M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la réforme du pacte de stabilité et de croissance prévoit la réalisation par les États membres d’un plan budgétaire et structurel à moyen terme pour la période 2025-2029. Le respect de la trajectoire prévue par ce dernier suppose la production d’un rapport d’avancement annuel, objet de notre débat du jour, publié en 2025 pour la première fois et qui détaille les prévisions financières et les réformes envisagées pour garantir le respect de la trajectoire globale du PSMT.

Étant concernée par une procédure de déficit excessif, la France doit veiller au respect de la trajectoire définie dans son PSMT.

La réduction du déficit public de 5,8 % du PIB en 2024 à 5,4 % en 2025 lui permet de garantir un tel respect, mais sur une nouvelle échelle. Surtout, la trajectoire présentée jusqu’en 2029 – nous devons en prendre acte – permet à notre pays de se conformer au critère d’évolution de la dépense publique qui l’engage sur les dépenses à venir, en année seule comme en cumul d’exercices.

Pourtant, la situation de la France reste très préoccupante, bien loin de ce qu’exige la loi de programmation pluriannuelle. La trajectoire du PSMT suppose désormais un effort d’ajustement des finances publiques de 110 milliards d’euros à l’horizon de 2029, contre 50 milliards d’euros seulement en 2022. Le dérapage du déficit public en 2023 et en 2024, années noires s’il en est, a en effet conduit à plus que doubler l’effort d’ajustement nécessaire pour ramener le déficit sous les 3 %.

Principale inquiétude : la dette. Le ratio d’endettement dépasserait, si la tendance actuelle se prolongeait, 125 % du PIB en 2029 et s’approcherait du seuil de 130 % du PIB dès 2031. En particulier, la charge de la dette augmenterait continuellement, pour atteindre 3,4 % du PIB en 2029, soit 112 milliards d’euros, c’est-à-dire l’équivalent des budgets cumulés de l’éducation nationale et de la défense.

Il est donc nécessaire de respecter la trajectoire actuelle et d’engager l’effort de redressement à hauteur de 110 milliards d’euros d’ici à 2029 : tout retard supplémentaire rendrait les ajustements indispensables plus importants et plus difficiles encore. L’année 2025 est donc déterminante pour, enfin, amorcer une trajectoire sérieuse de redressement des finances publiques après deux faux départs en 2023 et en 2024, car nous subirons une austérité imposée si nous ne parvenons pas à trouver des solutions par nous-mêmes.

Il est en effet urgent de restaurer la crédibilité des engagements de la France en matière de finances publiques, afin d’éviter une hausse incontrôlée de la charge de la dette – celle-ci atteint déjà près de 59 milliards d’euros et augmente sous l’effet de son propre poids – et de résorber la divergence avec nos partenaires européens. Cela a été dit, la France reste, hélas ! le cancre de l’Europe.

Alors que l’année 2025 doit être celle de la préparation de réformes de structure et d’un budget ambitieux pour 2026, afin de garantir le respect de la trajectoire du PSMT, les réformes présentées par le Gouvernement apparaissent insuffisantes et bien limitées, étant entendu que les efforts budgétaires prévus pour 2025 ne sauraient être reconduits.

La hausse des prélèvements obligatoires, telle qu’elle est mise en œuvre, repose principalement, en effet, sur des mesures temporaires, parfois circonscrites au seul exercice 2025, et pèse fortement sur les contribuables. Quant aux réductions de dépenses réalisées, elles s’appuient majoritairement sur des coups de rabot, dont la reconduction pour les prochains exercices n’est ni garantie ni, surtout, souhaitable. Ces coups de rabot affectent les dépenses sans en renforcer l’efficience et surtout sans cibler les crédits improductifs.

Voilà qui nécessite de poser la question de la répartition des efforts : l’assainissement des finances publiques ne saurait peser sur le potentiel de croissance à moyen terme via des hausses de prélèvements obligatoires disproportionnées ou des réductions de dépenses défavorables à l’activité économique.

Or les réformes que propose le Gouvernement, dans le rapport d’avancement annuel, en gage de crédibilisation du respect de la trajectoire du PSMT apparaissent insuffisamment documentées et peu à même de garantir une consolidation à hauteur de 110 milliards d’euros. La volonté politique semble encore, hélas ! bien absente, dans un océan d’incertitudes qui nous submerge, certes, mais auquel ne répond qu’une impuissance coupable, que nos concitoyens ne comprennent plus.

Vous vous contentez en effet de proposer pour 2026 une nouvelle méthode de revue des dépenses et un examen plus approfondi des niches fiscales. Soit. Toutefois, ces exercices ont déjà été menés au cours des années récentes, avec des résultats en demi-teinte. À défaut de choix politiques clairs et ambitieux, ces propositions ne sauraient produire d’effets significatifs à l’échelle budgétaire.

De même, les propositions de réforme que vous présentez dans le rapport apparaissent très vagues, sans chiffrage ni étude d’impact financier, et peu à même de crédibiliser la démarche budgétaire générale.

L’urgence est donc aux réformes structurelles, particulièrement en matière de régulation des dépenses sociales, lesquelles pèsent plus qu’ailleurs en Europe sur nos finances publiques, et de refonte des relations financières entre l’État et les collectivités – mais il faut agir, cette fois, sans spolier ces dernières, tant la dépense locale reste la seule garante du service public et d’investissements pour l’avenir.

L’absence d’évocation au sein du rapport d’une réelle réforme de l’État et de notre système social nous conduit à nous interroger sur votre volonté politique comme sur votre capacité à respecter la trajectoire nécessaire du PSMT. Faire des choix ou subir, voilà l’alternative à laquelle nous sommes collectivement confrontés ; nous souhaitons y faire face avec justice et courage.

Ces débats nous épuisent, comme ils épuisent nos concitoyens. Aujourd’hui, l’heure des choix est venue : le temps n’est plus à la pédagogie, les enjeux étant désormais bien perçus par chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Fouassin.

M. Stéphane Fouassin. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le rapport d’avancement relatif à notre trajectoire budgétaire confirme l’engagement déterminé du Gouvernement pour restaurer nos finances publiques, malgré un contexte économique international incertain. Après avoir atteint 5,8 % du PIB en 2024, le déficit est en voie d’être réduit à 5,4 % cette année, grâce à un effort majeur de maîtrise des dépenses de l’État et des collectivités.

À moyen terme, l’objectif est clair : ramener le déficit public à 4,6 % du PIB en 2026, puis sous la barre des 3 % d’ici à 2029, conformément aux ambitions du plan budgétaire et structurel. La trajectoire présentée dans ce rapport permet de respecter l’évolution de la dépense primaire nette recommandée par le Conseil européen, un engagement crucial pris par la France jusqu’en 2029.

Je tiens d’ailleurs à saluer la rigueur du Gouvernement, qui parvient à maintenir la croissance de cette dépense à 0,9 %, et cela malgré les incertitudes économiques mondiales – hausse des droits de douane, tensions internationales et financières. Si le déficit n’est pas encore une espèce protégée, il est désormais traité avec prudence et méthode.

Cependant, nous devons veiller à ce que cet effort collectif bénéficie à tous nos territoires. Le souci d’équité territoriale doit continuer de guider notre action. Les ajustements nécessaires ne doivent pas aggraver les fragilités existantes, notamment dans les territoires ultramarins et ruraux, qui connaissent des réalités économiques et sociales particulières. Le Gouvernement a déjà montré sa vigilance sur ce point, mais nous devons poursuivre et amplifier cette dynamique.

À cet égard, je salue les efforts déjà réalisés pour associer les territoires à la mise en œuvre des politiques publiques et je forme le vœu que cette démarche de coconstruction soit amplifiée. La réussite du redressement passe par l’adaptation permanente aux réalités locales, par l’écoute de nos élus de terrain et par l’accompagnement différencié de nos concitoyens.

En tant que médecin, je suis particulièrement attentif aux réformes entreprises pour ce qui est de notre système de santé. Les mesures contre les déserts médicaux, la lutte contre la pénurie de soignants et les investissements dans les établissements médico-sociaux sont absolument essentiels. L’usage renforcé de l’intelligence artificielle pour améliorer la pertinence des prescriptions ou encore le suivi des patients atteints d’une affection de longue durée sans médecin traitant va dans le bon sens.

Toutefois, veillons à ce que ces réformes soient concrètes et adaptées aux réalités locales, car un système de santé performant, c’est d’abord un système proche des patients, humain et réactif partout sur le territoire.

De la même manière, la prise en compte des spécificités locales dans les politiques de transition écologique, notamment pour les territoires ultramarins, illustre une approche pragmatique et juste de la transformation de notre modèle économique. Il s’agit de construire une écologie de solutions, respectueuse des contraintes et des atouts de chaque territoire.

Il conviendra néanmoins de renforcer cette logique dans les politiques de soutien à l’emploi. Dans les territoires où le chômage structurel reste élevé, des dispositifs adaptés doivent continuer d’être développés, pour éviter tout effet d’éviction et garantir que l’effort national en faveur de l’emploi profite pleinement aux plus fragiles. Le travail doit demeurer un puissant levier d’émancipation et de cohésion sociale.

J’invite donc le Gouvernement à prolonger avec la même exigence et le même esprit d’ouverture l’association des territoires à l’évaluation et à l’ajustement de ces politiques publiques, car les succès de demain s’écriront dans la coconstruction et dans l’adaptation permanente aux réalités de terrain.

Le groupe RDPI apporte donc son plein soutien à cette trajectoire responsable et ambitieuse et continuera d’être un partenaire exigeant et engagé pour en assurer le succès au service de tous les Français.

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce rapport sur la trajectoire de nos finances publiques dresse un état des lieux sans complaisance. Tant mieux, car la lucidité est évidemment le premier pas sur le chemin de la solution !

Oui, les défis auxquels notre pays doit faire face sont immenses, vous le savez. Mais la lucidité ne suffit pas : nous attendons désormais une volonté politique.

Sortir la France de la stagnation économique et du surendettement, oui, c’est impératif. Mais sortir les Français de l’espèce de désespérance financière et de l’anxiété qui les plombent au quotidien, voilà ce que l’on attend aussi de la volonté politique.

La voie de l’austérité, celle du serrage de vis budgétaire, celle des mauvaises nouvelles et des horizons tristes, ne saurait suffire. Le groupe du RDSE partage donc l’objectif d’assainissement de nos finances publiques, mais nous refusons tout fatalisme budgétaire qui s’appuierait sur des projections technocratiques pour figer l’action, et cela pour plusieurs raisons.

Première raison, les projections sont bourrées d’incertitudes. On l’a vu avec les estimations de recettes pour l’exercice 2024. Aujourd’hui, l’environnement international aggrave considérablement le risque d’erreur. Mais, voilà six mois déjà, à cette tribune, je m’inquiétais des hypothèses de croissance au regard des remontées du terrain. Et voilà que, de +1,1 %, on est aujourd’hui à +0,7 %…

L’exécutif est tenu par ses prévisions de croissance et fait le choix du repli par crainte légitime de sortir des clous budgétaires, comme on vient de le voir avec l’annulation par décret de plus de 3 milliards d’euros de crédits. Cette annulation concerne des missions aussi essentielles que la recherche, l’économie, l’agriculture ou, comme toujours, l’aide au développement.

Cette navigation à vue, toujours moins-disante, produit des économies non pérennes, sans stratégie d’ensemble, et nous prive des réformes structurelles nécessaires. Il est vrai que l’on annonce 3 milliards d’euros d’économies par la suppression ou la fusion d’un tiers des agences de l’État. Le groupe du RDSE se réjouit d’avoir eu raison trop tôt, il y a dix ans, lorsque Jacques Mézard publiait son rapport sur les autorités administratives indépendantes… Mais, là encore, il nous semble que la prudence est de rigueur pour ce qui est des économies attendues.

La deuxième raison pour laquelle nous refusons le fatalisme budgétaire, c’est qu’il en appelle aux efforts de tous, mais qu’il ne se traduit pas toujours par des mesures de justice fiscale. On vient de le voir avec l’exemple édifiant de la taxation des dividendes : Bercy contourne allègrement la volonté du législateur pour laisser perdurer une pratique frauduleuse.

S’agissant du redressement de nos comptes publics, on ne saurait renoncer ni à actionner le levier des recettes ni à répondre à la demande de justice fiscale que la classe moyenne française nous implore de satisfaire. La situation budgétaire est directement liée à des baisses de fiscalité ; il n’y a pas d’autre solution que de revenir en partie sur ces décisions.

Enfin, si nous refusons le fatalisme budgétaire, c’est aussi parce que la méthode du rabot qui l’accompagne présente un risque récessif pour l’économie et ne prépare absolument pas l’avenir – financer la mutation énergétique et industrielle, investir dans l’innovation et la recherche pour retrouver de la compétitivité et assurer notre sécurité.

Au fond, ce que dit ce rapport est aussi instructif que ce qu’il ne dit pas.

Il ne dit pas comment mobiliser le levier des recettes ; celui-ci est pourtant indispensable à la préservation de notre modèle social républicain, qui a évidemment besoin de plus d’efficience, mais dont la force est indiscutable, de même que l’attachement que lui vouent les Français. Ce modèle a un coût, qu’il nous faut assumer collectivement.

Ce rapport ne dit pas comment la France va garder demain une capacité de réaction et d’ambition. Or c’est là toute la question : se contenter de gérer la pénurie prépare le déclin. Prenons exemple, à cet égard, sur certains de nos voisins européens.

Ce rapport ne dit pas non plus ce que sont les réformes structurelles qui, seules, peuvent rendre la dette soutenable à partir de 2030. La charge de la dette va augmenter jusqu’en 2028. Sa soutenabilité repose sur l’hypothèse que le plateau historiquement haut où elle se trouve sera suivi d’une décrue prolongée au-delà de 2030, pendant au moins dix ans. Je le dis très tranquillement : cette décrue n’aura pas lieu sans une réforme profonde menée dans les trois années qui viennent.

Voilà en quelques mots ce que nous inspire la lecture de ce rapport : réformons, travaillons et investissons. L’avenir nous appartient. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Michel Canévet. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous connaissons le paradoxe consistant à examiner un rapport annuel d’avancement du plan budgétaire et structurel à moyen terme alors même que ce document relatif à nos comptes publics a été préparé il y a six mois seulement et que la Commission européenne ne l’a validé qu’il y a trois mois.

Reste que les membres du groupe Union Centriste sont particulièrement préoccupés par l’état des finances publiques. Nous sommes en effet échaudés par la situation que nous avons connue l’année dernière, en 2024, en matière de comptes publics. En 2023 avait été votée une loi de finances initiale où était inscrite une prévision de déficit public pour 2024 à 4,4 % du PIB. Or, vous le savez tous, le déficit fut en définitive de 5,8 % du PIB.

Voilà qui appelle de notre part une extrême vigilance ; c’est ce qui justifie que nous soyons en ce moment même en train de débattre de la situation financière de notre pays.

C’est vrai, la situation est préoccupante. Le déficit annoncé ne correspond pas aux épures qui avaient été posées lorsque nous discutions de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Il était prévu, je vous le rappelle, que le solde structurel des administrations publiques s’établisse à –3,3 % du PIB en 2025. Et, y compris dans la version initiale du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029, la prévision de solde public s’établissait à un autre niveau que celui à partir duquel nous commençons l’année. C’est dire l’enjeu qui est devant nous : il est crucial que nous puissions apporter à ce problème des réponses appropriées.

J’y insiste, madame, monsieur les ministres, les défis qui se présentent à nous sont extrêmement importants : la transition écologique, que nous appelons de nos vœux, est absolument impérative ; il est nécessaire également d’assurer notre sécurité, ce qui demandera des moyens ; quant à la situation particulièrement préoccupante de l’endettement public, les orateurs qui m’ont précédé l’ont déjà décrite.

Le Premier président de la Cour des comptes nous le rappelait ce matin, l’encours total de la dette de l’État atteint 2 602 milliards d’euros, dont une partie sera à renégocier dans les années qui viennent, ce renouvellement promettant d’avoir un impact extrêmement significatif sur notre capacité à agir demain pour mener des politiques publiques qui sont nécessaires, comme je viens de le dire.

L’effort à consentir demandera donc du courage, madame, monsieur les ministres, car il s’agit de réduire une dépense publique dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est particulièrement élevée, ce que démontrent les comparaisons avec nos voisins européens. Le journal Les Échos, il y a trois jours, nous donnait le bonnet d’âne des pays de la zone euro : c’est dire l’effort qu’il faudra accomplir et le courage qu’il faudra avoir pour proposer des réformes structurelles, qui sont nécessaires, mais auxquelles le contexte politique n’est sans doute pas des plus favorables.

Reste qu’il va falloir agir dans le sens que j’ai indiqué. Et vous pouvez compter sur les membres du groupe Union Centriste pour appuyer un certain nombre de propositions à cet égard – Vincent Delahaye y reviendra tout à l’heure.

De manière générale, nous croyons beaucoup – c’est vrai, monsieur le rapporteur général – à la nécessité de favoriser l’entrepreneuriat et l’activité économique dans notre pays. Ceux-ci sont clairement entravés par des contraintes administratives de toute nature. Et la clé de la réponse aux besoins de financement qui sont les nôtres est en partie à trouver dans le retour d’une croissance génératrice de ressources – car nous ne partageons pas l’idée selon laquelle il faudrait augmenter les impôts.

Or cette croissance est possible : il y a de la volonté dans notre pays et des acteurs prêts à agir, mais aussi des entraves administratives, qu’il convient de lever. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui du plan budgétaire et structurel de moyen terme et de son actualisation, en examinant le rapport d’avancement annuel adressé à notre commission des finances.

Nous ne sommes pas là pour remettre en cause dans leur technicité les documents qui nous ont été transmis. C’est l’esprit ayant présidé à la conception de ce rapport qui nous préoccupe fortement. À chaque ligne, en effet, nous découvrons un renoncement de plus : c’est l’abandon de toute ambition économique, sociale et démocratique qui est consacré. Vous avez fait vos choix ; les faits sont là.

Depuis 2017, nous assistons à une baisse tendancielle des recettes publiques : suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, flat tax, baisse de l’impôt sur les sociétés, plafonnement de la fiscalité sur les dividendes.

S’y ajoute un stock d’aides directes, de niches fiscales et d’exonérations sociales au bénéfice des entreprises qui oscille entre 180 milliards et 250 milliards d’euros par an, selon la Cour des comptes. Cette instance, du reste, confirme également que la moitié du déficit public provient bien de la baisse des prélèvements obligatoires.

Nous sommes face à un continent budgétaire où se mêlent l’injuste, l’inefficace et l’injustifiable ! Pourtant, vous ne revenez pas sur ces décisions : vous prétendez rétablir les comptes sans jamais toucher à ce gisement. Votre choix, ce n’est pas celui d’une politique d’équilibre : c’est celui d’une politique de classe.

L’ajustement budgétaire que vous projetez atteint 110 milliards d’euros d’ici à 2029. En 2026, il faudra trouver 40 milliards d’euros. Et vous les chercherez, une fois encore, dans les services publics, dans les dépenses sociales et au détriment des collectivités.

C’est ainsi que vous avez annoncé le week-end dernier, sans prendre le soin d’en débattre réellement avec le Parlement, l’annulation de 3,1 milliards d’euros de crédits qui étaient alloués aux collectivités. Les aides à l’investissement, telles que le fonds vert et la dotation politique de la ville, sont les plus affectées. Et que dire de la suppression de politiques publiques et de la fusion d’agences de l’État que vous annoncez dans la presse pour fin décembre 2025 ?

Tout cela se fait sans toucher ni aux rentes ni aux superprofits, et sans regarder du côté de l’organisation de notre administration, centrale comme déconcentrée. Ce n’est pas l’État qui ajuste ou qui s’ajuste : c’est la société qui trinque. Le capital, lui, reste intouché et intouchable.

La vérité, c’est que la dette est vendue comme une menace permanente pour imposer l’austérité comme seul horizon, alors qu’elle devrait susciter une réflexion collective et structurelle sur les dépenses d’investissement, mais aussi de fonctionnement.

C’est incompréhensible pour les Françaises et les Français. On leur explique que les caisses de l’État sont vides, qu’ils doivent travailler plus, qu’ils doivent réaliser des efforts. Et voilà qu’ils découvrent, stupéfaits, que l’on compte activer la clause de sauvegarde pour financer l’effort militaire.

Mes chers collègues, une question me taraude : pourquoi cette clause ne pourrait-elle être activée pour la bifurcation écologique, pour la réindustrialisation et pour la justice sociale ? Ces sujets ne sont-ils pas tous essentiels pour notre avenir et pour celui de nos enfants ? L’Histoire nous a en effet enseigné qu’un pays ne tient pas durablement dans le déséquilibre des efforts demandés.

Dans un contexte économique des plus difficiles et des plus inédits pour la plupart des Français, vous annoncez de nouvelles coupes pour l’éducation, le logement social ou les mobilités du quotidien, tout en envisageant une hausse de la TVA, un gel du point d’indice ou encore un affaiblissement de la solidarité locale. Couper dans la santé, couper dans les retraites, c’est transférer des dépenses socialisées vers des dépenses privées et cette orientation remet profondément en cause notre modèle social de couverture universelle pour toutes et tous.

Tout cela est-il bien sérieux ? Tout cela est-il bien raisonnable ? Tout cela est-il bien responsable ?

Vous jetez de l’huile sur un brasier social déjà incandescent en créant la pénurie : pénurie d’enseignants, pénurie de logements, pénurie de soins, pénurie de temps et de sens pour les agents publics. Dans le même temps, vous confortez les dividendes. Le patrimoine des plus grandes fortunes a été multiplié par cinq depuis 2009 et 100 milliards d’euros ont été distribués aux actionnaires du CAC 40 en 2024.

C’est la fracture de la France que vous organisez. Vous ne faites d’ailleurs pas que l’organiser : vous confortez cette fracture sociale, en faisant fi chaque année de l’avis des Français via le refus d’un vote démocratique de votre budget par le Parlement.

Mes chers collègues, une autre voie existe évidemment : celle de la réorientation budgétaire fondée sur la justice fiscale ; celle d’un État stratège se préoccupant davantage des conditions de la mise en œuvre des politiques publiques ; celle de l’investissement massif dans la transition écologique, dans la santé, dans les savoirs ; celle de la coopération industrielle, du partage technologique et de la bifurcation productive.

Bref, nous avons besoin d’une politique du futur là où vous persistez à administrer le passé. Nous ne souscrivons donc pas à ce plan. Nous ne l’amenderons pas : nous le refusons dans son principe, dans ses méthodes et dans ses conséquences. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, force est de constater que ce débat s’inscrit dans une dynamique positive quant au contrôle de la dépense publique. En effet, il concrétise la vision d’un Parlement davantage mobilisé dans l’analyse de l’exécution budgétaire – une telle vision avait d’ailleurs guidé la révision de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) en 2021 –, par la fusion du débat d’orientation budgétaire et du débat sur le programme de stabilité en une séquence unique, qui a lieu aujourd’hui, désormais consacrée à l’évaluation.

Ce débat est le premier à s’attacher au contrôle du respect de la trajectoire de finances publiques présentée en octobre 2024 dans le plan budgétaire et structurel à moyen terme, né de la réforme du semestre européen.

La pratique budgétaire elle-même évolue dans une bonne direction depuis quelques mois. Après deux exercices marqués par d’exceptionnels dérapages des comptes publics, que notre commission des finances a largement documentés, et par une incapacité absolue à freiner l’évolution des dépenses du champ social ou à accompagner efficacement les collectivités face à leurs dépenses contraintes, le PLF et le PLFSS pour 2025 marquent un effort historique de près de 50 milliards d’euros.

Cet effort, principalement porté par l’État, dont les dépenses devraient connaître en 2025 une quasi-stabilité en volume, mérite d’être souligné.

À cet effort de consolidation est conjuguée la construction d’un nouveau cadre de pilotage des comptes publics, qui associe enfin les parlementaires des commissions compétentes. Un comité d’alerte a été installé le 15 avril ; il faut poursuivre cet élan. En effet, la lecture de ce rapport d’avancement laisse poindre la crainte que, derrière ces évolutions, rien n’ait véritablement changé.

L’heure n’est pas à l’autocongratulation. Je l’ai dit au mois de février dernier, le budget adopté pour 2025 était le pire à l’exception de tous les autres. Nous avons le devoir d’agir pour garantir la soutenabilité de la dette publique, pour renouer avec la crédibilité internationale, qui trop souvent nous fait défaut, et pour répondre aux immenses défis des transitions écologique, numérique et démographique.

Cette exigence suppose d’atteindre la cible inscrite dans le PSMT, à savoir une consolidation de près de 110 milliards d’euros en quatre ans.

En vue d’en assurer l’effectivité, une série de réformes est égrenée pour les années à venir : accélération de la transition écologique, modernisation de notre système de santé, renforcement de la lutte contre la fraude, soutien à l’emploi, renforcement de la compétitivité.

Or, je suis bien obligée de le constater, de PNR (programme national de réforme) en PNR, de PNR en R2A (rapport d’avancement annuel), la documentation des réformes demeure lacunaire ; seule la sémantique utilisée évolue, et encore, à la marge. Ces éléments de langage satisferont peut-être les superviseurs européens, mais, jusqu’à présent, ils n’ont pas permis de rétablir nos comptes.

On peut prédire que des stratégies ou plans pluriannuels, des conventions ou des assises nationales de dialogue, des instances de suivi et de recommandation seront proposés en guise de soutien à ces orientations particulièrement peu précises…

S’y ajouteront de nouvelles méthodes de réalisation des revues de dépenses. Mais il n’y a là aucune innovation majeure ! Entre 1946 et 2017 – j’insiste sur cette dernière borne –, le Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics s’est bel et bien préoccupé d’organiser des revues de dépenses. Et l’inspection générale des finances (IGF) a déjà réalisé des revues particulièrement pertinentes, dont on peut se demander si le seul emploi n’est pas de caler les très nombreuses portes du vaisseau amiral de Paul Chemetov. (Sourires.) Tout cela n’est pas sérieux !

Si nous pouvons nous satisfaire de l’effort consenti dans le budget 2025, la méthode utilisée pour en déterminer les modalités est à déplorer : des coups de rabot non concertés, des choix de dernière minute, le tout s’inscrivant dans le plus pur confort électoral… Vu la consolidation d’ampleur qui nous attend, la défiance citoyenne ne peut nous laisser indifférents. Le temps n’est plus à la réformette paramétrique heureuse.

J’y insiste, les dépenses sociales ne peuvent plus faire l’objet de simples mesurettes. Pourquoi ne pas refondre entièrement le système français de double couverture dans le sens indiqué par la Cour des comptes dans un rapport de juillet 2021 – on a dû avoir le temps de se l’approprier ! –, via la restructuration du secteur des complémentaires santé et la création d’un bouclier sanitaire unique ?

La sécurité sociale fait mieux que le secteur privé, pour moins cher. Dès lors, pourquoi persister dans un système de double cotisation et de double remboursement ayant prouvé son inefficacité ?

Les dépenses locales, quant à elles, ne peuvent plus être la variable d’ajustement des budgets successifs ni continuer de reposer sur un système devenu illisible, incompréhensible et inapte à favoriser des trajectoires d’investissement ambitieuses comme des efforts en fonctionnement. Fiscalité locale, dotations de l’État ou mécanismes de péréquation n’ont pas besoin d’une énième conférence des parties prenantes ou vague de contractualisation ; ils appellent à une refonte complète.

Enfin, l’architecture de nos finances publiques ne peut plus être conservée en l’état. Une consolidation aussi large que celle qui nous attend doit reposer sur un cadre financier clair, lisible, intégré et pilotable.

Les complexités effarantes du système actuel sont préjudiciables à l’atteinte de nos objectifs. Par exemple, il est strictement impossible, à la lecture des documents budgétaires, d’établir un schéma des transferts de l’État aux collectivités ou à la sécurité sociale ou d’avoir une vue d’ensemble des comptes des administrations publiques, du point de vue tant des recettes que des dépenses.

Si je prends l’exemple des collectivités, pour recenser et retracer les 315 milliards d’euros de recettes des administrations publiques locales, il est nécessaire de réunir un total de sept documents : les prélèvements sur recettes (PSR), figurant dans la première partie du PLF ; les comptes de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) au sein de la deuxième partie ; le compte de concours financiers (CCF) « Avances aux collectivités territoriales » ; la fiscalité transférée et les taxes affectées, recensées dans le tome Ier des voies et moyens ; les dégrèvements et subventions, disséminés au sein des missions ministérielles dédiées ; les transferts entre administrations de sécurité sociale (Asso) et administrations publiques locales (Apul), inscrits au seul PLFSS, à l’instar du versement mobilité ; enfin, toutes les recettes locales et subventions européennes, dont le montant est uniquement précisé dans le rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).

Dans le rapport d’avancement annuel, il est écrit que la trajectoire du PSMT sera respectée grâce « aux réformes ultérieurement présentées par le Gouvernement et adoptées par la représentation nationale »…

Madame, monsieur les ministres, le Parlement n’est pas une simple chambre d’enregistrement. Il n’est pas admissible que le dispositif « anti-CumCum » proposé par M. le rapporteur général, adopté à l’unanimité au Sénat et par la commission mixte paritaire, soit actuellement détricoté par Bercy sous la pression de certains acteurs financiers !