M. le président. La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. Il s’agit de la troisième en quelques années, après la loi Savary de 2016 et la loi dite Sécurité globale de 2021.

Je regrette le choix de ce véhicule législatif, qui ne nous permet d’appuyer nos débats ni sur une étude d’impact ni sur un avis du Conseil d’État. Ce n’est pas un détail tant les multiples dispositions de ce texte risquent de bouleverser le quotidien de millions d’usagers des transports en commun et du rail.

Nous débattons dans un contexte sécuritaire tendu, quelques jours après l’attaque au couteau en gare de Lyon, qui a fait – malheureusement – plusieurs blessés. À cela s’ajoute l’ouverture prochaine des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, au cours desquels la région Île-de-France accueillera 15 millions de visiteurs. Les transports en commun seront particulièrement scrutés. Toutefois, cette réalité ne peut pas tout justifier.

Je regrette que ce texte soit moins une proposition de loi qu’un catalogue de mesures à objectifs distincts : prévention du risque terroriste, lutte contre les incivilités ou encore contre la fraude. On passe d’un article à l’autre sans cohérence globale. Ces sujets auraient pourtant mérité davantage de considération.

De plus, sous couvert d’efficacité, cette proposition de loi acte une nouvelle fois le désengagement de l’État du domaine de la sécurité, un secteur pourtant régalien par excellence.

Désormais, sur décision du préfet de police, les agents de la Suge ou du GPSR pourront réaliser des palpations préventives de sécurité et se verront attribuer un droit de poursuite des contrevenants.

Les agents de sécurité privée ne sont pas des policiers ou des gendarmes. De quelles formations bénéficieront-ils pour appréhender ces nouvelles missions ? Sur quelles données objectives un préfet prendra-t-il la décision d’autoriser ces mesures de palpation préventive ?

De plus, comme l’avait si bien dit notre ancienne collègue Éliane Assassi lors du débat sur la loi Savary : « Cette proposition de loi oublie la spécificité de la mission de sûreté, […] à savoir la sécurité des infrastructures et la nécessité d’assurer la fluidité et la continuité de la circulation. » Ces mots n’ont pas perdu leur actualité ; or, sur ce point, votre texte reste muet.

Vous proposez aussi que le renforcement du continuum de sécurité repose sur les agents des polices municipales, qui seraient désormais autorisés par convention à accéder aux véhicules et aux espaces de transport.

Instaurée au détour d’un texte, voilà une drôle de prérogative nouvelle pour nos communes ! Avez-vous bien conscience, mes chers collègues, que nos polices municipales sont diverses et territorialisées ? Comment sera appliqué le pouvoir de police du maire dans les transports en commun ? À moins que vous ne partiez déjà du principe que les trains resteront en gare – les usagers retenus à quai apprécieront…

Je suis également inquiet de constater que ce texte autorise, sous couvert de placer la technologie au service de la sûreté dans les transports, le recours à un traitement algorithmique des images issues des systèmes de vidéoprotection ainsi que la captation du son dans les véhicules.

Cela participe d’un mouvement vers une forme de sécurité prédictive, fondée sur les seuls indicateurs de risques. Il est connu que ces dispositifs présentent des limites et des biais discutables. Il en va de même pour le fichage des auteurs d’infraction dans les transports, retoqué par le Conseil d’État en 2016, mais réintroduit ici sous une nouvelle rédaction.

De plus, votre texte ne fait que durcir les sanctions applicables à des délits déjà sanctionnés par la loi.

Je m’interroge aussi sur votre vision du service public. Depuis plusieurs années, les politiques de réduction du personnel ont limité la présence en gare : la plupart des guichets sont fermés, quand ce ne sont pas les gares elles-mêmes… Et que dire des conditions de transport, qui se sont largement dégradées.

Aussi, la première agression subie chaque matin par les usagers des transports en commun, c’est l’état lamentable de saleté des rames, la promiscuité, les trains supprimés, les gens coincés dans les portiques, etc. Et que dire encore du parcours du combattant que vivent les voyageurs avec leurs valises ou les parents avec leurs poussettes ? Cette situation crée un climat de tension propice à exacerber le sentiment d’insécurité.

La priorité est donc de réintroduire de l’humain dans nos gares et nos trains, au service du public, dans une approche positive et accueillante, et d’investir pour nos transports afin de les rendre eux aussi positifs et accueillants.

Nous sommes tous persuadés que la sécurité et la tranquillité publiques dans les transports sont des sujets de société sensibles et importants. Ils sont aussi le gage de la transition nécessaire vers des modes de transport décarbonés.

Il nous faut donc prendre le temps de débattre largement et avec sérieux et éviter de créer des spécificités sécuritaires d’un espace public à l’autre.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE-K votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée en décembre dernier, rencontre l’actualité de façon dramatique après l’attaque au couteau de la gare de Lyon, qui a fait trois blessés le 3 février. Cet événement, malheureusement loin d’être inédit, ravive le sujet de préoccupation constant qu’est l’insécurité dans les transports, enjeu d’autant plus important à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques.

En sus de la menace terroriste, qui reste à un niveau élevé, 111 531 personnes ont été victimes de vols et violences dans les transports en commun en 2023, dont 62 % en Île-de-France. Une réalité qui a poussé la RATP à mettre en place l’arrêt à la demande dans les bus de son réseau, après vingt-deux heures. Et une réalité d’autant plus forte pour les femmes : 87 % d’entre elles déclarent avoir été victimes de violences sexuelles et sexistes dans les transports.

Cette proposition de loi part de ce constat de vulnérabilité et du manque d’efficacité du cadre juridique de répression aujourd’hui en place. Son objectif est d’octroyer aux agents les moyens nécessaires à la sécurisation des transports en commun et de combler les lacunes de la législation pénale en vigueur. Le groupe RDSE souscrit à cette ambition.

Pour faciliter leur mobilité, d’abord, il est proposé d’élargir le périmètre d’intervention des agents de sécurité des transports aux abords immédiats des gares, si l’infraction a été commise dans la gare et si le caractère inopiné ou urgent de la situation le justifie. Une mesure de bon sens, tout comme celle leur permettant d’intervenir dans les réseaux de transport urbains connectés aux gares.

Nous souscrivons aussi à la possibilité offerte aux maires et présidents d’EPCI de conclure une convention avec un exploitant de service de transport public afin de permettre l’accès libre des policiers municipaux et des gardes champêtres aux gares et aux trains en circulation sur leur territoire.

Toutes ces mesures permettront de renforcer le continuum de sécurité.

La création d’une interdiction d’entrée en gare nous apparaît également opportune pour les personnes troublant l’ordre public, compromettant la sécurité ou refusant de se soumettre à des palpations de sécurité. Nous espérons toutefois qu’une forme de retenue sera appliquée concernant la fouille des bagages.

De la même manière, bien qu’il s’agisse d’une infraction rarement sanctionnée, une amende de 7 500 euros pour mendicité, même répétée, nous semble au mieux inapplicable.

L’article 12 dresse la liste d’un grand nombre d’incivilités ouvrant la porte à une sanction pour délit d’habitude. Si ces espaces publics nécessitent des comportements adaptés, priorité doit être donnée au traitement des comportements dangereux.

Pour ce qui concerne le recours aux caméras-piétons, nous aurions préféré attendre le bilan de l’expérience qui est en cours avant toute pérennisation. Nous saluons toutefois la mise en place de l’expérimentation permettant aux chauffeurs de bus et de car d’utiliser un tel dispositif. Le drame survenu à Bayonne en 2020, avec la mort d’un conducteur, nous rappelle que les chauffeurs sont en première ligne face à des usagers de plus en plus violents. Le nombre d’agressions sur le personnel ayant donné lieu à un arrêt de travail était ainsi en hausse de 14 % en 2022. Ces outils permettent de dissuader, de capter les situations à risque et d’avertir les services de sécurité en cas de danger imminent.

Je tiens à rappeler ici que le groupe RDSE est attaché à préserver l’équilibre entre sécurité et libertés publiques, mais qu’il regarde le sujet avec beaucoup de pragmatisme.

D’autres mesures, qui risquaient de remettre en cause certaines libertés individuelles, ont été modifiées ou supprimées en commission. Nous soutenons ainsi le travail d’équilibre de la rapporteure, qui a proposé la suppression de plusieurs mesures que nous jugions excessives : la saisie d’objets licites sans caractère de dangerosité ; la collecte et le traitement de données sensibles par les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP ; ou encore la captation sonore dans les transports.

Enfin, nous proposerons un amendement visant à supprimer l’amende de 2 500 euros à l’encontre des voyageurs oubliant leur valise, qui nous paraît disproportionnée. Je pense, par exemple, à la mère de famille chargée de ses enfants et de ses bagages, qui descend du train en oubliant l’un d’eux – je parle des bagages et non, bien sûr, des enfants ! (Sourires.) Elle ne peut décemment pas être sanctionnée pour cette inattention, bien que fâcheuse.

Pour conclure, de nombreuses mesures auraient mieux trouvé leur place dans un projet de loi auquel auraient été joints un avis du Conseil d’État et une étude d’impact, mais le groupe RDSE partage l’objectif des auteurs de ce texte et cette vision plus globale de la sécurité, qui est indispensable pour mieux voyager et dont la prise en charge est aujourd’hui trop morcelée entre les différents acteurs impliqués.

Vous l’aurez compris, le groupe RDSE est favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – Mme Sophie Primas applaudit également.)

M. Pascal Martin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les transports collectifs concernent chaque jour plusieurs millions de nos compatriotes.

Le développement, l’accessibilité et la sécurité des transports en commun sont au cœur des enjeux visant à faire de ces derniers des leviers pour la transition écologique et énergétique.

Mais si les usagers ne s’y sentent pas en sécurité, les transports en commun perdent toute attractivité. L’État et les opérateurs doivent donc garantir non seulement le bon fonctionnement des réseaux, mais également la sécurité des biens et des personnes.

Les agents de sûreté des transports en commun ont des responsabilités importantes pour la protection des usagers. Aux côtés des forces de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les polices spéciales de la Suge et du GPSR sont des vigies opérationnelles œuvrant à notre sûreté.

Gardons aussi à l’esprit que notre pays est une destination touristique reconnue. Or une grande majorité des visiteurs, en tout cas en région parisienne, sont amenés à emprunter les transports collectifs.

La proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Tabarot a le mérite d’ouvrir le débat sur les améliorations à apporter afin de mieux répondre aux défis contemporains et à venir. La persistance des violences sexistes et sexuelles, des vols, des fraudes et de la menace terroriste vient en effet alourdir un climat déjà dégradé.

Le statut particulier de la SNCF et de la RATP a conduit le législateur à leur accorder des prérogatives spécifiques, consacrées par la loi du 12 juillet 1983. Certains des articles de cette proposition de loi enrichissent leur capacité à exercer leurs missions. À l’avenir, il nous faudra aussi réfléchir à étendre certaines de ces prérogatives au-delà de la région parisienne et du réseau SNCF. En effet, de nombreux opérateurs de transport attendent des améliorations législatives et réglementaires afin de développer leurs interventions en la matière.

Je tiens à saluer le travail minutieux mené par la rapporteure, Nadine Bellurot, pour améliorer les dispositions de cette proposition de loi. Ce travail était nécessaire tant – il faut bien le dire – la rédaction initiale pouvait susciter quelques réserves, notamment sur les processus de captation des sons dans les véhicules ferroviaires.

Le travail mené par Mme la rapporteure a également permis d’enrichir et de compléter la proposition de loi. Nous tenons sincèrement à saluer son travail.

Ce texte, résolument tourné vers le renforcement du continuum de sécurité et l’approfondissement de notre arsenal pénal, apporte sur certains points des avancées extrêmement pertinentes.

L’usage à titre expérimental d’une caméra-piéton par les conducteurs de bus est une bonne mesure. Ces agents ne sont pas seulement la cible de comportements vexatoires ou intimidants, mais parfois l’objet d’une violence non contenue et revendiquée. De tels agissements ne sont en aucun cas acceptables. Cette expérimentation peut contribuer à quantifier cette délinquance plus correctement pour mieux la prévenir et la réprimer plus efficacement. La pérennisation de ce dispositif pour les agents de contrôle des transports concourt utilement à promouvoir la sûreté.

Nous saluons également les prérogatives supplémentaires qui seraient attribuées aux agents de contrôle et de sûreté, en particulier la création d’un droit de communication de données fiscales en vue de fiabiliser encore le recouvrement des amendes.

En revanche, plusieurs articles de ce texte peuvent poser question quant à la proportionnalité du dispositif au regard de son objectif.

Il en est ainsi de l’article 14, consistant notamment à « délictualiser » l’abandon de tout bagage par un voyageur, au regard des différentes situations qui peuvent se présenter. Nous avons eu le débat en commission : s’il n’est pas négligeable de mieux appréhender et de faire reculer le phénomène des oublis de bagages, qui entrave la circulation sur les réseaux, en faire un délit ne nous paraît pas la solution législative la plus évidente ni la solution opérationnelle la plus adaptée.

L’extension du périmètre d’intervention des agents de la Suge et du GPSR en dehors des emprises et véhicules de transport part d’une intention louable, celle de desserrer un étau parfois trop restrictif. Toutefois, jusqu’où cette extension est-elle fixée ? La difficulté est qu’un élargissement géographique imprécis ou trop vaste viendrait fragiliser les équilibres et altérer la répartition des pouvoirs entre police spéciale, d’une part, et police générale, d’autre part. Nous avons eu des débats en commission sur ce sujet.

Au-delà des enjeux du moment, la question principale à laquelle nous devons répondre est bien celle de l’amélioration des moyens juridiques et opérationnels en direction de ceux qui nous protègent chaque jour et dans la durée. Nos intentions ne suffisent pas ; il nous faut aussi assurer l’opérationnalité des mesures que nous votons.

Au travers de cette proposition de loi, il nous est proposé de mieux accompagner les forces de sécurité. C’est une intention que nous saluons et que nous soutenons, mais nous sommes arrivés au bout de ce que nous pouvions faire sans un vrai travail de refonte du droit existant.

Encore une fois, cette proposition de loi apporte un certain nombre de changements, par petites touches, mais il faudra une réflexion beaucoup plus profonde et globale si l’on veut véritablement répondre aux besoins des forces de sécurité et à ceux des usagers.

Pour conclure, mes chers collègues, le groupe RDPI salue le travail de la rapporteure et de l’auteur de cette proposition de loi. Pour les raisons que j’ai évoquées, notre groupe soutiendra ce texte qui va dans le bon sens, même si des amendements donneront légitimement lieu à discussion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christophe Chaillou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre cadre législatif concernant la sécurité dans les transports en commun a fortement évolué pour nous permettre de faire face aux dangers qui pèsent sur nos concitoyens et sur les utilisateurs des systèmes de transport.

La loi Savary-Leroux et la loi Sécurité globale de 2021 sont venues renforcer le dispositif en allant plus loin à chaque fois, en octroyant de nouvelles prérogatives aux acteurs de la sécurité et en articulant au mieux les attributions de chacun.

Les terribles drames survenus ces derniers mois montrent que nous ne sommes pas à l’abri, que nous devons toujours veiller à renforcer l’ensemble des moyens disponibles et redoubler de vigilance pour répondre à ces défis, qui nous concernent tous.

La proposition de loi de notre collègue, largement amendée par la commission des lois, vise à aller encore beaucoup plus loin et à attribuer des prérogatives supplémentaires, en renforçant notamment le continuum de sécurité et en étendant la surveillance par le recours à de nouvelles technologies. L’engagement de M. Tabarot est connu et il faut le saluer.

Je veux également saluer la grande qualité du travail réalisé en commission : les propositions de Mme la rapporteure ont largement contribué à rééquilibrer un certain nombre de dispositions. Il est en effet important, comme plusieurs de nos collègues l’ont souligné, de toujours raison garder, dans ce domaine comme dans d’autres. La sécurité des citoyens et le respect de l’État de droit doivent être notre boussole commune.

Nous sommes tous, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, profondément attachés à la sécurité dans les transports, d’autant que beaucoup d’entre nous ont eu des responsabilités locales, parfois en tant que gestionnaire d’un réseau de transport. Monsieur le ministre, j’ai eu l’occasion de venir voir les très belles réalisations de Dunkerque en la matière et je ne doute pas que l’ensemble de mes collègues veilleront à faire en sorte que nos transports publics soient attractifs et attrayants et que les citoyens y soient en sécurité.

Nous partageons tous cet objectif de sécurité. Il n’y a pas d’idéologie dans ce domaine, pas d’angélisme, comme on a pu l’entendre ce soir. Pour nous, c’est essentiel.

Pour autant, les dispositions proposées doivent être et compatibles avec les libertés publiques et équilibrées. La rédaction initiale du texte nous semblait aller beaucoup trop loin ; le flou juridique entourant certaines dispositions faisait même peser des doutes sur leur efficacité juridique. La nouvelle rédaction, issue des travaux de la commission des lois, nous paraît plus équilibrée : elle permet une avancée, que nous saluons, en termes de sécurisation des espaces de transport, d’amélioration du continuum de sécurité et d’augmentation des prérogatives des agents de la Suge et du GPSR – Olivier Jacquin y reviendra.

Je souhaite évoquer les dispositions contenues dans le chapitre Ier, qui tend à renforcer les pouvoirs des agents des services internes de sécurité des opérateurs de transport.

Je veux aussi dire combien il nous semble nécessaire de donner aux policiers municipaux les moyens d’accéder aux véhicules et espaces de transport, dans le cadre de conventions. Il nous faut en effet renforcer le continuum de sécurité entre les différentes forces.

Nous accueillons favorablement la pérennisation de l’usage des caméras-piétons pour les agents de contrôle. Cette disposition permet de répondre aux demandes des agents concernés.

Le nouvel article 8 ter permet la mise en place d’un numéro téléphonique unique, ce qui nous paraît aller dans le bon sens.

Enfin, il faut donner des outils aux sociétés de transport pour lutter contre les personnes malveillantes qui ne respectent pas les règles – là aussi, nous sommes d’accord.

Nous saluons ces dispositions, mais nous tenons à exprimer nos doutes sur d’autres mesures qui posent question au regard des libertés publiques et qui ne nous paraissent pas équilibrées.

Il en est ainsi de l’introduction à l’article 9 de l’utilisation de traitements algorithmiques. Il nous semble que nous devons d’abord prendre en compte les expérimentations en cours.

Selon nous, l’article 12, qui tend à créer un délit d’incivilité d’habitude, va beaucoup trop loin et n’est pas proportionné.

L’article 13 souffre d’un certain paradoxe : l’établissement d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître ne nous semble ni adapté ni réaliste en termes humains, financiers ou logistiques.

Enfin, nous demandons la suppression de l’article 14, qui nous paraît assez baroque, notamment en termes de mise en œuvre.

Même si nous saluons les progrès réalisés en commission, nombre d’éléments ne nous paraissent pas encore suffisamment équilibrés, raison pour laquelle nous demandons la suppression des articles 9, 12 et 14. Nous réservons donc notre vote final en fonction des amendements qui seront adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Pierre Barros et Jacques Fernique applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Dhersin applaudit également.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j’ai souhaité cosigner cette proposition de loi, ce n’est pas seulement comme rapporteure spéciale chargée des transports à la commission des finances, c’est aussi comme élue d’Île-de-France, comme femme et comme mère.

On pourrait multiplier les chiffres, mais je n’en retiendrai qu’un : à elle seule, l’Île-de-France représente deux tiers des victimes des vols et violences dans les transports en commun.

Je suis une femme et comme toutes les femmes je revendique l’égalité du droit à emprunter les transports en commun en toute sécurité pour le travail, la vie quotidienne, les loisirs, tôt le matin et jusque tard le soir.

Je comprends le sentiment d’insécurité et parfois la terreur de tant de femmes, en particulier parmi les plus modestes, qui empruntent les transports en commun à des heures très matinales ou très tardives, non pas, à titre principal, parce qu’elles souhaitent contribuer à l’indispensable décarbonation des transports, mais parce qu’elles n’ont tout simplement pas d’autre choix.

Beaucoup de femmes hésitent d’ailleurs à les emprunter. Les femmes sont moins nombreuses que les hommes à utiliser les transports vers Paris. Elles sont moins nombreuses que les hommes à utiliser les transports dans les zones sensibles. Plus la fin de journée avance, moins les femmes y sont présentes : leur proportion diminue de moitié.

Et les femmes ont raison d’avoir peur : elles représentent 60 % des victimes de violences.

Enfin, je suis une mère et je partage la colère de tant de mères, parisiennes ou franciliennes, dont l’enfant ou l’adolescent a été suivi, agressé ou racketté dans le métro ou à ses abords. C’est très traumatisant pour les enfants ; ça l’est également pour les parents, car se sentir impuissant à protéger les siens nous met en colère.

Il est très inquiétant pour notre société que les adolescents, parce qu’ils vivent en milieu urbain, soient des proies aussi faciles pour de petits délinquants ou des bandes agressives, qui font tant de mal et restent si souvent impunis.

Si la situation est aussi grave, ce n’est pas faute d’actions, et même d’actions très vigoureuses, de la part de Valérie Pécresse, de la région Île-de-France, d’IDFM, de la RATP ou de la SNCF. Je pense aussi à la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), qui porte avec tant de constance et d’efficacité la voix des usagers. Je pense enfin à tout le professionnalisme et au dévouement des agents de sécurité dans les transports.

Pour faire face à cette montée inquiétante de la violence et à la diversification toujours plus grande des modes opératoires, pour restaurer la confiance, il faut donner aux opérateurs tous les moyens juridiques de s’adapter et d’aller plus loin.

Je remercie donc vivement Philippe Tabarot, qui est à l’origine de cette proposition de loi, ainsi que la centaine de sénatrices et sénateurs qui l’ont cosignée. Ce texte vient directement du terrain et de ceux qui ont la charge de protéger tous les voyageurs sans toujours disposer des moyens juridiques idoines.

Si ce texte est adopté, les quelque 4 000 agents de sûreté pourront effectuer des palpations et intervenir aux abords des gares et stations : un délinquant en fuite pourra être poursuivi une fois la porte de la gare franchie.

Les policiers municipaux pourront circuler et intervenir dans les gares et les trains.

Le texte permettra également de faciliter le recours aux caméras-piétons : ce sera très utile pour la sécurité des agents comme pour le traitement des dossiers a posteriori.

Enfin, il est bien entendu nécessaire d’adapter la réponse pénale.

La création d’un délit d’incivilité d’habitude est très attendue par les acteurs du secteur, mais plus largement par tous ceux qui trouvent insupportables ces comportements nuisibles et non sanctionnés qui pourrissent la vie de tous au quotidien. J’apprécie aussi la création d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports ; cela a été fait pour les stades, il est indispensable d’étendre cette mesure aux transports.

Je présenterai des amendements visant à étoffer encore notre arsenal juridique en tenant compte, bien évidemment, des légitimes préoccupations de la commission, qui a su faire évoluer sa position par rapport au début de nos travaux – et je l’en remercie.

Non, nous ne pouvons conditionner des palpations de sécurité dans les transports aux seuls cas où le préfet de police aurait pris, en amont, un arrêté spécifique, parce qu’il y a une manifestation ou une menace à l’ordre public sur un certain périmètre. Il est des situations d’urgence, avec un risque immédiat pour la sécurité des personnes, où il faut intervenir et où seuls les agents de la sûreté des transports sont à même de le faire.

Nous ne pouvons non plus priver les agents de sécurité d’écouter ce qui se passe dans une rame ou un bus, alors que la sécurité des personnes est immédiatement menacée par un accident ou par des personnes violentes ou lorsque cela répond aux besoins d’une enquête.

Je veux aussi dire très simplement que la liberté d’aller et venir s’applique aux voyageurs, non aux objets qu’ils transportent. Certains objets, qui ne sont pas des armes, peuvent en certaines circonstances se révéler dangereux pour les autres voyageurs. Ils ne sauraient donc avoir leur place dans les transports publics.

La sécurité desdits transports est essentielle à la qualité de vie des Français, comme à celle des millions de touristes que nous accueillons chaque année – et je ne pense pas seulement à cette année olympique.

C’est pourquoi nous devons vraiment aller aussi loin que possible. Pour les agents de sécurité, rien n’est pire que l’impuissance. Pour les voyageurs, rien n’est pire que le sentiment d’insécurité permanent, rien n’est pire que des agressions, de surcroît impunies faute de moyens juridiques idoines. Il n’y a pas de liberté d’aller et venir sans transports sûrs.

Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai ce texte, amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)