M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Madame la sénatrice, le préfet de police a récemment communiqué sur les résultats déjà obtenus à la suite des opérations de prévention de la délinquance qui ont été effectuées, y compris dans le secteur de la tour Eiffel, et qui visent notamment les vendeurs à la sauvette. Ils sont tout à fait probants.

Il a ainsi indiqué que 12 tonnes de marchandises avaient déjà été saisies et que des actions avaient été menées contre les joueurs de bonneteau et les vendeurs à la sauvette.

La lutte contre la vente illicite de cigarettes est donc au cœur de nos efforts, dans le cadre du plan zéro délinquance. Au total, plus de 7 500 opérations ont été menées en Île-de-France depuis le lancement de ce plan il y a un an et demi, sur l’initiative du ministre de l’intérieur. Je le redis, les atteintes à la personne et aux biens ont baissé respectivement de 49 % et de 29 %.

Nous devons poursuivre nos efforts, mais soyez assurée, madame la sénatrice, de notre détermination sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour la réplique.

Mme Marie-Carole Ciuntu. Je tiens à attirer l’attention sur la banlieue parisienne, qui existe ! Nous avons réellement le sentiment qu’il nous faudra assurer nous-mêmes la sécurité pendant les JO, comme nous l’avons fait lors des incidents et des émeutes au mois de juin dernier – nous en avons gardé un souvenir très précis…

Nous ne voulons pas que vous fassiez l’impasse sur ces sujets ; c’est pourquoi je vous les rappelle. Rien n’est fait pour lutter contre la contrebande de cigarettes dans nos banlieues, je puis vous l’assurer.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rachid Temal. La France est-elle prête ou non ? Il faut répondre ! (Sourires.)

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un siècle après la toute dernière édition des jeux Olympiques d’été dans notre pays, nous aurons la chance d’accueillir, dans 143 jours précisément, le plus grand événement sportif et social de la planète.

Accueillir autant de compétitions, d’athlètes et de spectateurs en l’espace de quelques semaines est un défi, auquel chaque pays organisateur est bien sûr confronté.

Nous ne partons pas de zéro : nous sommes une grande nation sportive qui accueille régulièrement des événements sportifs, tels que Roland-Garros, qui fait partie des plus grands et des plus prestigieux tournois de tennis du Grand Chelem, ou le Tour de France, qui est l’un des événements les plus regardés au monde. Nous sommes aussi régulièrement le pays hôte de compétitions internationales de football, de rugby et de championnats de ski alpin, etc.

Toutefois, pour réussir le défi que constitue l’organisation des jeux Olympiques et, pour la première fois en France, des jeux Paralympiques, il nous a fallu satisfaire les exigences particulièrement élevées du Cojop, à commencer bien sûr par la livraison dans les temps et les budgets de tous les équipements olympiques et du village qui accueillera les athlètes et les médias.

À cet égard, nous pouvons nous féliciter de la livraison par la Solideo de près de 68 ouvrages réalisés grâce à des entreprises françaises, lesquels nous permettent aujourd’hui d’avoir l’assurance que les compétitions pourront bien se dérouler dans de bonnes conditions.

Non seulement les Jeux de Paris 2024 sont un défi logistique, mais ils se veulent également plus paritaires, écologiques, engagés, inclusifs, sobres et fédérateurs. De fait, même si certaines disciplines restent unisexes, il s’agira pour la première fois de Jeux totalement paritaires : 5 250 femmes et 5 250 hommes y participeront.

Une attention particulière est portée aux émissions de carbone. Paris 2024 a, pour la première fois dans l’histoire des Jeux, fixé un budget carbone à ne pas dépasser. Il faudra évidemment vérifier a posteriori si cet objectif a bien été atteint.

Je tiens également à souligner la sobriété budgétaire du Comité d’organisation, dont le budget s’élève à 4,4 milliards d’euros, tout comme celui de la Solideo. Pour mémoire, nous sommes très loin des 30 milliards d’euros de Pékin en 2008 ou de Rio en 2016.

Les jeux Olympiques laisseront un héritage important. La construction du village olympique transformera considérablement les villes de Saint-Ouen et de Saint-Denis.

La décentralisation de ces Jeux sur l’ensemble du territoire est une autre démarche remarquable, que je tiens à souligner. À cet égard, je salue la volonté du Cojop de faire de ces jeux non pas seulement les Jeux de Paris, mais ceux de toute la France.

Je puis témoigner de l’engouement qu’a suscité dans notre département, en amont des jeux Olympiques, la possibilité d’accueillir des compétitions sportives et des centres de préparation et d’entraînement, ainsi que celle d’organiser des événements de promotion du sport, grâce au label Terre de Jeux, dont nombre de collectivités territoriales se sont emparées.

Dans cet esprit de valorisation non pas seulement de Paris, mais de tout notre pays, le prochain temps fort est évidemment le relais de la flamme olympique, qui permettra de jeter la lumière, si je puis dire (Sourires.), sur l’histoire et le patrimoine français.

Gageons que cet élan territorial se traduira par une promotion durable de la pratique du sport partout dans notre pays, où, comme ailleurs, l’obésité progresse à une allure préoccupante, particulièrement chez les jeunes. À ce sujet, madame la ministre, vous n’avez pas répondu aux craintes de Michel Savin concernant les coupes budgétaires qui seront effectuées dans les crédits de votre ministère destinés à lutter contre cette problématique.

Pour autant, et c’est une sorte de mystère, cet événement ne suscite pas l’engouement attendu dans l’opinion publique. En effet, selon un récent sondage, seuls 59 % des Français ont l’intention de suivre cette Olympiade, alors même que près de 4 milliards de personnes à travers le monde sont intéressées.

Sans doute quelques problématiques évoquées cette après-midi en séance ont-elles contribué à cette réserve générale.

En bref, il s’agit de la sécurisation de la cérémonie d’ouverture, évoquée notamment par notre collègue Catherine Dumas ; de la sécurisation dans et aux abords des sites olympiques, compte tenu du désastreux souvenir que nous a laissé l’organisation au Stade de France de la finale de la Ligue des Champions à l’été 2022 ; de l’indisponibilité des logements pour accueillir les spectateurs et les bénévoles ; du coût de l’hébergement dans les hôtels et, éventuellement, dans les Airbnb ; du risque de grève inhérent à l’ensemble des compétitions ; des difficultés annoncées en matière de transports dans la capitale – notre collègue Ouzoulias a relevé que neuf lignes de métro seraient fermées, en tout cas temporairement ; de la billetterie, enfin, qui a largement alimenté la chronique, le site n’étant pas toujours opérationnel et les prix étant parfois prohibitifs.

Toutefois, restons optimistes. Outre que ces Jeux sont évidemment une vitrine de la France dans le monde entier, ils demandent encore un gros travail de communication pour embarquer, comme nous le souhaitons, l’ensemble des Français dans cette belle fête du sport. Il nous reste 143 jours, madame la ministre, pour atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « JO 2024 : la France est-elle prête ? »

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi relative au financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense française
Discussion générale (suite)

Financement des entreprises de l’industrie de défense française

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense française
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au financement des entreprises de l’industrie de défense française, présentée par M. Pascal Allizard et plusieurs de ses collègues (proposition n° 191, texte de la commission n° 365, rapport n° 364, avis n° 363).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pascal Allizard, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier nos collègues de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que les rapporteurs Dominique de Legge et Cédric Perrin pour leurs travaux. Ils confirment les conclusions auxquels mes collègues corapporteurs successifs du programme 144 et moi-même étions parvenus sur la question du financement des entreprises de l’industrie de défense.

Les amendements adoptés en commission visent à détailler et à préciser les contours du dispositif envisagé. Leurs dispositions lèvent à mon sens certaines incompréhensions nées chez les tenants du logement social et de l’environnement, au financement desquels, je l’indique d’ores et déjà, le présent dispositif ne portera pas atteinte.

En ce qui concerne la raison d’être du dispositif, je rappelle que, après la supposée « fin de l’histoire » et l’époque de la « mondialisation heureuse », certains États – on peut le déplorer – réimposent des relations internationales fondées sur les seuls rapports de force, et non sur le droit, et s’appuient sur des narratifs nationalistes, voire belliqueux.

Pour nous, les Européens, habitués aux dividendes de la paix, c’est la douche froide et le retour brutal aux réalités. Ces réalités, c’est le retour des tensions et de la guerre dans l’environnement proche de l’Europe largement démilitarisée.

Dans ce contexte, la célèbre formule des Romains, si vis pacem, para bellum, qui est aussi la devise de l’École de guerre française, revient en mémoire. Aux côtés de l’outil diplomatique, l’outil militaire et industriel doit être en mesure de nous permettre de faire face à toute menace sur la paix et la stabilité.

Ce n’est pas réellement le cas aujourd’hui, comme en témoignent les problèmes que connaissent l’ensemble des pays occidentaux, y compris les États-Unis, pour soutenir les rythmes effrénés de production de matériels et de munitions imposés par le soutien à l’armée ukrainienne.

En face, les Russes proposent ce qu’ils maîtrisent le mieux depuis longtemps : une guerre de saturation et d’attrition, appuyée par des moyens hybrides multiples.

Notre voisin, le Royaume-Uni, qui restait avec la France la seule puissance militaire en Europe, rencontre désormais les plus grandes difficultés avec les capacités de son armée et de ses industries. Quant aux Américains, ils pourraient revoir leur soutien à l’Europe après la présidentielle de 2024.

Retrouver des forces morales, disposer de moyens financiers, humains et matériels significatifs, renforcer le lien entre l’armée et la Nation : tels sont les principes qui ont servi d’aiguillons à la préparation de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Madame la ministre, vous le savez, le Sénat a contribué de manière positive à l’élaboration de ce texte et il exerce un contrôle scrupuleux sur son exécution budgétaire.

Or qui dit effort de guerre, économie de guerre et souveraineté dit aussi nécessité de disposer d’une industrie de défense performante et autonome.

En matière de défense, la France peut s’enorgueillir d’avoir su conserver un modèle complet d’armée, mais également une base industrielle et technologique de défense (BITD) allant des grands groupes mondialisés aux PME locales, en passant par des start-up, soit environ 4 000 entreprises.

Cette BITD nous assure une capacité d’agir en toute indépendance, en cohérence avec nos ambitions stratégiques et notre modèle d’armée. Pourtant, plusieurs problèmes viennent assombrir l’avenir de ce secteur, l’un des derniers écosystèmes industriels français, qui est indispensable à toute souveraineté et à la protection de la Nation.

Ces dernières années, la question du financement des entreprises de l’industrie de défense française a été régulièrement soulevée.

Au départ, l’État était dans une certaine forme de déni : la défense ne représentait pas une priorité gouvernementale. Elle avait d’ailleurs parfois plutôt servi de variable d’ajustement dans les budgets du pays.

Pour les banques, il n’y avait pas non plus de problème d’industrie de défense. Pourtant, sous la pression des bouleversements géopolitiques et face au risque de prédations étrangères sur des pépites technologiques, l’État a mis en place de nouveaux outils au bénéfice de la BITD. Ils prennent la forme de financements publics pour aider les entreprises et faciliter l’innovation dans le domaine de la défense.

En ce qui concerne les financements privés, c’est au Sénat en 2020 que le délégué général pour l’armement (DGA) a finalement admis, du bout des lèvres, que des problèmes de « frilosité bancaire » à l’égard des industriels de la défense commençaient timidement à remonter à ses services.

Il a ensuite fallu un long travail d’objectivation du phénomène, ainsi que de multiples auditions et apports du Sénat et de l’Assemblée nationale… Le Gouvernement, il faut le souligner, suit désormais de près ce sujet, via notamment les informations remontées par la direction générale pour l’armement, la Banque publique d’investissement (BPI) et l’Agence de l’innovation de défense (AID).

Les constatations convergent sur de nombreux points. Il en a été conclu que les difficultés d’accès aux financements représentent une menace directe pour notre souveraineté. C’est le point qu’il faut retenir et qui est à l’origine du texte qui vous est aujourd’hui soumis, mes chers collègues.

Des cas de refus explicites de financement ou d’ouverture de compte en raison d’une appartenance au secteur de la défense ont été signalés, et même des enregistrements produits, dans la mesure où ces refus sont parfois présentés oralement.

Il n’existe aucune obligation pour les établissements bancaires de motiver leurs refus de financement. Certaines entreprises ne veulent pas communiquer sur le sujet, pour ne pas divulguer d’informations sur leur santé financière à de potentiels concurrents ou prédateurs.

Des groupes bancaires ont fait le choix d’exclure purement et simplement les entreprises du secteur de la défense de leur politique d’investissement. D’autres excluent le soutien au commerce des « armes controversées », notion fourre-tout, qui n’est pas véritablement définie et qui émane essentiellement de certaines organisations non gouvernementales (ONG).

La Banque européenne d’investissement (BEI), institution publique, a également exclu de son champ de financement les munitions et les armes, ainsi que les équipements ou infrastructures militaires ou policiers, sans véritable base textuelle.

Les PME et les ETI sont celles qui rencontrent les principales difficultés de financement, car elles sont plus fragiles, moins structurées, parfois en carence de fonds propres et ne disposant pas toujours d’experts export ou de compliance.

Pour assurer leur développement, elles ont besoin de fonds, qui leur sont parfois refusés, alors que les grands groupes arrivent toujours à se financer. Il s’agit essentiellement des pure players de la défense, qui ne disposent pas d’activités civiles pour compenser et/ou de ceux qui ne font pas partie de la chaîne de fournisseurs de ces grands groupes industriels.

À la suite de la crise sanitaire, les grands groupes ont aussi pris conscience des risques pour la pérennité de leurs propres activités que représente la défaillance de leurs sous-traitants et fournisseurs, en particulier les plus critiques, faute de financement. Ce fut notamment le cas de la filière aéronautique.

Le contexte réglementaire complexe dans lequel les banques évoluent est régulièrement mis en avant pour justifier leurs réticences. Celles-ci doivent, il est vrai, faire face à deux risques principaux : un risque juridique, lié à l’application ou à la surinterprétation de règles environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), et un risque réputationnel, entretenu par des lobbies qui incitent, souvent de manière agressive, à se désinvestir du secteur de la défense, sur le fondement de raisons prétendument éthiques. Nos banques d’envergure internationale sont les plus exposées.

Le financement d’opérations d’export est particulièrement difficile pour des entreprises disposant pourtant d’une autorisation de l’État sous la forme d’une licence d’exportation délivrée, après une procédure rigoureuse, par la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG).

Ces travaux parlementaires ont permis d’objectiver le phénomène, d’appeler l’État à agir et d’inviter au dialogue entre deux mondes qui se connaissaient mal : d’une part, la finance, portée aujourd’hui par la finance verte, mais aussi, depuis toujours, par un besoin de retour sur investissement rapide ; d’autre part, l’industrie de défense, avec des spécificités qui peuvent inquiéter les banques, comme la dépendance à la commande publique, les cycles longs, les investissements souvent lourds, la rentabilité faible, les exportations vers des pays « exotiques », etc.

Nous avions – je le dis poliment, mais je le dis tout de même – prévu un dispositif dans la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030 ; il a été censuré par le Conseil constitutionnel. Nous avons réitéré en loi de finances ; nouvelle censure du Conseil constitutionnel. C’est ce qui motive – vous l’avez compris, mes chers collègues – ma démarche aujourd’hui. La présente proposition de loi reprend le principe qui avait déjà été voté par notre assemblée, moyennant quelques amendements du rapporteur de la commission des finances.

L’enjeu est important : la BITD a pour finalité non pas de produire ou de vendre des armes, mais d’assurer l’autonomie stratégique de la France. Puissance publique, banque, investisseurs privés, épargnants… Ne négligeons aucune piste ; il y va aussi de la résilience de la Nation face à l’adversité.

C’est pour toutes ces raisons objectives que je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Dominique de Legge, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quelques mois seulement, nous approuvions la nouvelle loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030.

Nous avions longuement débattu de la nécessité de soutenir les entreprises de la BITD. Le ministre des armées, M. Sébastien Lecornu, avait lui-même évoqué la nécessité de donner de la visibilité à notre BITD, de la protéger et de la promouvoir. Il avait également exprimé son soutien aux dispositions proposées par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat pour développer des mécanismes, afin de mieux financer les entreprises concernées, en particulier les PME.

Ces dispositions faisaient suite aux importants travaux de nos collègues Pascal Allizard et Gisèle Jourda, ainsi que de notre ancien collègue Yannick Vaugrenard.

Je tiens d’ailleurs à saluer tout particulièrement Pascal Allizard, auteur de la proposition de loi, et Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui est également rapporteur pour avis.

Tous les trois, nous avons travaillé ensemble pour enrichir le texte que nous examinons aujourd’hui. Je les remercie de leur implication. Ils alertent depuis de nombreuses années sur les difficultés que peuvent rencontrer les entreprises de l’industrie de défense, pourtant cruciales pour notre sécurité, mais aussi pour notre économie. S’ils ont parfois eu l’impression que leurs alertes ne rencontraient que peu d’écho, les choses commencent, semble-t-il, à évoluer.

Quels sont les besoins de financement de ces entreprises ? J’en distinguerai trois.

Le premier, c’est l’accès au crédit, le financement bancaire, essentiel pour la gestion par les entreprises de leur trésorerie, de leurs stocks et pour la modernisation de leurs chaînes de production. Sur ce point, les acteurs entendus en audition se sont accordés pour dire que les choses vont mieux depuis deux ans, le début de la guerre en Ukraine ayant marqué un vrai changement d’approche. Je relève ici l’apport du réseau des « référents défense » dans les grands établissements bancaires, en lien avec la direction générale de l’armement.

Pour autant, aller mieux, ce n’est pas aller bien. Certaines entreprises font encore face à la frilosité des banques, qui craignent pour leur image ou imposent des exigences de conformité bien au-delà de ce que prévoient les textes.

Le deuxième enjeu, c’est l’accompagnement à l’export. Les contrats sont complexes. Là aussi, les banques sont parfois réticentes à se lancer dans ces dossiers. Plusieurs outils ont néanmoins été mis en place par la puissance publique pour accompagner les entreprises, par l’intermédiaire de garanties et d’assurances.

Ces dispositifs sont gérés au nom et pour le compte de l’État par Bpifrance Assurance Export. S’ils sont ouverts à l’ensemble des sociétés, ils bénéficient plus particulièrement aux entreprises de la défense. Le secteur militaire représente 40 % des encours de crédits export garantis, qui s’élevaient à 65 milliards d’euros en 2022.

Le troisième enjeu, et le plus pressant aujourd’hui, ce sont les fonds propres. Cette difficulté est loin d’être réglée. Elle affecte de manière disproportionnée les entreprises de la base industrielle et technologique de défense.

Le capital investissement est quasiment inexistant dans le secteur de la défense en France et en Europe. Les outils publics gérés par Bpifrance se révèlent insuffisants pour combler les faiblesses du secteur privé. Or, faute d’un volume d’investissements suffisant, les entreprises de la BITD n’ont pas d’autre choix que de renoncer à leurs projets ou de se tourner vers des financements extraeuropéens.

Comment cette faiblesse peut-elle s’expliquer ?

Tout d’abord, il y a une incompréhension autour de la réglementation applicable en matière ESG. Alors qu’aucune réglementation française ou européenne n’exclut la défense, les fonds d’investissement se sont autoexclus.

Ensuite, le signal envoyé par les institutions européennes est particulièrement négatif. Le Fonds européen d’investissement (FEI) de la BEI interdit de financer les munitions, les armes, ainsi que les équipements ou infrastructures militaires ou policiers.

Surtout, il impose ces exclusions aux fonds d’investissement qui participent à ses tours de table. Par ailleurs, même si la France a obtenu la mise en place d’un mécanisme de fonds propres dans le domaine de la défense, celui-ci est réservé aux seules entreprises dont moins de 50 % du chiffre d’affaires sont liés à la défense.

Cette attitude, mes chers collègues, est d’autant plus inexplicable – j’insiste sur ce point – que le commissaire européen Thierry Breton parle de consacrer 100 milliards d’euros à la défense et que la présidente de la commission, Mme von der Leyen, affirmait récemment que l’enjeu des prochaines années pour l’Europe était la défense.

Enfin, la France se heurte aux réticences de certains de ses partenaires européens ; je pense notamment à l’Allemagne. J’espère néanmoins, et Mme la ministre pourra nous le confirmer, que la France continuera son action pour assouplir la doctrine d’intervention de la Banque européenne d’investissement.

La proposition de loi s’inscrit dans ce contexte et entend apporter une première réponse aux difficultés de financement. Elle prévoit de flécher une partie des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS) non centralisés auprès de la Caisse des dépôts vers le financement des entreprises de l’industrie de défense française. J’y insiste, il s’agit des encours non centralisés, les fonds affectés au logement social n’étant absolument pas concernés.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le Sénat est amené à examiner ces deux dispositions. Elles ont été votées à deux reprises par notre assemblée, en loi de programmation militaire et en loi de finances pour 2024. C’est grâce à la commission des affaires étrangères et de la défense que le sujet avait été introduit dans la LPM.

Or, dans les deux cas, le Conseil constitutionnel a censuré les mesures adoptées, pour de strictes raisons de forme, considérant qu’il s’agissait de cavaliers. Cette difficulté est désormais levée, avec un véhicule législatif propre.

Madame la ministre, je ne doute pas que le Gouvernement apportera son plein soutien à un tel dispositif. En effet, voilà deux mois à peine, il avait décidé de reprendre ces dispositions dans le projet de loi de finances pour 2024, pour lequel il avait engagé sa responsabilité en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Mes chers collègues, je terminerai en vous présentant les trois grandes modifications apportées par la commission au texte initial de la proposition de loi.

Tout d’abord, nous avons réécrit l’article 1er, afin que le nouvel objectif de financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense n’empiète pas sur les cibles aujourd’hui allouées aux encours non centralisés du livret A et du LDDS. Je sais que cela répondra à l’inquiétude de plusieurs d’entre vous : les sommes allouées au financement de la transition écologique et de l’économie sociale et solidaire ne sont en aucun cas concernées.

Ensuite, nous avons explicité les missions de Bpifrance en faveur des entreprises de l’industrie de défense française.

Opérateur du soutien au financement des entreprises et de l’innovation, Bpifrance gère aujourd’hui de très nombreux dispositifs de soutien aux entreprises. Pour autant, depuis sa création, en 2005, le contexte géopolitique a évolué. Il nous paraît important de mentionner sa contribution à l’économie de guerre, dans le droit fil de la LPM.

Enfin, nous avons complété le rapport prévu à l’article 2 de la proposition de loi. Cette évaluation est primordiale. Elle doit permettre tant d’avoir une idée objective des besoins de financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense que d’aborder l’ensemble des problématiques auxquelles ces entreprises peuvent être confrontées.

Le rapport sera l’occasion de passer en revue les outils existants et d’évaluer l’opportunité d’en créer de nouveaux. Je pense ici, par exemple, aux garanties et assurances à l’export, à des outils de renforcement des fonds propres ou encore à la création d’un plan d’épargne dédié au secteur de la défense, qui fait d’ailleurs l’objet amendements. Il est nécessaire de disposer au plus tôt des outils les plus appropriés.

Enfin, au regard de l’importance de la réglementation européenne sur les critères ESG et de son impact sur les entreprises de la défense, le Gouvernement devra présenter les actions qu’il a menées pour que le financement de la défense soit davantage pris en compte, y compris au sein de la Banque européenne d’investissement.

Mes chers collègues, je vous appelle désormais à soutenir ce texte, qui envoie un signal politique clair aux acteurs financiers et institutionnels en faveur du soutien aux entreprises de notre industrie de défense. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)