M. Francis Szpiner, rapporteur. Voilà !

M. Laurent Somon. C’est ce qu’expliquait la cheffe du Gouvernement lors d’un point presse.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mais, depuis, il y a eu les débats de l’Assemblée nationale !

M. Laurent Somon. Monsieur le garde des sceaux, sur ce sujet, il n’y a pas de totem ; nous ne sommes pas mus par une volonté de répression.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je m’exprimais sur les peines planchers, pas sur le reste…

M. Laurent Somon. Vous m’avez tout de même interpellé sur ce sujet et je me dois donc d’y revenir : il ne s’agit pas de faire de l’incarcération l’alpha et l’oméga de la sanction. Je l’ai dit à la tribune : il faut surtout que la sanction soit comprise. Le coupable doit mesurer les dégâts, les blessures qu’il a infligés à d’innocentes victimes et à leur famille.

Or, en l’état actuel du droit, une personne qui a tué sur la route après avoir consommé de l’alcool ou de la drogue peut, dès sa condamnation, rentrer chez lui grâce à un aménagement de peine. Dans le cas que j’ai cité, il ne subit pas la moindre privation de liberté ; il est en outre dispensé de toute amende. Le soir qui suit le jugement, il retrouve ses enfants ; il s’installe avec eux sur son canapé pour regarder la télévision. Pensons un instant à ce que vit au même moment la famille endeuillée…

Dans ces conditions, comment le coupable peut-il mesurer les conséquences matérielles et surtout humaines de ses actes ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mes chers collègues, je ne vous étonnerai pas en vous disant que les membres du groupe socialiste voteront l’amendement n° 39. S’il n’est pas adopté, nous voterons les amendements identiques nos 3 rectifié et 32 rectifié, même si leur rédaction est à nos yeux moins satisfaisante.

Je tiens aussi à relever un désaccord entre M. le rapporteur et nous, sans doute plus significatif qu’il n’y paraît.

Tous les deuils se valent, mais tous les actes répréhensibles ne se valent pas…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bien sûr : c’est pour cela que l’on fait la distinction !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On ne peut pas considérer que quelqu’un qui, au volant de son véhicule, tue involontairement a le même degré de responsabilité et, partant, encourt le même degré de sanction que quelqu’un dont l’acte présente des circonstances aggravantes.

M. Olivier Rietmann. Mais c’est bien ce que dit M. Somon !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le rapporteur, tous les responsables n’ont pas le même degré de culpabilité. Voilà pourquoi notre amendement tend à distinguer les homicides routiers avec circonstances aggravantes des homicides involontaires.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié et 32 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Somon, Mmes Borchio Fontimp et Estrosi Sassone, MM. Mandelli, Bazin et Burgoa, Mme Belrhiti, MM. Paccaud et Khalifé, Mme Muller-Bronn, M. Reynaud, Mme Lassarade, M. Genet, Mme Gruny, MM. Belin, J. M. Boyer, Sido et Pernot, Mmes Deseyne, Lopez, Dumont et Imbert, MM. Karoutchi, Savin et Saury et Mme Josende, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 221-6-1-…. - Par dérogation à l’article 132-25 du présent code et aux articles 723-1, 723-15 et 747-1 du code de procédure pénale, une peine d’emprisonnement prononcée en application des articles 221-6-1-1 ou 221-6-1-2 ne peut être exécutée pendant tout ou partie des six premiers mois sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur que si la personne condamnée était mineure au moment des faits. » ;

La parole est à M. Laurent Somon.

M. Laurent Somon. Ces dispositions sont issues de la proposition de loi que j’ai déposée avec Alexandra Borchio Fontimp, Jean Sol et de nombreux autres collègues, membres en particulier du groupe Union Centriste.

Lorsqu’un accident de la route a provoqué la mort d’autrui, nous proposons d’introduire une exception au principe énoncé à l’article 132-25 du code pénal, selon lequel les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à six mois font l’objet en principe d’un aménagement ab initio, prenant la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’un placement à l’extérieur ou d’une semi-liberté.

Pour que la peine soit réellement compréhensible et plus dissuasive, l’auteur d’un accident mortel doit passer au moins six mois en prison ou, en tout cas, dans un lieu de privation de liberté ; il pourrait en sortir pour travailler dans la journée, pour y revenir le soir au plus tôt. On ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé, qui plus est en cas de circonstances aggravantes.

En ce sens, notre amendement vise à tirer les conséquences de la création de l’homicide routier, nouvelle qualification des homicides involontaires résultant d’un accident de la route en présence de certaines circonstances aggravantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Mon cher collègue, dès lors que la commission a introduit la notion de peine plancher – je sais que ce point est largement contesté –, votre amendement me semble satisfait : j’en sollicite donc le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ai déjà exprimé mon opinion sur un tel refus de tout aménagement de peine.

Monsieur le sénateur, j’ai entendu ce que vous disiez à propos du chagrin des familles, mais le code pénal, pardonnez-moi de vous le dire ainsi, ce n’est pas que cela.

Vous risquez de transformer un texte consensuel en texte d’exception : non seulement vous réintroduisez les peines planchers, mais vous souhaitez proscrire tout aménagement de peine. Or les aménagements sont faits pour tous ceux qui ont été condamnés et sont laissés à l’appréciation du magistrat.

C’est moi – je vous le rappelle – qui ai supprimé les réductions de peine automatiques : ces mesures viennent désormais récompenser des efforts de réinsertion ou de bons comportements en détention.

Votre majorité avait permis, en son temps, un aménagement de peine à partir de deux ans de prison ferme. Pour ma part, j’ai réduit cette durée à un an.

Pour ce qui est de la sévérité, je me suis montré très clair et j’assume totalement les propos que j’ai tenus. Cela étant dit, à mon sens, on ne peut instaurer un dispositif à ce point dérogatoire.

Je suis donc évidemment défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mon cher collègue, j’ai relu avec attention le dispositif de votre amendement, n’étant pas sûre de l’avoir bien compris. Vous parlez de la nécessité d’une privation de liberté tout en évoquant la détention à domicile ou encore la semi-liberté : j’y vois comme une contradiction.

En outre, vous ne prévoyez cette possibilité que si le coupable est un mineur ; c’est en tout cas ce que je lis : la peine « ne peut être exécutée » sous ces régimes « que si la personne condamnée était mineure au moment des faits ».

M. Olivier Rietmann. Il s’agit de semi-liberté !

M. Laurent Somon. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 33 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 17, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre des procédures engagées sur les fondements de la qualification d’homicide routier, les parties civiles sont informées des actes de procédure, notamment lorsque la personne condamnée a interjeté appel ou lorsqu’elle s’est pourvue en cassation. » ;

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement, déposé à la suite de demandes adressées par des associations de familles de victimes, vise tout simplement à améliorer l’information des parties civiles dans le cadre des procédures engagées sur les fondements de la nouvelle qualification d’homicide routier.

M. le président. L’amendement n° 27, présenté par Mmes Silvani et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 80

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Dans le cadre des procédures engagées sur les fondements de la qualification d’homicide routier, les parties civiles sont informées des actes de procédure, notamment lorsque la personne condamnée a interjeté appel ou lorsqu’elle s’est pourvue en cassation. » ;

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Dans le cadre des procédures engagées sur les fondements de la qualification de blessures routières par mise en danger, les parties civiles sont informées des actes de procédure, notamment lorsque la personne condamnée a interjeté appel ou lorsqu’elle s’est pourvue en cassation. »

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à imposer une meilleure information des parties civiles dans le cadre des procédures relatives aux délits routiers.

Les parties civiles doivent être systématiquement informées des appels formés et des pourvois en cassation. Il est primordial de garantir leur prise de parole, que seule cette bonne information est à même d’assurer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. L’information des victimes est évidemment nécessaire ; mais, dès lors que l’on se constitue partie civile, on est censé être assisté d’un avocat, et c’est le rôle de celui-ci de tenir son client informé du déroulement de la procédure. En général, le juge d’instruction notifie les différents éléments aux parties tout au long de l’information judiciaire.

En conséquence, la commission est défavorable aux amendements nos 17 et 27.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous sommes ici au cœur des contradictions de M. le rapporteur.

Nous parlons beaucoup des victimes, mais concrètement que fait-on pour elles ? En l’occurrence, ces amendements visent à garantir qu’elles seront tenues informées de la procédure. Beaucoup d’entre elles déclarent qu’elles ne sont mises au courant de rien après avoir porté plainte.

Ces dispositions sont les bienvenues : je le dis d’autant plus objectivement qu’elles n’émanent pas du groupe socialiste.

Par ailleurs, l’argument du rapporteur, repris par le garde des sceaux, me semble tout de même très étrange. À ce que je sache, une partie civile n’a pas l’obligation d’être représentée par un avocat en matière délictuelle – en matière criminelle, les choses sont un peu différentes –, d’autant que cela coûte de l’argent. D’où tirez-vous que les parties civiles dans un procès de ce type sont nécessairement représentées par un avocat ? Ce n’est pas vrai !

En outre, pensez-vous réellement qu’un avocat passe son temps à consulter le dossier pour vérifier si, par hasard, il n’y trouverait pas un nouvel acte de procédure ? C’est une plaisanterie !

Tout à l’heure, le rapporteur a affirmé que certaines de ses propositions – les peines planchers, en l’occurrence – risqueraient d’alourdir le travail des magistrats, mais que le jeu en valait la chandelle. Il ne peut donc pas nous opposer ici un tel argument.

Je le redis, il est essentiel que les victimes puissent être informées : cet amendement nous offre justement une bonne occasion de nous en assurer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Francis Szpiner, rapporteur. Certes, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire en matière délictuelle. Mais il reste tout de même le juge, qui envoie dans de telles circonstances aux victimes un avis de fin d’information, ou tout autre élément pertinent. Je ne vois pas comment le dispositif ici proposé pourrait se traduire concrètement. Peut-être, mes chers collègues, pourriez-vous nous soumettre une rédaction appropriée et nous expliquer comment vous envisagez de mettre tout cela en œuvre.

À défaut d’une telle explication, je réitère mon avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 27 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 40, présenté par M. Szpiner, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 26

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) L’article 222-19-1 est abrogé.

II. – Alinéa 34

Remplacer la référence :

222-19

par la référence :

222-20

III. – Alinéa 35

Remplacer la référence :

222-19

par la référence :

222-20-1

IV. – Alinéas 79 et 103

Supprimer les mots :

ou pour la contravention mentionnée au même article L. 413-1

La parole est à M. le rapporteur.

M. Francis Szpiner, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il est défavorable, mais simplement par cohérence ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 28, présenté par Mmes Silvani et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 80

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Lorsqu’une condamnation est prononcée sur le fondement de la qualification d’homicide routier, l’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de la procédure pénale, y compris au cours de l’exécution des peines. » ;

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Lorsqu’une condamnation est prononcée sur le fondement de la qualification de blessures routières par mise en danger, l’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de la procédure pénale, y compris au cours de l’exécution des peines. »

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Cet amendement, comme les précédents, a trait à l’information des parties civiles. Plus précisément, il vise à ce que l’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de la procédure pénale, y compris au cours de l’exécution des peines.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Par cohérence avec l’avis que j’ai rendu sur les amendements nos 17 et 27, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il est défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 26, présenté par Mmes Silvani et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 80

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Lorsque la qualification d’homicide routier est retenue, l’audience de jugement a lieu dans un délai compris entre douze et dix-huit mois suivant l’engagement des poursuites sur ce fondement. » ;

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Lorsque la qualification de blessure routière par mise en danger est retenue, l’audience de jugement a lieu dans un délai compris entre douze et dix-huit mois suivant l’engagement des poursuites sur ce fondement. »

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Cet amendement a pour objet de prévoir un délai d’audiencement compris entre douze et dix-huit mois lorsque des poursuites sont engagées sur la base des infractions visées par la présente proposition de loi.

Les délais sont souvent trop longs entre la commission des faits et le jugement ; c’est intolérable pour les victimes et leurs proches. Par ailleurs, avec de tels délais, le sens de la peine tend à disparaître. D’où notre proposition de les réduire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Un délai dont l’irrespect ne peut faire l’objet de sanctions n’a aucun sens. De surcroît, sa durée, comprise entre douze et dix-huit mois, risque de retarder les procédures.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière
Article 1er bis

Après l’article 1er

M. le président. Les amendements nos 24 rectifié et 1 ne sont pas soutenus.

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Wattebled, Mme Lermytte, M. A. Marc, Mme L. Darcos, MM. Chasseing, Grand et Brault, Mme Bourcier, M. Houpert, Mme Romagny, MM. Folliot et Maurey et Mmes F. Gerbaud, Nédélec, Saint-Pé et Jacquemet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la justice pénale des mineurs est complété par un article L. 121-… ainsi rédigé :

« Art. L. 121-…. – Il n’est pas fait application des règles d’atténuation des peines mentionnées aux articles L. 121-5 et L. 121-6 lorsqu’un mineur âgé de plus de dix-sept ans est poursuivi pour une infraction prévue aux articles 221-6-1-1, 221-6-1-2, 222-20, 222-20-1 et 221-20-6 du code pénal. »

La parole est à Mme Corinne Bourcier.

Mme Corinne Bourcier. Par un décret en date du 20 décembre 2023, le Gouvernement a souhaité abaisser à 17 ans l’âge à partir duquel il sera possible de passer le permis de conduire. Cette mesure, mise en œuvre par voie réglementaire, modifie l’article R. 221-5 du code de la route, qui dispose que les personnes qui souhaitent obtenir le permis B doivent être âgées d’au moins 18 ans.

S’il est maintenant possible d’obtenir le permis de conduire plus jeune, il convient d’assumer toutes les responsabilités qui peuvent en découler. Aussi convient-il, dans cette proposition de loi, d’abaisser l’âge de la majorité pénale pour les violences routières, afin que ces jeunes conducteurs soient punis comme les adultes.

À cette fin, le présent amendement vise à créer une exception à l’excuse de minorité pour les délits d’homicide routier et de blessures routières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Premièrement, le juge a toujours la faculté d’écarter l’excuse de minorité, comme il peut d’ailleurs écarter les peines planchers…

Deuxièmement, je ne vois pas comment nous pourrions abaisser la majorité pénale pour les infractions routières, et pas pour d’autres.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L’argument marche aussi contre les peines planchers !

M. Francis Szpiner, rapporteur. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le parallèle que vous faites entre l’excuse de minorité et les peines planchers est audacieux, monsieur le rapporteur – ce soir, vous avez toutes les audaces ! (Sourires.)

M. Francis Szpiner, rapporteur. La flatterie n’arrangera rien ! (Nouveaux sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Plus sérieusement, je veux rappeler que, par une décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002, l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs a été mise au rang des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ; on ne saurait y déroger pour une catégorie particulière d’infractions, au risque de porter atteinte au principe d’égalité.

Le Gouvernement est donc totalement défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne sommes pas favorables à cet amendement, car il repose sur une confusion des concepts.

La majorité est une chose, le droit de passer l’examen du permis de conduire en est une autre. Je rappelle que ce texte a vocation à s’appliquer à tous les accidents impliquant un véhicule terrestre à moteur, y compris les motos et les scooters. Or il est possible de passer son permis de conduire pour les motos à partir de 16 ans. On voit bien que le dispositif ne fonctionne pas !

De deux choses l’une : soit on maintient la majorité pénale à 18 ans pour les infractions routières, soit on va bien plus loin encore ! Mais ce qui nous est proposé n’a pas de sens : il n’est pas possible d’objectiver le choix de fixer la majorité pénale à 17 ans en la matière, car ce n’est pas adapté aux infractions visées par le présent texte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Somon et Sol, Mme Demas, M. Tabarot, Mme Garnier, M. Genet, Mme Pluchet, M. Brisson, Mme Aeschlimann, MM. Bacci, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc, Bruyen et Burgoa, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes Dumont, Evren, Gosselin, Imbert et Josende, M. Laménie, Mme Lopez, M. Milon, Mme Noël, MM. Pellevat, Rapin, Reynaud, Saury, Savin et Sido, Mmes Valente Le Hir et Billon, M. Courtial, Mme Jacquemet et M. Laugier, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 79, il est inséré un article 79-1 ainsi rédigé :

« Art. 79-1. – L’instruction préparatoire est obligatoire pour les délits d’homicide routier et de blessures routières mentionnés aux articles 221-18 à 221-20 du code pénal lorsque les faits ont entraîné la mort d’autrui ou une incapacité totale de travail supérieure à trois mois. » ;

2° L’article 180 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les infractions mentionnées à l’article 79-1 font l’objet d’une audience sur le fond avant l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date soit de l’ordonnance de renvoi soit, en cas d’appel, de l’arrêt de renvoi non frappé de pourvoi, de l’arrêt déclarant l’appel irrecevable, de l’ordonnance de non-admission rendue en application du dernier alinéa de l’article 186 ou de l’arrêt de la chambre criminelle rejetant le pourvoi.

« Toutefois, si l’audience sur le fond ne peut se tenir avant l’expiration de ce délai, le procureur de la République en informe les parties en mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l’affaire, et précisant la date d’audience retenue. »

La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. « La patience, c’est notre grande vertu, c’est notre drame aussi. Un jour nous ne serons plus patients. » Ces paroles de Léo Ferré sont en parfait accord avec les demandes exprimées par les parties civiles. En effet, comment être patient face à l’horreur ? Comment attendre plusieurs années avant que justice ne soit rendue à celui qui a été tué ?

Bien entendu, la justice doit faire son travail ; cela demande du temps, d’autant que la liberté et l’honneur d’une personne sont en jeu. Toutefois, à ce jour, les délais d’audiencement dépassent l’entendement et sont tout bonnement inacceptables.

Sans mettre en cause le travail des magistrats, dont nous savons l’attachement à soulager la douleur des familles et des proches des victimes, ces années d’attente épuisent. Pire, elles font naître ou renforcent la méfiance envers l’institution judiciaire.

Vous l’aurez compris, cet amendement vise à raccourcir ces délais dans le seul objectif d’assurer une réponse pénale plus rapide aux délits routiers.

M. le président. Les amendements nos 19 rectifié et 20 rectifié ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 5 rectifié bis ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Je comprends tout à fait votre demande, ma chère collègue, mais l’adoption de cet amendement conduirait à priver les victimes de la possibilité d’une enquête préliminaire, qui trouve parfois une conclusion beaucoup plus rapide que l’instruction préparatoire.

C’est pourquoi je vous invite à le retirer ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Parfois, les affaires sont résolues grâce à une enquête préliminaire. Pour le coup, votre proposition aurait pour effet d’allonger artificiellement le délai de jugement, que vous souhaitez à l’inverse réduire ; cela ne serait pas compris par les victimes ou leur famille. Quand on peut faire court, il faut faire court !

Par ailleurs, si l’instruction, obligatoire en matière criminelle, est facultative en matière délictuelle, il n’en reste pas moins que, dans tous les dossiers complexes, le procureur requiert l’ouverture d’une information judiciaire.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Madame Borchio Fontimp, l’amendement n° 5 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Non, je le retire, monsieur le président.