avoir de telles exigences –, mais, si personne ne vérifie qu’ils sont respectés, ils ne servent à rien.

À mon sens, nous devrions tous nous intéresser à l’article 1er D, qui confie au maire la responsabilité de procéder à ces vérifications en renforçant ses pouvoirs et en lui donnant les moyens de s’engager sur le regroupement familial.

Soit l’on considère que l’on donne un faux pouvoir au maire, auquel cas l’État doit sans doute le reprendre ; soit l’on considère qu’il appartient à l’étranger qui demande un regroupement familial de démontrer, comme une sorte d’engagement, qu’il dispose bien des mètres carrés nécessaires et de la rémunération requise. Or il me semble que, aujourd’hui, on ouvre la voie à la fraude, car personne ne peut vérifier les mètres carrés ou les rémunérations que nous avons tous envie de définir.

Par ailleurs, je pense qu’on peut étudier l’allongement du délai de séjour requis pour déposer une demande de regroupement familial. Pourquoi pas ? Je comprends ce qu’a voulu faire la commission. Si un tel allongement peut permettre aux élus et à la préfecture d’effectuer leur travail, de vérifier la bonne intégration des personnes et leur respect des règles de la République, je n’y vois pas d’inconvénient.

On peut avoir l’impression que cet allongement n’a d’autre objectif que de se faire plaisir ou d’embêter les étrangers. Mais, en fait, je le trouve assez cohérent avec la disposition qu’avait proposée le gouvernement de 2007, lorsque Nicolas Sarkozy était Président de la République. Il avait alors institué une condition de langue pour bénéficier du regroupement familial. On demandait aux étrangers non pas de maîtriser la langue, mais au moins de prendre des cours de français par exemple.

Aujourd’hui, cette condition ne figure plus dans la loi de la République. Le regroupement familial est accordé sans prise en compte de la volonté d’intégration des personnes. Se donner quelques mois supplémentaires permettrait de vérifier l’intégration des personnes, y compris dans la perspective d’un regroupement familial. Il me semblerait intelligent de restaurer cette disposition, qui avait été supprimée par la majorité suivante.

Je le répète, j’invite le Parlement à moins s’intéresser à l’article 1er B, qui a peu d’importance, qu’à l’article 1er D, qui donne au maire les moyens de vérifier in concreto les documents permettant d’autoriser un regroupement familial.

On peut s’écharper très longtemps au Sénat ou à l’Assemblée nationale sur cet article, si personne n’effectue les vérifications requises, cela ne servira à rien. On n’empêchera pas les regroupements familiaux et on favorisera la fraude.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voterons bien évidemment ces amendements.

J’appelle l’attention sur un propos qu’a tenu le ministre à l’instant. Alors qu’il donne beaucoup d’explications, notre attention peut parfois fléchir. Il a indiqué que l’ensemble des dispositions concernant le regroupement familial ne figuraient pas dans le projet de loi initial.

J’indique donc à tous nos collègues que l’ensemble des dispositions introduites dans ce texte seront soumises au Conseil constitutionnel pour violation de l’article 45 de la Constitution.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié, 161, 374 rectifié et 449.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 376 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement de repli vise à conserver la durée de séjour minimale en France ouvrant droit au regroupement familial.

Je rappelle que cette durée est aujourd’hui de dix-huit mois. Cela signifie qu’un étranger a le droit non pas de faire venir sa famille à l’issue de ce délai, mais celui de demander à la faire venir. Ensuite, la procédure prend beaucoup de temps, parfois deux ans ou trois ans, certaines personnes vivant sans leur famille pendant cinq ans.

En quoi l’allongement de six mois du délai va-t-il changer quoi que ce soit ? Qu’est-ce que cela va nous apporter que 6 000 personnes, selon les chiffres de M. le ministre, vivant en dehors de l’Union européenne, conjoints de Français la plupart du temps, passent six mois de plus loin de leur conjoint ?

Le seul effet, c’est que, pendant six mois, quelques milliers de personnes en France seront un peu plus tristes. Cela ne modifiera ni le nombre de mètres carrés de leur logement, ni le niveau, ni la stabilité, ni la régularité de leurs ressources. On va juste rendre ces gens malheureux six mois de plus ! Je n’en vois pas l’intérêt…

Mme la présidente. L’amendement n° 621, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 434-2 est ainsi modifié :

…) Au premier alinéa, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;

…) Au 1°, après le mot : « dernier », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « et l’étranger demandant à être rejoint sont âgés d’au moins vingt et un ans ; »

II. – Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

…° Le premier alinéa de l’article L. 434-8 est ainsi modifié :

a) L’avant-dernière occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation ».

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le présent amendement vise, comme précédemment, à utiliser les moyens prévus dans la directive européenne relative au droit au regroupement familial. Celle-ci prévoit notamment que, « afin d’assurer une meilleure intégration et de prévenir des mariages forcés, les États membres peuvent demander que le regroupant et son conjoint aient atteint un âge minimal, qui ne peut être supérieur à vingt et un ans, avant que le conjoint ne puisse rejoindre le regroupant ». Vous l’avez compris, nous entendons porter précisément cet âge à 21 ans.

À l’heure actuelle, l’article L. 434-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit simplement que le conjoint de l’étranger vivant en France doit être âgé d’au moins 18 ans : il suffit donc d’être majeur pour pouvoir demander le regroupement familial ou pour rejoindre son conjoint.

Par ailleurs, toujours en application de la directive, nous proposons d’exclure les aides personnelles au logement (APL) des prestations prises en compte pour apprécier les ressources du demandeur.

Cet amendement vise également à prévoir que la durée de présence sur le territoire du demandeur d’un regroupement familial doit être non pas de dix-huit mois, mais de vingt-quatre mois.

Mme la présidente. L’amendement n° 375 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

vingt-quatre

par le mot :

treize

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 376 rectifié et 375 rectifié ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Dans la mesure où ces amendements visent à fixer soit à dix-huit mois, soit à treize mois le délai que nous souhaitons porter à vingt-quatre mois, l’avis ne peut qu’être défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable sur les amendements nos 376 rectifié et 375 rectifié.

En revanche, avis favorable sur l’amendement n° 621.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 376 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 621.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 375 rectifié n’a plus d’objet.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 339 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Aeschlimann, MM. Allizard, Bacci et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Bruyen, Burgoa et Cadec, Mme Canayer, M. Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Bouloux, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et, au troisième alinéa du même article, les mots : « mineurs de dix-huit » sont remplacés par les mots : « âgés de moins de seize »

II. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article L. 434-3, les mots : « mineurs de dix-huit ans » sont remplacés par les mots : « âgés de moins de seize ans » ;

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Le présent amendement, issu de la proposition de loi de François-Noël Buffet pour reprendre le contrôle de la politique d’immigration, d’intégration et d’asile, a pour objet d’abaisser l’âge maximal d’éligibilité au regroupement familial des enfants du demandeur de 18 ans à 16 ans. Ce durcissement vise à réserver plus clairement le bénéfice du regroupement familial aux mineurs les plus jeunes et les plus dépendants de leur environnement familial immédiat.

Je le rappelle, si nous sommes dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui, très complexe et très douloureuse, comme cela a été évoqué à plusieurs reprises, c’est aussi parce qu’elle s’est aggravée depuis le vote de la loi Collomb en 2018, qui a étendu le bénéfice du regroupement familial.

Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, le nombre de titres de séjour délivrés dans le cadre du regroupement familial est très important. Il a même augmenté de 17,8 % entre 2018 et 2021. Il y a, certes, eu l’effet covid, mais le fait est que ce nombre a considérablement augmenté.

La commission des lois a souhaité resserrer les conditions d’accès à ce titre dans les limites du droit européen en portant de dix-huit à vingt-quatre mois la condition de séjour pour qu’un étranger puisse formuler une demande de regroupement familial. Nous devons aller plus loin. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.

Cet amendement est également issu, je le rappelle, de la proposition de loi déposée par Bruno Retailleau, Olivier Marleix et Éric Ciotti au nom du groupe Les Républicains. Il a pour objet de durcir les conditions d’éligibilité et, surtout, de mettre un terme aux difficultés que nous évoquons, en tout cas de réduire, comme les Français le demandent, cette immigration incontrôlée.

Mme la présidente. L’amendement n° 252 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Anglars, Menonville et Frassa, Mme Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, MM. Ravier et Paccaud, Mmes Petrus et Bellurot, MM. Chasseing et Wattebled, Mme Lopez, M. Bruyen, Mmes Micouleau et Belrhiti et MM. Genet et Duffourg, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Au 2° de l’article L. 434-2, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize » ;

…° Au premier alinéa de l’article L. 434-3 et à l’article L. 434-4, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize » ;

II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 434-9 est ainsi rédigé :

« Art. L. 434-9. – Le droit au regroupement familial est exclu pour les étrangers polygames. »

La parole est à M. Jean-Claude Anglars.

M. Jean-Claude Anglars. Le droit au regroupement familial permet notamment à un enfant de moins de 18 ans de rejoindre son parent de nationalité étrangère qui réside régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois.

Le présent amendement vise à porter à vingt-quatre mois la durée minimale de résidence régulière en France exigée pour prétendre à ce droit.

De plus, il est actuellement possible de faire bénéficier du droit au regroupement familial l’un des conjoints d’une personne qui vit en polygamie. Il s’agit d’être clair dans l’article L. 434-9 et d’écrire que le droit au regroupement familial est exclu pour les étrangers polygames.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous comprenons dans quel esprit l’amendement n° 339 rectifié a été déposé ; c’est exactement le même que celui qui a guidé la commission.

Toutefois, l’amendement de Mme Boyer est rigoureusement antinomique des dispositions de la directive européenne relative au droit au regroupement familial. La commission, pour sa part, n’a fait que transcrire ce qui était indiqué dans la directive. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 252 rectifié, qui tend à prévoir que le bénéfice du regroupement familial ne peut être ouvert à des étrangers polygames, est satisfait par la législation existante, notamment depuis la loi confortant le respect des principes de la République. Une réserve d’ordre public a déjà été émise dans cette loi, qui a été codifiée dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Boyer, l’amendement n° 339 rectifié est-il maintenu ?

Mme Valérie Boyer. Oui, madame la présidente.

Je ferai deux remarques.

D’une part, il est vrai que c’est très compliqué d’être soumis à cette directive. Peut-être faudrait-il la modifier, sachant que tous les États ne l’appliquent pas de la même façon, chaque pays ayant des particularités en matière de regroupement familial.

Si cet amendement n’était pas voté, il serait important d’avoir un débat sur la modification de cette directive, afin que nous puissions choisir les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent se maintenir en France et y faire venir leur famille.

D’autre part, si je comprends bien évidemment la réponse qui m’est faite d’un point de vue juridique, je pense qu’elle donne encore plus de force à notre demande de modification de la Constitution. Nous devons pouvoir, via un référendum, reprendre la main sur un certain nombre de choses. Le regroupement familial ne pourra peut-être pas faire l’objet d’un référendum, mais il me semble important que nous pesions de tout notre poids pour modifier la directive européenne sur ce sujet.

Mme la présidente. Monsieur Anglars, l’amendement n° 252 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Anglars. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 252 rectifié est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Pour la clarté de nos débats, madame Boyer, je peux vous dire que je suis d’accord avec vous. Je rappellerai simplement que la directive que vous évoquez date de 2003.

Le travail d’un ministre, tant à l’échelon national qu’à l’échelon européen, c’est d’empêcher que des directives européennes qui seront applicables dans quelques mois ou quelques années ne soient contraires au droit français.

Vous me demandez de corriger des dispositions qui ont été imaginées il y a plus de vingt ans par un gouvernement de droite – pardon de le dire, madame Boyer – et qui empêchent aujourd’hui le Parlement national de voter un certain nombre de dispositions.

Je n’ai pas connaissance de pays européens signataires du traité de Maastricht et soumis aux directives européennes ayant exclu du droit au regroupement familial les moins de 18 ans ou de 16 ans. J’ai étudié votre amendement, qui m’intéressait priori, mais je n’ai pas trouvé de pays appliquant la disposition que vous proposez d’introduire.

Oui, il faut que l’on puisse modifier un certain nombre de directives. Nous savons tous, malheureusement, qu’il est plus facile de les modifier lorsqu’elles sont en discussion qu’une fois qu’elles ont été adoptées et qu’elles s’appliquent. Cela ne signifie pas, évidemment, qu’il faut refuser ce combat, mais on ne peut pas le mener, comme l’a dit Mme la rapporteure, via le droit national classique.

Si vous avez un exemple de pays qui applique cette directive européenne de façon différente au sein de l’Union européenne, je suis preneur.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.