M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.

Mme Lauriane Josende. Je serai à vos côtés demain, nous échangerons ensemble avec les élus et vous pourrez prendre vous-même la température… Nous n’avons pas besoin de mesurettes ni d’effets d’annonce, nous avons besoin d’un engagement fort.

Les mesures à un milliard d’euros ou à un demi-milliard ne sont même pas chiffrées, puisqu’aucune étude n’a été réalisée. Commençons donc par le commencement : engagez-vous au moins à étudier ce projet si l’on veut un jour pouvoir le réaliser. Personne n’imagine que le tuyau se fera du jour au lendemain. Tout le monde consent à faire des efforts au quotidien. Montrons que l’action publique a encore un sens. Il y va de l’avenir politique et de la survie économique de ce département ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

dispositif france ruralités revitalisation

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Dumont. Monsieur le ministre, le dispositif de zonage appelé « zone de revitalisation rurale » (ZRR) prendra fin, pour nos communes rurales, le 30 juin 2024. À compter du 1er juillet suivant, un nouveau dispositif, appelé zones « France Ruralités Revitalisation » (FRR), verra le jour pour le remplacer.

Pour autant, il semble y avoir plusieurs difficultés dans le passage de relais entre les deux dispositifs.

Ainsi, pour le département du Var, dont je suis élue, 30 communes doivent être zonées « FRR », ce dont nous pouvons nous réjouir, mais 13 petites communes se retrouveront sans solution de substitution, c’est-à-dire en sortie « sèche ».

Cette question se pose partout en France. C’est pourquoi, dans son communiqué de presse, du 14 mars dernier, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) « propose au Gouvernement un moratoire ouvert à toutes les communes qui le demandent », comme « celui que l’État a admis pour les communes de Saône-et-Loire, afin de permettre un réexamen de leur situation ».

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-il accompagner l’ensemble des communes sortant du dispositif ZRR ? Seriez-vous prêt à envisager, comme le propose l’AMF, « un moratoire ouvert à toutes les communes qui le demandent » ? Nos maires ont besoin de réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Dumont, permettez-moi d’abord de vous présenter les excuses de la ministre Dominique Faure, en déplacement dans les outre-mer, qui se serait fait une joie de vous répondre elle-même.

Il ne vous aura pas échappé qu’il y a eu sur ce sujet plusieurs épisodes. Le premier s’est passé ici. Sur l’initiative de sénateurs de tous bords, il a été décidé que le dispositif FRR inclurait 17 700 communes. Je salue l’engagement du Sénat, qui a souhaité s’assurer que le nombre de communes accompagnées serait important.

Dans ce contexte, lors de l’application des critères, nous nous sommes rendu compte que certaines communes sortaient du dispositif et que d’autres y entraient. Dans le département du Var, par exemple, il y a des entrants et quelques sortants. Comme à chaque fois qu’il existe des effets de seuil, il faut une capacité d’individualisation et de suivi afin que les préfets puissent prévoir des dispositifs de rattrapage. On me signale, par exemple, le cas de Vinon-sur-Verdon, commune isolée au sein d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui, lui, est zoné FRR, mais, l’EPCI étant situé sur deux départements différents, la situation est difficile à comprendre et à objectiver. Voilà typiquement un cas pour lequel nous nous efforçons d’apporter des réponses.

Un département a effectivement fait l’objet d’un moratoire, car des dizaines de communes y étaient concernées. Cette décision a été prise par le Premier ministre, qui suit personnellement, aux côtés de Dominique Faure, la totalité des dossiers.

Dans votre département, la situation d’une dizaine de communes est examinée de manière extrêmement précise au regard des effets de zonage et des risques de dézonage. La discussion avec l’AMF se poursuit. Dominique Faure sera ravie de redevenir votre interlocutrice dans quelques jours sur le sujet.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour la réplique.

Mme Françoise Dumont. Monsieur le ministre, souvent le Sénat a raison trop tôt. Aujourd’hui, nous en avons encore l’illustration.

En effet, les sénateurs – dont notamment notre collègue, Rémy Pointereau, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet – avaient proposé un mode de calcul du nouveau zonage par commune. Mais le Sénat a accordé sa confiance au Gouvernement et vous avez finalement fait un autre choix.

Le mode de calcul par intercommunalité et bassin de vie, que vous avez choisi, n’est pas adapté, car il suffit d’une commune « riche » pour faire basculer tout un ensemble en dehors du dispositif, en excluant, de facto, des communes rurales qui en auraient pourtant besoin.

N’inventez pas le zonage rural sans les communes rurales ! La bonne solution est celle qui était proposée par le Sénat : il faut « repêcher » l’ensemble des communes laissées sur le bord du chemin et les faire enfin entrer dans le nouveau dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Alain Roiron et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 27 mars 2024, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Alain Marc.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels et de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille
Discussion générale (suite)

Justice patrimoniale au sein de la famille

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille (proposition n° 266, texte de la commission n° 417, rapport n° 416).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille
Article 1er

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux d’être parmi vous alors que Sénat examine, dans l’ordre du jour réservé au groupe Union Centriste, la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en janvier dernier.

L’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat quelques semaines seulement après son adoption par l’Assemblée nationale démontre notre engagement commun en faveur de l’une des grandes causes du quinquennat : la lutte contre les violences conjugales. Je tiens à remercier le président Hervé Marseille, la rapporteure Isabelle Florennes et l’ensemble des sénateurs centristes qui ont permis que la Haute Assemblée procède rapidement à la discussion en séance publique de ce texte important.

Pour être pleinement efficace, cette lutte doit évidemment être menée sur le plan pénal, mais aussi dans d’autres domaines qui peuvent, de prime abord, apparaître moins évidents, comme le droit patrimonial et le droit fiscal.

La proposition de loi que vous allez examiner s’inscrit dans ce cadre, puisqu’elle vise de manière tout à fait opportune à combler une grave carence de notre droit des régimes matrimoniaux.

Je veux ici dire à tous les « pseudo-sachants », juristes de pacotille, qui, sur les réseaux sociaux, se sont empressés de proclamer, avec l’arrogance qui sied aux ignorants, que cette loi était inutile, qu’ils se trompent gravement puisqu’elle vient combler un véritable trou dans la raquette – si vous me permettez cette métaphore tennistique ! (Sourires.)

En l’état du droit, l’époux qui a provoqué ou tenté de provoquer la mort de son conjoint peut, sans encombre, tirer profit des avantages matrimoniaux insérés dans le contrat de mariage qui n’auraient pas produit effet si la victime n’était pas décédée avant lui.

Pour ne citer qu’un exemple, un époux meurtrier peut bénéficier de la clause d’attribution intégrale de la communauté qui lui permet de jouir de la pleine propriété, au décès de son conjoint, de l’ensemble des biens communs. C’est un comble !

Cette lacune de notre droit est tout simplement insupportable et injuste, et un époux meurtrier ne devrait jamais pouvoir tirer un quelconque bénéfice de son crime.

Je salue donc l’initiative du député Hubert Ott, qui a déposé ce texte sur le bureau de l’Assemblée nationale il y a quelques semaines, ainsi que le travail de coconstruction entre les rapporteures de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’une part, et mon ministère, d’autre part : leur collaboration a permis d’améliorer et d’enrichir ce texte particulièrement technique et complexe, afin de toujours mieux protéger l’époux victime.

Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi, tel que l’a adopté votre commission des lois, crée un nouveau régime juridique, celui de la déchéance matrimoniale, qui est parfaitement autonome de celui de l’indignité successorale et de l’ingratitude.

Les problématiques au sein du couple étant différentes de celles que l’on rencontre dans le cadre du droit des successions ou du droit des libéralités, la création d’un dispositif distinct se justifie pleinement, afin d’assurer une protection adaptée des victimes.

La navette parlementaire et le travail de votre commission ont permis de renforcer et de sécuriser ce nouveau régime juridique de la déchéance matrimoniale, en allant encore plus loin dans la protection des victimes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la France, au cours de ces dernières années, en particulier ces derniers mois, est bel et bien au rendez-vous de la protection des victimes de violences intrafamiliales.

Votre vote mettra, je l’espère, un terme à une aberration de notre droit, afin que désormais il n’y ait plus, plus jamais, de prime au crime ! (Applaudissements sur toutes les travées.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour débattre de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille.

Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, nous avions examiné des amendements visant à revoir les conditions d’examen des décharges de responsabilité solidaire (DRS), défendus par nombre d’entre vous. Je m’étais engagé à travailler sur le sujet. C’est chose faite, et je salue le travail des députés Perrine Goulet et Hubert Ott et de la sénatrice Isabelle Florennes.

Ce travail collectif, auquel nous avons collaboré dès le mois de décembre, nous permet aujourd’hui d’examiner une solution dont je souhaite vous détailler les conditions de mise en œuvre par l’administration fiscale.

En l’état actuel du droit, existe une procédure, la décharge de responsabilité solidaire, qui représente environ 200 demandes par an, dont moins de la moitié sont refusées. Ces refus tiennent à l’absence de disproportion marquée entre le patrimoine et la dette fiscale dont la personne est tenue solidairement responsable avec son conjoint.

Dès lors qu’il n’y a pas de caractère disproportionné, un conjoint peut être tenu de rembourser une dette fiscale contractée par son partenaire à son insu y compris en recourant à des mécanismes de fraude. Dans la plupart des cas, ce sont les femmes qui sont tenues de rembourser, alors même que, le plus souvent, ce sont aussi elles qui subissent un préjudice financier au moment du divorce ou de la séparation. C’est en quelque sorte la double peine.

Ces situations, particulièrement difficiles, peuvent plonger des femmes, mais aussi des hommes, dans un état de désarroi et de détresse. Nous devons les prendre en compte.

Il nous faut bien entendu inscrire nos travaux sur les évolutions de la décharge de responsabilité solidaire dans le cadre constitutionnel. Je sais que la commission des lois est particulièrement vigilante sur ce point.

C’est pourquoi, à l’issue du travail mené en janvier, l’Assemblée nationale a décidé de mettre en place un dispositif complémentaire : la faculté pour la personne victime de solliciter une décharge gracieuse de la dette fiscale pour laquelle elle est solidairement tenue responsable. Je souhaite prendre d’ores et déjà trois engagements pour la mise en œuvre de cette disposition complémentaire.

Premièrement, cette procédure complémentaire sera appréciée indépendamment de tout critère de disproportion marquée entre le patrimoine et la dette fiscale, qui représente la principale raison de refus des demandes de DRS. Il s’agit donc d’un apport majeur de nature à répondre à des situations humaines particulièrement difficiles.

Deuxièmement, cette procédure doit nous permettre de prendre en considération l’origine des revenus frauduleux. Dans beaucoup de cas, la personne découvre des revenus, des activités de son conjoint dont elle n’avait pas connaissance. Je demanderai à l’administration fiscale d’en tenir compte dans l’instruction des dossiers de décharge gracieuse. Il n’est pas juste qu’un conjoint soit tenu responsable de dettes dont il n’avait pas connaissance.

Troisièmement, la situation individuelle de la personne sera prise en compte, notamment en cas de violences conjugales, de séparation brutale, d’abandon du domicile conjugal, d’entrave au partage des biens conjugaux ou de non-versement de la prestation compensatoire prévue par le juge matrimonial.

Ces engagements, je les prends devant vous avec solennité et détermination pour vous convaincre de notre volonté sans faille de faire avancer la justice fiscale entre les femmes et les hommes. (Mme Laure Darcos applaudit.)

C’est le fruit d’échanges nourris avec les associations engagées sur le sujet, notamment le collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale, auquel je rends un hommage appuyé pour son implication et le combat qu’il mène au nom de toutes les femmes.

S’agissant de la décharge de responsabilité solidaire, sur laquelle plusieurs amendements ont été déposés, je souhaite prendre un autre engagement : dans la phase de recouvrement, les biens acquis avant le mariage et issus d’un héritage ne seront pas recherchés pour une personne tenue solidairement responsable d’une dette fiscale.

Ce sont ces deux procédures – décharge de responsabilité solidaire et décharge gracieuse de la dette fiscale – et la façon de les mettre en œuvre qui nous permettront de répondre aux situations difficiles et parfois injustes que j’ai évoquées.

Par ailleurs, si vous adoptez ce texte, j’aurai à cœur de travailler sur deux autres points lors de la suite de nos travaux.

D’abord, les engagements que je prends devant vous seront traduits dans la doctrine fiscale, qui est opposable à l’administration. D’ici à sa publication, un échange sera conduit entre les associations engagées sur le sujet et mes services, pour préciser les grands critères que je vous présente aujourd’hui. Cela permettra d’alimenter et d’adapter la doctrine fiscale, sur laquelle les acteurs du sujet seront à nouveau consultés juste avant sa publication.

Ensuite, la nouvelle procédure de décharge gracieuse sera applicable de façon rétroactive. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens. C’est le signe de notre volonté et de notre ambition : apporter une réponse aux victimes qui ont déjà engagé des démarches et auxquelles le dispositif actuel de DRS n’a pu apporter de réponse.

Ces engagements, je les prends devant vous et je souhaite que nous les suivions ensemble pour veiller à leur bonne application. Si ce texte est adopté, nous serons en mesure, d’ici au prochain projet de loi de finances, d’en apprécier l’application pour vérifier qu’elle est conforme à notre intention.

La lutte contre les violences faites aux femmes et pour l’égalité entre les femmes et les hommes est, depuis bientôt sept ans, une priorité du Président de la République et des gouvernements successifs. Depuis sept ans, les avancées se sont succédé : la dernière en date est celle du 8 mars dernier, avec l’inscription de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. (M. le garde des sceaux opine.)

Si ces avancées sont autant de combats gagnés en faveur de l’égalité, il reste encore du chemin. Nous avons déjà adopté en PLF le taux individualisé par défaut pour le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, défendu par Marie-Pierre Rixain. Dès l’année prochaine, le budget de la France intégrera davantage les enjeux de l’égalité entre les hommes et les femmes, sous l’impulsion de Sandrine Josso, Céline Calvez et Véronique Riotton.

Désormais, notre objectif est que la solidarité fiscale cesse d’être un fardeau pour les femmes. Avec ce texte, nous conjuguons encore un peu plus la fiscalité avec l’égalité.

Grâce à votre action et à celle des sénateurs, monsieur le garde des sceaux, nous faisons aussi un pas supplémentaire en mettant fin à un monde dans lequel un homme qui tue sa femme peut récupérer, au décès de son conjoint, l’ensemble des biens qui appartenaient au couple.

Ce texte est donc une avancée majeure au service des droits des femmes. Nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et SER.)

Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen n’usurpe pas son intitulé : elle fait bien œuvre de justice en comblant des lacunes de notre droit dont la permanence n’est explicable que par un oubli du législateur que nous ne pouvons que regretter.

Réparer ces oublis me paraît en cela salutaire et je tiens à affirmer mon soutien sans réserve au texte tel qu’il a été adopté par notre commission des lois. Celle-ci a en effet travaillé dans deux directions.

Premièrement, la commission s’est attachée à sécuriser juridiquement certaines dispositions du texte qui lui sont apparues problématiques. Outre l’apport de précisions rédactionnelles et sans prétendre à l’exhaustivité, elle a tâché d’élargir et de pérenniser la portée de la disposition prévue à l’article 1er bis relative à l’irrévocabilité de la clause d’exclusion des biens professionnels. Nous y reviendrons dans le cadre de la discussion, mais il me semble que nous avons trouvé une rédaction robuste, attendue de certains justiciables injustement lésés, ainsi que d’un grand nombre de professionnels, des notaires aux magistrats, en passant par les avocats.

Afin de sécuriser juridiquement les dispositions de la présente proposition de loi, la commission est également revenue sur des dispositifs lui paraissant excéder l’intention des auteurs du texte. Il nous a en particulier paru nécessaire de supprimer l’ajout opéré à l’Assemblée nationale de la disposition prévoyant que, dès lors qu’un époux est déchu du bénéfice des avantages matrimoniaux, toute clause stipulant un apport à la communauté par l’époux défunt de biens propres est réputée non écrite. En remettant en cause des avantages matrimoniaux prenant effet pendant le mariage et non à la dissolution du régime, une telle disposition remettrait en cause le droit de propriété de l’époux déchu sur des biens acquis et sur lesquels il exerce déjà une jouissance. Sa constitutionnalité paraissant incertaine et son application concrète source de complexités, nous avons préféré supprimer cette mesure.

Deuxièmement, la commission s’est attachée à donner toute son ampleur à un geste législatif parfois inopportunément interrompu.

À cet égard, la commission a tout d’abord souhaité compléter le dispositif de déchéance matrimoniale prévu à l’article 1er de la proposition de loi, en apportant une réponse aux cas d’emprise. La commission a ainsi supprimé une disposition de « pardon » par l’époux victime du conjoint maltraitant, voire meurtrier, et étendu l’obligation faite à l’époux déchu de rendre les fruits et revenus d’un avantage matrimonial dont il a eu la jouissance depuis la dissolution du régime matrimonial à tous les cas de déchéance, y compris ceux qui sont prononcés à titre facultatif.

La commission a également souhaité assouplir quelque peu les conditions d’octroi de la décharge de responsabilité solidaire en matière fiscale, en prévoyant la suppression des exceptions au principe d’une décharge totale des pénalités d’assiette et intérêts de retard, qui ne se justifient pas dès lors qu’elles font peser sur le conjoint ou l’époux vertueux la charge indue de la sanction du comportement frauduleux de son époux ou conjoint.

Si la plupart des dispositions du présent texte me paraissent parfaitement consensuelles, l’essentiel de notre discussion portera sur ce dernier point. Les conditions d’octroi d’une décharge de responsabilité solidaire ont ainsi fait l’objet de plusieurs amendements.

Sur ce sujet, sans préjuger du vote de notre assemblée, je souhaite attirer votre attention, chers collègues, sur plusieurs points.

En premier lieu, dans sa version issue des travaux de la commission, le texte prévoit déjà des avancées notables. C’est tout particulièrement le cas de la possibilité d’une décharge à titre gracieux, qui doit précisément permettre à l’administration fiscale de tenir compte de cas de femmes qui, bien que solvables, sont placées, par la violence de leur conjoint, l’ampleur de la fraude qu’il a commise ou leur méconnaissance de cette dernière, dans une situation telle qu’il est injustifié de leur demander le paiement solidaire de la dette fiscale contractée à leur insu par leur conjoint.

J’ai écouté, monsieur le ministre délégué, les précisions que vous avez apportées sur la doctrine qui sera transmise à votre administration fiscale ainsi que vos engagements. Vos réponses étaient en effet attendues ; il me semble qu’elles devraient rassurer certaines victimes sur les suites données à leur demande.

En second lieu, je souhaite que nous prêtions une attention particulière à toute modification législative supplémentaire en la matière : nous ne saurions, par l’adoption d’une disposition inconstitutionnelle rapidement censurée ou d’un dispositif inopérant, créer des attentes vouées à être déçues. Soyons donc prudents : le sujet me paraît trop grave pour que nous fassions preuve d’une quelconque légèreté.

Dès lors, il me semble que la législation en la matière ne saurait, sauf à la vider de son sens, être modifiée dans son économie générale. Si des ajustements sont envisageables, nous pouvons certes les apporter ; mais je tiens surtout à souligner le rôle qui incombera à l’administration fiscale, sous votre responsabilité, monsieur le ministre délégué, dans l’appréciation, au cas par cas, de la situation de chacun des demandeurs. Je fais d’ailleurs confiance à ses agents pour mener à bien cette nouvelle mission, mais également à notre assemblée pour en contrôler la mise en œuvre future : la confiance n’exclut pas le contrôle !

Je vous propose donc, chers collègues, d’adopter la présente proposition de loi.

Je remercie enfin Hubert Ott et Perrine Goulet pour leur excellent travail à l’Assemblée nationale et pour les avancées qu’ils ont apportées à ce texte, notamment au bénéfice des femmes. Je remercie également mes collègues du groupe Union Centriste de m’avoir fait confiance et d’avoir soutenu l’inscription de ce texte à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, chers collègues, la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner est très attendue, tant par la jurisprudence et la doctrine juridique que par les associations et les syndicats de notaires.

Le mot de « justice » au sein de son intitulé n’est en rien disproportionné avec le dispositif proposé.

C’est en effet un texte important, qui vise à améliorer sensiblement la protection patrimoniale des personnes liées par le mariage ou par un pacte civil de solidarité (Pacs), quand l’article 1er résout une lacune grave de notre droit civil.

Au nom des membres du groupe RDSE, je félicite les députés qui ont adopté ce texte à l’unanimité ainsi que Mme la rapporteure pour le travail qu’elle a réalisé et qui répond aux attentes formulées à l’endroit de cette proposition de loi.

L’article 1er ne suscite aucune contestation de notre assemblée sur le fond. Le droit positif conduit à une situation « proprement intolérable, ubuesque, injuste » pour reprendre vos mots, monsieur le garde des sceaux. C’est une disposition urgente et nécessaire, que nous avons pleinement approuvée dans son principe en commission, et dont nous avons renforcé la portée, afin de prémunir les victimes d’une potentielle situation d’emprise. La fin de cette prime au crime est un impératif de justice.

La suppression de l’article 1er bis A a été justifiée par la rapporteure, qui a fondé son raisonnement sur le fait que le texte proposé était déjà en partie satisfait et sur la charge disproportionnée qu’une telle mesure ferait peser sur l’époux survivant.

L’article 1er bis, ajouté par les députés, a fait l’objet d’un consensus au sein de notre commission. Il vise à exclure les biens professionnels du calcul de la créance de participation dans le cadre d’un divorce si telle est la volonté des époux.

Cet article, attendu par la Cour de cassation, va certes dans le bon sens, mais les auteurs de doctrine soulèvent qu’il était possible d’aller plus loin. Multiplier les exceptions à la révocabilité des clauses matrimoniales ne nous exemptera pas de repenser le principe posé par l’article 265 du code civil.

Enfin, les articles 2 et 2 bis concernent la décharge de responsabilité solidaire d’un des époux au regard des dettes contractées par son conjoint dans certains cas spécifiques. C’est encore une fois une exigence de justice.

La solidarité fiscale des époux ou des partenaires d’un Pacs peut donner lieu à des situations dont les femmes sont les principales victimes.

D’une part, il est proposé d’élargir la marge de manœuvre de l’administration fiscale afin de proposer des réponses adaptées à la spécificité des situations, et donc de mieux protéger les personnes.

D’autre part, l’ajout de la commission vise à renforcer la protection des époux en supprimant les exceptions à la décharge de paiement en cas de décharge de responsabilité solidaire lorsque l’un des époux a eu un comportement frauduleux à l’égard de l’administration fiscale.

Bien que nous traitions ici seulement des conséquences civiles d’un comportement répréhensible, cet ajout proposé par la rapporteure me semble découler du principe de responsabilité individuelle en droit pénal. C’est une mesure juste.

Même unis par un régime matrimonial, les époux ne peuvent être considérés comme solidaires dans la responsabilité des conséquences civiles d’infractions commises par l’un d’eux, particulièrement lorsque l’époux victime se retrouve souvent à devoir assumer seul les charges parentales.

Ainsi, eu égard aux avancées importantes qui sont proposées, le groupe RDSE votera à l’unanimité le principe de cette initiative parlementaire et les modifications apportées jusqu’ici par notre commission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)